Matières à Réflexions

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : R. Sève, "Compliance Obligation and changes in Sovereignty and Citizenship", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance ObligationJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Obligation, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The contribution describes "les changements de philosophie du droit que la notion de compliance peut impliquer par rapport à la représentation moderne de l’Etat assurant l’effectivité des lois issues de la volonté générale, dans le respect des libertés fondamentales qui constituent l’essence du sujet de droit." ("the changes in legal philosophy that the notion of Compliance may imply in relation to the modern representation of the State ensuring the effectiveness of laws resulting from the general will, while respecting the fundamental freedoms that constitute the essence of the subject of law").

The contributor believes that the definition of Compliance is due to authors who « jouer un rôle d’éclairage et de structuration d’un vaste ensemble d’idées et de phénomènes précédemment envisagés de manière disjointe.  Pour ce qui nous occupe, c’est sûrement le cas de la théorie de la compliance, développée en France par Marie-Anne Frison-Roche dans la lignée de grands économistes (Jean-Jacques Laffont, Jean Tirole) et dont la première forme résidait dans les travaux bien connus de la Professeure sur le droit de la régulation. » ( "play a role in illuminating and structuring a vast set of ideas and phenomena previously considered in a disjointed manner.  For our purposes, this is certainly the case with the theory of Compliance, developed in France by Marie-Anne Frison-Roche in the tradition of great economists (Jean-Jacques Laffont, Jean Tirole) and whose first form was in her well-known work on Regulatory Law").

Drawing on the Principles of the Law of the American Law Institute, which considers compliance to be a "set of rules, principles, controls, authorities, offices and practices designed to ensure that an organisation conforms to external and internal norms", he stresses that Compliance thus appears to be a neutral mechanism aimed at efficiency through a move towards Ex Ante. But he stresses that the novelty lies in the fact that it is aimed 'only' at future events, by 'refounding' and 'monumentalising' the matter through the notion of 'monumental goals' conceived by Marie-Anne Frison-Roche, giving rise to a new jus comune. Thus, "la compliance c’est l’idée permanente du droit appliquée à de nouveaux contextes et défis." ("Compliance is the permanent idea of Law applied to new contexts and challenges"). 

So it's not a question of making budget savings, but rather of continuing to apply the philosophy of the Social Contract to complex issues, particularly environmental issues. 

This renews the place occupied by the Citizen, who appears not only as an individual, as in the classical Greek concept and that of Rousseau, but also through entities such as NGOs, while large companies, because they alone have the means to pursue the Compliance Monumental Goals, would be like "super-citizens", something that the digital space is beginning to experience, at the risk of the individuals themselves disappearing as a result of "surveillance capitalism". But in the same way that thinking about the Social Contract is linked to thinking about capitalism, Compliance is part of a logical historical extension, without any fundamental break: "C’est le développement et la complexité du capitalisme qui forcent à introduire dans les entités privées des mécanismes procéduraux d’essence bureaucratique, pour discipliner les salariés, contenir les critiques internes et externes, soutenir les managers en place" ("It is the development and complexity of capitalism that forces us to introduce procedural mechanisms of a bureaucratic nature into private entities, in order to discipline employees, contain internal and external criticism, and support the managers in place") by forcing them to justify remuneration, benefits, and so on.

Furthermore, in the words of the author, "Avec les buts monumentaux, - la prise en compte des effets lointains, diffus, agrégés par delà les frontières, de l’intérêt des générations futures, de tous les êtres vivants - ,  on passe, pour ainsi dire, à une dimension industrielle de l’éthique, que seuls de vastes systèmes de traitement de l’information permettent d’envisager effectivement." ("With the Monumental Goals - taking into account the distant, diffuse effects, aggregated across borders, the interests of future generations, of all living beings - we move, so to speak, to an industrial dimension of ethics, which only vast information processing systems can effectively envisage").

This is how we can find a division between artificial intelligence and human beings in organisations, particularly companies, or in decision-making processes.

In the same way, individual freedom does not disappear with Compliance, because it is precisely one of its monumental goals to enable individuals to make choices in a complex environment, particularly in the digital space where the democratic system is now at stake, while technical mechanisms such as early warning will revive the right to civil disobedience, invalidating the complaint of "surveillance capitalism".

The author concludes that the stakes are so high that Compliance, which has already overcome the distinctions between Private and Public Law and between national and international law, must also overcome the distinction between Information and secrecy, particularly in view of cyber-risks, which requires the State to develop and implement non-public Compliance strategies to safeguard the future.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le secteur des télécommunications fut le premier secteur à être libéralisé en Europe, non pas tant par volonté politique, mais parce que le progrès technologique avait de fait fait déjà entré la concurrence dans le secteur et qu’il convenait mieux de l’organiser plutôt que de laisser la concurrence s’installer en désordre.

Le secteur de la téléphonie fut libéralisé par directive communautaire, la loi de transposition de 1996 ayant installé l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART, aujourd’hui l’ARCEP, qui a eu pour tâche de favoriser les nouveaux entrants et de construire le marché des mobiles, en attribuant des fréquences. L’enjeu aujourd’hui n’est plus la libéralisation mais l’accompagnement de l’innovation technologique et de l’incitation des opérateurs à y procéder, par exemple dans les lignes ADSL, afin que des phénomènes comme l’échec du « plan câble » ne se renouvellent pas, que le "plan fibre" se déroule mieux, etc..

La maturité concurrentielle fait que l’Autorité de concurrence intervient fréquemment en matière de télécommunications, notamment lorsque des autorisations de concentrations doivent être données par cette Autorité, le Régulateur ne formulant qu'un avis.

Par ailleurs, l'enjeu majeur actuel qui a remis à l'ordre du jour les discussions autour de la dialectique entre contenant et contenu est de déterminer la place que les télécommunications ont et auront dans le numérique et qui pourrait être une régulation spécifique d'Internet, et par là même le Régulateur des télécommunications.

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète: O. Douvreleur, "Compliance and Judge of the Law", in  M.-A.​ Frison-Roche (ed.), Compliance Jurisdictionalisation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", to be published. 

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📘lire une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Jurisdictionalisation, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : Compliance maintains with the judge complex relations, and even more with the judge ruling only on points of Law  (in France, the Court de Cassation in the judicial order, the one who, in principle, does not know the facts that he leaves to the sovereign appreciation of the judges ruling on the substance of the disputes. At first glance, compliance is a technique internalised in companies and the place occupied by negotiated justice techniques leave little room for intervention by the judge ruling only on points of Law

However, his role is intended to develop, in particular with regard to the duty of vigilance or in the articulation between the different branches of Law when compliance meets Labor Law, or even in the adjustment between American Law and the other legal systems, especially French legal system. The way in which the principle of Proportionality will take place in Compliance Law is also a major issue for the judge ruling only on points of Law.

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Enseignements

Une dissertation juridique suit les règles de construction et de rédaction généralement requises pour les dissertations d'une façon générale mais présente certaines spécificités.

Le présent document a pour objet de donner quelques indications. Elles ne valent pas "règles d'or", mais un étudiant qui les suit ne peut se le voir reprocher. La correction des copies tiendra compte non seulement du fait que les étudiants ne sont pas juristes, ne sont pas habitués à faire des "dissertations juridiques", mais encore prendra en considération le présent document.

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La "libéralisation" désigne le processus de fin légal d’une organisation monopolistique d’une économie, d’un secteur ou d’un marché, pour l’ouvrir à la concurrence.

Comme il est rare qu’une économie soit entièrement monopolistique (ce qui suppose qu’il y  ait une concentration extrême du pouvoir politique), le phénomène concerne plus particulièrement des secteurs. La libéralisation si elle ne se traduit en droit que par une déclaration d’ouverture à la concurrence, ne se concrétise en fait que par une implantation beaucoup plus lente de celle-ci, car les opérateurs en place ont la puissance d’enrayer l’entrée de potentiels nouveaux entrants. C’est pourquoi le processus de libéralisation n’est effectif que si l’on met en place des autorités de régulation qui de force ouvrent le marché, en affaiblissant au besoin les opérateurs historiques et en offrant des avantages aux nouveaux entrants par une régulation asymétrique.

Cette régulation qui a pour fin de construire une concurrence, désormais permise par la loi. 

C'est pourquoi dans un processus de libéralisation la régulation a pour but de concrétiser la concurrence en la construisant. Cette régulation transitoire a vocation à se retirer et les institutions mises en place à disparaître en devenant par exemple de simples chambres spécialisées de l’Autorité générale de concurrence, la régulation étant temporaire lorsqu’elle est liée à la libéralisation.

Elle est distincte de la Régulation des infrastructures essentielles qui, en tant que monopoles naturels, doivent être définitivement régulés. Assez souvent, dans des économies libérales, l’État a demandé à des entreprises publiques de gérer de tels monopoles, notamment dans les industries de réseaux, entreprises auxquelles il a confié également l'activité économique du secteur tout entier. Par le phénomène de libéralisation, la plupart des États ont choisi de conserver à cet opérateur, désormais opérateur historique en concurrence sur les activités en concurrence proposés aux consommateurs, la gestion de l'infrastructure. A ce titre, le Régulateur  le contraint à deux titres : d'une façon transitoire pour que s'instaure la concurrence au bénéfice des nouveaux entrants, d'une façon définitive en tant qu'il a été choisi par l’État pour gérer le monopole économiquement naturel que constitue l'infrastructure.

Même dans les seuls rapports entre compétiteurs, la Régulation a du mal à reculer, et ce souvent du fait du Régulateur. Les lois sociologiques dégagées par Max Weber concernant l’administration montrent que les autorités de régulation, même au regard de la finalité de l'épanouissement concurrentiel, par exemple en matière de télécommunications, cherchent à demeurer, alors même que la concurrence a été effectivement construite, soit en se trouvant de nouvelles finalités (dans le secteur précité, le régulateur pourrait être le  gardien de la neutralité du net), soit en affirmant pratiquer d'une façon permanente une "régulation symétrique".

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La conception traditionnelle de l’État pose que celui-ci sert l'intérêt général à travers ses services publics, soit directement (par ses administrations, voire par des entreprises publiques), soit par délégation (par exemple par le mécanisme de la concession. Le service public se définit généralement désormais d'une façon fonctionnelle, c'est-à-dire à travers des missions de service public que l'organisme doit réaliser, telles qu'assurer des transports en commun ou soigner la population quelle que soit la solvabilité des malades. On s'est alors longtemps contenté d'une sorte de "séquence figée" : État - service public - entreprise publique (par exemple l'école publique, La Poste, la SNCF ou EDF). La libéralisation des secteurs, la référence première au marché comme moyen d'efficace d'atteindre l'intérêt général , la référence première à la concurrence et le jeu du droit communautaire ont en convergence fait voler en éclats cette intimité.

Aujourd'hui dans un jeu dialectique la Régulation conserve ce souci des missions de service public en équilibre avec la concurrence, dans un contexte concurrentiel et sous le contrôle d'un Régulateur. Le système est plus complexe et plus difficile, car cet éclatement engendre des difficultés nouvelles, telles que l'asymétrie d'information ou l'insertion moins aisée de planifications à long terme, mais il correspond mieux à une économie ouverte et globalisée.

 

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Droit et économie, tome 37, ed. Sirey, 1992, 426 p.

 

Lire la table des matières.

Lire les résumés des articles en langue anglais.

 

Voir la présentation d'autres tomes des Archives de Philosophie du Droit.

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Regarder la vidéo expliquant le "droit à l'oubli".

Le "droit à l'oubli" est une invention récente et proprement européenne. Il a été conçu par la Cour de Justice de l'Union européenne dans l'arrêt Google Spain du 13 mai 2014, pour que dans ce monde sans temps, dans lequel toute information est éternellement conservé et disponible qu'est le monde numérique, l'individu ainsi exposé peuvent être protégé contre ce phénomène nouveau, puisque l'oubli n'existe plus, par le Droit qui par sa puissance le dote d'un "droit à être oublié". En cela le vocable de Right to be forgotten est plus exact. 

Parce que le Droit est fait pour protéger les êtres humains, l'efficacité technologique qui a créé le monde digital est limitée par la prérogative juridique nouvelle de la personne à rendre inatteignable une information qui la concerne lorsqu'elle revêt un "caractère personnel". Cela fût repris par le règlement communautaire du 27 avril 2016, dit souvent RGPD, transposé dans les Etats-membres de l'Union européenne au plus tard le 25 mai 2018.

Plus que dans les législations qui ont repris l'idée d'une protection des personnes dans la maniement des "données" par autrui, exprimant davantage le souci de protéger le consommateur dans une économie de marché, il s'agit de protéger directement les personnes dans un monde technologique permettant l'obéïssance aveugle, l'Europe récusant ce modèle car la technique des fichiers lui ont laissé un souvenir terrible en raison de la Seconde Guerre mondiale. Or, le Droit est la mémoire des peuples et exprime "l'esprit" de ceux-ci (Savigny). 

 

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La Federal Communications Commission (FCC) est l'autorité de régulation indépendante qui aux États-Unis  régule au niveau fédéral à la fois le contenant et le contenu des télécommunications.

En cela les États-Unis se distinguent de l'Union européenne, espace juridique dans lequel le plus souvent les institutions de régulation du contenant et du contenu sont distinctes (par exemple en France ARCEP / CSA/CNIL) et dans lequel les régulations des communications demeurent substantiellement au niveau des États membres de l'Union. 

Comme les autres régulateurs audiovisuels, elle assure le pluralisme de l'information en limitant la concentration capitalistique - et donc du pouvoir - dans le secteur de la télévision et de la radio. L'on mesure ainsi que le système américain n'est pas dans son principe différent du système européen.

En outre, la FCC se caractérise tout d'abord par une très grande puissance, imposant à la fois des principes substantiels aux opérateurs, comme celui de la "décence", allant au nom de ce principe jusqu'à sanctionner des chaînes de télévision qui avaient laissé montrer une poitrine nue d'une femme. Le contrôle est donc plus substantiel qu'en Europe, ce contrôle venant en balance avec la liberté constitutionnelle d'expression qui est plus puissance aux Etats-Unis qu'en Europe. Il est vrai qu'aujourd'hui les entreprises maîtresses du numérique ont tendance à formuler pour nous ce qui est beau, bien et décent, à la place des autorités publiques.

La FCC a continué de développer les principes majeurs du système de communication publique, comme en 2015 celui de l'Internet ouvert (Open Internet) ou à formuler le principe de "neutralité du numérique", repris par une loi fédéral, ce principe ayant des implications économiques et politiques considérables.

Mais dans le même temps, marque générale d'un droit américain, le juge tempère ce pouvoir, selon le principe de Check and BalanceC'est ainsi que la Cour suprême des États-Unis par l'arrêt FCC v. Pacifica Foundation  en 1978 ce pouvoir de contrôle direct du contenu mais en opère également le contrôle du contrôle.

L'élection en 2016 d'un nouveau président qui est entre autres choses totalement hostile à l'idée même de Régulation est une épreuve au sens probatoire du terme. Il a nommé en janvier 2017 un nouveau président de la FCC, hostile à toute régulation et notamment au principe de neutralité. La question qui se pose est de savoir si techniquement une régulation déjà établie sur ces principes peut résister, comment et combien de temps, à une volonté politique violemment et expressément contraire. Et que feront les juges.

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

 

Sur un marché ordinaire de biens et service, l'accès au marché est ouvert à tous, qu'il s'agisse de celui qui offre le bien ou le service (potentiel offreur) ou de celui qui désire se l'approprier (potentiel demandeur). La liberté de la concurrence suppose que ces nouveaux entrants puissent à leur volonté devenir des agents effectifs sur le marché, le potentiel offreur si son dynamisme entrepreneurial l'y pousse, et le potentiel demandeur s'il en a le désir et les moyens (pécuniaires, d'information et de proximité, notamment). L'absence de barrière à l'entrée est présumée ; une barrière résultant d'un comportement anticoncurrentiel sera sanctionnée ex post par l'autorité de concurrence.

La barrière est donc ce qui contrarie le principe d'accès au marché. C'est pourquoi l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), en ce qu'elle lutte contre les barrières pour assurer un libre-échange mondial, peut être considérée comme un précurseur d'une Autorité mondiale de la concurrence.

Mais il peut arriver qu'il soit nécessaire d'organiser par la force du Droit un accès, non seulement parce qu'il y a eu une décision de libéralisation un secteur naguère monopolistique, l'accès ne pouvant pas s'exercer par la seule force de la demande et par la seule puissance des potentiels nouveaux entrants, notamment par la puissance de fait des entreprises présentes anciennement monopolistiques. L'Autorité de régulation va construire les accès à des marchés sectoriels dont le seul principe du fonctionnement concurrentiel a été déclaré par le Droit. Cette nécessité peut aussi résulter de phénomènes entravant définitivement ce fonctionnement concurrentiel idéal, comme des monopoles naturels ou des asymétries d'information : le Droit va concrétiser cet accès en distribuant aux parties intéressées des droits subjectifs d'accès.

Il en est ainsi des droits d'accès des opérateurs aux réseaux d'infrastructure essentielle. Même si cet acte s'opère par contrat, celui-ci ne fait que concrétiser un droit subjectif d'accès conféré par la Loi à l'opérateur pour qu'il puisse pénétrer le marché. Cela est particulièrement vrai dans les secteurs de l'énergie et des télécommunications.

D'une façon plus politique et sans rapport direct avec une volonté d'installer la concurrence ou de pallier une défaillance de marché, cette organisation des accès peut encore être requise parce qu'il existe une décision politique d'assurer à chacun un accès à des biens communs. La décision jouxte alors la notion de "droit fondamental", par exemple le droit fondamental d'accès au système de soins ou aux médicaments vitaux, ou le droit fondamental d'accès au système numérique, droit subjectif dont le Régulateur devient le gardien à la fois en Ex Ante et en Ex Post.

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Juridiquement, l’État est un sujet de droit public qui se définit par un territoire, un peuple et des institutions. Il agit dans l'espace international et émet des normes. Politiquement, il a la légitimité requise pour exprimer la volonté du corps social et exercer la violence dont il prive les autres sujets de droit. Il est souvent été reconnaissable par sa puissance :  son usage de force publique, sa puissance budgétairesa puissance juridictionnelle. Ces trois puissances déclinant ou étant concurrencées par des mécanismes privés, internationaux et donnant davantage satisfaction, l'on a prédit la disparition de l’État, pour la déplorer ou pour danser sur son cadavre.

Avec un tel arrière-plan, dans les théories actuelles de la Régulation , principalement construits par la pensé économique et à première vue l'on pourrait dire que l’État est avant-tout l'ennemi. Et cela pour deux raisons principales. La première est théorique et de nature négative. Les tenants de la théorie de la Régulation dénient à l’État les qualités politiques énoncées ci-dessus. L’État ne serait pas un "être" mais bien plutôt un groupe d'individus, fonctionnaires, élus et autres êtres humains concrets, n'exprimant rien d'autres que leurs intérêts particuliers, venant en conflit avec d'autres intérêts, et utilisant leurs pouvoirs pour servir les premiers plutôt que les seconds comme tout un chacun. La théorie de la Régulation, jouxtant ici la théorie de l'agence, a alors pour fin de contrôler les agents publics et les élus dans lesquels il n'y a pas de raison de faire confiance a priori.

La seconde est pratique et de nature positive. L’État ne serait pas une "personne", mais une organisation. L'on retrouve ici la même perspective que pour la notion d'entreprise, que les juristes conçoivent comme une personne ou un groupe de personnes tandis que les économistes qui conçoivent le monde à travers le marché la représente comme une organisation. L’État comme une organisation devrait être "efficace", voire "optimal". C'est alors la fonction pragmatique du Droit de la Régulation. Or, lorsqu'il est régi par le droit traditionnel, empêtré par les illusions quasiment religieuses de l'intérêt général, voire du contrat social, il est sous-optimal. Il s'agit de le rendre plus efficace.

Pour cela, en tant qu'organisation, l’État est notamment découpé, en agences ou en autorités administratives indépendantes, régulateurs qui gèrent au plus proche les sujets, ce qui pour effet heureux de diminuer l'asymétrie d'information et de faire renaître la confiance dans un lien direct. L’État unitaire, distant et sûr de lui est abandonné pour une conception souple et pragmatique d'un État stratège qui aurait enfin compris qu'il est une organisation comme une autre...

Le Droit de la concurrence adopte cette conception de l’État, dont il a posé dès le départ qu'il était un opérateur économique comme un autre. C'est ainsi qu'est souvent présentée une conception qui serait plus "neutre" du monde.

Les crises successives, qu'elles soient sanitaires ou financières, ont produit un effet de balancier.

L'on crédite de nouveau les notions d'intérêt général ou de biens communs d'un valeur autonome et la nécessité de dépasser les intérêts immédiats et de trouver des personnes pour porter des intérêts supérieurs ou de prendre en charge les intérêts d'autrui, même un autrui non immédiat, s'est fait jour.

Ainsi, l’État ou l'autorité publique, réapparaît dans la mondialisation. Le Droit de la Compliance ou la Responsabilité sociétale des entreprises cruciales sont en train de converger vers une considération de l’État, qui ne peut être réduit à une pure et simple organisation réceptacle des externalités.

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

En premier lieu, le Droit de la Régulation et de la Compliance est difficile à comprendre notamment parce qu'il souffre d’ambiguïté et de confusion du fait de son vocabulaire d'origine anglophone, dans lequel des mots ou expressions proches ou identiques n'ont pourtant pas la même signification.

A tout seigneur tout honneur, c'est le cas pour le terme de "Régulation".

En langue anglaise, regulation vise le phénomène que la langue française exprime par le terme "Réglementation". Mais elle peut aussi viser l'appareillage complet de ce qui va tenir un secteur atteint une défaillance de marché et dans laquelle la réglementation n'est qu'un outil parmi d'autres. On utilisera alors avec précision l'expression Regulatory System, mais aussi le terme Regulation, l'usage de la majuscule signalant la différence. Il est inévitable que dans une lecture rapide, voire par le jeu du numérique, qui écrase les majuscules, et les traductions automatiques, cette distinction de formulation, tenant à une minuscule/majuscule  disparaisse. Et la confusion naît.

Les conséquences sont considérables. C'est notamment en raison de cette homonymie, que fréquemment en langue française l'on mette au même niveau le Droit de la Régulation et la réglementation. L'on s'appuiera sur une telle association, de nature tautologique, pour affirmer que "par nature" le Droit de la Régulation serait de "droit public", puisque la réglementation a pour auteur des personnes publiques, notamment l’État ou les Autorités administratives indépendantes que sont les Régulateurs. Reste lors la difficile justification de la présence considérable des contrats, des arbitres, etc.  Sauf à critiquer l'idée même de Droit de la Régulation, parce qu'il serait le signe d'une sorte de victoire des intérêts privés, puisque conçus par des instruments de droit privé.

Apparaissent ainsi deux inconvénients majeurs. En premier lieu, cela maintient dans le Droit de la Régulation la summa divisio du Droit public et du Droit privé, qui ne parvient plus à rendre compte de l'évolution du Droit en la matière et conduit des observateurs, notamment des économistes ou des institutions internationales, à affirmer que le Droit de Common Law serait plus adapté aujourd'hui à l'économie mondiale notamment parce que celui-ci fait certes place au Droit administratif, au Droit constitutionnel, etc., mais ne les conçoit pas dans la distinction Droit public/Droit privé, comme continue de le faire le Droit continental de Civil Law.

 

En second lieu, sans doute parce que ce Droit nouveau puise dans des théories économiques et financières qui se construisent principalement au Royaume-Uni et aux États-Unis, l'habitude se prend de ne plus traduire. L'on trouve ainsi dans d'autres langues, dans des textes écrits en français par exemple, des phrases comme "le Régulateur doit être accountable".

Il est inexact que l'idée d'accountability , qui renvoie à une reddition des comptes, soit réductible à l'idée de "responsabilité". Les auteurs ne le traduisent pas, ils ne recopient et l'insèrent dans des textes rédigés en français.

L'on passe de la "traduction-trahison" à l'absence de traduction, c'est-à-dire à la domination du système de pensée dont le mot est originaire.

Un des enjeux actuels majeurs de ce phénomène est dans le terme même de la "Compliance". Le terme francophone de "conformité" ne le traduit pas. Pour respecter ce qu'est la compliance, il convient pour l'instant de le recopier, afin de ne pas le dénaturer. L'enjeu est de trouver un mot francophone qui exprime cette idée nouvelle, notamment au regard des systèmes juridiques qui ne sont pas de Common Law, afin que leur cadre général demeure.

 

 

 

Enseignements : Droit de la Compliance

Sont ici répertoriés les sujets proposés chaque année,

- soit au titre du travail à faire en parallèle du cours, à remettre à la fin du semestre (le jour de l'examen étant la date limite de remise),

- soit les sujets à traiter sur table, sans documentation extérieure et sous surveillance le jour de l'examen final. 

 

Retourner sur la description générale du Cours de Droit de la Compliance, comprenant notamment des fiches méthodologiques. 

 

 

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : J.-B. Racine, "Compliance Obligation and Human Rights​", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance ObligationJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Obligation, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The author asks whether human rights can, over and above the many compliance obligations, form the basis of the Compliance Obligation. The consideration of human rights corresponds to the fundamentalisation of Law, crossing both Private and Public Law, and are considered by some as the matrix of many legal mechanisms, including international ones. They prescribe values that can thus be disseminated.

Human rights come into direct contact with Compliance Law as soon as Compliance Law is defined as "the internalisation in certain operators of the obligation to structure themselves in order to achieve goals which are not natural to them, goals which are set by public authorities responsible for the future of social groups, goals which these companies must willingly or by force aim to achieve, simply because they are in a position to achieve them". These "Monumental Goals" converge on human beings, and therefore the protection of their rights by companies. 

In a globalised context, the State can either act through mandatory regulations, or do nothing, or force companies to act through Compliance Law. For this to be effective, tools are needed to enable 'crucial' operators to take responsibility ex ante, as illustrated in particular by the French law on the Vigilance Obligation of 2017.

This obligation takes the form of both a "legal obligation", expression which is quite  imprecise, found for example in the duty of vigilance of the French 2017 law, and in a more technical sense through an obligation that the company establishes, in particular through contracts.

Legal obligations are justified by the fact that the protection of human rights is primarily the responsibility of States, particularly in the international arena. Even if it is only a question of Soft Law, non-binding Law, this tendency can be found in the Ruggie principles, which go beyond the obligation of States not to violate human rights, to a positive obligation to protect them effectively. The question of whether this could apply not only to States but also to companies is hotly debated. If we look at the ICSID Urbaser v. Argentina award of 2016, the arbitrators accepted that a company had an obligation not to violate human rights, but rejected an obligation to protect them effectively. In European Law, the GDPR, DSA and AIA, and in France the so-called Vigilance law, use Compliance Lools, often Compliance by Design, to protect human rights ex ante.

Contracts, particularly through the inclusion of multiple clauses in often international contracts, express the "privatisation" of human rights. Care should be taken to ensure that appropriate sanctions are associated with them and that they do not give rise to situations of contractual imbalance. The relationship of obligation in tort makes it necessary to articulate the Ex Ante logic and the Ex Post logic and to conceive what the judge can order.

The author concludes that "la compliance oblige à remodeler les catégories classiques du droit dans l’optique de les adosser à l’objectif même de la compliance : non pas uniquement un droit tourné vers le passé, mais un droit ancré dans les enjeux du futur ; non pas un droit émanant exclusivement de la contrainte publique, mais un droit s’appuyant sur de la normativité privée ; non pas un droit strictement territorialisé, mais un droit appréhendant l’espace transnational" ("Compliance requires us to reshape the classic categories of Law with a view to bringing them into line with the very objective of Compliance: not just a Law turned towards the past, but a Law anchored in the challenges of the future; not a Law emanating exclusively from public constraint, but a Law based on private normativity; not a strictly territorialised Law, but a law apprehending the transnational space".

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Concevoir l'Obligation de Compliance : faire usage de sa position pour participer à la réalisation des Buts Monumentaux de la Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'Obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de la contribution  : Plutôt que de se plonger dans les disputes de  définitions, en cours du fait que le Droit de la Compliance est lui-même une branche du Droit naissance, l'idée de cette contribution est de partir des différents régimes de si multiples et diverses obligations de compliances auxquelles les lois et réglementations assujettissent les grandes entreprises : elles doivent parfois les appliquer à la lettre et parfois ne sont sanctionner qu'en cas de faute ou négligence. Cela renvoie à la distinction entre obligation de résultat et obligation de moyens.

Bien qu'il soit hasardeux de transposer à des obligations légales l'expression et le régime des obligations contractuelles, en partant de ce constat dans le système probatoire de la compliance d'une pluralité d'obligations de moyens et de résultat, suivant qu'il s'agit de telle ou telle obligation technique de compliance, au classement desquelles il faut tout d'abord procéder. Il apparait alors que cette pluralité ne constituera pas un obstacle définitif à la constitution d'une définition unique de ce qu'est l'Obligation de Compliance. Cela permet au contraire de l'éclaircir, de tracer les allées dans ce qui est si souvent qualifié de fatras juridique, de masse réglementaire immaitrisable.

En effet, en tant que l'entreprise obligée au titre du Droit de la Compliance participe à la réalisation des Buts Monumentaux qui fondent normativement celui-ci, obligation légale éventuellement relayée par le contrat voire par l'éthique, elle ne peut être qu'une obligation de moyens, en raison même de cette nature téléologique et de l'ampleur des buts visés, par exemple l'heureux dénouement de la crise climatique qui commence ou l'égalité effective  souhaitée entre les êtres humains. Ce principe acquis laisse place au fait que ces comportements demandés sont jalonnés par des process mis en place par des outils structurés, le plus souvent légalement décrits, par exemple l'établissement d'un plan de vigilance ou des formations régulièrement organisées (effectivité), sont des obligations de résultat, tandis que les effets heureux produits par ce plan ou ces formations (efficacité) sont des obligations de moyens. C'est encore plus le cas lorsqu'il s'agit d'obtenir la transformation de l'ensemble du système, c'est-à-dire une solidité acquise du système, une culture d'égalité, un respect de chacun à l'égard de tous, ce qui relève de l'efficience.

L'Obligation de Compliance apparaît ainsi unifiée parce que graduellement, et quelles que soient les diverses obligations de compliance dont il s'agit, leur intensité ou leur secteur, ses préalables structurels de process sont n premier lieu des structures à établir auxquelles le Droit, à travers notamment le Juge, demandera qu'elles sont sont mises en place mais ne demandera pas plus, tandis que tendre vers la réalisation des Buts monumentaux précités sera une obligation de moyens, ce qui peut paraître plus léger, mais correspond à une ambition incommensurable, à la hauteur de ces ButsEn outre, parce que ces structures (les plateformes d'alerte, les formation, les audits, les contrats et les clauses, etc.), n'ont de sens que pour produire des effets et des comportements aboutissant à des modifications convergents vers les buts monumentaux, ce sont les obligations de moyens qui ont le plus d'importance et non pas les obligations de résultat. De cela aussi le Juge doit tenir compte.

Enfin, l'Obligation de compliance, qui consiste donc par cet intermaillage de multiples obligations de compliance de résultat et de moyens d'utiliser la position  vise in fine à une efficience des systèmes, en Europe à une civilisation des systèmes, ce pour quoi les entreprises doivent montrer non pas tant qu'elles ont bien suivi les process (résultat) mais que cela a produit des effets qui convergent avec les buts recherchés par le Législateur (effets produits selon une trajectoire crédible). C'est ainsi que doit s'organiser et se comporter une entreprise cruciale, responsable Ex Ante.

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Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière - semestre 2021

Cette bibliographie indicative vise des :

  • ouvrages généraux

 

  • ouvrages abordant la Régulation et la Compliance bancaire et financière à l'occasion d'un autre sujet principalement traité

 

  • sites pertinents pour l'étude du Droit de la Régulation bancaire et financière

 

  • ouvrages et articles portant spécifiquement sur la Régulation et la Compliance bancaire et financière

 

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Lagarde, Ch., A regulatory Approch to FinTech, mai 2018. 

 

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Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : Association des professionnels du contentieux économique et financier (APCEF), La réparation du préjudice économique et financier par les juridictions pénales, 2019.

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Lire le rapport

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : E. Netter, "Les technologies de conformité pour satisfaire les exigences du droit de la compliance. Exemple du numérique", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de cette contribution (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : L’auteur distingue la Compliance qui renvoie aux buts monumentaux et la conformité, qui sont les moyens concrets que l’entreprise utilise pour tendre vers eux, par des procédés, des checks-liksts dans le suivi desquels l’opérateur rend des comptes (art. 5.2. RGPD). La technologie permet à l’opérateur de satisfaire à cette exigence, le caractère changeant des technologies s’ajustant bien au caractère très général des buts visés, qui laissent un large place aux entreprises et aux autorités publiques qui produisent du droit souple.

L’étude s’attache tout d’abord aux technologies existantes. A ce titre, le Droit peut par la Compliance interdire une technologie ou en restreindre l’usage, parce qu’elle contrarie les buts visés, par exemple la technologie de la décision entièrement automatisée produisant des effets juridiques sur des personnes. Parce que l’exercice est périlleux de dicter par la loi ce qui est bon et ce qui est mauvais en la matière, la méthode est plutôt celle de l’explicabilité, c’est-à-dire de la maîtrise par la connaissance par les autres.

Les Régulateurs développent pourtant de nombreuses exigences issues des Buts Monumentaux de la Compliance. Les opérateurs doivent mettre à jour leur technologie ou abandonnent la technologie obsolescente au regard des nouveaux risques ou pour permettre une concurrence effective ne n’enfermant pas les utilisateurs dans un système clos. Mais la puissance technologique ne doit pas se retourner et devienne trop intrusive, la vie privée et la liberté des personnes concernées devant être respectées, ce qui conduit aux principes de nécessité et de proportionnalité.

L’auteur souligne que les opérateurs doivent se conformer à la réglementation en recourant à certaines technologies, si elles sont disponibles, voire de contrecarrer celles-ci si elles sont contraires aux buts de la réglementation mais uniquement toujours si elles sont disponibles, la notion de « technologie disponible » devenant donc le critère de l’obligation ce qui en fait varier le contenu au fil des circonstances et du temps, notamment en matière de cybersécurité.

Dans une seconde partie, l’auteur examine les technologies qui ne sont que potentielles, celles que le Droit, notamment le Juge, pourrait requérir de l’entreprise qu’elle les invente pour remplir son obligation de compliance. Cela se comprend bien lorsqu’il s’agit de technologies en germe, dont la réalisation va se réaliser, par exemple en matière de transfert de données personnelles pour satisfaire le droit à la portabilité (RGPD) car il faut inciter les entreprises à développer des technologies qui leur sont d’un profit moins immédiate ou en matière de paiement sécurisé pour assurer une authentification forte (DSP 2).

Cela est plus difficile pour des technologies dont la faisabilité n’est pas même certaine, comme la vérification de l’âge en ligne ou l’interopérabilité des messageries sécurisés, deux exigences qui paraissent technologiquement contradictoires dans leurs termes , ce qui relève donc encore de la « technologie imaginaire ». Mais par la Compliance la pression exercée sur les entreprises, notamment les entreprises technologiques du numérique est telle que les investissements sont considérables pour y arriver.

L'auteur conclut que c'est pourtant l'ambition même de la Compliance et que l'avenir verra quel en sera le succès. 

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🦉Cet article est accessible en texte intégrale pour les personnes inscrites aux enseignements de la professeur Marie-Anne Frison-Roche

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L'impartialité est la qualité, voire la vertu, que l'on exige du juge, non seulement de celui qualifié expressément comme tel mais encore de celui qui qui a pour rôle de juger autrui (sans en avoir le nom). 

Elle ne peut pas se définir comme l'aptitude positive absolue, à savoir l'absence totale de préjugé, l'aptitude héroïque pour une personne de faire totalement abstraction de ce qu'elle est, de ses opinions et de son histoire personnelles. Cette vertu héroïque est un non-sens car non seulement elle est inexacte, impossible mais elle n'est pas souhaitable car une personne n'est pas une machine. Elle ne doit pas l'être car une bonne justice est une justice humaine. En cela, l'impartialité renvoie à une conception philosophique de ce qu'est la justice et ce qu'est la Régulation, non pas des machines mais des systèmes qui doivent garder en leur centre la personne humaine (Sunstein).

Ainsi l'impartialité s'articule avec la nature subjective de l'appréciation non seulement inévitable mais encore  souhaitable que le juge fait des situations. Parce que le droit est raisonnable ne se définit que négativement : l'absence de partialité.

L'impartialité se définit en premier lieu  comme une qualité subjective et individuelle, à savoir l'interdiction pour la personne qui prend une décision ayant un effet sur la situation d'autrui (ce qui est le cas d'un juge) d'avoir un intérêt particulier dans cette situation. L'interdiction constitutionnelle d'être "juge et partie" est ainsi l'expression du principe d'impartialité. Cette définition jouxte l'exigence par ailleurs générale d'absence de conflit d'intérêts

L'impartialité se se définit en deuxième lieu  comme une qualité objective et individuelle, à savoir l'interdiction pour une personne qui a déjà connu du cas d'en connaître de nouveau (parce qu'elle a déjà eu une opinion à son propos, elle s'est constituée un pré-jugé objectif).

L'impartialité se se définit en troisième lieu  comme une qualité objective et structurelle, qui oblige l'organe qui prend des jugements à "donner à voir" une structure le rend apte à cette impartialité, impartialité objective que les tiers pourront voir et qui engendre confiance dans sa capacité à juger sans partialité. Cette théorie d'origine anglaise a été reprise par le droit européen dans l'interprétation donnée de la Convention européenne des droits de l'homme.  L'expression d' "impartialité apparente" a parfois donné lieu à des contresens. En effet, loin d'être moins exigeante (en ce qu'il ne s'agirait "que" de se contenter d'une apparence d'impartialité et non pas d'une impartialité véritable), il s'agit au contraire d'exiger plus, non seulement d'une impartialité véritable, mais encore d'une impartialité qui se donne à voir à tous. Cela conduit notamment à l'obligation de transparence, ce à quoi les institutions, notamment étatiques, n'étaient pas forcément obligées par le Droit.

Longtemps le Régulateur, en ce qu'il prend la forme d'une Autorité Administrative, n'était pas considéré comme une juridiction, l'on considéra longtemps qu'il n'était pas directement soumis à cette exigence. Par une jurisprudence éclatante, les tribunaux nationaux considèrent désormais que les autorités de régulation sont "au sens européen" des juridictions, ce qui implique le déclenchement au bénéfice des opérateurs mis en cause des garanties fondamentales de procédure.

 

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La théorie économique des incitations suppose implicitement qu’on ne peut contraindre un opérateur à agir contre sa volonté, ou à tout le moins qu’il est plus efficace de lui proposer des avantages de telles sorte qu’il fasse ce que l’on souhaite. En cela, cette conception s’oppose à la conception traditionnelle du Droit, qui pose à l’inverse que les sujets obéissent à l’ordre dicté par la norme juridique.

Mais sur des marchés globalisés, les opérateurs ont les moyens de désobéir et l’asymétrie d’information diminue le pouvoir de contrôle des Régulateurs ce qui fait douter de l’effectivité de la contrainte juridique : il ne suffit pas que le droit ordonne. Dans ces conditions, les textes, les régulateurs et les juges doivent produire des conditions qui incitent les agents à adopter des comportements conformes aux buts recherchés par les Régulateurs parce que les opérateurs y ont eux-mêmes intérêt.

Ainsi, si les systèmes de régulation quelque soit le secteur deviennent de plus en plus répressifs, même dans les économies libérales, ce n’est pas tant pour punir l’auteur des faits, mais pour inciter les tiers tentés d’en commettre d’analogues d’y renoncer. C’est le système de l’exemplarité. Cette pensée antérieure à Beccaria participe à la re-féoadalisation du Droit, démontrée par Pierre Legendre, associée au recul de l ‘État et à laquelle la Régulation participe pleinement. Les juges ont peu tendances à manier la répression de cette façon-là, ce qui crée un choc entre le droit pénal et le droit de la régulation, qui pourtant met la répression en son centre.

De la même façon, la régulation doit injecter des incitations positives, par exemple des récompenses pour communication d‘informations, ce qui incite à la délation, ou des incitations que le régulateur émet à l’égard du gestionnaire de réseau pour que celui-ci fasse des investissements dans l’entretien de celui-ci, contre l’intérêt immédiat de son actionnaire. Enfin, tout le droit et l’économie des brevets sont aujourd’hui pensés comme une incitation à innover. Mais, certaines incitations se sont révélées perverses telles les stock-options ou les bonus. En contrecoup, de nouveaux textes cherchent à réguler ceux-ci.

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : B. Deffains, "De la dette à l’obligation de compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'Obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de cette contribution  (fait par le Journal  of Regulation  & Compliance)  : La contribution s’appuie sur la définition de la Compliance en ce qu’elle requiert des grandes entreprises de contribuer à la réalisation des Buts Monumentaux, notamment la préservation des droits humains et des systèmes, par exemple système climatique.  

Cette exigence est confrontée à la notion de dette telle qu’elle résulte aujourd’hui des travaux ancien ou nouveaux disponibles dans la science économique. En effet, dans l’économie primitive la dette ne renvoie pas seulement aux échanges mais à un dû de nature éthique et sociale ramenant vers le collectif. L’analyse économique du Droit a mis en valeur cette situation où une partie des entités impliquées dans une situation bénéficie des externalités positives ou endurent seule des externalités négatives, ce qui crée une situation de dette : cela engendre une obligation de corriger la défaillance de marché par une obligation de gestion des risques, telle qu’on la voit exprimée par l’Obligation de Compliance. Cela suppose que l’on peut utiliser le calcul économique pour quantifier cette dette : cela aboutit aux nouvelles propositions faites en matière de comptabilisation de la biodiversité.

L’auteur souligne ensuite  la reconnaissance de la dette comme source d’une obligation de compliance. Cela peut être exprimé par la notion classique d’obligation naturelle dont on peut remonter la trace dans le Code civil ou à travers les conceptions plus solidaristes ou politiques du Droit, liées à la responsabilité morales, l’équilibre moral global renvoyant au devoir civique, se superposant à l’équilibre comptable . La dimension politique est alors très présente, comme le montrent par ailleurs Grotius et Kant, puis Bourgeois (solidarisme), Rawls et Sen (justice sociale) qui lient l’engagement profond de chacun avec le groupe . Cela éclaire le rôle essentiel joué par l’Etat et les institutions publics dans la formalisation et l’application de l’obligation de compliance, non seulement pour l’effectivité de celle-ci mais encore pour la prise de conscience par chacun de la part d’équité de celle-ci.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Enseignements : Droit de la Régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2016

Le plan est  actualisé chaque semaine au fur et à mesure que les leçons se déroulent en amphi.

Il est disponible ci-dessous.

 

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(Avant le début des enseignements de Droit de la Régulation bancaire et financière, un aperçu du plan général du Cours avait été mis à disposition.)

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : L. Grosclaude, "Financiarisation des professions libérales réglementées : vers un changement du paradigme",  JCP Entreprise, n°49, déc. 2023, étude 1355.

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🦉cet article est accessible aux personnes qui suivent les enseignements du professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : L. d'Avout,  La cohérence mondiale du droit, Cours général de droit international privé, Académie de droit international de La Haye, t.443, 2025, 692 p.

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