4 novembre 2021

Publications

► Référence complète : M.A. Frison-Roche, "Assessment of whistleblowing and the obligation of vigilance regarding International Competitiveness, in M.-A. Frison-Roche (ed.), Compliance Monumental Goals, series "Compliance & Regulation", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, 2023, p. 

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► Article Summary: Taking up the legal tools of Compliance and confronting them with the concern that Law must have for the Competitiveness of companies, it is necessary that these legal instruments not harm it because Compliance Law, because of its immense ambitions, can only function through an alliance between political wills with great pretensions (save the planet) and the entities which are able to achieve these goals (the crucial economic operators : the political drawing on the compagnies" power, it would be contradictory for the legal instruments put in place by Law to harm the ability of companies to face global economic competition, or worse to favor international competitors acting under legal systems which do not integrate Compliance obligations.  

From this principle, it is possible to assess these two legal techniques of whistleblowing and vigilance obligation: both consist in capturing Information, which gives them a strong uniqueness and fits them into the global competition for Information.

Taking the whistleblowing, its first beneficiary is the company itself since the firm discovers a weakness and can therefore remedy it. Therefore, beyond the principle of protection of the whistleblower by their access to the legal statute, for instance the one conceived by the French 2016 law known as "Sapin 2", it is questionable that all the incentives are not put in place so that the holder of such information transmits it to the manager. It is not the European solution, even after the European Directive of 2019, national legal systems continuing to require the absence of financial compensation, the "heroic figure of the whistleblower and the refusal of their remuneration depriving the company of Information and improvement. First to the manager, with external transmission taking place if the latter does nothing, the internal manager is thus encouraged to act and put an end to the dysfunction, which increases the competitiveness of the company.

But the French legislation has on the contrary developed the right incentive as to the person to whom the information is transmitted because by obliging to transmit first to the manager, the external transmission intervening if the internal management does nothing, the incentive is thus made to the internal manager to act and put an end to the dysfunction, this legal solution increasing the competitiveness of the company.

Even more, and even if it seems counter-intuitive, the obligation of vigilance increases the competitiveness of the obliged companies. Indeed, Law by obliging them to prevent and fight against violations of human rights and the environment has tacitly given them all the necessary powers to do so, notably the power to collect Information on third-party companies, including (and even above all) those which are not subject to transparency obligations. In this respect, companies, as far as they are personally responsible, hold supervisory power over others, a power which allows to globalize Compliance Law and which, in the process, increases the Companies' own power. Therefore, the obligation of vigilance is in many respects a boon for the companies which are subject to it. The resumption of the mechanism by the next European Directive, itself indifferent to the territory, will only strengthen this global power of vigilant companies over possibly foreign companies which become its passive subjects.

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🚧 read the bilingual Working Paper, basis for this article 

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📘 consulter la présentation de l'ouvrage, Compliance Monumental Goals, dans lequel l'article est publié

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► lire les presentations des autres contributions de Marie-Anne Frison-Roche dans cet ouvrage : 

📝Compliance Monumental Goals, beating heart of Compliance Law

📝Definition of Principe of Proportionality and Definition of Compliance Law,

📝 Role and Place of Companies in the Creation and Effectiveness of Compliance Law in Crisis

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21 avril 2021

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : L. Rapp, "Théorie des incitations et gouvernance des activités spatiales", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les outils de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2021, p. 73-88.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les outils de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : L'article étudie les conditions d'une application de la théorie des incitations aux problèmes actuellement posés par le gouvernance des activités spatiales. Ces activités se sont enrichies de la présence de nombreux opérateurs privés, sans que le marché qui se met en place n'ait encore été correctement régulé. L'accumulation de débris dans l'espace proche met en évidence la difficulté de maintien d'une situation de seules des lois nationales régissent en l'absence d'une organisation internationale spécialisée et dans l'insuffisance des traités internationaux en vigueur. Cet article montre les apports de l'approche comportementale en droit et en économie et l'intérêt qu'il y aurait à la développer. 

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21 avril 2021

Publications

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Compliance et incitations : un couple à propulser", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les outils de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2021, p. 123-130.

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📝lire l'article 

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements et de références techniques supplémentaires, ainsi que de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les outils de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : La théorie dite des incitations vise les mécanismes qui n'ont pas recours directement à la contrainte. Elles auraient donc peu de place dans le Droit de la Compliance puisque celui-ci semble saturé par les procédures de sanction, obsédées par les sanctions, les autorités pour les prononcer, les entreprises pour les éviter.  Les sanctions seraient l'opposé même de l'incitation, puisqu'elles sont la forme la plus extrême de l'obligation. Mais même s'il faut réaffirmer que cette attention faite aux sanctions cache l'importance de tous les mécanismes Ex Ante de compliance, il faut dans un premier temps penser les sanctions elles-mêmes doivent être pensées comme des incitations. Pensées comme des incitations, les sanctions se définissent alors comme des outils pour  aboutir de la part des uns et des autres aux comportements désirés par ceux qui ont mis en place ces dispositifs. Le Droit, notamment la jurisprudence sensible aux buts monumentaux consacre de plus en plus cette définition des sanctions. 

La contradiction entre sanction et incitation ayant disparu, le Droit de la Compliance n'étant donc plus menacé dans son unité,   l'association apparaît comme naturelle entre les mécanismes incitatifs et cette nouvelle branche du Droit, dès l'instant que celle-ci est défini d'une façon dynamique.  Ce lien par la définition doit être dégagé dans un deuxième temps. En effet si le Droit de la Compliance est défini en plaçant sa normativité juridique dans les "buts monumentaux" qu'il poursuit, comme la disparition de la corruption, la détection du blanchiment d'argent afin que disparaisse la criminalité qui lui est sous-jacente, ou comme la protection effective de l'environnement, ou le souci concret des êtres humains, alors ce qui compte c'est non pas les moyens en eux-mêmes mais la tension effective vers ces "buts monumentaux". Dès lors, ce qui relevait précédemment des politiques publiques menées par les États, parce que ceux-ci ne sont définitivement pas en mesure de le faire, la charge en est internalisée dans les entreprises qui sont en position de tendre vers ces buts : les "opérateurs cruciaux", parce qu'ils en ont la surface, les moyens technologiques, informationnels et financiers.

Dans cette perspective-là, l'internalisation de la volonté publique provoquant une scission avec la forme étatique liée à un territoire qui prive le Politique de son pouvoir de contrainte, les mécanismes incitatifs apparaissent comme le moyens le plus efficace pour atteindre ces buts monumentaux. Ils  apparaissent comme ce moyen "naturel" à la fois négativement et positivement défini. Négativement en ce qu'ils ne requièrent pas en Ex Ante de sources institutionnelles nettement repérables et localisées, pas plus qu'ils ne requièrent davantage en Ex Post de pouvoir de sanction : il suffit de substituer l''intérêt à l'obligation. Positivement les incitations relaient à travers les stratégies des opérateurs ce qui était la forme si souvent critiquée et moquée de l'action publique : le "plan". La durée est ainsi injectée grâce au mécanisme de la Compliance, comme l'on le voit à travers le développement de celle-ci dans le souci de l'environnement ("plan Climat"), ou à travers le mécanisme de l'éducation, laquelle ne se conçoit que dans la durée. 

Pourtant l'opposition paraît radicale entre Droit de la Compliance et Incitations. Cela tient à trois convictions souvent développées et qu'il faut dépasser. En premier lieu l'idée que d'une façon générale il n'y aurait de Droit que s'il y a un mécanisme de contrainte immédiate qui est attachée à la norme. Dès lors que l'incitation ne reposerait pas sur l'obligation, alors elle ne serait rien... En deuxième lieu, et comme si cela était une sorte de consolation..., la Compliance non plus ne serait pas non plus vraiment du Droit... On dit si souvent qu'il ne s'agit que d'une méthodologie, un ensemble de process sans sens, des procédures à suivre sans chercher à comprendre, process que les algorithmes intègrent dans une mécanique sans fin et sans sens, ou qu'au contraire la Compliance serait emplie de sens par l'Ethique et la Morale, lesquelles sont loin du Droit. Tandis que les incitations s'adressent à l'esprit humain qui calcule, la Compliance serait donc soit un process par lequel les machines se connecteraient à d'autres machines, donc un supplément d'âme, là où le calcul n'a pas lieu d'être ... En troisième lieu, les solutions seraient à trouver dans le Droit de la concurrence, parce qu'il peut se passer des États, les soumettre et appréhender ce qui est a-sectoriel, notamment la finance et le numérique, le monde étant désormais financiarisé et numérisé. La violence du Droit de la concurrence, qui remonte dans l'Ex Ante grâce à des "sanctions de compliance" en appliquant notamment le droit des facilités essentielles, en continuant à nier la pertinence de la durée et en prenant comme souci la "puissance de marché", serait également incompatible avec un couplage avec des mécanismes incitatifs qui reposent sur de la durée et de la puissance de ceux auxquels ils s'appliquent, convergeant vers des buts, lesquels sont arrêtés par ce que le Droit de la concurrence a pour objet d'ignorer : le projet. Ce projet qui prétend construire le futur est pourtant celui du Politique et celui de l'entreprise, qui utilisent leur puissance déployée dans le temps pour le concrétiser. C'est sans doute que se joue l'avenir de l'Europe.

Pour dépasser cette triple difficulté, il faut donc dans un troisième temps relever les modifications de régime juridique apporté au Droit économique par le Droit de la Compliance, en ce que cette nouvelle branche est autonome du Droit de la Concurrence, voire et parfois son opposé,  pour que l'insertion des mécanismes incitatifs permettent à des organisations, parfois méconnues ou contrées par le Droit de la Concurrence, d'atteindre des "buts monumentaux" auxquels il est impératif aujourd'hui de prétendre. Par exemple la prise en main des enjeux de climat ou la construction d'une industrie souveraine de la donnée. Cela est posé expressément par la Commission européenne, qui supervise de telles initiatives, la Supervision étant ce qui s'articule avec la Compliance, dans un nouveau couple qui prolonge la Régulation, remplace en Ex Ante le Droit de la Concurrence, branche pertinente pour l'Ex Post. Tous les textes qui sont en train de l'exprimer reposent sur ce couple reformé : Compliance et Incitation.

Ce couple suppose que l'on reconnaisse en tant que telle l'existence des entreprises en tant qu'elles portent un projet, qui est autre que la création de richesses marchandes circulant sur un marché, qui peut être un projet industriel propre à une zone géographique à la fois économique et politique. La Régulation se déploie pour d'une part se détacher de la notion de secteur et d'autre part se transformer en supervision des entreprises cruciales dans la correspondance entre le projet et l'action, ce qui renvoie à la notion de "plan". En cela la supervision bancaire n'est que le bastion avancé de tous les plans thématiques, énergétiques, climatiques et sanitaires, ou plus largement industriels et technologiques pouvant par incitation être mis en place, cette conception de la Compliance permettant de bâtir des zones qui ne soient pas réduites à l'échange marchand instantané. L'incitation correspond au fait que le Droit de la Compliance s'appuie sur la puissance de l'entreprise pour atteindre ses propres buts politiques, par exemple lutter contre la désinformation dans l'espace numérique ou obtenir un environnement sain. Cela suppose que la Compliance cesse de n'être conçue que comme un mode d'effectivité des règles, par exemple du Droit de la concurrence, pour être reconnue comme une branche substantielle du Droit. Une branche qui exprime des buts politiques. Une branche qui s'ancre dans les entreprises cruciales dont elle reconnait l'autonomie par rapport aux marchés. Ce qui permet, notamment par le couplage avec les mécanismes incitatifs amenant à des fonctionnements collaboratifs à long terme supervisés par des autorités publiques, à n'être pas régis par le simple Droit de la concurrence, inapt à concrétiser des projets. 

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Mise à jour : 21 décembre 2020 (Rédaction initiale : 11 décembre 2019 )

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Compliance et Incitation : un couple à propulser par la notion de "Compliance incitative", document de travail, décembre 2019.

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Ce document de travail a tout d'abord servi de base à la conférence ayant constitué l'intervention finale dans le colloque qui s'est tenu sous la direction scientifique de Marie-Anne Frison-Roche et Lucien Rapp, Les incitations, outils de la Compliance,  le 12 décembre 2019,  à Toulouse.

(voir le premier document de travail, sous-jacent au thème de l'articulation entre la sanction et l'incitation) 

Il a ensuite servi de base à un article dans l'ouvrage Les outils de la Compliance, dans la collection Régulations & Compliance.

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Introduction et Résumé du document de travail : 

Compliance et Incitations paraissent à première vue totalement opposées. Non seulement parce que les sanctions sont au cœur de la Compliance et qu’à la sanction l’on associe la contrainte alors qu’à l’incitation l’on associe la non-contraint!footnote-2044e, mais encore parce que les incitations ont lien avec l'autorégulation et que le Droit de la Compliance suppose une présence forte des Autorités publiques. Ainsi, il faudrait choisir : soit Compliance, soit Incitations ! Soit l'efficacité de l'une, soit l'efficacité des autres ; soit les techniques de l'une, soit les techniques de l'une, soit les techniques des autres ; soit la philosophie de l'une, soit la philosophie de l'autre. Se résigner à la déperdition qu'un tel choix nécessaire impliquerait.  Mais poser les termes ainsi revient à penser pauvrement les situations et à réduire les champs des solutions qu'elles appelles. Si l'on reprend une définition riche du Droit de la Compliance, l'on peut au contraire articuler Compliance et Incitations.

Pour cela, il convient développer la notion de « Compliance incitative ». Non seulement il le convient mais il est particulièrement adéquate dans une nouvelle conception de la souveraineté. Par exemple pour l’Europe.

. Comme pour les sanction là encore Compliance et Incitations paraissent pourtant à première vue totalement opposées. Puisque les incitations supposent une absence de contrainte sur les opérateurs,  les incitations ont lien avec l'autorégulation et que le Droit de la Compliance suppose une présence forte des Autorités publiques.

Il est vrai que la théorie dite des incitations vise les mécanismes qui n'ont pas recours directement à la contrainte. Mais de la même façon que l’on peut articuler « sanction » et « incitation » si l’on définit le Droit de la Compliance par ses But Monumentaux », de la même façon l’on peut penser plus efficacement les relations entre les Autorités publiques et les entreprises à travers une notion ici proposée : la « Compliance Incitative ». Pour cela, il est essentiel de partir d’une définition dynamique du Droit de la Compliance par ses buts monumentaux. En effet si le Droit de la Compliance est défini en plaçant sa normativité juridique dans les "buts monumentaux" qu'il poursuit, comme la disparition de la corruption, la détection du blanchiment d'argent afin que disparaisse la criminalité qui lui est sous-jacente, ou comme la protection effective de l'environnement, ou le souci concret des êtres humains, alors ce qui compte c'est non pas les moyens en eux-mêmes mais la tension effective vers ces "buts monumentaux". Dès lors, ce qui relevait précédemment des politiques publiques menées par les États, parce que ceux-ci ne sont définitivement pas en mesure de le faire, la charge en est internalisée dans les entreprises qui sont en position de tendre vers ces buts : les "opérateurs cruciaux", parce qu'ils en ont la surface, les moyens technologiques, informationnels et financiers.

Dans cette perspective-là, l'internalisation de la volonté publique provoquant une scission avec la forme étatique liée à un territoire qui prive le Politique de son pouvoir de contrainte, les mécanismes incitatifs apparaissent comme le moyens le plus efficace pour atteindre ces buts monumentaux qui expriment la souveraineté. Ils  apparaissent comme ce moyen "naturel" à la fois négativement et positivement défini. Négativement en ce qu'ils ne requièrent pas en Ex Ante de sources institutionnelles nettement repérables et localisées, pas plus qu'ils ne requièrent davantage en Ex Post de pouvoir de sanction : il suffit de substituer l''intérêt à l'obligation. Positivement les incitations relaient à travers les stratégies des opérateurs ce qui était la forme si souvent critiquée et moquée de l'action publique : le "plan". La durée est ainsi injectée grâce au mécanisme de la Compliance, comme l'on le voit à travers le développement de celle-ci dans le souci de l'environnement ("plan Climat"), ou à travers le mécanisme de l'éducation, laquelle ne se conçoit que dans la durée. 

Ce projet qui prétend construire le futur est pourtant celui du Politique et celui de l'entreprise, qui utilisent leur puissance déployée dans le temps pour le concrétiser. C'est sans doute que se joue l'avenir de l'Europe.

En effet ce n’est en rien parce que les entreprises et les individus sont moteurs pour atteindre les buts monumentaux qui fondent et définissent le Droit de la Compliance que les Autorités publiques ne sont pas non plus au centre : elles le sont, et d’une façon nécessaire, puisqu’elles supervisent tout le système initié et conduit par les premiers, supervisant la façon dont ils tendent vers la concrétisation des buts monumentaux (I).

Le Politique exprime des prétentions en formulant des "buts monumentaux". Les entreprises par leurs organisations et leurs actions, les individus par leurs droits!footnote-2046, développent selon des modalités qu'ils choisissent les moyens d'atteindre ceux-ci. Les Autorités publiques non seulement doivent le laisser faire, parce que le Droit de la Compliance, comme le Droit de la Régulation qu'il prolonge, est une branche libérale du Droit ancré dans l'économie de marché, mais parce que c'est la façon la plus efficace, voire la seule, d'intégrer du temps dans ces espaces que l'Etat saisit avec grande difficulté.

Ainsi ce qu'il convient de désigner comme la "Compliance incitative", en facilitant des initiatives développées dans et par des entreprises, permet des projets qui se développent dans le temps - comme pouvaient le faire les entreprises publiques- dans des espaces peu atteignables, que sont le numérique et la finance (I). Pus encore, peuvent naître des projets industriels, suscités par la Compliance et coordonnées par elle, notamment dans l'espace européen (II). Dans cette perspective de "Compliance incitative", la Régulation directe fait place à une Supervision, tenue par des Autorités publiques, ce qui débouche notamment sur une Europe qui peut ainsi être souveraine alors même que ne peut se constituer un Etat souverain (III).

 

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Lire ci-dessous les développements

 

1

Voir cette question analysée d’une façon autonome, Frison-Roche, M.A., Résoudre la contradiction entre « sanction » et « incitation » sous le feu du Droit de la Compliance, 2020.

2

Frison-Roche, M-A., Les droits, outils premiers et naturels, de la Compliance, 2020.

18 décembre 2019

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Le maniement de la propriété intellectuelle comme outil de régulation et de compliance, in Vivant, M. (dir.), Les Grands Arrêts de la propriété intellectuelle, 3ième éd., 2019, 9-11, p.43-53.

Résumé

La propriété intellectuelle, issue de l’État et insérée dans une politique publique, peut être conçue, non pour récompenser a posteriori le créateur mais pour inciter d’autres à innover. Elle est alors un outil Ex Ante de régulation, alternative à la subvention. Si la copie privée est une exception, ce n’est pas par rapport au principe de concurrence mais dans une insertion dans un système d’incitations, partant des coûts supportés par l’auteur de la première innovation :  le titulaire des droits est alors protégé, non seulement selon une balance des intérêts en présence mais  afin de ne pas décourager les potentiels innovants et le secteur lui-même. (1ier arrêt)

La politique sectorielle imprègne alors la propriété intellectuelle, utilisée pour réguler un secteur, par exemple celui du médicament. S’il est vrai qu’un laboratoire voulant mettre sur le marché un médicament générique n’a pas attendu l’expiration du brevet du médicament princeps pour le faire, il n’est pourtant pas pertinent de sanctionner cette anticipation de quelques jours car les investissements effectués par le titulaire du droit de propriété intellectuelle ont été rentabilisés par celui-ci et parce que les pouvoirs publics favorisent les génériques dans un souci de santé publique (2ième arrêt).

L’intérêt systémique prévaut et c’est pourquoi les fournisseurs d’accès à Internet doivent supporter les frais des blocages d’accès alors qu’ils sont irresponsables du fait des textes. Cette obligation de payer est internalisée par compliance parce qu’ils sont dans le système digital les mieux à même de mettre fin à la violation des droits de propriété intellectuelle dont l’écosystème requiert l’effectivité. (3ième arrêt)

 

Lire la contribution.

 

Lire le document de travail bilingue ayant servi de base à la contribution, bilingue et doté de développements complémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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12 décembre 2019

Conférences

Référence : Frison-Roche, M.-A., La sanction comme incitation dans les techniques de compliance, in Faculté de droit de l'Université Toulouse-Capitole,   Journal of Regulation & Compliance (JoRc),Les incitations, outils de la Compliance, 12 décembre 2019. 

 

Résumé de la conférence

La Compliance ne se réduit pas à une méthode d'efficacité du Droit. Sinon il convient de l'appliquer à toutes les branches du Droit, ce que l'on ne fait pas. Mais même substantiellement défini, en ce qu'il est un prolongement du Droit de la Régulation, internalisé dans des "opérateurs cruciaux", délié ainsi de la détermination préalable d'un secteur, il conserve la nature téléologique de celui-ci. Le Droit qui est aussi un outil ne devient plus alors que cela, puisque la norme est placée dans le but.

Le renversement du traitement juridique de la matière pénale par la théorie appliquée des incitations

On observe très souvent que le Droit de la Compliance a pour cœur des sanctions, auxquelles Droit, dans son exercice inhérent de qualifié, donne le nom qui correspond à la chose : la "matière pénale". Logiquement, comme pour le droit pénal, qui n'est que la forme juridique de la matière pénale, le régime juridique devrait être le même que le Droit pénal. Mais il n'en est rien en raison de l'application de la théorie des incitations. De cela, les juristes et les juges n'en reviennent pas et c'est pourquoi il y mettent des limites que les tenants de la théorie des incitations n'admettent pas. Cela ne tient pas de la simple technique, de tel ou tel cas, mais de l'opposition de fond. En effet, pour le Droit pénal, celui-ci a vocation à être "autonome" dans le système juridique, c'est-à-dire développe des notions et des régimes qui lui sont propres parce qu'il est une exception légitime au principe de liberté auquel il rend par essence hommage et ne saurait se définir autrement, tandis qu'insérée dans la notion "d'incitation" la technique de la sanction n'intègre en rien cela et se contente d'emprunter à l'efficacité de la dureté pénale pour rendre efficace la règle sous-jacente ainsi dotée, la sanction étant ainsi et par un semblable effet de nature dans une parfaite dépendance. Il y a donc à première vue opposition de fond entre "sanction" et "incitation" alors qu'intuitivement frapper fort est si "commode et dissuasif" lorsqu'on veut obtenir d'une entreprise tel ou tel comportement..

En effet, certes la perspective d'une sanction en Ex Post en cas de manquement est la meilleure incitation à l'obéissance en Ex Ante à la norme d'interdiction et de prescription. C'est pourquoi le droit financier le plus libéral est également le plus répressif, l'analyse économique du droit conduisant à calculer des normes qui amènent l'agent à ne pas avoir intérêt à commettre un manquement. A l'obéissance se substitue l'intérêt. Le Droit de la concurrence et le Droit des marchés financiers en sont à ce point familiers que certains ont douté de la juridicité. 

Mais cela produit aussi des chocs en retour très importants, dans une méconnaissance assurée des principes, pourtant de valeur constitutionnelle, constituant la base de la matière pénale. On peut en dresser la liste :

  • des sanctions qui ne sont plus l'exception mais l'ordinaire, le cœur dans les régulations des marchés et le droit des entreprises supervisées, contraire aux principes économiques libéraux 
  • des sanctions d'autant plus élevées qu'elles sont négociables en échange de ce que veut la puissance publique : ainsi la pénalisation n'exclut en rien la contractualisation, au contraire elle en est un sous-outil entre les mains de l'autorité administrative ou politique de poursuite 
  • des sanctions qui sont conçues indépendamment des principes procéduraux, le couple "droit pénal/procédure pénale" perdant son intimité 
  • des sanctions qui sont échangées contre des preuves (programmes de clémence, qui sont des outils de Compliance)  
  • des sanctions qui ne sont pas arrêtées par le temps : application immédiate et rétroactivité dans le temps
  • des sanctions qui ne sont pas arrêtées par l'espace : extraterritorialité de l'application des sanctions 
  • des sanctions contre lesquelles, la matière pénale étant indissociable de la façon de les appliquer ("Procédure pénale") les entités aptes à en répondre devant justifier leur comportement et non être présumées conformes dans celui-ci  
  • des sanctions qui se cumulent pour un même fait si cela est efficace ;
  • l'abandon des notions classiques d'intentionnalité et de causalité, puisque le raisonnement est fonctionnel et non causal. 

Cela est-il admissible ? 

Non car en premier lieu dans une conception classique du Droit pénal c'est une succession de principes constitutionnels qui sont méconnus et les juges vont bloquer un Droit de la Compliance dont le seul principe serait l'efficacité : le Droit ne peut être un seul "outil d'efficacité", sauf à n'être plus le Droit. Le Droit pénal est un outil d'inefficacité parce qu'il se définit comme une exception légitime à la liberté des êtres humains et donc le gardien de ce principe de liberté, ce qui est étranger à la théorie des incitations, mais lui est supérieur et bloque les effets déroulés par celle-ci.

Non car en second lieu  dans une conception trop étendue de la Compliance, consistant à l'appliquer à toutes les règles dont on voudrait qu'elles soient effectives parce que celui-ci qui les a émises le veut, ce qui voudrait pour toutes les règles, même celles qui ne sont pas d'ordre public. Dans une telle "passion pour la Réglementation" mettant fin au libéralisme et au Droit,  les sanctions permettent à une Autorité publique d'imposer en Ex Ante avec l'accord des intéressés ce qu'il veut, comme on peut le voir en Asie, la répression passant en Ex Ante se transformant en rating et obtention volontaire d’obéissance pour toute prescription. 

Oui si l'on définit correctement le Droit de la Compliance dans un seul lien avec des "buts monumentaux" qui seuls peuvent justifier la violence des mécanismes de sanction, en tant qu'il est le prolongement du Droit de la Régulation. La Régulation de l'économie est plus que jamais nécessaire, alors que les Etats n'ont plus de prise. Par l'internalisation dans les entreprises, si des "buts monumentaux" sont visés et contrôlés, alors le caractère restrictif de la matière pénale passe de l'outil au but : seuls les buts monumentaux peuvent justifier tous les effets précédemment décrits, mais ils le justifient.  

L'enjeu est donc de redessiner le principe restrictif des sanctions non plus en celles-ci mais dans le but de Compliance servi par celles-ci.  Par ce passage de la conservation de la nature restrictive de la sanction, non plus dans l'outil-même de la sanction mais dans le but servi par celle-ci. Non pas n'importe quelle règle, comme dans certains pays, non pas toutes les règles de ce que l'on appelle d'une façon trop extensive la Compliance, qui est juste le "fait d'obéir aux normes applicables".

Ainsi et par exemple, l'application extraterritoriale de normes nationales répressives adoptées dans un seul but national (embargo) est inadmissible et doit être rejetée par les Tribunaux, alors que cette même application extraterritoriale de normes pour lutter contre le blanchiment d'argent est admissible et pratiquée par tous. Suivant la nature du risque combattu, le terrorisme par exemple, le régime de la sanction est ou n'est pas légitime. 

D'une façon plus générale, les "buts monumentaux" qui donnent au Droit de la Compliance sa définition substantielle, alors que beaucoup réduisent encore la Compliance à une simple méthode d'efficacité, voire n'y voient rien de juridique, permettent de distinguer là où la sanction doit être un outil plus ou moins violent pour atteindre le but en raison de la légitimité de celui-ci, du phénomène caché qu'il s'agit de combattre (par exemple terrorisme ou blanchiment) ou du caractère global (par exemple risque environnemental).

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1 décembre 2016

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Souty, F., Entreprises, concurrence, conformité : définition empirique de la compliance, RLC, 2016, n°55.

 

Les étudiants de Sciences Po peuvent lire cet article via le drive dans le dossier "MAFR - Régulation & Compliance"

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 8 novembre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

Le système probatoire est construit sur la détermination de qui prouve, quoi prouver, comment prouver et quelle recevabilité s’impose aux moyens de preuve. Une fois exposé le système probatoire, peut être étudiée la quatrième question du droit : la personne. Est ici analysée son aptitude à être responsable, la responsabilité ayant pu être analysée comme ce par quoi l’être humain est hissé au niveau de la personnalité. L’on distingue la responsabilité pour faute et la responsabilité pour la garde d’une chose ou d’une personne. Jadis centré sur la personne du responsable, le droit se soucie désormais davantage des victimes.

14 décembre 2011

Base Documentaire : Soft Law

Lire la réponse faite par EDF, publiée par l'Autorité de la concurrence

La réponse qui émane du service juridique d'EDF est très réservée.

Elle rappelle que le respect du droit de la concurrence est une obligation légale.

Puis elle souligne que le document-cadre ne constituera pas une " incitation à mettre en place et/ou développer les programmes de conformité".
 
L'entreprise estime que le projet est "particulièrement rigide" et va au contraire "scléroser la motivation des entreprises à développer un programme de conformité".
 
Elle poursuit : "... le projet publié, trop directif, ne prend pas en compte les difficultés pratiques relatives à la mise en place de ces programmes, particulièrement au sein des grandes entreprises.".
 
EDF en conclut notamment  :
Les conditions de réduction d’amende posées par l’Autorité n’incitent aucunement les entreprises à se doter d’un programme de conformité
II. L’approche faisant de l'existence d’un programme de conformité une contrainte pour que les entreprises mettent en œuvre
le cas échéant la procédure de clémence doit être abandonnée
IV. Les informations collectées par les entreprises dans le cadre de leur programme de conformité doivent faire l’objet d’une protection particulière
V. Une responsabilisation particulière des salariés au titre des programmes de conformité au droit de la concurrence ne paraît pas indispensable

24 juin 2008

Conférences

Référence :  Frison-Roche, M.-A., Vision juridique de la crise des subprimes, Caisse des dépôts et consignations, 24 juin 2008.

Le droit a une grande part dans la crise en cascade des subprimes, et non pas tant par absence de droit, qui caractériserait le libéralisme nord-américain, que par excès de droit, les contraintes du crédit immobilier pousser les agents à des comportements déviants.

A cela, se sont ajoutés des incitations perverses liées au droit nord-américain des faillites, qui poussent les particuliers à prendre des risques sans limites, que ce que le droit européen entrave.

Enfin, le marché immobilier nord-américain ne connaît pas l’institution publique du notaire, ce qui expose d’autant plus les personnes et les marchés aux catastrophes.