1 septembre 2022

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Place et rôle des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 339-352.

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📝lire l'article  

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Cette réflexion a un objet très précis : la place des entreprises privées, au regard du thème général qui unit les contributions : "l'épreuve que constitue une crise". La crise constitue une "épreuve", c'est-à-dire qu'elle apporte des preuves. Prenons-là comme telle.

En effet, lors de la crise sanitaire, il apparait que les entreprises ont aidé les Autorités publiques à résister au choc, à endurer et à sortir de la crise. Elles l'ont fait de force mais elles ont aussi pris des initiatives dans ce sens. De cela aussi, il faut tirer des leçons pour la prochaine crise qui viendra. Il est possible que celle-ci soit déjà commencé sous la forme d'une autre crise global et systémique : la crise environnementale. Au regard de ce qu'on a pu observer et de l'évolution du Droit, des normes prises par les Autorités mais aussi par les nouvelles jurisprudences, que pourra-t-on attendre des entreprises face à celle-ci, de gré et de force ? 

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : A.-V. Le Fur, "Intérêt et raison d’être de l’entreprise : quelle articulation avec les buts monumentaux de la compliance ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 55-67.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par l'auteure) : Les sociétés auraient une âme. Le législateur le pense puisque la loi dite Pacte du 22 mai 2019 oblige les dirigeants à agir dans l’intérêt social et permet aux sociétés de se doter d'une raison d'être. Quant au droit de la compliance, il compte sur les entreprises pour sauver le monde de la corruption, de l’esclavage, du terrorisme, du réchauffement climatique…, pour atteindre ainsi des buts monumentaux.

De prime abord, les contours de l’intérêt social et de la raison d’être ne sont guère éloignés des buts monumentaux de la compliance. Guère surprenant, puisque l’objectif qui a présidé à leur introduction dans le Code civil est le même que celui sous-jacent au droit de la compliance : repenser la place de l’entreprise dans la société, en affirmant des valeurs ou des préoccupations de long terme. Voilà donc une raison de faire appel à ces notions du droit des sociétés dans le cadre d’une radioscopie de la notion même de buts monumentaux.

Or, une première approche, comparative, s’avère décevante. Les divergences entre les notions sociétaires et la compliance conduisent à considérer que le droit des sociétés n’a pas vocation à imposer autre chose qu’un ordre public sociétaire. Notions plus philosophiques que juridiques, intérêt social et raison d’être se voient attribuer des fonctions qui limitent leur portée. L’impérativité des règles sociétaires, et c’est une conséquence de ce qui précède, n’est pas comparable avec celle de la compliance : incertaine, elle est également relative lorsque qu’on la compare avec la « violence » des règles de compliance. L’impact des notions d’intérêt social et de raison d’être reste donc principalement interne à la société.

Mais, selon une seconde approche, il n’est pas exclu qu’intérêt social et raison d’être- autorisent une meilleure appréhension de valeurs supérieures et universelles par le droit des sociétés. L’intérêt social peut intégrer les  buts monumentaux de la compliance tandis que la raison d’être peut constituer une perspective de réalisation de ces buts.

L’enjeu n’est pas des moindres : lorsque l’intérêt de la société, en tant que personne morale et agent économique autonome, rejoint les buts monumentaux, on démultiplie les moyens d’atteindre ceux-ci en les internalisant dans toutes les sociétés, et pas seulement celles de grande taille. Reste qu’en dépit de toutes les bonnes intentions,  une société n'est gouvernable que si la boussole ne devient pas une girouette insaisissable et indécise ; en d’autres termes, si la sécurité juridique est respectée. C’est pourquoi, un ordonnancement juridique des notions en présence s’impose, ce qui conduit in fine à suggérer leur domaine, leur contenu et leur portée.  

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Mise à jour : 1 septembre 2022 (Rédaction initiale : 13 avril 2022 )

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : N. Sudres, "Gel hydroalcoolique, Covid-19 et compliance. Des insuffisances de la démarche de conformité à l’émergence d’îlots de compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 307-337.

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  Le résumé ci-dessous décrit un article qui fait suite à une intervention dans le colloque Normes publiques et Compliance en temps de crise : les Buts Monumentaux à l'épreuve, coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et la Faculté de Droit de Montpellier. Ce colloque a été conçu par Marie-Anne Frison-Roche, Pascale Idoux, Antoine Oumedjkane et Adrien Tehrani, codirecteurs scientifiques, et s'est déroulé numériquement le 17 mai 2021.

📕Cet article figure dans le titre II de l'ouvrage, consacré à Normes publiques et Compliance en temps de crise : les Buts Monumentaux à l'épreuve.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur): Pendant la crise ouverte par la Covid-19, la gestion de la fabrication, du prix et de la disponibilité du gel hydroalcoolique, produit essentiel dans la lutte contre la transmission de la Covid-19, offre la possibilité de mesurer tout à la fois les limites et les ressources de la compliance.

Alors que la culture de conformité au droit des pratiques anticoncurrentielles était insuffisante à contrer la flambée des prix des gels hydroalcooliques et masques, impliquant le recours à des outils à l’opposé de la compliance (règlementation des prix et réquisition), des mécanismes s’en inspirant ont été mis en place pour traiter d’autres problématiques liées à la disponibilité des biens de première nécessité en période de crise sanitaire.

Reste à savoir si ces dispositifs doivent, pour l’avenir, inspirer la rédaction de véritables normes de compliance.

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : Ch. Huglo, "À quelles conditions le droit climatique pourrait-il constituer un but monumental prioritaire ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p.169-174.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) :  L'auteur considère que  le service que la compliance  rend à la Société peut effectivement être considéré comme monumental et, confrontant la compliance à la question du climat, estime que le Droit climatique doit devenir non seulement un "But Monumental", mais encore être le premier. Il souligne les obstacles profonds pour poser même cette idée, de deux ordres, le premier étant le fait que le Droit s'est plutôt centré sur les pollutions passées, alors que l'enjeu est aussi la mesure de l'impact futur et la prévention. Le second tient à ce que les multiples textes et engagements n'ont pas de force obligatoire directe. Ce sont donc les tribunaux qui aujourd'hui, en raison de leur indépendance et la place que prend la science dans le débat contradictoire qui se déroule devant eux, la Société civile leur apportant la question du climat à laquelle ils sont de droit obligés de répondre, prennent les décisions à partir desquelles l'on peut penser que la "justice climatique" se constitue. 

En cela, le Droit climatique investi par les juridictions rejoint le Droit de la Compliance dans les objectifs poursuivis, en mettant en premier lieu la connaissance, la prévention et l'action pour préserver ce que le climat met aujourd'hui en jeu : la dignité humaine. 

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12 août 2022

Compliance : sur le vif

 

🔴Dans l'ouvrage disponible au 1ier septembre 2022 sur 📕𝑳𝒆𝒔 𝑩𝒖𝒕𝒔 𝑴𝒐𝒏𝒖𝒎𝒆𝒏𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝑪𝒐𝒎𝒑𝒍𝒊𝒂𝒏𝒄𝒆, paraissant dans la collection Régulations & Compliance coéditée par le Journal of Regulation & Compliance et Dalloz, qu'en est-il des points de contacts avec la raison d'être des entreprises ?

Et s'il y a de tels points de contacts, ce dont on pourrait se réjouir, que reste-t-il alors du Droit classique des sociétés, qui semble construit sur de tout autres bases ?

Le Droit de la Compliance, comme le fît le Droit financier, renouvelant alors complétement le Droit des sociétés, parce qu'il y intègre les Buts Monumentaux par lesquels il se définit.

🔴𝒎𝒂𝒇𝒓, 📝 Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance, 2022

C'est à ce triangle de questions, Bermudes pour lequel il faut du courage, que s'est attaquée Anne-valérie Le Fur dans sa remarquable contribution à l'ouvrage : 📝 Intérêt et raison d’être de l’entreprise : quelle articulation avec les buts monumentaux de la compliance ?

Elle y analyse la façon dont le Droit de la Compliance renouvelle le Droit des sociétés en lui donnant une cohérence nouvelle, notamment par rapport à l'impératif de "gouvernance", notion relativement peu juridique, et à la notion de "raison d'être" que la loi dite Pacte a fait plus nettement entrer dans l'Ordre juridique.

Comme le résume l'auteur, la question ouverte est celle de savoir si "les sociétés auraient une âme...", le législateur le pensant puisque la loi dite Pacte du 22 mai 2019 oblige les dirigeants à agir dans un intérêt social, englobant autrui et permet aux sociétés de se doter d'une raison d'être. Quant au droit de la compliance, il compte sur les entreprises pour sauver le monde de la corruption, de l’esclavage, du terrorisme, du réchauffement climatique…, pour atteindre ainsi des buts monumentaux.

L'auteur montre que de prime abord, les contours de l’intérêt social et de la raison d’être ne sont guère éloignés des 𝑩𝒖𝒕𝒔 𝑴𝒐𝒏𝒖𝒎𝒆𝒏𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝑪𝒐𝒎𝒑𝒍𝒊𝒂𝒏𝒄𝒆. Guère surprenant, puisque l’objectif qui a présidé à leur introduction dans le Code civil est le même que celui sous-jacent au droit de la compliance : repenser la place de l’entreprise dans la société, en affirmant des valeurs ou des préoccupations de long terme. Voilà donc une raison de faire appel à ces notions du droit des sociétés dans le cadre d’une radioscopie de la notion même de buts monumentaux.

 

Or, une première approche, comparative, s’avère décevante. Les divergences entre les notions sociétaires et la compliance conduisent à considérer que le droit des sociétés n’a pas vocation à imposer autre chose qu’un ordre public sociétaire. Notions plus philosophiques que juridiques, intérêt social et raison d’être se voient attribuer des fonctions qui limitent leur portée. L’impérativité des règles sociétaires, et c’est une conséquence de ce qui précède, n’est pas comparable avec celle de la compliance : incertaine, elle est également relative lorsque qu’on la compare avec la « violence » des règles de compliance. L’impact des notions d’intérêt social et de raison d’être reste donc principalement interne à la société.

 

Mais l'autre montre que selon une seconde approche, il n’est pas exclu qu’intérêt social et raison d’être- autorisent une meilleure appréhension de valeurs supérieures et universelles par le droit des sociétés. L’intérêt social peut intégrer les buts monumentaux de la compliance tandis que la raison d’être peut constituer une perspective de réalisation de ces buts.

L’enjeu n’est pas des moindres : lorsque l’intérêt de la société, en tant que personne morale et agent économique autonome, rejoint les buts monumentaux, on démultiplie les moyens d’atteindre ceux-ci en les internalisant dans toutes les sociétés, et pas seulement celles de grande taille. Reste qu’en dépit de toutes les bonnes intentions, une société n'est gouvernable que si la boussole ne devient pas une girouette insaisissable et indécise ; en d’autres termes, si la sécurité juridique est respectée. C’est pourquoi, un ordonnancement juridique des notions en présence s’impose, ce qui conduit in fine à suggérer leur domaine, leur contenu et leur portée.  

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Cet article pose une question générale à propos du Droit de la Compliance : celui-ci a un effet indéniablement perturbant, éventuellement destructeur. L'auteur le montre parfaitement pour le Droit des sociétés. Comme elle le conclut, si on ne connait pas d'une façon nette et claire le but d'une telle perturbation, alors cela justifie une critique, parce que la force apportée ne sera pas "créatrice", pour reprendre ce concept et l'image utilisée de la "girouette" plutôt que de la "boussole" est pleinement justifiée.

Ce qui est ici démontré pour le Droit des sociétés s'applique aussi pour le Droit pénal ou pour le Droit international public (branches du Droit également examinées dans l'ouvrage).

L'enjeu pratique est donc bien celui de fixer clairement et simplement une telle boussole, avant tout constituée par une définition simple et substantielle du Droit de la Compliance : 🔴𝒎𝒂𝒇𝒓, 📝Le Droit de la Compliance, 2016.

 

 

8 août 2022

Compliance : sur le vif

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., "Rendre plus coûteux l'accès au marché de la Haine, Newsletter MAFR Law, Compliance", Regulation, 8 août 2022. 

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L'on dit parfois que le Droit européen lutte contre la désinformation tandis que le Droit américain, par une sorte de passion sans limite pour le principe de la liberté d'expression, ne le ferait en rien.

Cela n'est pas exact. Un article paru dans le New York Times du 4 août 2022, Jurors award $45.2 million in punitive damages after lawyer for Sandy Hook parents asks them to "stop Alex Jones.", vient rappeler l'efficacité de l'action en diffamation dans la lutte contre la désinformation (I). Cela montre le souci commun aux Droits américain et européen : le souci d'arrêter la désinformation (II). Il demeure que les deux voies juridiques de lutte contre la désinformation, souci commun, reflètent deux cultures juridiques différentes, le Droit américain continuant de le faire Ex Post et par le calcul économique, le Droit européen le faisant Ex-Ante et par le Droit de la Compliance (III).

 

I. L'EFFICACITÉ DES ACTIONS EN DIFFAMATION POUR LUTTER CONTRE LA DÉSINFORMATION

Cet article, qui vient à la suite d'une série d'autres, le journal suivant depuis longtemps le cas, illustre à travers ce cas le maniement de l'action en diffamation pour sanctionner efficacement l'usage de la désinformation.

Il relate que dans la tuerie en 2012 d'une école d'enfants et d'enseignants, dans 20 enfants sont morts, un conspirationniste, Alex Jones, a par la suite utilisé son système média notamment numérique, dont la maison-mère a pour nom Free Speech et la filiale de diffusion Infowars, pour affirmer que cet évènement était un complot du gouvernement fédéral pour lutter contre le droit constitutionnel de chacun de porter des armes et aboutir à la prohibition par l'adoption d'une loi de celui-ci. Ce complot aurait donc eu pour but de confisquer les armes des Américains, complot dont les parents des enfants décédées auraient été complices.

Les parents de 10 enfants décédés ont agi en diffamation contre Alex Jones.

Les procès ont eu lieu en deux temps, le premier pour engager la responsabilité du défendeur, le second pour calculer le montant des dommages et intérêts.

L'année dernière, la responsabilité du défendeur a été établie à la fois par une juridiction du Texas et une juridiction du Connecticut.

Tandis que le défendeur a déclaré faire appel de son engagement de responsabilité, le verdict concernant le montant des dommages et intérêts a été rendu par le jury de la Cour du Texas.

Le jury a lui-même procédé en deux temps.

Concernant la somme à attribuer aux parents pour compenser la perte de l'enfant : les intérêts compensatoire (compensative damages). Ceux-ci se sont montés à 4 millions, pour compenser leur malheur

Puis le jury a évalué les dommages et intérêts punitifs (punitive damages). Ceux-ci se sont montés à 45,2 millions. Cela se justifie à la fois pour punir le défendeur mais aussi, et surtout, pour le dissuader de continuer, à pratiquer une sorte d'industrie de la désinformation, le verdict s'adressant non seulement à lui mais encore à tous ceux qui pratiquent la même activité commerciale. Ce que l'on pourrait appeler l'activité économique de la Haine.

Cela montre à quel point, alors qu'on affirme si souvent l'inverse, les Droits américain et européen, ont ce fond commun : le souci de lutter contre la désinformation.

 

II. CE QUI EST COMMUN AU DROIT EUROPÉEN ET AMÉRICAIN : LE SOUCI DE LUTTE CONTRE LA DÉSINFORMATION

Les juristes américains rappellent pourtant que l'action en diffamation est depuis longtemps maniée par les juridictions américaines pour que la liberté d'expression ne laisse pas sans défendre contre la désinformation, tout système juridique produisant toujours ce que l'on pourrait appeler ses anticorps, l'action en diffamation étant maniée à la fois pour protéger les victimes mais aussi le système, notamment le système démocratique.

Or, les dommages et intérêts "punitifs" sont 10 fois plus importants que les dommages et intérêts visant à réparer le dommage. Cela s'explique par le calcul économique auquel le jury a procédé, l'analyse économique du Droit étant sans doute plus familière aux Etats-Unis, y compris dans les jurys, qu'en Europe, pour servir ce souci commun de lutte contre la désinformation (A). Les juridictions utilisent alors le Droit de la responsabilité pour infléchir le futur, comme le fait le Droit européen (B).

A. LE CALCUL ECONOMIQUE

En effet, l'article souligne : "The jury announced both awards after several dramatic days in court that included testimony that Mr. Jones and Free Speech Systems, the parent company of his misinformation-peddling media outlet, Infowars, were worth between $135 million and $270 million.".

L'idée est de rendre à l'avenir cette activité médiatique que l'on ne peut éradiquer dans son principe, puisqu'ancrée dans le principe de la liberté d'expression, comme le rappelle la dénomination sociale de la structure faîtière du groupe, ne soit plus rentable, ni même cessible, faute d'acheteur, le revenu de l'activité étant environ d'une cinquantaine de millions par an.

En effet, deux autres procès en évaluation de dommages et intérêts attendent. Si les jurys attribuent une même somme, le coût d'accès au marché de la Haine sera alors suffisamment élevé, notamment si l'on inclut le coût des procès eux-mêmes, le défendeur se plaignant expressément des millions que lui coûtent ces trois procès qu'il estime injustement menés contre lui.

Pour fermer le marché de la Haine, il convient de démonétiser celle-ci, les punitive damages pouvant être utilisés pour ceux-ci. C'est en ces termes que cela a été demandé par l'avocat de la famille de l'enfant de 6 ans tuée, dans ces termes rappelés par l'article : "“Stop the monetization of misinformation and lies. Please.”.".

Le plaisir de haïr et les croyances (ici le complotisme) ne sont effectivement pas le seul moteur de la désinformation, il y a aussi l'appât du gain : accroître le coût d'accès au marché de la haine par une bonne application de l'Economie du Droit, est une solution, dont ici application est faite, le calcul étant alors fait non pour le passé mais pour le futur.

Dès lors, cet entrepreneur pourrait arrêter son business de la haine non par éthique ou amour de la vérité ou disparition de plaisir de haïr mais par rationalité économique, puisque la Haine va cesser de lui rapporter de l'argent.

🔴 Sur l'analyse économique de la Compliance, v. Bruno Deffains et Laurent Benzoni, 📝 Approche économique des outils de la Compliance: finalité, effectivité et mesure de la Compliance subie et choisiein M.-A Frison-Roche (dir.), 📕Les outils de la Compliance, coll. Régulations & Compliance", 2021.

🔴 Sur l'analyse de la nature de la Haine, v. M.-A Frison-Roche, 📧Quand on s'intéresse à la Compliance, lire "La Haine" de Günther AndersNewsletter MAFR Law, Compliance, Regulation1ier août 2022.

 

B. LE MANIEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DANS UNE PERSPECTIVE EX-ANTE

Les juges utilisent ainsi la branche du Droit la plus ancienne dans la Common Law (Tort Law) pour se saisir de l'essentiel : l'avenir. Car rien ne peut compenser la mort d'un enfant et c'est sans doute par altruisme que ces parents agissent en justice pour tenter d'obtenir que cette personne à la tête d'un business de la désinformation cesse de nuire.

Ce faisant, ce qui est assez familier à l'Analyse Economique du Droit, dans laquelle le traitement des décisions comme des informations pour calculer les comportements à adopter et les anticipations sont des éléments centraux, les agents étant présumés rationnels, les dommages et intérêts sont utilisés pour obtenir le comportement souhaité : ici l'arrêt.

Le Droit européen est en train de faire bouger un Droit de la responsabilité qui, sans atteindre l'ampleur qu'il a dans le système de Common Law et notamment parce que les dommages et intérêts punitifs continuent de n'être pas admis, s'oriente vers l'avenir, afin d'obtenir des entreprises qu'elles cessent d'avoir des comportements dommageables et/ou qu'elles adoptent les comportements souhaitables.

C'est notamment le cas pour répondre au souci climatique ou dans ce qui sera le traitement juridictionnel du devoir légal de vigilance, dans lesquels il ne s'agit pas d'être sévère dans l'appréciation des comportements passés - ce sont des obligations de moyens - mais il s'agit d'obtenir des comportements adéquats pour le futur. En effet, comme pour l'usage des armes et les enfants que l'on ne peut plus que pleurer, il faut prévenir et infléchir le futur et non pas - ou pas principalement - sanctionner le passé.

🔴 Sur ce mouvement, v. 𝒎𝒂𝒇𝒓, 📝 𝑳𝒂 𝒓𝒆𝒔𝒑𝒐𝒏𝒔𝒂𝒃𝒊𝒍𝒊𝒕é 𝑬𝒙 𝑨𝒏𝒕𝒆, 𝒑𝒊𝒍𝒊𝒆𝒓 𝒅𝒖 𝑫𝒓𝒐𝒊𝒕 𝒅𝒆 𝒍𝒂 𝑪𝒐𝒎𝒑𝒍𝒊𝒂𝒏𝒄𝒆, 2022.

Si ce fond est commun, à savoir le souci commun de lutter contre la désinformation, où l'Europe est davantage en avant, et l'usage du Droit de la responsabilité en le tournant vers l'avenir, où les Etats-Unis sont davantage en avant, les cultures demeurent tout de même différentes.

 

III. LES MODALITÉS DIFFÉRENTES ENTRE L'EUROPE ET LES ÉTATS-UNIS : EX ANTE NON-JURIDITIONNEL VERSUS EX-POST JURIDICTIONNEL

Pour exprimer son souci de lutter contre la désinformation, l'Europe va continuer de privilégier sa culture de la Régulation en Ex Ante (A), tandis que les Etats-Unis continuent sans doute à compter sur la puissance judiciaire (B).

A. LA CULTURE EX-ANTE EUROPÉENNE, À TRAVERS LE DROIT DE LA COMPLIANCE

Ainsi, le Digital Services Act va obliger les entreprises qui offrent des espaces d'information dans le numérique à mettre en place des systèmes de détection et de prévention de la désinformation.

En cela, généralisant et unifiant les systèmes nationaux, les entreprises numériques vont être contraintes en Ex-Ante de lutter activement contre la désinformation, même s'il n'y a pas fusion entre l'entreprise qui tient l'espace de communication et l'auteur du contenu. L'entreprise est ainsi de force associée dès le départ et en continu à la concrétisation du but politique et économique de préservation de la vérité, "But Monumental", que vise la lutte contre la désinformation.

Même si cette obligation de Compliance est une obligation de moyens, l'opérateur est ainsi soumis à la supervision des Autorités publiques, en France l'Arcom. Le Droit de la Compliance prolonge ainsi le Droit de la Régulation dans ce nouvel espace.

🔴 Sur le mouvement d'ensemble, v. Roch-Olivier Maistre, 📝 Quels buts monumentaux pour le Régulateur dans un paysage audiovisuel et numérique en pleine mutation ?,  in M.-A Frison-Roche (dir.), 📕Les buts monumentaux de la Compliance, coll. Régulations & Compliance", 2022.

 

B. LA CULTURE EX-POST AMERICAINE, À TRAVERS LA CONFIANCE D'UN JUGE ACTIF, EXPERT ET DILIGENT

La culture américaine donnant plus de place à la liberté, l'initiative et comptant sur le calcul des individus rationnels, donne plus de place aux juridictions, lesquelles ont un pouvoir considérable, via la procédure, notamment par l'admission des class actions, et via les punitive damages, l'association des deux accroissant le pouvoir juridictionnel.

Le juge américain n'est pas beaucoup plus rapide que le juge européen, ce qui pour une action sur l'avenir peut poser difficulté. L'événement tragique a eu lieu en 2012 et, tandis que les procès évoluaient, le défendeur a mis son groupe sous la protection du Droit américain des faillites (chapter 11).

L'on peut en outre penser que la voie européenne de l'Ex-Ante est plus appropriée, puisque l'Ex-Ante vise à ce que les choses n'arrivent pas, tandis que l'Ex-Post a une ambition moindre, celle de compenser les dommages déjà arrivés : la mort des personnes, la chute de la Démocratie, dont la "compensation" est assez difficile et pour laquelle la restauration est peu concevable.

Mais sans doute est-ce une réflexion européenne que de penser ainsi, puisque la liberté y trouve moins son compte.

Il est vrai que le mouvement de "Juridictionnalisation du Droit de la Compliance" ne fait que commencer en Europe, ce qui doit plus rendre d'autant plus attentifs aux jurisprudences efficaces Outre-Atlantique.

🔴 Sur le mouvement d'ensemble de la Juridictionnalisation, v. M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La Juridictionnalisation de la Compliance, coll. Régulations & Compliance", à paraître.

 

 

2 août 2022

Publications

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 Référence complèteM.-A. Frison-Roche, Le juge, l'obligation de compliance et l'entreprise. Prolégomènes pour le système probatoire de la compliance, document de travail, août 2022

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📝ce document de travail a été élaboré pour servir de base à un article : "Le juge, l'obligation de compliance et l'entreprise. Le système probatoire de la compliance".

📕publié dans sa version française dans l'ouvrage La juridictionnalisation de la Compliancedans la collection 📚Régulations & Compliance

📘dans sa version anglaise dans l'ouvrage Compliance Jurisdictionalisation, dans la collection 📚Compliance & Regulation

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 Résumé du document de travail : Pour articuler le système probatoire de la compliance, il convient d'admettre en préalable que le Droit de la preuve est un système à part entière, construit sur un « carré probatoire » fonctionnant quelle que soit la situation, et qu’à première vue le Droit de la Compliance le rejette, étant incompatible avec des principes probatoires majeurs, dès l'instant que l'on définit la Compliance comme l’obligation qu’auraient les entreprises de donner à voir (ce qui relève de la preuve) leur respect de toute la réglementation qui leur est applicable.

Mais heureusement, la Compliance ne doit pas recevoir cette définition. Le Droit de la Compliance consiste dans l’ensemble des principes, institutions, règles et décisions qui, dans une alliance entre Autorités publiques et entreprises cruciales, tend d’une façon substantielle à la concrétisation de Buts Monumentaux. Branche du Droit Ex Ante protectrice des systèmes et des êtres humains qui y sont impliqués, le Droit de la Compliance a pour objet de détecter et de prévenir pour qu’à l’avenir les systèmes soient moins délétères qu’ils ne seraient si l’on ne fait rien, voire soient meilleurs.

De cette action exigée, qui requiert mises en place de structures et séries de comportements, un système probatoire spécifique se dégage. Il est composé en premier lieu d’objets de preuve spécifique, constitués d’une part par les structures et d’autre part par les comportements. En deuxième lieu, la spécificité de la compliance, souvent dénoncée, tient dans la charge de la preuve, dont le fardeau repose sur l’entreprise, mais il faut analyser les interférences avec les autres branches du Droit, que la compliance ne peut avoir détruites. En troisième lieu, l’ampleur des enjeux probatoires est telle que les moyens de preuve se sont multipliés, selon le tryptique de l’effectivité, efficacité et efficience attendues du système de compliance lui-même au regard des buts monumentaux (et non de la réglementation). En quatrième lieu, parce que le Droit de la Compliance est une branche du Droit Ex Ante et que le Juge y est pourtant au centre, il est logique que tous les efforts portent sur la préconstitution des preuves. 

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🔓Lire les développements ci-dessous ⤵️

1 août 2022

Compliance : sur le vif

 Référence complète : Frison-Roche, M.A., "Quand on s'intéresse à la Compliance, lire "La Haine"​ de Günther Anders", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 1ier août 2022.

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 Introduction de l'article : Philosophe allemand, Günter Anders connut la Seconde Guerre mondiale, dût quitter l'Allemagne et vécut dans plusieurs pays. C'est avant tout un philosophe moral, habité par le pessimisme et l'idée que le nazisme n'était qu'une répétition générale, plutôt artisanale, de ce que nous attend : L'obsolescence de l'homme, son livre-maître qui en 1956 décrit le système économique comme ce qui broie les êtres humains en les réduisant à n'être plus que des êtres qui entretiennent des machines qui produisent des produits inutiles qu'ils consomment, les humains n'étant eux-mêmes que des machines désirantes.

En 1985 dans un volume paru en langue allemande et composé d'articles tous consacrés au thème de La haine, il donna comme contribution les éléments de travail de ce qu'il avait conçu comme dernière partie de son oeuvre démontrant l'appareillage obtenant "l'obsolescence de l'homme", dernier livre qu'il ne publia jamais.

Extrait de ce volume, ces documents de travail furent traduits en français et présentés par Philippe Ivernel : le titre en est La Haine.

 

Lire la suite de l'article ci-dessous⤵️

20 juillet 2022

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Rharrabi, H, L"La compliance en droit marocain : une notion en devenir", Remald, juin-juillet 2022. 

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7 juillet 2022

Aventures de l'Ogre Compliance

 

6 juillet 2022

Aventures de l'Ogre Compliance

6 juillet 2022

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "L'appui du Droit de la Compliance pour la maîtrise quotidienne du Droit de la concurrence", in C. Lemaire & F. Martucci (dir.), Liber Amicorum Laurence Idot. Concurrence et Europe, vol. I, préf. C. Lemaire & F. Martucci, avant-propos B. Lasserre, Concurrences, 2022, pp. 369-374

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 Résumé de l'article : Le Droit de la concurrence est devenu si énorme et « réglementaire » qu’on finirait par renoncer à vouloir le saisir dans son ensemble, préférant devenir spécialiste de l’une de ses parties. Cela serait perdre de vue la raison simple et forte qui unit l’ensemble et lui donne son souffle :liberté.

Liberté éprouvée par la personne dans son action économique quotidienne, liberté gardée par le Droit de la concurrence, revenant toujours à son principe : la libre concurrence. Raison pour laquelle l’Union européenne fait grande place à la concurrence. Pour la rendre et la garder effective, la « politique de la concurrence » s’articule au Droit de la concurrence mais si autorités et juges ne font pas reproche aux entreprises leur puissance, ils ne s’appuient pas sur celle-ci.

Pour ce faire, il faut alors être épaulé par le Droit de la Compliance, qui incite fortement les entreprises à agir pour l’effectivité et la promotion des principes concurrentiels. Le Droit de la concurrence glisse ainsi de l’Ex Post vers l’Ex Ante, les engagements des entreprises conduisant celles-ci à cesser d’être passives et punies pour devenir des acteurs convaincus et eux-mêmes pédagogues. De quoi plaire à une grande professeure de Droit de la concurrence, à laquelle hommage est ici rendu. 

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📗lire la table des matières des Mélanges

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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4 juillet 2022

Aventures de l'Ogre Compliance

1 juillet 2022

Conférences

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 Référence généraleM.-A. Frison-Roche, "Compliance, Intelligence artificielle et gestion des entreprises : : la juste mesure", participation à la conférence coordonnée par Mustapha Mekki, L'intelligence artificielle et la gestion des entreprises. 1ier juillet 2022. 

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 consulter les slides ayant servi de notes brèves pour prononcer la conférence. 

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🚧lire le document de travail ayant servi de base à la conférence

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📝Cette conférence sera suivie d'un article.

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 Résumé de la conférence : Du prochaine Règlement européen sur l'intelligence artificielle, la Commission européenne en a une conception assez neutre pour obtenir un consensus entre les Etats membre, tandis que les Régulateurs et certains Etats en ont une conception plus substantielle voulant que la puissance de celle-ci soit utilisée pour protéger les personnes, et contre ses outils eux-mêmes et contre ce qui est une amplification des maux du monde, comme la haine ou la désinformation. C'est le reflet d'une alternative d'une conception de la Compliance.

En premier lieu, la Compliance peut se définir comme des process neutres qui accroissent l'effectivité de ce qui serait l'obligation des entreprises ou leur volonté pour une bonne gestion des risques (notamment des "risques juridiques") de se soumettre à la totalité des réglementations qui sont applicables à elle-même et toutes les personnes dont elle doit répondre. C'est ce l'on appelle souvent l'obligation de conformité.

Cette conception implique des conséquences pratiques considérables pour l'entreprise qui pour réussir cet "exploit total" devrait alors recourir à des outils d'intelligence artificielle constituant une "solution totale et infaillible", ce qui engendre mécaniquement pour elle l'obligation de "connaitre" toute la "masse réglementaire", de détecter toutes les "non-conformités", de concevoir son rapport au Droit en termes de "risque de non-conformité", pris totalement en charge par la Compliance by Design qui pourrait, sans intervention humaine, éliminer le risque juridique et garantir la "conformité. 

Le "prix juridique" de ce rêve technologique en est très élevé car toutes les prescriptions "réglementaire" vont alors se transformer en obligations de résultat, toute défaillance engendrant responsabilité. Le système probatoire de la Compliance va devenir écrasant pour l'entreprise, tant en termes de charge de preuve, que moyens de preuve, que transferts , sans dispense de preuve. Vont se multiplier des responsabilités objectives pour autrui. Le "droit de la conformité" va multiplier des pénalités systémiques Ex Ante , la frontière avec le Droit pénal étant de moins en moins préservée.

Il est essentiel d'éviter cela, et pour les entreprises, et pour l'Etat de Droit. Pour cela, il faut utiliser l'Intelligence Artificielle à sa juste mesure : elle doit constituer une "aide massive", sans jamais prétendre être une solution totale et infaillible, car c'est l'humain qui doit être au centre et non pas les machines.

Pour cela, il faut adopter une conception substantielle du Droit de la Compliance (et non pas Droit de la conformité). Elle ne vise pas du tout l'ensemble des réglementations applicables et elle n'est pas du tout "neutre", n'ayant en rien une série de process. Cette nouvelle branche du Droit est substantiellement construite sur des buts monumentaux. Ceux-ci sont soit de nature négative (éviter qu'une crise systémique n'arrive, bancaire, financière, sanitaire, climatique, etc.), soit de nature positive (construire un meilleur équilibre, notamment entre les êtres humains, dans l'entreprise et au-delà de celle-ci). 

Dans cette conception qui se manifeste de plus en plus fortement, l'intelligence artificielle trouve sa place, plus modeste. En tant que le Droit de la Compliance est basé sur l'information, l'Intelligence Artificielle est indispensable pour la capter et en faire une première mise en connection, la rendant en état d'analyses successives, notamment de la part d'êtres humains, pour qu'il y ait possibilité de ce qui est l'essentiel : l'engagement de l'entreprise, à la fois par les dirigeants et par tous ceux qui sont "embarqués" par une "culture de Compliance" qui est à la fois construite et commune. 

Cela redonne l'étanchéité requise entre le Droit pénal et ce que l'on peut demander à l'usage mécanique de l'intelligence artificielle, cela remet l'obligation de moyens comme principe. Cela redonne la place centrale au juriste et au Compliance officer , pour que s'articulent la culture de compliance avec la culture d'un secteur et l'identité de l'entreprise elle-même. En effet, la culture de compliance étant indissociable d'une culture de valeurs, la Compliance by design suppose une double technique, à la fois mathématique et de culture juridique. C'est en cela que le Droit européen de la compliance, en ce qu'il est enraciné dans la tradition humaniste européen, est un modèle. 

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Pour aller plus loin :

📕Les buts monumentaux de la Compliance, 2022

📕La juridictionnalisation de la Compliance2022

📕Les outils de la Compliance2021

📓L'apport du Droit de la Compliance à la Gouvernance d'Internet, 2019

📕Pour une Europe de la Compliance2019

📕Régulation, Supervision, Compliance2017

📕 Internet, espace d'interrégulation, 2016

📝 Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance, 2022,

📝 Rôle et place des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise, 2022

📝 Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale, 2022

📝 Le jugeant- jugé ; articuler les mots et les choses face à l'impossible conflit d'intérêts, 2022

📝 Décrire, concevoir et corréler les outils de la Compliance, pour en faire un usage adéquat, 2021

📝 Construire juridiquement l'unité des outils de la Compliance à partir de la définition du Droit de la Compliance par ses "buts monumentaux", 2021

📝 Compliance et incitations, un couple à propulser, 2021

📝 Résoudre la contradiction entre incitations et sanctions sous le feu du Droit de la Compliance, 2021

📝Dresser des cartographies des risques comme obligation et le paradoxe des "risques de conformité", 2021

📝 La formation : contenu et contenant du Droit de la Compliance, 2021

📝 Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, 2021

📝 Le Droit rêvé de la Compliance, 2020

📝 Un Droit substantiel de la Compliance, appuyé sur la tradition européenne humaniste, 2019

📝 Se tenir bien dans l'espace numérique, 2019

📝 Droit de la concurrence et Droit de la compliance, 2018

📝 Entreprise, Régulation, Juge : penser la compliance par ces trois personnages, 2018

📝 Compliance : avant, maintenant, après, 2018

📝 Du Droit de la Régulation au Droit de la Compliance, 2017

📝 Tracer les cercles de la Compliance,2017,

📝 Compliance et Confiance, 2017

📝 Le Droit de la Compliance, 2016

 

28 juin 2022

Compliance : sur le vif

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., S'associer structurellement pour atteindre un But Monumentale. Equilibre entre Concurrence et Compliance : l'entente bienvenue entre deux opérateurs dominants pour réduire l'émission des gaz à effet de serre, 28 juin 2022.

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L'Autorité néerlandaise de la concurrence, l' Authority for Consumers and Markets, a exprimé le 27 juin 2022 une "opinion" concernant deux opérateurs énergétiques très puissants, Shell et TotalEnergie, décidés à collaborer pour réduire la pollution, parce que les effets négatifs de cette restriction de concurrence engendrée par cette entente sont moindres que les effets positifs de réduction d'émission de gaz à effet de serre, leur contribution à la lutte contre le déséquilibre climatique justifiant ainsi cette collaboration.

Au-delà de l'analyse précise de la situation, l'Autorité présente ainsi sa décision : "Following an assessment of their plans, the Netherlands Authority for Consumers and Markets (ACM) has decided to allow competitors Shell and TotalEnergies to collaborate in the storage of CO2 in empty natural-gas fields in the North Sea. By transporting CO2 through pipes and storing it in old gas fields, this greenhouse gas will not be released into the atmosphere. This initiative thus helps realize the climate objectives. As cooperation is necessary for getting this initiative off the ground and for realizing the climate benefits, the slight restriction of competition between Shell and TotalEnergies is not that harmful. The benefits for customers of both companies and for society as a whole exceed the negative effects of that restriction.".

L'Autorité n'hésite donc pas à affirmer que les entreprises peuvent s'entendre structurellement car cela est bénéfique pour les deux entreprises, bénéfiquespour les consommateurs et bénéfique pour le groupe social.

C'est surtout le dernier point qui est important.

Cette décision illustre l'évolution du rapport entre le Droit de la Concurrence et le Droit de la Compliance. Nous sommes bien loin de la façon dont on présente encore souvent ces deux branches du Droit, notamment dans ce que serait la Compliance pour le Droit de la Concurrence, à savoir un moyen d'accroître l'effectivité le Droit de la Concurrence (I). L'évolution de plus en plus forte donne aux entreprises le pouvoir, parce qu'elles en ont l'obligation d'atteindre le "but monumental" de faire quelque chose en matière climatique, par exemple d'inventer ensemble des structures bénéfiques à l'équilibre climatique : ce qui relève alors du Droit de la Compliance, lequel n'accroît pas le Droit de la Concurrence (puisque la Compliance légitime les ententes) mais vient se mettre en équilibre face au Droit de la Concurrence (II). En cela, le Droit de la Compliance est le prolongement du Droit de la Régulation, comme lui Ex Ante (les entreprises demandent en Ex Ante la validation de leur structure collaborative, et cela en dehors de tout secteur (III). L'avenir est donc au Droit de la Compliance, pilier de ces nouveaux équilibres.

 

I. LE RAPPORT TRADITIONNELLEMENT PRESENTÉ ENTRE DROIT DE LA CONCURRENCE ET DROIT DE LA COMPLIANCE

Lorsqu'on consulte le droit souple disponible, notamment celui émis par les Autorités de concurrence, par exemple le nouveau "document-cadre" publié par l'Autorité de la concurrence une première fois le 11 octobre 2021 puis une seconde fois, sous une forme définitive, le 24 mai 2022 : Document-cadre du 24 mai 2022 sur les programmes de conformité aux règles de concurrence.

Ce document débute ainsi : "La conformité, terme désormais bien ancré dans la pratique (également sous son nom anglais de « compliance ») désigne à la fois un processus et un objectif. L’objectif de la conformité consiste, pour une entreprise, à défendre des valeurs et encourager des comportements vertueux pour pleinement respecter les règles, notamment de concurrence. C’est une démarche éthique qui favorise un fonctionnement concurrentiel libre et non faussé de l’économie et permet pour les entreprises une gestion optimisée des risques, qu’ils soient financiers ou réputationnels. Le terme conformité renvoie, également, à un processus interne mis en place de façon permanente au sein même des entreprises, qui s’appuie notamment sur les « programmes de conformité ». La conformité désigne, à cet égard, les actions internes mises en place qui visent à diffuser la culture de concurrence, à assurer le respect des règles et la responsabilisation des acteurs économiques en faveur d’une concurrence basée sur les mérites. Les programmes de conformité s’appliquent aussi bien à prévenir les risques d’infraction aux règles de concurrence qu’à détecter les infractions éventuelles et à y remédier. Ils sont, en outre, amenés à évoluer au gré des besoins et des changements intervenus. La conformité combine, ainsi, trois composantes : préventive, curative et évolutive. ".

Pour l'Autorité de la concurrence, la "conformité" ou "compliance" (les deux termes étant pour elles synonyme, juste une question de traduction) est donc une sorte de voie d'exécution en Ex Ante : un moyen d'effectivité des règles de concurrence qui, plutôt que de prendre la forme de sanction Ex Post des violations commises par les entreprises, prend la forme Ex Ante d'une culture de concurrence développée par les entreprises elles-mêmes qui évitent, par divers moyens et pour diverses raisons, de commettre les manquements.

Dès lors, la Compliance fait totalement corps avec le Droit de la Concurrence ; c'est une sorte d'appendice, et rien de plus. Un peu comme l'on voyait il y a longtemps la procédure, "servante" des branches de Droit "substantielles" (c'est-à-dire nobles), comme le Droit public, le Droit des obligations, etc., chacune se reflétant dans son outil d'effectivité : le Droit public dans le Contentieux administratif, le Droit civil dans la Procédure civile, etc. Depuis quelques décennies, l'on ne pense plus ainsi.

En dehors même du fait que les branches du Droit qui donne aux règles leur effectivité, c'est-à-dire les procédures, sont depuis longtemps devenues autonomes, ont même été regroupées dans le "Droit processuel", le Droit de la Compliance est lui-même une branche du Droit qui n'est pas un ensemble de procédures d'effectivité : il est une branche du Droit substantiel.

Et il poursuit des buts qui lui sont propres.

C'est pourquoi il peut ne pas poursuivre les mêmes buts que le Droit de la Concurrence. Il vient alors non pas accroître par sa puissance la branche du Droit à laquelle il s'articule (ici les principes du Droit de la concurrence), mais au contraire équilibrer ces principes en confiant aux entreprises d'autres buts à atteindre.

🔴M.A. Frison-Roche, Droit de la concurrence et Droit de la compliance, 2018.

Les buts du Droit de la Compliance ne sont pas les mêmes que les buts du Droit de la Concurrence. Ils sont beaucoup plus ambitieux. Il y a notamment le climat. Si une Autorité de concurrence admet de prendre en considération la lutte effective contre la perspective de crise climatique catastrophique, alors elle intègre la logique du Droit de la Compliance, et notamment son premier principe qui est l'inverse du principe du Droit de la concurrence : l'impératif de s'allier avec d'autres dans la durée pour atteindre ce but.

La décision de l'Autorité de concurrence est exemplaire de cela. Elle valide par avance une infrastructure.

 

II. L'ENTENTE ENTRE DES ENTREPRISES POUR ATTEINDRE LE BUT MONUMENTAL DE L'ACTION CLIMATIQUE, VALIDÉE EX ANTE, EN ÉQUILIBRE DES PRINCIPES DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Les 2 entreprises créent ensemble une activité qui est décrite et appréciée par l'Autorité en ces termes : "Shell and TotalEnergies wish to store CO2 in empty North Sea gas fields on a large scale. This is part of the Aramis project, in which the government, Gasunie and Energie Beheer Nederland work together with Shell and TotalEnergies in order to build a high-capacity trunkline that connects to empty gas fields, among other activities. Carbon capture and storage helps reduce CO2 emissions of businesses located in the Netherlands that, at the moment, still have few alternatives. Major investments are needed since it concerns a high-capacity trunkline and a new, innovative method. In order to get the project off the ground, Shell and TotalEnergies need to offer the CO2 storage together, and therefore jointly set the price with an eye to putting the first ±20% of the trunkline’s capacity into operation. For the remaining 80%, no collective agreements will be made. Shell and TotalEnergies compete with one another. Collaborations between two competitors may negatively affect price, quality, and innovation, but that effect can be offset by certain benefits that a collaboration has for the customers of those businesses and for society as a whole. That is why the parties have asked ACM for informal guidance about whether their collaboration is compatible with the competition rules that offer an exemption to the prohibition to restrict competition if, in short, the benefits outweigh the costs.".

Ainsi, plutôt que faire les investissements conjoints en infrastructures, de faire fonctionner celles-ci et d'attendre une poursuite devant l'Autorité de concurrence pour entente en plaidant pour éviter la sanction le bénéfice social produit par cette collaboration dans cette infrastructure commune à travers la technique probatoire dite du "bilan", charge probatoire dont on connait la lourdeur et l'aléa, les autorités de concurrence prenant peu en considération ce bilan, souvent jugée trop politique et trop peu étayée économiquement (sur le droit positif, v. M.-A. Frison-Roche et J.-C. Roda, Précis Dalloz, Droit de la concurrence, 2022, n°452 et s.), les entreprises ont entrepris une démarche en Ex Ante.

Mais surtout les exemptions individuelles délivrées formellement au nom du Droit de la concurrence, telles que la Commission européenne le conçoit dans ses lignes directrices du 27 avril 2004 excluent de la mise en balance des considérations non-économiques et l'absence de prise en considération du souci climatique a été particulièrement critiquée.

L'on a pu ainsi anticiper la présente décision de l'Autorité néerlandaise de concurrence (M.-A. Frison-Roche et J.-C. Roda, Précis Dalloz, Droit de la concurrence, préc., n°454), du fait de la décision dite Shell rendue le 26 mai 2021 sur le terrain de la responsabilité civile par le Tribunal de La Haye.

 

III. LE DROIT DE LA COMPLIANCE, UN DROIT DE LA REGULATION A-SECTORIEL NE REQUERANT QU'UNE SUPERVISION

En effet et précisément, dans cet arrêt du 26 mai 2021, le Tribunal de La Haye a refusé de considérer que constituait une concurrence déloyale le fait d'imposer à Shell une obligation de réduire des émissions de CO2, même si cela freine sa croissance et que ses compétiteurs sur le marché du pétrole et du gaz n'y sont pas soumis car "l'intérêt servi par l'obligation de réduction l'emporte sur les intérêts commerciaux du groupe Shell...".

Le groupe Shell a donc une obligation d'action pour atteindre un intérêt qui le dépasse : un but monumental climatique, qui engendre à sa charge une Responsabilité Ex Ante.

🔴M.A. Frison-Roche, La Responsabilité Ex Ante, pilier du Droit de la Compliance, 2022.

Puisque le Droit de la Compliance impose aux entreprises de telles responsabilités, exige d'elles qu'elles prennent en charge de telles ambitions, détectent et préviennent de telles catastrophiques, alors implicitement, il leur confère les pouvoirs nécessaires pour le faire.

Cela serait inconcevable que les entreprises, obligées d'agir pour le climat, n'ont seulement n'aient pas le pouvoir de le faire, mais encore se voient interdire de le faire, par exemple par le Droit de la Concurrence. Cela est une conséquence directe du Principe de Proportionnalité, qui est au cœur du Droit de la compliance : l'entreprise ne doit certes pas avoir plus de pouvoir qu'il n'est nécessaire pour qu'elle atteigne le but qui lui est assigné, mais elle doit avoir tous les pouvoirs qui lui sont nécessaires pour cela.

🔴M.-A. Frison-Roche, Définition du Principe de proportionnalité et définition du Droit de la Compliance, in Les buts monumentaux de la Compliance, 2022

🔴M.-A. Frison-Roche, Concevoir le Pouvoir, 2021

Le Droit de la Compliance apparaît ici nettement puisqu'indépendamment des lignes directrices de 2004 de la Commission européenne qui n'admettent qu'un bilan concurrentiel, l'Autorité de concurrence prend ici directement appui sur l'initiative des entreprises qui s'associent structurellement pour atteindre un but climatique d'intérêt général.

En cela, et en Ex Ante, les entreprises mettent au point une infrastructure qui dans la durée va certes aller contre les principes de concurrence mais va tendre vers le But Monumental dont elles sont chargées, et pour Shell cette charge repose expressément sur elle puisque par ailleurs une juridiction le lui a expressément rappelé en refusant justement de faire jouer à son bénéfice la protection du Droit de la concurrence déloyale !

Ainsi, le Droit de la Compliance est ici illustré en ce qu'il est le prolongement du Droit de la Régulation.

🔴M.A. Frison-Roche, Du Droit de la Régulation au Droit de la Compliance, in Régulation, Supervision, Compliance, 2017

Ce mouvement va se renforcer, le Droit de la Compliance se plaçant au centre du Droit économique, laissant aux entreprises le soin, l'obligation, le pouvoir, de prendre des initiatives à long terme pour viser des buts d'intérêt général global, sous la supervision Ex Ante puis en continu des Autorités publiques.

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27 juin 2022

Compliance : sur le vif

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Une alliance entre les entreprises et les Régulateurs (= Droit de la Compliance) peut limiter la portée catastrophique de l'arrêt de la Cour suprême, 27 juin 2022. 

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Nul ne conteste l'importance de l'arrêt rendu par la Cour suprême. La critique en est presque unanime.

Reconnaissons aussi ses mérites : il est clairement et solidement motivé. Plus une décision est catastrophique et plus il est important qu'elle exprime clairement son sens, sa valeur et sa portée : c'est ce qu'a fait la Cour suprême. Celle-ci aurait pu avancer masquée. Non seulement elle a décidé franchement mais l'opinion de Justice Clarence Thomas a formulé clairement la portée de l'arrêt.

Il faut en savoir gré à la Cour car cela permet de réfléchir dès maintenant à ce qui va permettre de contrer la portée systémique contenue clairement dans l'arrêt (I). Gémir et protester ne fait qu'accroître son effet systémique catastrophique (II). Il faut plutôt techniquement réfléchir à accroître la catégorie des droits subjectifs de nature non-politique (IV) et faire intervenir les entreprises en ce, par le Droit de la Compliance, elles sont en charge de concrétiser des droits subjectifs de nature politique (V), la portée globale du Droit de la Compliance montrant une nouvelle fois toute sa puissance et son considérable intérêt (VI).

I. UN ARRET QUI A LE MERITE DE LA CLARTE, Y COMPRIS DANS SA PORTEE

En effet, l'arrêt distingue clairement les droits subjectifs (c'est-à-dire les prérogatives dont sont titulaires les personnes) qui ont une dimension politique et ceux qui n'en ont pas. Pour les premiers, il estime que les auteurs de la Constitution ont voulu que ce soit la volonté des Etats fédérés qui prévalent et que la Cour ne peut pas les déposséder de ce pouvoir politique.

Ainsi le droit subjectif à l'avortement est un droit subjectif de nature politique. C'est donc à chaque Etat des Etats-Unis de décider s'il le donne ou s'il ne le donne pas, puisque ce qui fait naître ce droit subjectif est une décision politique. Par exemple la Californie va continuer à le donner et le Missouri ne va pas le donner. Et la Cour suprême ne s'en mêlera pas. C'est pourquoi, immédiatement, le gouverneur de Californie a réaffirmé que le droit à l'avortement serait effectivement protégé dans l'Etat de Californie et que l'Etat du Missouri a annoncé son abrogation dans le Missouri.

Mais le droit subjectif à l'avortement n'est qu'un exemple. La portée de cet arrêt est immense car tous les droits subjectifs de nature politique sont concernés et Justice Clarence l'a dit clairement. Ainsi le droit au mariage qui bénéficie aux homosexuels est un droit subjectif de nature politique. Les Etats vont pouvoir l'attribuer ou ne pas l'attribuer, le conserver ou le retirer. La jurisprudence de la Cour suprême qui avait élevé ce droit à une valeur fédérale, ôtant un tel pouvoir aux Etats, est d'ores et déjà caduque.

Il n'en sera différemment que si les Constituant ont expressément visé dans le texte même de la Constitution un droit subjectif : par exemple le droit de vote ou le droit de porter des armes. C'est pourquoi l'arrêt de la Cour suprême qui déclare contraire à la Constitution la loi de l'Etat de New-York limitant le port d'arme était avant-coureur de cet arrêt plus général, car c'est le même raisonnement.

C'est donc l'ensemble des droits subjectifs qui font être revus.

C'est clair et c'est net.

Merci à la Cour de n'avoir pas dissimulé la portée catastrophique de son arrêt, d'en avoir donné le sens, la valeur et la portée.

La portée en est catastrophique parce que systémique : les Etats vont - et ils le font déjà - se séparer suivant la conception politique qu'ils ont de tel ou tel sujet (les armes, les femmes, les discriminations, le travail, les étrangers, etc.) et la population vivant aux Etats-Unis va migrer entre les Etats : les Etats vont se désunir.

Le processus de Sécession est dans l'arrêt.

Sans doute l'arrêt a-t-il été adopté pour cela.

II. LES GEMISSEMENTS ET LES CRITIQUES ACCROISSENT LA PORTE CATASTROPHIQUE DE L'ARRET

L'on peut gémir sur le sort des victimes de cet arrêt, et elles sont très nombreuses. L'on peut vouer aux gémonies les auteurs de cet arrêt.

Mais cela ne sert à rien (c'est vrai que cela soulage).

Car plus la critique des auteurs et la frayeur des victimes sera grande et plus la sécession va s'opérer rapidement : c'est ce que veulent ceux qui ont inspiré cet arrêt, puisque les victimes vont migrer dans les Etats qui protègent les droits de nature politique, les autres vont migrer dans les Etat qui les annihilent, les Etats-Unis vont s'isoler du monde extérieur (notamment dans sa relation avec l'Europe).

Il faut plutôt réfléchir à quoi faire pour arrêter cet effet systémique.

Il y a deux voies pour cela : réfléchir sur ce que sont les "droits subjectifs de nature politique" pour dégager ceux qui ne le sont pas et qui ne sont donc pas dans la main des Etats fédérés (III) ; concernant les "droits subjectifs de nature politique", mettre en valeur que, par le Droit de la Compliance défini substantiellement par ses Buts Monumentaux, les entreprises cruciales ont pour fonction de défendre par leurs propres forces les droits subjectifs des personnes, en incorporant la dimension politique de ceux-ci, en alliance avec les Autorités publiques (IV). C'est là que l'on redécouvre, comme en matière de climat, que la nature globale du Droit de la Compliance, est son atout le plus précieux et qu'il faut arrêter de critiquer son "effet extraterritorial".

 

III. LA VOIE PAR LA NOTION MEME DE "DROITS DE NATURE NON POLITIQUE", NE RELEVANT DONC PAS DU POUVOIR POLITIQUE EXCLUSIF DES ETATS

Si les droits subjectifs de nature politique ne sont plus protégés par la Cour suprême, sauf à être écrits noir sur blanc dans la Constitution américaine ou avoir été dans l'esprit des pères-fondateurs, a contrario les droits subjectifs de nature non-politique peuvent continuer de l'être par la Constitution quand bien même ils n'ont pas été dans l'esprit des pères fondateurs (car l'on peut penser que les deux conditions sont cumulatives).

En effet, c'est en raison de cette "nature politique" que les Etats fédérés ont le pouvoir de les dessiner à leur guise, de les attribuer ou non, de les récuser, etc. Mais s'il s'agit de droits subjectifs de nature non politique, alors les Etats fédérés n'ont pas un pouvoir politique exclusif sur eux : cette règle juridique de principe relève de la tautologie.

Avoir affirmé que le droit à l'avortement était un droit de nature politique était soutenable mais n'était pas indiscutable. si cela n'avait pas été discuté, c'est parce qu'on ne connaissait pas encore le raisonnement qui désormais va conduire la Cour suprême.

Puisqu'elle a, par son arrêt fondateur, donné la summa divisio, qui doit la tenir et valoir pour elle précédent et guide pour le futur, l'enjeu est de sortir le plus possible de droits subjectifs de la catégorie des droits subjectifs de dimension "politique" pour les faire rentrer dans la catégorie des droits subjectifs de dimension "non politique".

L'on peut penser que par nature un droit subjectif n'est pas de nature politique (il doit être présumé comme tel) et que c'est celui qui prétend qu'un droit subjectif est de nature politique qui doit démontrer cette nature-là.

Avant même cet exercice de charge de preuve, qu'il sera bon de rappeler à chaque fois néanmoins, il faut dès maintenant mettre en catégorie les droits subjectifs selon cette summa divisio.

Il faut le faire rapidement et immédiatement prendre branche du Droit par branche du Droit, décomposer et lister pour soutenir que les droits subjectifs en cause ne sont pas politiques.

La Cour suprême, en raison de sa composition, va avoi tendance à classer comme non politiques, les droits subjectifs qui lui plaisent, afin de leur conférer une protection constitutionnelle (comme les droits subjectifs en matière de contrat et en matière de concurrence) et à classer comme politiques les droits subjectifs qui ne lui plaisent pas, afin de permettre aux Etats dominés par les conservateurs de détruire toute protection (face à quoi elle pourra dire que, désolé, elle ne peut s'en mêler, comme les droits subjectifs en matière de droit des personnes).

Or, comme cela a été souligné (M.-A. Frison-Roche, et J.-C. Roda, Droit de la concurrence, Précis Dalloz, 2022), les droits subjectifs en Droit de la concurrence sont très souvent de nature politique. La Cour suprême qui va vouloir les protéger - car elle est très pro-entreprises, va être amenée à élargir la catégorie des droits subjectifs qualifiés de non-politiques à des prérogatives qui le sont en réalité. Cela sera également le cas pour les prérogatives concernant les licenciements, etc., et tout ce qui tourne autour de la liberté contractuelle. Ainsi, via le Droit économique, la catégorie même des "droits subjectifs à dimension non-politique" ayant valeur constitutionnelle peut s'accroître et par ricochet bénéficier aux personnes dans des situations non directement économiques.

Cet exercice de mise en catégories. Une question technique et il faut construire immédiatement un corpus clair pour que face à cela, qui est clairement acquis, il y est une classification qui entrave cette stratégie juridique.

Par ailleurs, l'on peut agir au sein même de cette catégorie des droits subjectifs de nature politique.

IV. LA VOIE PAR L'AFFIRMATION DE LA PRISE EN CHARGE DES "DROITS DE NATURE POLITIQUE" PAR LES ENTREPRISES : LE DROIT DE LA COMPLIANCE

Le Droit de la Compliance est défini, dans sa définition riche, comme ce qui vise à concrétiser les droits fondamentaux des personnes. En cela, ceux-ci constituent le But Monumental du Droit de la Compliance, qui constitue la définition même de cette nouvelle branche du Droit.

🔴M.-A. Frison-Roche, Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, in Les outils de la compliance, 2021

🔴M.-A. Frison-Roche, Les buts monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance, in Les buts monumentaux de la compliance2022.

Dans ce sens, les entreprises, soit par force parce que les Autorités publiques l'exigent, soit de gré parce que cela correspond à leurs valeurs et à leurs propres finalités (éthique, RSE, entreprises à mission) ont pour mission de rendre effectifs les droits des personnes.

Ce sont elles qui peuvent et doivent intervenir pour édicter, défendre et concrétiser les droits des personnes, non seulement leurs employés et les personnes dont elles répondent, mais encore les parties prenantes.

 

V. L'ALLIANCE ENTRE LES ENTREPRISES CRUCIALES ET LES AUTORITES PUBLIQUES

Pour cela, les entreprises, qui ne sont pas légitimes à régenter le monde, doivent faire alliance avec les Autorités publiques, notamment les autorités de régulation et de supervision.

Les Autorités publiques de régulation et de supervision ont elles-mêmes développé des activités d'information et de pédagogie, au cœur de leur activité régulatrice, qui peut ainsi converger avec l'activité de Compliance des entreprises.

En effet, puisque les droits subjectifs de nature politique sont méconnus, c'est en termes de "culture commune" et d'éducation que la question doit être prise.

🔴M.A. Frison-Roche, La formation, contenu et contenant du Droit de la Compliance, 2021.

 

VI. LA PORTEE PAR NATURE GLOBALE (DITE "EXTRATERRITORIALE") DU DROIT DE LA COMPLIANCE

Cette intervention des entreprises est d'autant plus adéquate que le Droit de la Compliance en a fait depuis la naissance de cette branche du Droit des sujet de droit en tant qu'elles sont "en position" de faire quelque chose.

Or, ici, c'est exactement le cas : les entreprises sont en position de faire quelque chose, et pas seulement les entreprises américaines. Toutes les "entreprises cruciales" peuvent agir.

Elles vont pouvoir agir d'une façon globale, en alliance avec les Autorités publiques qui les supervisent.

Et l'on va enfin reconnaître que l'effet extraterritorial du Droit de la Compliance, que l'on a tant critiqué à propos d'un sujet pourtant limité (les embargos) est ce qui rend cette branche du Droit si adéquate pour le mouvement dramatique que l'arrêt de la Cour suprême vient d'enclencher.

Cela montre que le mouvement amorcé pour renouveler le rapport avec le principe de Souveraineté vient de trouver un puissant accélérateur, en se détachant, non pas des Autorités publiques, mais des Etats.

🔴M.-A. Frison-Roche, Le principe de proximité systémique active, corolaire du renouvellement du Principe de Souveraineté par le Droit de la Compliance, 2022.

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23 juin 2022

Compliance : sur le vif

Dans une émission de France Culture du 23 juin 2022, Philippe Sansonetti, titulaire de la chaire "Microbiologie et maladies infectieuses", professeur au Collège de France, expose, à propos de la "nième vague" du Covid, comment on est entré dans la période endémique : des vagues se succèdent, qui petit à petit sont, variant après variant, maîtrisées. Il expose qu'il faut apprendre à vivre avec et qu'il faut continuer les mesures adéquates pour diminuer la circulation du virus, ne pas envisager l'abandon trop radical du port du masque, exploiter les connaissances que l'on a du virus, continuer la pédagogie, ainsi que la vaccination.

Cela n'est pas fini et cela ne finira pas.

Il considère que l'on doit désormais parler de "calendrier vaccinal", c'est-à-dire non seulement parler d'une vaccination initiale mais encore de mise à jour régulière. De la même façon le port du masque doit faire l'objet d'une "intelligence collective" pour qu'il s'opère selon les circonstances.

Durant toute l'émission, il insiste sur la complexité de la situation, sur la difficulté à anticiper, sur le fait que l'on connait très mal les mécanismes de transmissibilité du virus, notamment lorsqu'il y a mutations, qu'on ne sait pas, à force de muter, il ne s'agit pas de nouveaux virus, même si d'une façon générale l'on a beaucoup progressé dans la connaissance du virus et de l'épidémie, de la même façon que la connaissance de la population a elle-même considérablement progressé.

 

Si l'on écoute avec une perspective juridique cette émission, qui a pour titre Envisager la fin, d'où il ressort que ce qui a été qualifié par les médecins et par les juristes de "crise" et traité comme telle, ne finira pas, cela amène une question en Droit de la régulation et de la Compliance : comment concevoir un Droit spécifique à la "crise sanitaire", qui suppose que le dispositif s'arrête, lorsqu'il apparaît que le virus continue de circuler ?

En effet, le rapport entre le Droit et les crises est difficile. Il suppose "par nature" que l'on change les règles ordinaires - ce que le Droit considère comme anormal mais exceptionnellement justifié par la crise - quand la crise débute mais ce qui doit s'arrêter lorsque la crise s'achève : il faut alors "revenir à la normale".

La notion de "crise sanitaire" est d'ailleurs une notion juridique puisque c'est sur cette situation expressément visée que le Législateur, et avant lui le ministre de la Santé par un simple décret, a justifié des mesures exceptionnelles, d'ailleurs qualifiées comme des "outils", comme le port obligatoire du masque, ce qui était contraire à la liberté, le confinement était une des mesures juridiques les plus violentes au regard des libertés.

Sans aborder la question de la légitimité même de ces mesures au regard des libertés, sur laquelle a statué le Conseil constitutionnel, la question ici est plutôt de se demander quand la crise sanitaire finit, puisqu'il apparaît que jamais le virus ne cessera de circuler, tandis qu'il n'est pas acquis que, de mutation en mutation, il s'agisse encore à la fin du même virus, ce qui peut faire douter, en Droit de la Régulation qu'une mesure adoptée pour le virus A soit encore applicable lorsque la situation dans un temps ultérieure concerne le virus A+++++++.

Cette seconde question relève de la compétence scientifique et non pas de la compétence juridique. Dans l'émission radiophonique, Philippe Sansonetti décrit par exemple les différents animaux impliqués, les transmissions, les mutations, etc. Si un tel cas était soumis à un juge, sans doute une expertise serait requise. C'est donc une question de méthode et de procédure, renvoyant aux rapports entre le Droit et la Science, ici plus spécifiquement entre le Droit et la Biologie.

La première question sur la "fin de la crise" et donc de la fin du "droit de crise" peut être affrontée par le Droit lui-même : comment le système juridique peut-il faire s'il s'avère que les situations de crises ne se terminent jamais ?

En effet, ce qui est exposé à propos du virus du Covid-19 peut être soutenu en dehors des situations de pandémies. Ainsi en matière financière, il est soutenu que l'on passe de crise en crise, qu'en matière climatique nous pourrions être dans une sorte de "crise permanente" avec laquelle il faudrait "vivre avec".

S'il en était ainsi, quelles conséquences juridiques faut-il en tirer ?

1. La crise est la situation ordinaire et non pas la crise extraordinaire : il faut donc préparer la crise suivante, ne serait-ce que pour prévenir celle-ci ;

2. La détection et la prévention des crises qui viennent doit être au cœur du Droit ;

3. Le Droit ne doit pas être comme "surpris" par une crise, puisque celle-ci n'est pas "anormale" et ne va pas passer, elle changerait juste de forme : parce que la crise serait ce qui est notre ordinaire et qu'elle ne finit pas, que la précédente a engendré la présente qui engendrera la suivante, le Droit doit d'une façon ordinaire se constituer en Ex Ante pour détecter, prévenir et gérer les crises.

4. La branche du Droit qui a pour fonction de prévenir, détecter et gérer les crises est le Droit de la Régulation et de la Compliance.

 

🔴 Sur l'analyse entre les situations de crises et le Droit de la régulation et de la compliance, v. le chapitre consacré à ce thème dans l'ouvrage : M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les buts monumentaux de la compliance, collection📚 Régulations & Compliance, Journal of Regulation & Compliance et Dalloz, à paraître.

 

21 juin 2022

Interviews

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., L'efficacité de la compliance illustrée par l'affaire Youporn, entretien avec Olivia Dufour, 21 juin 2022.

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💬 Lire l'entretien 

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21 juin 2022

Publications

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 Référence générale : Frison-Roche, M.-A. La place de l'Intelligence artificielle dans le respect de la Compliance dans l'entreprise : la juste mesure, document de travail, juin 2022. 

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🎤 Ce document de travail a été élaboré pour servir tout d'abord de base à une intervention dans la conférence de la Cour de cassation du 1ier juillet 2022 : L'intelligence artificielle et la gestion des entreprises.

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🎥Regarder la conférence prononcée sur la base de ce document de travail

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📝Il sera également la base à un article.

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 Résumé du document de travail : Du prochaine Règlement européen sur l'intelligence artificielle, la Commission européenne en a une conception assez neutre pour obtenir un consensus entre les Etats membre, tandis que les Régulateurs et certains Etats en ont une conception plus substantielle voulant que la puissance de celle-ci soit utilisée pour protéger les personnes, et contre ses outils eux-mêmes et contre ce qui est une amplification des maux du monde, comme la haine ou la désinformation. C'est le reflet d'une alternative d'une conception de la Compliance.

En premier lieu, la Compliance peut se définir, soit comme des process neutres qui accroissent l'effectivité de ce qui serait l'obligation ou la volonté pour une bonne gestion des entreprises de se soumettre à la totalité des réglementations qui sont applicables à elle-même et toutes les personnes dont elle doit répondre. C'est ce l'on appelle souvent l'obligation de conformité.

Cette conception implique des conséquences pratiques considérables pour l'entreprise qui pour réussir cet "exploit total" devrait alors recourir à des outils d'intelligence artificielle constituant une "solution totale et infaillible", ce qui engendre mécaniquement pour elle l'obligation de "connaitre" toute la "masse réglementaire", de détecter toutes les "non-conformités", de concevoir son rapport au Droit en termes de "risque de non-conformité", pris totalement en charge par la Compliance by Design qui pourrait, sans intervention humaine, éliminer le risque juridique et garantir la "conformité. 

Le "prix juridique" de ce rêve technologique en est très élevé car toutes les prescriptions "réglementaire" vont alors se transformer en obligations de résultat, toute défaillance engendrant responsabilité. Le système probatoire de la Compliance va devenir écrasant pour l'entreprise, tant en termes de charge de preuve, que moyens de preuve, que transferts , sans dispense de preuve. Vont se multiplier des responsabilités objectives pour autrui. Le "droit de la conformité" va multiplier des pénalités systémiques Ex Ante , la frontière avec le Droit pénal étant de moins en moins préservée.

Il est essentiel d'éviter cela, et pour les entreprises, et pour l'Etat de Droit. Pour cela, il faut utiliser l'Intelligence Artificielle à sa juste mesure : elle doit constituer une "aide massive", sans jamais prétendre être une solution totale et infaillible, car c'est l'humain qui doit être au centre et non pas les machines.

Pour cela, il faut adopter une conception substantielle du Droit de la Compliance (et non pas Droit de la conformité). Elle ne vise pas du tout l'ensemble des réglementations applicables et elle n'est pas du tout "neutre", n'ayant en rien une série de process. Cette nouvelle branche du Droit est substantiellement construite sur des buts monumentaux. Ceux-ci sont soit de nature négative (éviter qu'une crise systémique n'arrive, bancaire, financière, sanitaire, climatique, etc.), soit de nature positive (construire un meilleur équilibre, notamment entre les êtres humains, dans l'entreprise et au-delà de celle-ci). 

Dans cette conception qui se manifeste de plus en plus fortement, l'intelligence artificielle trouve sa place, plus modeste. En tant que le Droit de la Compliance est basé sur l'information, l'Intelligence Artificielle est indispensable pour la capter et en faire une première mise en connection, la rendant en état d'analyses successives, notamment de la part d'êtres humains, pour qu'il y ait possibilité de ce qui est l'essentiel : l'engagement de l'entreprise, à la fois par les dirigeants et par tous ceux qui sont "embarqués" par une "culture de Compliance" qui est à la fois construite et commune. 

Cela redonne l'étanchéité requise entre le Droit pénal et ce que l'on peut demander à l'usage mécanique de l'intelligence artificielle, cela remet l'obligation de moyens comme principe. Cela redonne la place centrale au juriste et au Compliance officer , pour que s'articulent la culture de compliance avec la culture d'un secteur et l'identité de l'entreprise elle-même. En effet, la culture de compliance étant indissociable d'une culture de valeurs, la Compliance by design suppose une double technique, à la fois mathématique et de culture juridique. C'est en cela que le Droit européen de la compliance, en ce qu'il est enraciné dans la tradition humaniste européen, est un modèle. 

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🔓lire le document de travail ci-dessous⤵️

15 juin 2022

Publications

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A.., La dynamique des Buts Monumentaux du Droit de la Compliance, in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les buts monumentaux de la Compliance, série "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p.1-19.

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► Résumé de l'article :  Cet article constitue la postface du livre Les buts monumentaux de la Compliance.

Il a pour objet de montrer la cohérence du livre, en ce que les Buts Monumentaux eux-mêmes donnent par leur normativité une unicité au Droit de la Compliance, ce qui confère à celui-ci simplicité et force. 

Restituant chacune des contributions et les articulant toutes dans une démonstration d'ensemble, il met en valeur cette unicité des mécanismes de Compliance qui rejoignent la fonction première du Droit : la protection des êtres humains, maintenant et à l'Avenir.

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 lire l'ensemble des présentations des contributions de Marie-Anne Frison-Roche dans cet ouvrage :

📝 Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance

📝 Définition du Principe de Proportionnalité et Définition du Droit de la Compliance 

📝 Rôle et place des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise 

📝 Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale

📝Le principe de proximité systémique active, corolaire du renouvellement du Principe de Souveraineté par le Droit de la Compliance

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Cet article est en libre-accès.

Lire l'article⤵️

15 juin 2022

Publications

Full reference: Frison-Roche, M.-A., The Dynamics of the Compliance Monumental Goals, in Frison-Roche, M.-A. (dir.), Compliance Monumental Goals, coll. "Compliance & Regulation", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) and Bruylant, to be published.

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► Article summary :This article constitutes the afterword of the book Compliance Monumental Goals.

Its purpose is to show the consistency of the book, in that the Monumental Goals themselves, by their normativity, give Uniqueness to Compliance Law, giving it simplicity and strength.

Restituting each of the contributions and articulating them all in an overall demonstration, this article highlights this consistency of the Compliance mechanisms which join the primary function of the Law: the protection of human beings, now and in the future.

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📘 Read a general presentation of the book  Compliance Monumental Goal, in which the article is published

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 Read Marie-Anne Frison-Roche's presentations of her other contributions in this book : 

📝Definition of Principe of Proportionality and Definition of Compliance Law,

📝 Role and Place of Companies in the Creation and Effectiveness of Compliance Law in Crisis

📝 Assessment of Whistleblowing and the duty of Vigilance

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This article is freely accessible. 

Read this article ⤵️

9 juin 2022

Conférences

► Référence générale : Frison-Roche, M.-A., Droit de la Compliance et Cloud souverain, in Souveraineté numérique : quelles solutions pour quels problèmes ?  Association Master 2 Droit du Commerce Électronique et de l’Économie Numérique (M2 DCEEN), Université Panthéon-Sorbonne (Paris I), 9 juin 2022, 18h-20h.

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Voir le programme

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Cette intervention s'insère dans un débat coordonné par la professeure Judith Rochfeld, auquel participent également Monsieur le Député Philippe Latombe et Céline Heller (société Google).

Pour ma part, interrogée en premier pendant un 1/4 d'heure, il s'agissait en premier lieu, avant de participer à la discussion générale, de répondre aux trois questions suivantes :

  •  Quelles définitions doivent être retenues pour la souveraineté numérique ?
  • Quel est le rapport entre souveraineté numérique et droit de la compliance ?
  • Plus largement, quelle place le Droit doit-il occuper dans la souveraineté numérique selon vous ?
  • En quoi la souveraineté numérique est-elle un but monumental ? 

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2 juin 2022

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : L. Tenreira, "La rédaction des clauses d'application du devoir de vigilance par les Global Lawyers : l'exemple des clauses de flow-Down", RDAI/IBLJ, n°5, 2022, p. 453-466.

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► Résumé de l'article

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1 juin 2022

Compliance : sur le vif

31 mai 2022

Base Documentaire : Convention, contrat, composition, engagement

 Référence complète : Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) PNF et Mc Donald's France, Mc Donald's System of France LLC et McD Luxembourg Real Estate Sarl, 31 mai 2022

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Lire le communiqué de presse du Procureur de la République financier

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