Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : B. Lecourt, "Des obligations d'information en matière de droit de l'homme et d'environnement au devoir de vigilance", in B. Lecourt (dir.) Lebvre - Dalloz, coll. "Thèmes et commentaires", 2025, pp
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📗lire une présentation générale de l'ouvrage, Le devoir européen de vigilance, dans lequel cet article est publié
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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
Le marché est normalement autorégulé. Il subit des défaillances ponctuelles lorsque des agents économiques ont des comportements anticoncurrentiels, principalement l’entente ou l’abus de position dominante sur les marchés ordinaires, les abus de marchés sur les marchés financiers, sanctionnés ex post par les autorités dans des décisions individuelles ponctuelles.
Mais certains secteurs sont atteints de défaillances structurelles, qui les empêchent, même sans intention malicieuse d’agents, d’atteindre ce mécanisme d’ajustement de l’offre et de la demande. Constitue ainsi une défaillance structurelle l’existence d’un monopole économiquement naturel par exemple un réseau de transport, qu’un autre agent ne viendra dupliquer une fois le premier réseau construit, ce qui interdit le jeu de la concurrence. Il faut alors une régulation a-concurrentielle, soit par nationalisation, soit par une tutelle étatique, soit par un contrôle opéré par une autorité de régulation, pour assurer l’accès de tous à une facilité essentielle. Constitue également une défaillance de marché l’asymétrie d’information, théorisée à travers la notion d’agence qui entrave la disponibilité et la circulation de l’information exhaustive et fiable sur les marchés, notamment les marchés financiers. Cette défaillance de marché porte en elle un risque systémique, contre lequel une régulation est définitivement construite et confiée aux régulateurs financiers et aux banques centrales.
Dans ces cas, la mise en place des régulations sont des réactions de l’État non pas tant par rejet politique du marché, mais parce que l’économie concurrentielle est inapte à fonctionner. Cela n’a rien à voir avec l’hypothèse où l’État prend distance par rapport au marché, non pas parce qu’il serait structurellement défaillant par rapport à son propre modèle, mais parce que le politique veut imposer des valeurs supérieures, exprimées par le service public, dont le marché ne satisfait pas toujours les missions.
Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : L. Grosclaude, "Financiarisation des professions libérales réglementées : vers un changement du paradigme", JCP Entreprise, n°49, déc. 2023, étude 1355.
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : V. Magnier, "The transformation of governance and due diligence", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance Obligation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître
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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The author develops the tensions caused by Compliance Law and the Duty of Vigilance on corporate governance.
The French "Sapin 2" law targets corruption, while the French "Vigilance" law has a broader scope in terms of risks and the entire value chain. It is logical that this should create tensions in terms of governance, given the monumental goals involved. Companies need to take ownership of the powers delegated to them, which means rethinking their governance and the way in which they exercise their corporate mandates, with the corporate interest, the judge's compass, having to be combined with the adoption of new standards of behaviour formalised voluntarily by ethical charters in line with international standards. On this voluntary and supervised basis, the company must adapt its structure and then contractualise these norms.
This ethical approach has an impact on the role of corporate organs, not only in terms of transparency and risk prioritisation, but also proactively in terms of the adoption of commitments whose sincerity will be verified, as reflected, for example, in corporate governance codes (cf.in France the AFEP-MEDEF Code), the setting up of ad hoc committees and the presence of stakeholders, who will be consulted when the vigilance plan is drawn up.
She stresses that this creates tensions, that dialogue is difficult, that business secrecy must be preserved, but that stakeholders must become Vigilance watchdogs, a role that should not be left to the public authorities alone.
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► Référence complète : M. Caffin-Moi, "L’imprégnation des branches du droit par les mécanismes de compliance : le contrat", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance et contrat, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", à paraître
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► Résumé de l'article (fair par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : L'auteure commence par montrer que les contrats sont de plus en plus présents dans le Droit de la Compliance, celui-ci n'étant plus ce qui est seulement exprimé par des lois d'ordre public, tandis que le contrat ne porterait que les intérêts privés de deux parties particulières. Elle expose comment concrètement aujourd'hui, et chaque jour davantage, les contrats sont utilisés comme un instrument de diffusion de la Compliance, la Vigilance étant exemplaire de cela, les textes incitant les entreprises à le faire, la CS3D mettant "le contrat à l'honneur" par la mise en place de "cascades contractuelles", le contrat agissant à la fois en surface et en profondeur.
Mais il ne faut pas que le contrat soit un moyen de restreindre la responsabilité, et l'on trouve des points de "friction" entre Contrat et Compliance.
Tout d'abord, parce que les réglementations, voire la jurisprudence, obligent les entreprises à contracter, par exemple avec des fournisseurs de rang 2, ce qui est une atteinte à la liberté de ne pas contracter.
En outre, les Buts Monumentaux de la Compliance institutionnalisent une relation contractuelle qui peut être déséquilibrée, voire engendrer une concurrence déloyale si une entreprise s'y plie et l'autre pas, la Compliance conférant de plus des prérogatives exorbitantes à l'entreprise.
Pour ne pas provoquer trop de conflits, et l'auteure souligne que le premier est certainement celui sur la compétence juridictionnelle entre le tribunal de commerce et le Tribunal judiciaire de Paris, il faut impérativement un dialogue des juges.
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : E. Maclouf, "Entités industrielles et Obligation de compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'Obligation de Compliance, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître
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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié
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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : L'article prend le sujet sous l'angle des sciences de gestion et entreprend de résoudre le paradoxe d'organisations industrielles qui expriment l'ambition d'un progrès au bénéfice des personnes, ambition humaniste qui est contredite par les effets produits par cette industrialisation même qui sont dommageable à cette même humanité. L'Obligation de Compliance en ce qu'elle est fondée sur les Buts Monumentaux et s'ancre dans les organisations industrielles tente de résoudre ce paradoxe.
La science des organisations humaines vise à allouer le plus efficacement les ressources rares de la nature en faisant coopérer les individus, cette ingénierie produisant des destructions naturelles, industrielles et sociales plus ou moins anticipées. L'Obligation de Compliance porte l'espoir de mieux les prévenir (But monumental négatif) et les gérer, voire d'améliorer la vie des personnes (But monumental positif) en dépassant les disciplines traditionnelles et en se développant en Ex Ante. Mais les organisations industrielles peuvent aussi récuser le poids des contraintes ainsi engendrées sur elles, et parvenir à l'inverse à une dérégulation. Le débat est actuellement ouvert.
En effet, les entreprises en passant de la logique mécanique de conformité à la logique dynamique de l'Obligation de Compliance se trouvent en incertitude systémique et doivent décider de la stratégie à mettre en oeuvre, entraînant une managérialisation du Droit et autant de nouvelles décisions à prendre. La notion de "projet" revient alors au centre de la régulation des organisations industrielles, plus précisément celle de "projet humaniste" portée par l'Obligation de Compliance, dans de nouvelles configurations où chacun prend sa part dans la chaine de valeur.
L'auteur puise dans les travaux de Raymond Aron et dans le rapport Rueff-Armand pour montrer que le développement de l'organisation industrielle comme mode dominant d’agencement des activités humaines – fondé sur le calcul économique – portait un projet humaniste politiquement élaboré mais que sa réalisation était dès l’origine identifiée comme incertaine par ses auteurs. L’Obligation de Compliance émerge aujourd’hui comme une réponse nécessaire, la régulation des activités industrielles au service d’un progrès humain ne pouvant venir de la seule somme des actions individuelles (salariés, consommateurs, investisseurs), ni des forces stratégiques présentes dans l’environnement stratégique, ni des entités elles-mêmes.
En passant en revue les trente-deux propositions faites par MM. Gauvin et Marleix dans leur rapport d’évaluation, l'auteur montre l’Obligation de Compliance tend à évoluer vers des formes d’ingénieries managériales pour incarner réellement le projet humaniste dans notre contexte industriel. Elle crée des entités capables, au service de l'intérêt général, d’entrer en relation stratégique avec les entités industrielles et de négocier des Obligations qui permettraient d’introduire enfin le projet humaniste dans leur agenda stratégique : la loi dite "Sapin 2" en est un parfait exemple, incitant aux réponses stratégiques adéquates des organisations industrielles, qui ont modifié leurs procédures managériales, pour intégrer de nouveaux projets stratégiques et y impliquer les parties prenantes.
Cependant, parce que l'Obligation de Compliance vise à introduire des buts humanistes dans les projets industriels, elle se retrouve livrée aux forces stratégiques déjà présentes dans leurs activités, confiant aux différents organes des organisations le pouvoir et la mission de définir les stratégies par des délibérations qui seront ensuite, dans l'approche précitée de rationalité économique, déclinées en objectifs et en plans. Or la théorie des organisations montre qu’il n’existe pas un « but » dans une organisation industrielle mais une population de buts dynamiques aux issues incertaines. Contrairement à ce qui est généralement affirmé, la recherche de profit n’est d’ailleurs pas en soi un « but » car il existe une infinité d’agencements et de clés de répartition de la valeur possibles : c'est la condition sine qua non de sa survie, ce qui est différent. Ainsi une organisation rationnelle détermine son projet et doit exclure que, pour l'atteindre, elle ne risque de tomber en faillite. L'Obligation de Compliance vise à propulser des Buts monumentaux au sommet de projets industriels, mais, pour fixer ces projets, l'organisation doit résoudre les oppositions (la conflictualité) par un jeu complexe d'interactions dont les résultats échappent aux participants et leur revient comme des auto transcendances (Jean-Pierre Dupuy).
Pour mieux évaluer et piloter l'Obligation de Compliance, il faut donc observer et comprendre les mécanismes de réponses stratégiques des organisations industrielles. Bien au-delà de la logique de conformité, elles le font notamment en construisant des référentiels ou en contribuant à la construction de ceux-ci et en rattachant elles-mêmes expressément des buts comme la lutte contre la souffrance au travail ou l'égalité entre les femmes et les hommes comme relevant de l'Obligation de Compliance. Le législateur et les agents de régulation doivent donc intégrer, au besoin à l'aide de recherches interdisciplinaires avec les sciences de gestions, les dynamiques de cadrage stratégique des organisations.
Ainsi l'Obligation de Compliance doit être envisagée selon l'auteur comme des "réponses adaptatives face aux crises systémiques et à leurs causes", parant à l'anomie elle-aussi monumentale dont souffre notre société actuelle qui a perdu ses repères et se retrouve dans des incertitudes existentielles. Cette Obligation de Compliance a vocation, au besoin par la contrainte, aux entités industrielles de s'intégrer dans la société en devenant les vecteurs des droits humains et des attentes sociales et environnementales. Le succès de cette Obligation de Compliance suppose une certaine appropriation stratégique par les grandes entreprises des buts, ce qui rend cette Obligation elle-même incertaine.
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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
Les industries de réseaux sont construites sur les infrastructures de transport, par exemple afférentes à des ondes de télécommunication ou bien le transport de données, ou du gaz ou de l’électricité, qui constituent des facilités essentielles.
Ces infrastructures essentielles sont surveillées par les régulateurs non seulement pour que les opérateurs y aient concrètement un droit d’accès mais encore pour que se construise en Europe un maillage complet de ces infrastructures, pour aboutir par exemple à un système ferroviaire européen.
Ces infrastructures existent également en matière bancaire, financière et assurantielle, qu’il serait vain d’opposer trop facilement aux industries de réseaux, car les places financières reposent sur de gigantesques systèmes informatiques, des chambres de compensation internalisées, qui sont elles-mêmes des infrastructures essentielles, méritant une régulation.
Est alors en articulation la solidité optimale des infrastructures, dont le Régulateur a la charge définitive dans un contrôle permanente sur celui qui les gère, qu'il s'agisse de l’État ou d'un opérateur - que celui-ci soit un opérateur public ou un opérateur privé-, et le dynamisme concurrentiel du secteur que le système peut en outre également confier au même régulateur.
C'est notamment le cas en Régulation financière, qui vise l’optimisation des places, qui sont en concurrence entre elles, et leur sécurité respective, qui constitue elle-même un avantage compétitif, commun à l'ensemble des opérateurs.
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► Référence complète : M. Torre-Schaub, "Environmental and Climate Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance Obligation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître
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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The author starts from the fact that Compliance Law, in that it is not limited to conformity process, and Environmental Law are complementary, both based above all on the prevention of risks and harmful behaviour, environmental crises and the right to a healthy environment involving the strengthening of Environmental Vigilance. It is all the more important to do this because definitions remain imprecise, not least those of Environment and Climate, which are diffuse concepts.
Firstly, the contribution sets out the purpose of Environmental Compliance, which is to ensure that companies are vigilant with regard to all kinds of risks: they put in place and follow a series of processes to obtain "progress" in accordance with a standard of "reasonable vigilance". This requires them to go beyond mere conformity and encourages them to develop their own soft law tools within a framework of information and transparency, so that the climate system itself benefits in accordance with its own objectives.
Then the author stresses the preventive nature of Environmental Vigilance mechanisms, which go beyond providing Information to managing risks upstream, in particular through the vigilance plan, which may be unified or drawn up risk by risk, and which must be adapted to the company, particularly in the risk mapping drawn up, with assessment being carried out on a case-by-case basis.
Lastly, in the light of recent French case law, the author describes the implementation of the system, which may bring the parties before the Tribunal judiciaire de Paris (Paris Court of First Instance) and then the specialised chamber of the Paris Court of Appeal. The author believes that judges must clarify the obligation of Environmental Vigilance so that companies can adjust to it, and these 2 courts are in the process of doing so.
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : A. Oumedjkane, "Le devoir de vigilance est-il soluble dans le droit des contrats publics ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance et contrat, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", à paraître
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► Résumé de l'article (fair par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : Il analyse le devoir de vigilance, lequel constitue la pointe avancée du Droit de la Compliance dans la commande publique.
Cela est contrintuitif, puisque le devoir de vigilance est légal et que la loi donne compétence au juge judiciaire. Mais l'auteur souligne que les lois récentes, notamment les lois "résilience et climat" et "finance verte" visent expressément le devoir de vigilance pour constituer des causes d'exclusion de l'entreprise qui manque à son obligation de vigilance des commandes publiques.
L'auteur regrette que les textes à ce propos aient fait l'objet d'une rédaction approximative et variant de texte en texte, alors qu'il s'agit de régir la même situation : celle de l'exclusion d'une entreprise du champ de la commande publique parce qu'elle n'a pas rempli son obligation de vigilance; ce qui suppose des obligations pleinement réalisées, ou de n'avoir pas établi un plan de vigilance, ce qui n'est pas la même chose et manifeste moins d'exigence.
Il souligne également la question du contrôle qualitatif du plan de vigilance, contrôle approfondi ou au contraire obligation purement formelle. Là encore, il pense, comme la majorité de la doctrine, qu'il est raisonnable de se rapporter à une interprétation minimale, même si la loi sur le devoir de vigilance marque plus d'ambition.
Il estime que si le juge administratif était en effet confronté à un contrôle substantiel, en raison de la compétence, qu'il estime exclusive, du Tribunal judiciaire de Paris, il faudrait former des questions préjudicielles...
Dans ces conditions d'interprétation minimale, seule une absence de plan ou un plan formellement défaillant serait sanctionné dans le cadre de la commande publique... Mais cette interprétation est la moins adaptée à l’objectif de la législation elle-même, et que l'on pourrait en arriver que ce qu'une entreprise qui aurait été condamnée par le Tribunal judiciaire pourrait n'être pourtant pas exclue d'un marché public...
L'auteur estime enfin que cette nouvelle démarche incitative montre en réalité l'impuissance du Droit des contrats publics à produire par lui-même les effets recherchés sur les entreprises.
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Base Documentaire : Doctrine
Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
D’une façon paradoxale, la notion de conflit d’intérêts semble n'être mise au centre du droit que récemment en Droit économique, aussi bien en Droit des sociétés qu'en Droit public. Cela tient à la philosophie qui anime ces deux branches du Droit, très différentes pour chacune, et qui a changé dans chacune.
En effet et pour commencer par le Droit public, dans la tradition française, du côté de l‘État, celui qui le sert par une sorte d'effet naturel fait passer l’intérêt général incarné par l’État avant son intérêt personnel : il y a certes une opposition d’intérêts, à savoir l’intérêt personnel de l’agent public qui voudrait par exemple travailler moins et gagner plus, et l’intérêt commun de la population, qui voudrait payer moins d’impôts et par exemple bénéficier de trains qui arrivent toujours à l’heure et l'intérêt général qui serait par exemple la construction d'un réseau ferroviaire européen.
Mais ce conflit serait résolu "naturellement" car l’agent public, ayant « le sens de l’intérêt général » et étant animé par le "sens du service public", se sacrifie pour servir l’intérêt général. Il reste tard à son bureau et fait arriver les trains à l’heure. Cette théorie du service public était l’héritage de la Royauté, système dans lequel le Roi est au service du Peuple, comme l’aristocratie, au "service du Roi". Il ne pourrait donc y avoir de conflit d’intérêts, ni dans l’administration ni dans les entreprises publiques, ni à observer, ni à gérer ni à dissoudre. La question ne se pose pas...
Prenons maintenant du côté des entreprises, vues par le Droit des sociétés. Dans la conception classique de celui-ci, les mandataires sociaux sont nécessairement associés de la société et les bénéfices sont obligatoirement répartis entre tous les associés : le contrat de société est un « contrat d’intérêt commun ». Ainsi, le mandataire social travaille en sachant que les fruits de ses efforts lui reviendront à travers les bénéfices qu’il recevra en tant qu’associé. Quel que soit son égoïsme - et il faut même que le mandataire le soit, ce mécanisme produit la satisfaction de tous les autres associés qui mécaniquement recevront aussi en partage les bénéfices. L'égoïsme est bien le moteur du système, comme dans la théorie classique du marché et de la concurrence. Ainsi, dans le mécanisme sociétaire, il n’y a jamais de conflit d’intérêt dès l’instant où le mandataire social est obligatoirement associé : il travaillera toujours dans l’intérêt des associés puisqu’en cela il travaille pour lui-même. Comme le Droit des sociétés pose que la perte de la société sera aussi encourue et subie par tous les associés, il évitera également cette perspective.. Là encore, il n'est besoin d'aucun contrôle. La question d'un conflit d'intérêt entre le mandataire et ceux qui l'ont conféré cette fonction ne se pose structurellement pas.
Ces deux représentations se sont révélées toutes deux inexactes. Elles étaient basées sur des philosophies certes différentes - l'agent public étant censé dépassé son intérêt propre, le mandataire social étant censé servir l'intérêt commun ou l'intérêt social par souci de son intérêt propre - mais c'est un raisonnement unique que ces deux représentations ont été défaites.
Prenons la première portant sur le Droit public : le « sens de l’État » n’est pas à ce point partagé dans l’administration et les entreprises publiques, que les personnes qui y travaillent se sacrifient pour le groupe social. Ce sont des êtres humains comme les autres. Des chercheurs en économie et en finance, par un réflexion élémentaire de soupçon, qui ont fait voler en éclat ces représentations politiques et juridiques. Plus particulièrement, on a constaté que le train de vie institutionnel des entreprises publiques, très proches du gouvernement et de leurs dirigeants, était souvent peu justifié alors qu'il est payé par le contribuable, c'est-à-dire par le groupe social qu’elles prétendaient servir. L’Europe, en affirmant dans le Traité de Rome le principe de "neutralité du capital des entreprises", c’est-a-dire l’indifférence au fait que l’entreprise ait pour actionnaire une personne privée ou une personne publique, a validé cette absence de dépassement de son intérêt particulier par le serviteur de l’État, devenu simple agent économique. Cela a permis de rejoindre le constat fait pour le Droit des sociétés.
La désillusion y fut de même ampleur. Il a été observé que le mandataire social, être humain ordinaire, n'est pas dévoué à l'entreprise et n’a pas pour seul avantage des bénéfices qu’il recevra plus tard comme associé. Il en reçoit parfois très peu alors il peut recevoir de très multiples avantages (financiers, pécuniaire ou en nature, indirects ou indirects). Les autres associés voient leur bénéfice diminuer d’autant. Ils sont ainsi en conflit d’intérêts. Plus encore, le mandataire social a été élu par l’assemblée des actionnaires, c'est-à-dire concrètement, l’actionnaire majoritaire ou l’actionnaire « contrôlaire » (actionnaire de contrôle) et non par tous. Il peut même n'être pas associé ("haut dirigeant").
Le fait même que la situation ne soit plus qualifiée par des juristes, à travers les qualifications du Droit classique des sociétés, empruntant encore au Droit civil des contrats, les qualifications provenant davantage des théories financiers, empruntant à la théorie de l'agence, a changé radicalement la perspective. Les présupposés ont été inversés : par un même "effet de nature", le conflit d’intérêts a été dévoilé comme existant structurellement entre le dirigeant, le "manager" et l’actionnaire minoritaire. L’actionnaire minoritaire n’ayant pas le pouvoir de fait de révoquer le mandataire social puisqu’il ne dispose pas de la majorité des droits de vote, la question ne se pose même plus de déterminer si le dirigeant a ou n'a pas un statut sociétaire : l'actionnaire minoritaire ne dispose de que du pouvoir de céder ses titres, si la gestion du manager lui est défavorable (droit de sortie) ou de pouvoir de dire, de protester et de faire savoir. Cela suppose qu'il soit informé, ce qui va mettre au centre d'un nouveau droit des sociétés l'information, voire la transparence.
Ainsi, ce conflit d’intérêts trouve une solution dans la cession effective des titres, au-delà du principe juridique de négociabilité. C’est pourquoi si la société est cotée, le conflit d’intérêts se traduit dialectiquement dans un rapport entre le mandataire social et le marché financier qui, par sa liquidité, permet la sanction du mandataire, et assure par ailleurs l'information, le marché financier et l'actionnaire minoritaire devenant identiques. Le manager pourrait certes avoir le « sens de l’intérêt social », une sorte d’équivalent de sens de l’État, s’il a une déontologie, ce qui alimenterait une autorégulation. Peu de personnes croient à la réalité de cette hypothèse. Par pragmatisme, on admet plus volontiers que le manager préfèrera son intérêt à celui de l’actionnaire minoritaire. En effet, il peut servir son intérêt personnel plutôt que l’intérêt au service duquel un pouvoir lui a été donné grâce à la rente informationnelle dont il est doté, et à l’asymétrie d’information dont il bénéficie. Toute la régulation va intervenir pour réduire cette asymétrie d’information et en doter l’actionnaire minoritaire grâce au régulateur qui défend les intérêts du marché contre les mandataires sociaux, au besoin à travers du droit pénal. Mais la croyance dans la bénévolance des managers a repris vigueur récemment avec la corporate social responsability, cette responsabilité sociale de l'entreprise par laquelle les dirigeants expriment leur souci des autres.
Le repérage des conflits d’intérêts, leur prévention et leur gestion sont en train de transformer le Droit de la Régulation financière, puis le Droit commun de la Régulation, car aujourd’hui on ne croit plus a priori que les personnes dépassent leur intérêt personnel pour servir l’intérêt des autres. C'est peut-être pour retrouver une confiance, voire une sympathie, que les entreprises ont investi dans une responsabilité sociale. Celle-ci s'élabore par un droit qui fût tout d'abord très souple mais qui peut exprimer aussi un souci de l'intérêt général. En cela, elle peut rencontrer le Droit de la Compliance et exprimer de la part des entreprises un souci de l'intérêt général, si les entreprises en apportent la preuve.
Pour prendre un exemple de conflit d'intérêts qui ont débouché sur des changements juridiques consistant, il a été relevé la situation potentielle dangereuse des agences de notations lorsqu'elles sont à la fois payées par les banques, pour les conseiller et concevoir des produits, tout en étant la source des notations, principaux indices à partir desquels les investissements s’opèrent. Or les banques sont les premiers intermédiaires financiers. Ces conflits d'intérêts sont donc systémiquement dangereux. C'est pourquoi en Europe c'est l'ESMA qui exerce un contrôle sur ces agences de notation.
Le repérage des conflits d'intérêts, qui consiste le plus souvent à changer la façon dont on observe une situation - qui paraissait normal jusqu'au moment où l'on change de regard -, la perspective morale et la perspective juridique, la confiance que l'on a dans tel ou tel personnage de la vie modifiant ce regard, est aujourd'hui ce qui fait bouger le plus le Droit de la Régulation;
Cela est vrai du Droit public et du Droit des sociétés, saisis par le Droit de la Régulation, ici transformé par le Droit de la Compliance, notamment par les lanceurs d'alerte. Mais cela est également vrai que toutes les institutions politiques et des élus.
Car une règle se dégage : plus la notion de conflit d'intérêts devient centrale et plus il faut prendre acte que la confiance n'est plus donnée a priori, ni à une personne, ni à une fonction, ni à un mécanisme, ni à un système. La confiance n'est plus donnée qu'a posteriori dans des procédures alourdissant l'action, où l'on doit donner à voir en continu que l'on a mérité cette confiance.
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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Will, Heart and Calculation, the three marks surrounding the Compliance Obligation", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance Obligation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître
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📝lire l'article (en anglais)
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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : There is often a dispute over the pertinent definition of Compliance Law, but the scale and force of the resulting obligation for the companies subject to it is clear. It remains difficult to define. First, we must not to be overwhelmed by the many obligations through which the Compliance Obligation takes shape, such as the obligation to map, to investigate, to be vigilant, to sanction, to educate, to collaborate, and so on. Not only this obligations list is very long, it is also open-ended, with companies themselves and judges adding to it as and when companies, sectors and cases require.
Nor should we be led astray by the distance that can be drawn between the contours of this Compliance Obligation, which can be as much a matter of will, a generous feeling for a close or distant other in space or time, or the result of a calculation. This plurality does not pose a problem if we do not concentrate all our efforts on distinguishing these secondary obligations from one another but on measuring what they are the implementation of, this Compliance Obligation which ensures that entities, companies, stakeholders and public authorities, contribute to achieving the Goals targeted by Compliance Law, Monumental Goals which give unity to the Compliance Obligation. Thus unified by the same spirit, the implementation of all these secondary obligations, which seem at once disparate, innumerable and often mechanical, find unity in their regime and the way in which Regulators and Judges must control, sanction and extend them, since the Compliance Obligation breathes a common spirit into them.
In the same way that the multiplicity of compliance techniques must not mask the uniqueness of the Compliance Obligation, the multiplicity of sources must not produce a similar screen. Indeed, the Legislator has often issued a prescription, an order with which companies must comply, Compliance then often being perceived as required obedience. But the company itself expresses a will that is autonomous from that of the Legislator, the vocabulary of self-regulation and/or ethics being used in this perspective, because it affirms that it devotes forces to taking into consideration the situation of others when it would not be compelled to do so, but that it does so nonetheless because it cares about them. However, the management of reputational risks and the value of bonds of trust, or a suspicious reading of managerial choices, lead us to say that all this is merely a calculation.
Thus, the first part of the contribution sets out to identify the Compliance Obligation by recognising the role of all these different sources. The second part emphasises that, in monitoring the proper performance of technical compliance obligations by Managers, Regulators and Judges, insofar as they implement the Compliance Obligation, it is pointless to limit oneself to a single source or to rank them abruptly in order of importance. The Compliance Obligation is part of the very definition of Compliance Law, built on the political ambition to achieve these Monumental Goals of preserving systems - banking, financial, energy, digital, etc. - in the future, so that human beings who cannot but depend on them are not crushed by them, or even benefit from them. This is the teleological yardstick by which the Compliance Obligation is measured, and with it all the secondary obligations that give it concrete form, whatever their source and whatever the reason why the initial standard was adopted.
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : D. Gutmann, "Tax Law and Compliance Obligation", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance Obligation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître
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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The author takes up the hypothesis of a Compliance Law defined by its Monumental Goals, the realisation of which is entrusted to "crucial operators" and confronts it with Tax Law. The link is particularly effective since these operators possess what governments need in this area: relevant Information.
Going further, Compliance Law can give rise to two types of obligations on the part of these operators, either towards others operators who need to be monitored, corrected or denounced, or towards themselves, when they need to make amends.
In the first part of this contribution, the author shows that Compliance Obligation reproduces the mechanism of a Tax Law which, for large companies, is embroiled in a process of increasing Globalisation. It enables Governments to aspire to the "Monumental Goals" of combating tax optimisation and impoverishing governments, victims of the erosion of the tax base, in the face of the strategies of companies that are more powerful than they are themselves, by using this very power of firms to turn it against them. Companies become the willing or de facto allies of governments, particularly when it comes to recovering tax debts, or assist them in their stated ambition to achieve social justice. In this way, the State "manages" Tax Law by cooperating with companies.
In the second part, the author outlines the contours of this business Compliance Obligation, which is no longer simply a matter of paying tax. Beyond this financial obligation, it is more a question of mastering Information, particularly when multinational companies are subject to specific tax reporting obligations and are required to reveal their tax strategy, presumed to be transparent and coherent within the group : this legal presumption gives rise to obligations to seek information and ensure coherence, since a single tax strategy is not self-evident in a group.
The author emphasises that companies have accepted the principles governing these new compliance obligations and are tending to transform these obligations, particularly Transparency, into a communication strategy, in line with the ESG criteria that have been developed and a desire for fruitful relations with stakeholders. Therefore the tax relations developed by major companies are being extended not only to the tax authorities, but also to NGOs, by incorporating a strong ethical dimension. This is leading to new strategies, particularly in the area of Vigilance.
The author concludes: "A n’en pas douter, l’obligation de compliance existe bel et bien en matière fiscale." ("There is no doubt that the Compliance Obligation does exist in tax matters").
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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : L. d'Avout, La cohérence mondiale du droit, Cours général de droit international privé, Académie de droit international de La Haye, t.443, 2025, 692 p.
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : B. Haftel, "La façon dont l'impératif de Vigilance s'ajuste aux règles juridiques internationales", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de Compliance, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître
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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : J.-B. Blanc, "La loi, source de l’Obligation de Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'Obligation de Compliance, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître
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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié
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► Résumé de la contribution (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Dans la perspective du Législateur, l'auteur estime qu'en matière de Compliance c'est à celui-ci que primauté doit être donnée, la définition de la Compliance comme étant la "privatisation de la Régulation étant contestable et ne devant en toutes hypothèse pas aboutir à déposséder le Législateur de son pouvoir et de son devoir de fixer les règles essentielles.
En deuxième lieu, développant ce qui pourrait être désigné par l'expression de "compliance légale, l'auteur souligne que des lois essentielles, notamment la loi dite Sapin 2, ont posé les principes fondamentaux, car cela est l'apanage du Législateur, l'article 17 de la loi Sapin 2 prescrivant ce que l'entreprise doit faire. C'est l'application de la loi qui est ainsi déléguée, et non le pouvoir législatif lui-même. L'on retrouve la même logique dans la loi Egalim 3.
En troisième lieu, l'auteur souligne que c'est encore le Législateur qui encadre la façon dont les entreprises vont mettre en oeuvre le dispositif de principe conçu et imposé par celui-ci. En effet, l'effectivité des "buts monumentaux" est l'affaire du Législateur qui doit regarder l'efficacité du dispositif mis en place par les entreprises assujetties.
L'auteur en conclut que la compliance peut être envisagée comme une extension de la volonté législative, où le Parlement, par ses lois, confie aux entreprises une part de la responsabilité de la régulation, dont il encadre la mise en oeuvre par celles-ci, ce qui l'oblige lui-même à sans cesse s'adapter et évoluer.
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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : Fr. Berrod, "Introduction au DMA : un esprit pionnier de la régulation des plateformes numériques", Dalloz IP/IT, 2023, pp. 266-271
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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : "Le Digital Markets Act (DMA) a été proposé en même temps que son jumeau le Digital Service Act et ils ont été négociés en parallèle et stabilisés par la présidence française de l'Union européenne. Il est applicable à partir du 2 mai 2023. Sa négociation fut menée de façon remarquablement rapide (moins de seize mois pour obtenir l'accord politique sur la proposition de la Commission du 15 déc. 2020), si l'on rappelle la difficulté de ces deux textes, tant technique que juridique. Le DMA vient modifier les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. Le titre technique choisi reflète l'ambition de ce texte, consacré « aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique ». Nous retracerons dans cette contribution les principaux éléments de compréhension du DMA.".
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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : M. M. Mohamed Salah, "Conclusions", in J. Andriantsimbazovina (dir.), Puissances privées et droits de l'Homme. Essai d'analyse juridique, Mare Martin, coll. "Horizons européens", 2024, pp. 297-314
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► Résumé de l'article :
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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : L. Rapp, "Compliance, Chaines de valeur et Économie servicielle", ", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de Compliance, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître
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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cette contribution est publiée
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► Résumé de cette contribution (fait par l'auteur) : La contribution étudie, - à partir d’une analyse de chaines de valeur d’entreprises du secteur spatial et de leur évolution récente -, le rôle, la place et les transformations actuelles opérées par les politiques et stratégies de conformité (compliance) dans le contexte d’une mutation industrielle devenue essentielle, le passage d’une économie industrielle à une économie servicielle.
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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche
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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
Les banques sont régulées car elles n’exercent pas une activité économique ordinaire, en ce que celles-ci engendrent un risque systémique. En effet, dans l’économie réelle, les banques jouent le rôle d’apporter du crédit aux entrepreneurs qui eux opèrent sur les marchés des biens et services, crédits financés surtout grâce aux dépôts faits par des déposants et dans une moindre mesure par les actionnaires, les capitalistes. C’est ainsi que le libéralisme et le capitalisme ont partie liée. Mais les banques ont le pouvoir de créer de la monnaie par le simple jeu d’écritures qu’elles font en écrivant dans leurs livres les prêts qu’elles accordent (monnaie scripturale). Dès lors, les banques partagent avec l’État ce pouvoir extraordinaire de posséder le pouvoir monétaire que certains qualifient de pouvoir souverain. Il est possible que le numérique remette en cause cela, la Régulation hésitant à se saisir des nouveaux instruments dit de "monnaie virtuelle" en tant que "monnaie" ou en tant d'instrument ordinaire de relations coopératives.
Cette nature essentiellement régalienne justifie en premier lieu que l’État choisisse les établissements qui bénéficieront du privilège de créer de la monnaie scripturale, la profession bancaire ayant toujours constitué un monopole. La régulation bancaire est donc d’abord un contrôle ex ante à l’entrée à la profession et à une surveillance de la qualité des personnes et des établissements qui y prétendent.
En outre, les banques et établissements de crédits prêtent par construction plus d’argent qu’ils ne disposent de fonds propres : l’ensemble du système bancaire repose nécessairement sur la confiance de chacun des créanciers de la banque, notamment les dépositaires, qui laissent à sa disposition les fonds dont la banque va ainsi faire l’usage. La régulation bancaire va donc intervenir pour établir des ratios prudentiels, c'est-à-dire ceux qui s’assurent de la solidité de l’établissement, posant ce que les banques peuvent prêter par rapport aux fonds propres et quasi fonds propres dont elles disposent effectivement.
En outre, les banques sont surveillées en permanence par leur régulateur de tutelle, le Banquier central (en France la Banque de France), qui assure la sécurité de tout le système puisque à travers elle, l’État est le prêteur en dernier ressort. Ce qui peut conduire une grande institution financière à prendre des risques excessifs, sachant que l’État la sauvera, ce que la théorie de l’aléa moral (moral hazard) a systématisé. Tous les systèmes monétaires et financiers sont construits sur ces banques centrales, qui sont autonomes des gouvernements, parce que ceux-ci sont trop dépendants des stratégies politiques et ne peuvent engendrer la même confiance que celle qu’apporte une banque centrale. Depuis que les missions des banques centrales se sont accrues et que les notions de Régulation et de Supervision se sont rapprochées, l'on a tendance à considérer qu'elles sont des Régulateurs à part entière.
Par ailleurs, la régulation bancaire est devenue centrale parce que l’activité bancaire n’est plus principalement aujourd’hui le prêt mais l’intermédiation financière.La Régulation bancaire croise alors la Régulation financière. En Europe, la Banque centrale européenne est au centre.
Responsabilités éditoriales : Direction de la collection Compliance & Regulation, JoRC et Bruylant
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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance and Contract, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître
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📕Parallèlement, un ouvrage en français, Compliance et contrat, est publié dans la collection coéditée par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz
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🧮Cet ouvrage vient à la suite d'un cycle de colloques 2023-2024, organisés par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et des Universités qui lui sont partenaires
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► Présentation générale de l'ouvrage :
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📚Ce volume s'insère dans la lignée des ouvrages qui, dans cette collection en langue anglaise, sont consacrés à la Compliance.
► Lire la présentation des autres ouvrages de la Collection portant sur la Compliance :
🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Evidence System, 2025
🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Obligation, 2024
🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Jurisdictionalisation, 2024
🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Monumental Goals, 2023
🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Tools, 2021
📚Consulter les autres titres de la collection.
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🏗️Construction générale de l'ouvrage :
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Base Documentaire : Doctrine
► Référence complète : R. Sève, "L'Obligation de Compliance et les mutations de la souveraineté et de la citoyenneté", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de Compliance, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître.
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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié
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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : La contribution décrit "les changements de philosophie du droit que la notion de compliance peut impliquer par rapport à la représentation moderne de l’Etat assurant l’effectivité des lois issues de la volonté générale, dans le respect des libertés fondamentales qui constituent l’essence du sujet de droit.".
Le contributeur estime que la définition de la compliance tient à des auteurs qui « jouer un rôle d’éclairage et de structuration d’un vaste ensemble d’idées et de phénomènes précédemment envisagés de manière disjointe. Pour ce qui nous occupe, c’est sûrement le cas de la théorie de la compliance, développée en France par Marie-Anne Frison-Roche dans la lignée de grands économistes (Jean-Jacques Laffont, Jean Tirole) et dont la première forme résidait dans les travaux bien connus de la Professeure sur le droit de la régulation. ».
S'appuyant sur les Principles of the Law de l’American Law Institute, qui considère que la compliance est un « set of rules, principles, controls, authorities, offices and practices designed to ensure that an organisation conforms to external and internal norms», il souligne que la compliance apparaît alors un mécanisme neutre visant à l'efficacité par un passage vers l'Ex Ante. Mais il souligne que la nouveauté tient dans le fait de viser "seulement" des événements futurs, en "refondamentalisant" et en "monumentalisant" la matière par la notion de "buts monumentaux" conçue par Marie-Anne Frison-Roche, faisant apparaître un nouveau jus comune. Ainsi, "la compliance c’est l’idée permanente du droit appliquée à de nouveaux contextes et défis.".
Il ne s'agit donc pas de faire des économies budgétaires mais bien plutôt de continuer à faire vivre la philosophie du Contrat social à des enjeux complexes, notamment les enjeux environnementaux.
Cela renouvelle la place qu'y occupe le citoyen car il y apparaît non seulement comme individu, ce qui est dans la conception classique grecque et chez Rousseau, mais encore à travers des entités, notamment les ONG, tandis que les grandes entreprises, parce qu'elles ont seules les moyens de poursuivre les buts monumentaux de la compliance, seraient comme des "super-citoyens", ce dont l'espace numérique commence à développer l'expérience, au risque de disparition de l'individu lui-même par l'effet du "capitalisme de surveillance". Mais de la même façon que la pensée du Contrat social s'articule avec celle du capitalisme, la compliance se situe sans rupture fondamentale dans un prolongement historique logique : "C’est le développement et la complexité du capitalisme qui forcent à introduire dans les entités privées des mécanismes procéduraux d’essence bureaucratique, pour discipliner les salariés, contenir les critiques internes et externes, soutenir les managers en place" en les forçant à justifier les rémunérations, les avantages, etc.
En outre, selon les termes de l'auteur, "Avec les buts monumentaux, - la prise en compte des effets lointains, diffus, agrégés par delà les frontières, de l’intérêt des générations futures, de tous les êtres vivants - , on passe, pour ainsi dire, à une dimension industrielle de l’éthique, que seuls de vastes systèmes de traitement de l’information permettent d’envisager effectivement.".
C'est ainsi que l'on peut trouver une répartition entre l'intelligence artificielle et les êtres humains dans les organisations, notamment les entreprises, ou dans les processus de décisions.
De la même façon, la liberté de l'individu ne disparaît pas par la Compliance car c'est précisément et au contraire l'un de ses buts monumentaux que de rendre les individus aptes à choisir dans un environnement complexe, notamment dans l'espace numérique où le système démocratique est désormais en jeu, tandis que des mécanismes techniques, comme le lancement d'alerte, vont renaître le droit à la désobéissance civile, invalidant le grief de "capitalisme de surveillance".
L'auteur conclut que les enjeux sont si grands que la Compliance qui a déjà dépassé les distinctions entre le droit privé et le droit public, entre le droit national et le droit international, doit aussi dépasser celle entre l'information et et le secret, notamment en raison des cyber-risques, ce qui requiert de l'Etat l'élaboration et la pratique de stratégies non-publiques de Compliance pour préserver l'avenir.
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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
La présomption est une dispense de preuve lorsqu'elle est établie par la loi. Elle est un raisonnement probatoire lorsqu'elle est présentée devant un juge, raisonnement qui permet d'établir un fait pertinent à partir d'une preuve indirecte. Il constitue en cela un déplacement d'objet de preuve.
On distingue les présomptions légales, lorsque c'est le législateur qui a posé comme établi un fait, ce qui engendre alors non plus un déplacement d'objet de preuve, mais une dispense de preuve pour celui qui doit supporter normalement la charge de preuve.
Lorsque l'adversaire à l'allégation n'est pas autorisé à rapporter la preuve contraire à l'allégation, la présomption est irréfragable. Parce que la présomption irréfragable est une dispense définitive de preuve, elle soustrait la réalité d'un fait à l'obligation d'être prouvé. La présomption équivaut alors à une fiction. Parce qu'il s'agit d'un artefact, on affirme généralement que seul le législateur a le droit de poser des présomptions irréfragables. Ainsi, la présomption de vérité qui s'attache à la chose définitivement jugée est une présomption légale irréfragable. Celle-ci est alors une pure règle de fond, ici l'incontestabilité des décisions de justice contre lesquelles il n'existe plus de voies de recours d'annulation disponible.
A côté des présomptions légales, existent les "présomptions du fait de l'homme", expression traditionnelle pour désigner les raisonnements probatoires précités que les parties présentent au juge. Comme il s'agit de preuves véritables, ayant donc pour objet de reconstituer la vérité, elles ne peuvent pas être irréfragables, et ne peuvent entraîner qu'une alternance des charges de preuve, au détriment du défendeur à l'allégation. La présomption du fait de l'homme est toujours simple.
Si la jurisprudence établit pourtant des présomptions qu'elle pose comme incontestables, cela signifie simplement qu'elle a établie comme une règle de fond, comme la responsabilité des parents du fait des enfants, antérieurement une responsabilité pour faute présumée aujourd'hui une responsabilité aujourd'hui. Cela n'est que l'expression de la jurisprudence source de droit, c'est-à-dire de la jurisprudence au même niveau que le législateur.
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Exemple concret
Une personne, A, est retrouvée blessée sur la chaussée. Elle prétend que l'auteur du dommage est le propriétaire d'un vélo qui a freiné brutalement et l'a renversée avant de prendre la fuite. Il n'y a pas de témoin. Elle soutient qu'il s'agit de son voisin, B, dont le vélo, est endommagé. Elle démontre qu'il existe sur le bitume des traces de peinture et de pneus, qui correspondent aux entailles du vélo de B., observation faite qu'il a changé ses pneus le lendemain même de l'accident.
A soutient le raisonnement suivant au juge : je dois démontrer que B m'a renversée (objet direct de preuve), ce que je ne peux faire directement. Mais je peux prouver que son vélo est endommagé, qu'il a changé les pneus, que les entailles du vélo correspondent aux traces relevées sur le sol où a eu lieu l'accident, que B a changé ses pneus le lendemain même de l'accident : on peut, par ces preuves indirectes, présume un lien de causalité. Ainsi, la preuve est apportée non directement, mais par raisonnement.
Si le juge admet le raisonnement, comme la présomption n'est pas irréfragable, la question probatoire ne sera pas réglée, il opérera simplement un renversement de charge de preuve. B, défendeur à l'allégation, sera recevable à démontrer que ces éléments, le changement des pneus, l'endommagement de l'ossature du vélo, ont d'autre chose. S'il apporte ces preuves, alors il aura brisé la présomption simple, et le demandeur, qui supporte le risque de preuve, aura perdu le procès. S'il ne les apporte pas, alors le demandeur, grâce à la présomption, aura gagné son procès.
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Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Droit et économie, tome 37, ed. Sirey, 1992, 426 p.
Lire les résumés des articles en langue anglais.
Voir la présentation d'autres tomes des Archives de Philosophie du Droit.
Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
Juridiquement, l’État est un sujet de droit public qui se définit par un territoire, un peuple et des institutions. Il agit dans l'espace international et émet des normes. Politiquement, il a la légitimité requise pour exprimer la volonté du corps social et exercer la violence dont il prive les autres sujets de droit. Il est souvent été reconnaissable par sa puissance : son usage de force publique, sa puissance budgétaire, sa puissance juridictionnelle. Ces trois puissances déclinant ou étant concurrencées par des mécanismes privés, internationaux et donnant davantage satisfaction, l'on a prédit la disparition de l’État, pour la déplorer ou pour danser sur son cadavre.
Avec un tel arrière-plan, dans les théories actuelles de la Régulation , principalement construits par la pensé économique et à première vue l'on pourrait dire que l’État est avant-tout l'ennemi. Et cela pour deux raisons principales. La première est théorique et de nature négative. Les tenants de la théorie de la Régulation dénient à l’État les qualités politiques énoncées ci-dessus. L’État ne serait pas un "être" mais bien plutôt un groupe d'individus, fonctionnaires, élus et autres êtres humains concrets, n'exprimant rien d'autres que leurs intérêts particuliers, venant en conflit avec d'autres intérêts, et utilisant leurs pouvoirs pour servir les premiers plutôt que les seconds comme tout un chacun. La théorie de la Régulation, jouxtant ici la théorie de l'agence, a alors pour fin de contrôler les agents publics et les élus dans lesquels il n'y a pas de raison de faire confiance a priori.
La seconde est pratique et de nature positive. L’État ne serait pas une "personne", mais une organisation. L'on retrouve ici la même perspective que pour la notion d'entreprise, que les juristes conçoivent comme une personne ou un groupe de personnes tandis que les économistes qui conçoivent le monde à travers le marché la représente comme une organisation. L’État comme une organisation devrait être "efficace", voire "optimal". C'est alors la fonction pragmatique du Droit de la Régulation. Or, lorsqu'il est régi par le droit traditionnel, empêtré par les illusions quasiment religieuses de l'intérêt général, voire du contrat social, il est sous-optimal. Il s'agit de le rendre plus efficace.
Pour cela, en tant qu'organisation, l’État est notamment découpé, en agences ou en autorités administratives indépendantes, régulateurs qui gèrent au plus proche les sujets, ce qui pour effet heureux de diminuer l'asymétrie d'information et de faire renaître la confiance dans un lien direct. L’État unitaire, distant et sûr de lui est abandonné pour une conception souple et pragmatique d'un État stratège qui aurait enfin compris qu'il est une organisation comme une autre...
Le Droit de la concurrence adopte cette conception de l’État, dont il a posé dès le départ qu'il était un opérateur économique comme un autre. C'est ainsi qu'est souvent présentée une conception qui serait plus "neutre" du monde.
Les crises successives, qu'elles soient sanitaires ou financières, ont produit un effet de balancier.
L'on crédite de nouveau les notions d'intérêt général ou de biens communs d'un valeur autonome et la nécessité de dépasser les intérêts immédiats et de trouver des personnes pour porter des intérêts supérieurs ou de prendre en charge les intérêts d'autrui, même un autrui non immédiat, s'est fait jour.
Ainsi, l’État ou l'autorité publique, réapparaît dans la mondialisation. Le Droit de la Compliance ou la Responsabilité sociétale des entreprises cruciales sont en train de converger vers une considération de l’État, qui ne peut être réduit à une pure et simple organisation réceptacle des externalités.