Matières à Réflexions

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La notion de "biens communs" renvoie à une conception politique en ce qu'ils visent des biens objectivement marchands comme les biens culturels ou les prestations médicales mais dont la collectivité va poser que chacun doit y avoir accès alors même que l'individu n’a pas les moyens d’en payer le prix exact. C’est alors le contribuable - présent ou futur - ou les partenaires sociaux qui en supporteront le coût, voire certaines entreprises par le mécanisme de "responsabilité sociétale".

Cette protection des biens communs peut être faite par l’État, au nom de l'intérêt du groupe social dont il a la charge et dont il exprime la volonté, à travers notamment la notion d'intérêt général. Dans ce cadre aujourd'hui restreint que représente l’État, une telle référence se heurte au principe de concurrence. Cela est particulièrement net en Europe, qui repose sur une Union construite sur un ordre juridique autonome et intégré dans les États-membres dans lequel la concurrence continue d'avoir valeur de principe et bénéficie du mécanisme de la hiérarchie des normes. L'évolution du droit européen a mis en équilibre le principe de concurrence avec d'autres principes, comme celui de la gestion des risques systémiques, par exemple sanitaires, financiers ou environnementaux et la création de l'Union bancaire montre que le principe de concurrence n'est plus faîtier dans le système européen.

Mais l'on en reste encore à une conception économique et financière de l'Europe que la définition du Droit de la Régulation, lorsqu'on le restreint à la gestion des défaillances de marché alimente. Il est concevable que l'Europe évolue un jour vers une conception plus humaniste de la Régulation, celle-là même que les États européens pratiquent et défendent, notamment à travers la notion de service public. Les services publics concrétisent l'accès de chacun à des biens communs, comme l'éducation, la santé ou la culture.

Paradoxalement, alors même que le Droit ne se met guère en place à l'échelle mondiale, c'est à ce niveau-là que la notion juridique de "biens communs" s'est développée.

Lorsqu'on se réfère à des biens que l'on dit "biens globaux", on vise alors des biens qui sont communs à l'humanité, comme les océans ou les civilisations. C'est tout à la fois le cœur de la nature et le coeur de l'être humain, ce qui plonge le plus dans le passé et le futur. Paradoxalement, la notion de "biens globaux" est plus encore politique en substance mais faute de gouvernement politique mondial, leur protection effective est difficile, leur consécration politique ne pouvant être effective que nationalement ou que simplement déclaratoire internationalement. C’est pourquoi, cet équilibre à leur bénéfice ne s’opère pour l’instant qu’à l’échelle nationale, ce qui renvoie à la difficulté de la régulation de la mondialisation.

Ainsi, les "biens communs" existent juridiquement davantage sous leur face noire : les "maux globaux", contre lesquels un "Droit global" se met effectivement en place. La notion des "maux globaux" constitue une sorte de miroir des biens communs. On observe alors que les pays qui développent des discours juridiques de régulation des maux globaux et des biens globaux déploient de ce fait un droit national unilatéral mondial. C'est le cas des États-Unis, notamment en régulation financière ou plus largement à travers le Droit de la Compliance en train de naître. Les entreprises y ont leur rôle à jouer, notamment à travers les Codes de conduite et la Responsabilité sociétale.

Base Documentaire : 8. Code monétaire et financier

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le secteur des télécommunications fut le premier secteur à être libéralisé en Europe, non pas tant par volonté politique, mais parce que le progrès technologique avait de fait fait déjà entré la concurrence dans le secteur et qu’il convenait mieux de l’organiser plutôt que de laisser la concurrence s’installer en désordre.

Le secteur de la téléphonie fut libéralisé par directive communautaire, la loi de transposition de 1996 ayant installé l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART, aujourd’hui l’ARCEP, qui a eu pour tâche de favoriser les nouveaux entrants et de construire le marché des mobiles, en attribuant des fréquences. L’enjeu aujourd’hui n’est plus la libéralisation mais l’accompagnement de l’innovation technologique et de l’incitation des opérateurs à y procéder, par exemple dans les lignes ADSL, afin que des phénomènes comme l’échec du « plan câble » ne se renouvellent pas, que le "plan fibre" se déroule mieux, etc..

La maturité concurrentielle fait que l’Autorité de concurrence intervient fréquemment en matière de télécommunications, notamment lorsque des autorisations de concentrations doivent être données par cette Autorité, le Régulateur ne formulant qu'un avis.

Par ailleurs, l'enjeu majeur actuel qui a remis à l'ordre du jour les discussions autour de la dialectique entre contenant et contenu est de déterminer la place que les télécommunications ont et auront dans le numérique et qui pourrait être une régulation spécifique d'Internet, et par là même le Régulateur des télécommunications.

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Lagarde, Ch., A regulatory Approch to FinTech, mai 2018. 

 

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : E. Netter, "Les technologies de conformité pour satisfaire les exigences du droit de la compliance. Exemple du numérique", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de cette contribution (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : L’auteur distingue la Compliance qui renvoie aux buts monumentaux et la conformité, qui sont les moyens concrets que l’entreprise utilise pour tendre vers eux, par des procédés, des checks-liksts dans le suivi desquels l’opérateur rend des comptes (art. 5.2. RGPD). La technologie permet à l’opérateur de satisfaire à cette exigence, le caractère changeant des technologies s’ajustant bien au caractère très général des buts visés, qui laissent un large place aux entreprises et aux autorités publiques qui produisent du droit souple.

L’étude s’attache tout d’abord aux technologies existantes. A ce titre, le Droit peut par la Compliance interdire une technologie ou en restreindre l’usage, parce qu’elle contrarie les buts visés, par exemple la technologie de la décision entièrement automatisée produisant des effets juridiques sur des personnes. Parce que l’exercice est périlleux de dicter par la loi ce qui est bon et ce qui est mauvais en la matière, la méthode est plutôt celle de l’explicabilité, c’est-à-dire de la maîtrise par la connaissance par les autres.

Les Régulateurs développent pourtant de nombreuses exigences issues des Buts Monumentaux de la Compliance. Les opérateurs doivent mettre à jour leur technologie ou abandonnent la technologie obsolescente au regard des nouveaux risques ou pour permettre une concurrence effective ne n’enfermant pas les utilisateurs dans un système clos. Mais la puissance technologique ne doit pas se retourner et devienne trop intrusive, la vie privée et la liberté des personnes concernées devant être respectées, ce qui conduit aux principes de nécessité et de proportionnalité.

L’auteur souligne que les opérateurs doivent se conformer à la réglementation en recourant à certaines technologies, si elles sont disponibles, voire de contrecarrer celles-ci si elles sont contraires aux buts de la réglementation mais uniquement toujours si elles sont disponibles, la notion de « technologie disponible » devenant donc le critère de l’obligation ce qui en fait varier le contenu au fil des circonstances et du temps, notamment en matière de cybersécurité.

Dans une seconde partie, l’auteur examine les technologies qui ne sont que potentielles, celles que le Droit, notamment le Juge, pourrait requérir de l’entreprise qu’elle les invente pour remplir son obligation de compliance. Cela se comprend bien lorsqu’il s’agit de technologies en germe, dont la réalisation va se réaliser, par exemple en matière de transfert de données personnelles pour satisfaire le droit à la portabilité (RGPD) car il faut inciter les entreprises à développer des technologies qui leur sont d’un profit moins immédiate ou en matière de paiement sécurisé pour assurer une authentification forte (DSP 2).

Cela est plus difficile pour des technologies dont la faisabilité n’est pas même certaine, comme la vérification de l’âge en ligne ou l’interopérabilité des messageries sécurisés, deux exigences qui paraissent technologiquement contradictoires dans leurs termes , ce qui relève donc encore de la « technologie imaginaire ». Mais par la Compliance la pression exercée sur les entreprises, notamment les entreprises technologiques du numérique est telle que les investissements sont considérables pour y arriver.

L'auteur conclut que c'est pourtant l'ambition même de la Compliance et que l'avenir verra quel en sera le succès. 

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🦉Cet article est accessible en texte intégrale pour les personnes inscrites aux enseignements de la professeur Marie-Anne Frison-Roche

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La concurrence est la loi du marché, au sens où elle lui serait "naturelle". Elle permet l’émergence du prix exact, que l’on désigne souvent sous l’appellation de « juste prix ». Elle signifie et requiert que les agents sur le marchés sont à la fois mobiles, c'est-à-dire libres d’exercer leur volonté, et atomisés, c'est-à-dire non regroupés entre eux. Cela est vrai pour ceux qui proposent un bien ou un service, les offreurs, comme pour ceux qui cherchent à les acquérir, les demandeurs : les offreurs cherchent à s’attirer les demandeurs pour que ceux-ci leur achètent les biens et services qu’ils proposent. En cela, ils sont entre eux en concurrence.

Sur le marché concurrentiel, les acheteurs se laissent aller à leur infidélité naturelle : quand bien même ils auraient précédemment acheté un produit à un offreur A, ils pourront - voire devront, car cela est rationnel - s’en détourner au profit d’un offreur B si celui-ci leur offre un produit plus attractif quant à sa qualité ou son prix. Le prix est l’information principale que mettent les offreurs sur le marché pour exciter cette mobilité concurrentielle des offreurs. Ainsi, la libre concurrence accélère la fluidifie du marché, la circulation des biens et services, fait monter la qualité des produits et services et fait baisser les prix. Il s’agit donc d’un système moral et vertueux, comme le voulait Adam Smith, système qui est donc le fruit des vices individuels. C’est pourquoi tout ce qui va injecter de la « viscosité » dans le système va être combattu par le Droit de la concurrence comme systémiquement « non vertueux » : non seulement les accords frontaux sur les prix mais encore et par exemple les clauses d’exclusivité, les accords par lesquels les entreprises retardent leur entrée sur le marché ou bien des droits de propriété intellectuelle qui réservent au titulaire de brevet un monopole.

Certes, le droit de la concurrence ne peut être réduit à une présentation d’une telle simplicité car il admet des organisations économiques qui s’éloignent de ce modèle de base, par exemple les réseaux de distribution ou les mécanismes de brevets sur lesquels est notamment  construit le secteur pharmaceutique. Mais l’incidence est d’ordre probatoire : dans la sphère du droit de la concurrence, si l’on est dans un schéma qui ne relève pas de la figure fondamentale de la libre confrontation de l’offre et de la demande, il faudra démontrer la légitimité et l’efficacité de son organisation, ce qui est une charge lourde pour les entreprises ou les États en cause.

Ainsi,en matière de régulation, si l’on devait estimer que la régulation est une exception à la concurrence, exception admise par les autorités de concurrence mais dont devraient être démontrées sans cesse devant elles sa légitimité et son efficacité au regard de l’ordre concurrentiel, alors les organisations publiques et les opérateurs des secteurs régulés subiraient toujours une charge de preuve très lourde. C’est ce que considèrent souvent les autorités de concurrence.

Mais si l’on considère que les secteurs régulés relèvent d’une toute autre logique que la logique concurrentielle, aussi bien du point de vue économique que du point de vue juridique, le Droit de la régulation se référant notamment à la notion de service public et ayant ses institutions propres que sont les Autorités de régulation, alors certains comportements, notamment monopolistiques, ne sont pas illégitimes en soi et n’ont pas à se justifier face au modèle concurrentiel, car ils n’en constituent pas l’exception (par exemple le service public de l’éducation ou de la santé).

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La théorie économique des incitations suppose implicitement qu’on ne peut contraindre un opérateur à agir contre sa volonté, ou à tout le moins qu’il est plus efficace de lui proposer des avantages de telles sorte qu’il fasse ce que l’on souhaite. En cela, cette conception s’oppose à la conception traditionnelle du Droit, qui pose à l’inverse que les sujets obéissent à l’ordre dicté par la norme juridique.

Mais sur des marchés globalisés, les opérateurs ont les moyens de désobéir et l’asymétrie d’information diminue le pouvoir de contrôle des Régulateurs ce qui fait douter de l’effectivité de la contrainte juridique : il ne suffit pas que le droit ordonne. Dans ces conditions, les textes, les régulateurs et les juges doivent produire des conditions qui incitent les agents à adopter des comportements conformes aux buts recherchés par les Régulateurs parce que les opérateurs y ont eux-mêmes intérêt.

Ainsi, si les systèmes de régulation quelque soit le secteur deviennent de plus en plus répressifs, même dans les économies libérales, ce n’est pas tant pour punir l’auteur des faits, mais pour inciter les tiers tentés d’en commettre d’analogues d’y renoncer. C’est le système de l’exemplarité. Cette pensée antérieure à Beccaria participe à la re-féoadalisation du Droit, démontrée par Pierre Legendre, associée au recul de l ‘État et à laquelle la Régulation participe pleinement. Les juges ont peu tendances à manier la répression de cette façon-là, ce qui crée un choc entre le droit pénal et le droit de la régulation, qui pourtant met la répression en son centre.

De la même façon, la régulation doit injecter des incitations positives, par exemple des récompenses pour communication d‘informations, ce qui incite à la délation, ou des incitations que le régulateur émet à l’égard du gestionnaire de réseau pour que celui-ci fasse des investissements dans l’entretien de celui-ci, contre l’intérêt immédiat de son actionnaire. Enfin, tout le droit et l’économie des brevets sont aujourd’hui pensés comme une incitation à innover. Mais, certaines incitations se sont révélées perverses telles les stock-options ou les bonus. En contrecoup, de nouveaux textes cherchent à réguler ceux-ci.

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le contrôle est une notion si centrale en régulation que les termes anglais Regulation ou l'expression Regulatory system sont souvent traduits par le mot français "contrôle". En effet, le Régulateur contrôle le secteur dont il a la charge. Ce contrôle s’opère ex ante par l’adoption de normes de comportements, soit qu’il interdise des comportements, soit qu’il y oblige. En outre, il dispose souvent par exemple du pouvoir d’agrément d’entreprises entrant dans le secteur ou du pouvoir de certification de certains types de produits vendus sur les marchés dont il a la responsabilité. En outre, il surveille en permanence les secteurs dont il a la charge puisqu’il a pour fonction soit de les construire pour les mener jusqu’à la maturité concurrentielle soit qu'ils demeurent en équilibre entre le principe de concurrence et un autre souci, par exemple de veiller à ce qu’ils ne basculent pas dans une crise systémique. Ces contrôles ex ante distinguent radicalement l’autorité de régulation de l’autorité de concurrence qui n’intervient qu’ex post. Enfin, l’autorité de régulation contrôle le secteur ex post : en cela elle travaille en continuum temporel, en sanctionnant les manquements qu’elle constate de la part des opérateurs aux prescriptions qu’elle a adoptées. Elle dispose souvent d’un pouvoir de règlement des différents si deux opérateurs s’affrontent dans un litige entre eux et le portent devant elle.

Cette fonction de contrôle propre à l’autorité de régulation, fonction qu’elle partage souvent avec l’administration traditionnelle, et qui l’oppose à l’activité de l’autorité de concurrence et des tribunaux, est rendue difficile d’abord par son possible manque d’indépendance. En effet, si le régulateur doit contrôler un opérateur public, il peut risquer d’être capturé par le gouvernement, toute l’organisation du système de régulation devant donc veiller à son indépendance non seulement statutaire mais encore budgétaire par rapport à celui-ci. Ce risque de capture est d’ailleurs permanent non seulement du fait du gouvernement mais encore du fait du secteur. En second lieu, le contrôle peut être inefficace si le régulateur n’a pas les informations adéquates, fiables et en temps voulu, risque engendré par l’asymétrie d’information.

Pour lutter contre celle-ci, selon l’image enfantine du bâton et de la carotte, il faut tout à la fois donner au régulateur des pouvoirs pour extirper des informations que les opérateurs ne veulent pas fournir, les textes ne cessant de donner aux régulateurs de nouveaux pouvoirs, par exemple de perquisition. Symétriquement, les opérateurs sont incités à fournir des informations au marché et au régulateur par exemple à travers les programmes de clémence ou bien la multiplication des informations à insérer dans les documents sociétaires. Enfin l’équilibre est difficile entre la nécessité de lutter contre la capture du régulateur et la nécessité de réduire l’asymétrie d’information car le meilleur moyen pour celui-ci d’obtenir des informations du secteur est de fréquenter assidument les opérateurs : or, cet échange que ceux-ci acceptent très volontiers est la voix ouverte à la capture. C’est donc tout un art pour le régulateur de tenir à distance les opérateurs tout en obtenant d’eux des informations que seules des relations non tendues lui permettent d’obtenir.

Plus encore, le Droit de la compliance qui est en train de se mettre en place a vocation à résoudre cette difficulté majeure, le contrôlé devenant l'agent premier de mise en œuvre du Droit de la Régulation, dont les buts sont internalisés dans l'opérateur, opérateur crucial et global, le Régulateur veillant à la modification structurelle effective de l'opérateur pour concrétiser ces buts de régulation.

 

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : D. Esty et M. Hautereau-Boutonnet, "Derrière les procès climatiques français et américains : des systèmes politique, juridique et judiciaire en opposition", D.2022, p.1606 et s.

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : F. Raynaud, "The administrative judge and compliance", in M.-A. Frison-Roche (ed.), Compliance Jurisdictionalisation, coll. "Compliance & Regulation", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, 2023, p. 

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Jurisdictionalisation, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de l'article :

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Regarder la vidéo expliquant le "droit à l'oubli".

Le "droit à l'oubli" est une invention récente et proprement européenne. Il a été conçu par la Cour de Justice de l'Union européenne dans l'arrêt Google Spain du 13 mai 2014, pour que dans ce monde sans temps, dans lequel toute information est éternellement conservé et disponible qu'est le monde numérique, l'individu ainsi exposé peuvent être protégé contre ce phénomène nouveau, puisque l'oubli n'existe plus, par le Droit qui par sa puissance le dote d'un "droit à être oublié". En cela le vocable de Right to be forgotten est plus exact. 

Parce que le Droit est fait pour protéger les êtres humains, l'efficacité technologique qui a créé le monde digital est limitée par la prérogative juridique nouvelle de la personne à rendre inatteignable une information qui la concerne lorsqu'elle revêt un "caractère personnel". Cela fût repris par le règlement communautaire du 27 avril 2016, dit souvent RGPD, transposé dans les Etats-membres de l'Union européenne au plus tard le 25 mai 2018.

Plus que dans les législations qui ont repris l'idée d'une protection des personnes dans la maniement des "données" par autrui, exprimant davantage le souci de protéger le consommateur dans une économie de marché, il s'agit de protéger directement les personnes dans un monde technologique permettant l'obéïssance aveugle, l'Europe récusant ce modèle car la technique des fichiers lui ont laissé un souvenir terrible en raison de la Seconde Guerre mondiale. Or, le Droit est la mémoire des peuples et exprime "l'esprit" de ceux-ci (Savigny). 

 

 

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Delalieux, G., La loi sur le devoir de vigilance des sociétés multinationales : parcours d’une loi improbable, Droit et Société, 2020/3, n°106, p.649-665.

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Résumé de l'article (fait par l'auteur) :  Cet article propose une analyse des obstacles rencontrés par les défenseurs de la proposition de loi sur le devoir de vigilance (ONG et syndicats) en étudiant les efforts de plaidoyer et de lobbying déployés par ces derniers afin de réussir à faire déposer, examiner puis adopter cette loi dont le Gouvernement ne voulait pas initialement.

À l’aune de ce cas, le concept d’entrepreneur institutionnel est discuté puis relativisé par utilisation de la notion de fortuna, développée par Machiavel, afin de décrire le passage « improbable » de cette loi. Les résultats tendent ainsi à relativiser l’importance que des acteurs singuliers, y compris collectifs, peuvent avoir dans l’explication du changement institutionnel, au profit d’une analyse multi-niveaux du changement (micro, méso, macro).

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Syndicats.  Summary Corporate Duty of Vigilance in France: The Path of an Improbable Statute This article offers an analysis of the resistance encountered by defenders (NGOs and trade unions) of the French Law on Corporate Duty of Vigilance. These actors sought to behave as institutional entrepreneurs deploying intense advocacy and lobbying efforts in order to successfully have this bill tabled, examined, and ultimately passed by the French government. In light of this case, the concept of “institutional entrepreneurship” is discussed and then relativized by the use of Machiavelli’s notion of “Fortuna,” in order to describe the “improbable” adoption of this statute. The results tend to put into perspective the importance that individual actors, including collective ones, can have in the explanation of institutional change, in favor of a multilevel analysis of change (micro, meso, macro). Corporate social responsibility – Institutional entrepreneurship – MNC’s Duty of Vigilance – Non-governmental organizations – Trade union

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La "compliance" est l'exemple-type d'un problème de traduction.

En effet, le terme anglais "Compliance" est le plus souvent traduit par le terme français de "Conformité". Mais à lire les textes, notamment en Droit financier, la "conformité" vise plutôt les obligations professionnelles, visant principalement la déontologie et la conduite des professionnels de marché, notamment des prestataires de service d'investissement. C'est à la fois une définition plus nette dans ses contours (et en cela plus sûre) et moins ambitieuse que celle exprimée par la "compliance". Il est dès lors et pour l'instant  plus prudent de conserver, même en langue française, l'expression de "Compliance".

La définition de la Compliance est à la fois contestée et très variable, puisque selon les auteurs, elle va des seules obligations professionnelles des intervenants des marchés financiers jusqu'à l'obligation à ceux qui y sont soumis de respecter les lois et règlements, c'est-à-dire l'obligation générale que nous avons tous de respecter le Droit. A les lire, la Compliance serait le Droit lui-même.

Vue du point de vue du Droit, la Compliance est un ensemble de principes, de règles, d'institutions et de décisions générales ou individuelles, corpus dont l'effectivité est le souci premier, dans l'espace et dans le temps afin des buts d'intérêt général visés par ces techniques rassemblées  soient concrétisés.

La liste de ces buts, qu'ils soient négatifs ("lutter contre" : la corruption, le terrorisme, le détournement de fonds publics, le trafic de drogues, le trafic d'êtres humain, le trafic d'organe, le trafic de biens toxiques et contagieux - médicaments, produits financiers, etc.) ou positifs ("lutter pour" : l'accès de tous aux biens essentiels, la préservation de l'environnement, les droits fondamentaux des êtres humains, l'éducation, la paix, la transmission de la planète aux générations futures) montre qu'il s'agit de buts politiques.

Ces buts correspondent à la définition politique du Droit de la Régulation.

Ces buts politiques exigent des moyens qui excèdent les forces des États, par ailleurs enfermés dans leurs frontières.

Ces buts monumentaux ont donc été internalisés par les Autorités publiques dans des opérateurs globaux. Le Droit de la Compliance correspond à une structuration nouvelles de ces opérateurs globaux. Cela explique notamment que les lois nouvelles mettent en place des répressions non seulement objectives mais structurelles, comme le font en France les lois Sapin 2 (2016) ou établissant une obligation de vigilance (2017).

Cette internationalisation du Droit de la Régulation dans les entreprises implique que les Autorités publiques supervisent désormais celles-ci, même si celles-ci n'appartiennent pas à un secteur supervisé, ni même à un secteur régulé, mais par exemple participent au commerce international.

Le Droit de la Compliance exprime donc une volonté politique globale relayé par un Droit nouveau violent, le plus souvent répressif, sur les entreprises.

Mais il peut aussi exprimer de la part des opérateurs, notamment les "opérateurs cruciaux" une volonté propre d'avoir eux-mêmes souci de ces buts globaux monumentaux, qu'ils soient de nature négative ou positive. Cette dimension éthique, exprimée notamment par la Responsabilité Sociétale, est la continuation de l'esprit du service public et le souci de l'intérêt général, élevés mondialement.

Enseignements : Droit de la Compliance

Sont ici répertoriés les sujets proposés chaque année,

- soit au titre du travail à faire en parallèle du cours, à remettre à la fin du semestre (le jour de l'examen étant la date limite de remise),

- soit les sujets à traiter sur table, sans documentation extérieure et sous surveillance le jour de l'examen final. 

 

Retourner sur la description générale du Cours de Droit de la Compliance, comprenant notamment des fiches méthodologiques. 

 

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : J.-B. Racine, "Compliance Obligation and Human Rights​", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance ObligationJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Obligation, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The author asks whether human rights can, over and above the many compliance obligations, form the basis of the Compliance Obligation. The consideration of human rights corresponds to the fundamentalisation of Law, crossing both Private and Public Law, and are considered by some as the matrix of many legal mechanisms, including international ones. They prescribe values that can thus be disseminated.

Human rights come into direct contact with Compliance Law as soon as Compliance Law is defined as "the internalisation in certain operators of the obligation to structure themselves in order to achieve goals which are not natural to them, goals which are set by public authorities responsible for the future of social groups, goals which these companies must willingly or by force aim to achieve, simply because they are in a position to achieve them". These "Monumental Goals" converge on human beings, and therefore the protection of their rights by companies. 

In a globalised context, the State can either act through mandatory regulations, or do nothing, or force companies to act through Compliance Law. For this to be effective, tools are needed to enable 'crucial' operators to take responsibility ex ante, as illustrated in particular by the French law on the Vigilance Obligation of 2017.

This obligation takes the form of both a "legal obligation", expression which is quite  imprecise, found for example in the duty of vigilance of the French 2017 law, and in a more technical sense through an obligation that the company establishes, in particular through contracts.

Legal obligations are justified by the fact that the protection of human rights is primarily the responsibility of States, particularly in the international arena. Even if it is only a question of Soft Law, non-binding Law, this tendency can be found in the Ruggie principles, which go beyond the obligation of States not to violate human rights, to a positive obligation to protect them effectively. The question of whether this could apply not only to States but also to companies is hotly debated. If we look at the ICSID Urbaser v. Argentina award of 2016, the arbitrators accepted that a company had an obligation not to violate human rights, but rejected an obligation to protect them effectively. In European Law, the GDPR, DSA and AIA, and in France the so-called Vigilance law, use Compliance Lools, often Compliance by Design, to protect human rights ex ante.

Contracts, particularly through the inclusion of multiple clauses in often international contracts, express the "privatisation" of human rights. Care should be taken to ensure that appropriate sanctions are associated with them and that they do not give rise to situations of contractual imbalance. The relationship of obligation in tort makes it necessary to articulate the Ex Ante logic and the Ex Post logic and to conceive what the judge can order.

The author concludes that "la compliance oblige à remodeler les catégories classiques du droit dans l’optique de les adosser à l’objectif même de la compliance : non pas uniquement un droit tourné vers le passé, mais un droit ancré dans les enjeux du futur ; non pas un droit émanant exclusivement de la contrainte publique, mais un droit s’appuyant sur de la normativité privée ; non pas un droit strictement territorialisé, mais un droit appréhendant l’espace transnational" ("Compliance requires us to reshape the classic categories of Law with a view to bringing them into line with the very objective of Compliance: not just a Law turned towards the past, but a Law anchored in the challenges of the future; not a Law emanating exclusively from public constraint, but a Law based on private normativity; not a strictly territorialised Law, but a law apprehending the transnational space".

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Marcou, G., L'ordre public économique aujourd'hui. Un essai de redéfinition, in, Revet, TH. et Vidal, L. Annales de la régulation, IRJS, 2009, p.79 et s.

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Gibert, M., Faire la morale aux robots. Une introduction à l'éthique des algorithmesFlammarion, 2021, 168 p.

 

Lire le commentaire de l'ouvrage sur le site NonFiction. 

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Salah, M., La mondialisation vue de l'Islam, in Archives de Philosophie du Droit, La mondialisation entre illusion et utopie, tome 47, Dalloz, 2003, 27-54.

 

La mondialisation apparaît comme une occidentalisation des cultures et du droit. L'Islam qui prend forme juridique devrait se l'approprier sans se dénaturer. La réussite d'un tel processus difficile dépendra de la qualité de la régulation qui sera mise en place.

 

Lire une présentation générale de l'ouvrage dans lequel l'article a été publié.

Les étudiants de Sciences po peuvent via le drive lire l'article dans le dossier "MAFR - Régulation".

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète: O. Douvreleur, "Compliance and Judge of the Law", in  M.-A.​ Frison-Roche (ed.), Compliance Jurisdictionalisation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", to be published. 

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📘lire une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Jurisdictionalisation, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : Compliance maintains with the judge complex relations, and even more with the judge ruling only on points of Law  (in France, the Court de Cassation in the judicial order, the one who, in principle, does not know the facts that he leaves to the sovereign appreciation of the judges ruling on the substance of the disputes. At first glance, compliance is a technique internalised in companies and the place occupied by negotiated justice techniques leave little room for intervention by the judge ruling only on points of Law

However, his role is intended to develop, in particular with regard to the duty of vigilance or in the articulation between the different branches of Law when compliance meets Labor Law, or even in the adjustment between American Law and the other legal systems, especially French legal system. The way in which the principle of Proportionality will take place in Compliance Law is also a major issue for the judge ruling only on points of Law.

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Base Documentaire : Doctrine

Référence générale, Cohendet, M.-A. et Fleury, M., Droit constitutionnel et droit international de l'environnement, Revue française de droit constitutionnel , PUF, » 2020/2, n°122, p.271-297. 

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Résumé de l'article : 

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2017-2018

Le plan est  actualisé chaque semaine au fur et à mesure que les leçons se déroulent en amphi.

Il est disponible ci-dessous.

 

 

Retourner à la présentation générale du cours, tel qu'il était bâti et proposé en 2018.

 

 

 

 

 

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : D. Gutmann, "Tax Law and Compliance Obligation", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance ObligationJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Obligation, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The author takes up the hypothesis of a Compliance Law defined by its Monumental Goals, the realisation of which is entrusted to "crucial operators" and confronts it with Tax Law. The link is particularly effective since these operators possess what governments need in this area: relevant Information.

Going further, Compliance Law can give rise to two types of obligations on the part of these operators, either towards others operators who need to be monitored, corrected or denounced, or towards themselves, when they need to make amends.

In the first part of this contribution, the author shows that Compliance Obligation reproduces the mechanism of a Tax Law which, for large companies, is embroiled in a process of increasing Globalisation. It enables Governments to aspire to the "Monumental Goals" of combating tax optimisation and impoverishing governments, victims of the erosion of the tax base, in the face of the strategies of companies that are more powerful than they are themselves, by using this very power of firms to turn it against them. Companies become the willing or de facto allies of governments, particularly when it comes to recovering tax debts, or assist them in their stated ambition to achieve social justice.  In this way, the State "manages" Tax Law by cooperating with companies.

In the second part, the author outlines the contours of this business Compliance Obligation, which is no longer simply a matter of paying tax. Beyond this financial obligation, it is more a question of mastering Information, particularly when multinational companies are subject to specific tax reporting obligations and are required to reveal their tax strategy, presumed to be transparent and coherent within the group : this legal presumption gives rise to obligations to seek information and ensure coherence, since a single tax strategy is not self-evident in a group.

The author emphasises that companies have accepted the principles governing these new compliance obligations and are tending to transform these obligations, particularly Transparency, into a communication strategy, in line with the ESG criteria that have been developed and a desire for fruitful relations with stakeholders. Therefore the tax relations developed by major companies are being extended not only to the tax authorities, but also to NGOs, by incorporating a strong ethical dimension. This is leading to new strategies, particularly in the area of Vigilance.

The author concludes: "A n’en pas douter, l’obligation de compliance existe bel et bien en matière fiscale." ("There is no doubt that the Compliance Obligation does exist in tax matters").

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : Association des professionnels du contentieux économique et financier (APCEF), La réparation du préjudice économique et financier par les juridictions pénales, 2019.

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