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Référence complète : Jeanneney, J.-N., XIXième siècle : la haine, un ressort puissant, émission "Concordance des temps", France Culture, 29 mai 2021. 

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L'émission est bâtie sur cet ouvrage : 

 

Présentation du thème par Jean-Noël Jeanneney :

"Les messages de haine qui sont charriés sur les réseaux sociaux doivent-ils être censurés par les responsables de ceux-ci ? Et peuvent-ils l’être ? Une loi récente, portée au Parlement par Laetitia Avia, députée de Paris, le leur imposait, sous peine de lourdes amendes. Et même si ce texte a été censuré, pour une large part, par le Conseil constitutionnel, il témoigne d’une inquiétude qui est aujourd’hui répandue. 

Il s’agit de la découverte que l’intensité des haines en circulation sur la Toile, qui figent le dialogue démocratique et qui exaspèrent les passions les plus sinistres et les plus délétères, constituent une grave menace pour la prédominance de la raison sur la passion, pour la sérénité des citoyens et pour la cohésion nationale. 

Je ne songe certes pas à minimiser ce souci, qui peut devenir taraudant, mais seulement, pour resituer les choses, à rappeler la violence des imprécations que nos ancêtres ont déjà échangées entre eux, dans tout le champ de la politique, de la société et même de la vie familiale. Leur support a changé, mais leurs ressorts et leurs débordements probablement pas. ".

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Consulter la lettre.

Sur l'affaire Sirven.

Sur la présentation de l'ouvrage, compilant les différentes correspondances adressées par Voltaire et son Avis au public sur les parricides.

J’ai dévoré, mon cher ami, le nouveau mémoire de M. de Beaumont sur l’innocence des Calas ; je l’ai admiré, j’ai répandu des larmes, mais il ne m’a rien appris ; il y a longtemps que j’étais convaincu ; et j’avais eu le bonheur de fournir les premières preuves.

Vous voulez savoir comment cette réclamation de toute l’Europe contre le meurtre juridique du malheureux Calas, roué à Toulouse, a pu venir d’un petit coin de terre ignoré, entre les Alpes et le Mont-Jura, à cent lieues du théâtre où se passa cette scène épouvantable.

Rien ne fera peut-être mieux voir la chaîne insensible qui lie tous les évènements de ce malheureux monde.

Sur la fin de mars 1762, un voyageur qui avait passé par le Languedoc, et qui vint dans ma retraite à deux lieues de Genève, m’apprit le supplice de Calas, et m’assura qu’il était innocent. Je lui répondis que son crime n’était pas vraisemblable, mais qu’il était moins vraisemblable encore que des juges eussent, sans aucun intérêt, fait périr un innocent par le supplice de la roue.

J’appris le lendemain qu’un des enfants de ce malheureux père s’était réfugié en Suisse, assez près de ma chaumière. Sa fuite me fit présumer que la famille était coupable. Cependant je fis réflexion que le père avait été condamné au supplice comme ayant seul assassiné son fils pour la religion, et que ce père était mort âgé de soixante-neuf ans. Je ne me souviens pas d’avoir jamais lu qu’aucun vieillard eût été possédé d’un si horrible fanatisme. J’avais toujours remarqué que cette rage n’attaquait d’ordinaire que la jeunesse, dont l’imagination ardente, tumultueuse, et faible s’enflamme par la superstition. Les fanatiques des Cévennes étaient des fous de vingt à trente ans, stylés à prophétiser dès l’enfance. Presque tous les convulsionnaires que j’avais vu à Paris en très grand nombre étaient de petites filles et de jeunes garçons. Les vieillards chez les moines sont moins emportés, et moins susceptibles des fureurs du zèle, que ceux qui sortent du noviciat. Les fameux assassins, armés par le fanatisme, ont tous été de jeunes gens, de même que tous ceux qui ont prétendu être possédés ; jamais on n’a vu exorciser un vieillard. Cette idée me fit douter d’un crime qui d’ailleurs n’est guère dans la nature. J’en ignorais les circonstances.

Je fis venir le jeune Calas chez moi. Je m’attendais à voir un énergumène tel que son pays en a produit quelquefois. Je vis un enfant simple, ingénu, de la physionomie la plus douce et la plus intéressante, et qui, en me parlant, faisait des efforts inutiles pour retenir ses larmes. Il me dit qu’il était à Nîmes en apprentissage chez un fabricant, lorsque la voix publique lui avait appris qu’on allait condamner dans Toulouse toute sa famille au supplice, que presque tout le Languedoc la croyait coupable, et que, pour se dérober à des opprobres si affreux, il était venu se cacher en Suisse.

Je lui demandai si son père et sa mère étaient d’un caractère violent : il me dit qu’ils n’avaient jamais battu un seul de leurs enfants, et qu’il n’y avait point de parents plus indulgents et plus tendres.

J’avoue qu’il ne m’en fallut pas davantage pour présumer fortement l’innocence de la famille. Je pris de nouvelles informations de deux négociants de Genève, d’une probité reconnue, qui avaient logé à Toulouse chez Calas. Ils me confirmèrent dans mon opinion. Loin de croire la famille Calas fanatique et parricide, je crus voir que c’étaient des fanatiques qui l’avaient accusée et perdue. Je savais depuis longtemps de quoi l’esprit de parti et la calomnie sont capables.

Mais quel fut mon étonnement lorsque, ayant écrit en Languedoc sur cette étrange aventure, catholiques et protestants me répondirent qu’il ne fallait pas douter du crime des Calas ! Je ne me rebutai point. Je pris la liberté d’écrire à ceux mêmes qui avaient gouverné la province, à des commandants de provinces voisines, à des ministres d’État ; tous me conseillèrent unanimement de ne me point mêler d’une si mauvaise affaire ; tout le monde me condamna, et je persistai : voici le parti que je pris.

La veuve de Calas, à qui, pour comble de malheur et d’outrage, on avait enlevé ses filles, était retirée dans une solitude où elle se nourrissait de ses larmes, et où elle attendait la mort. Je ne m’informai point si elle était attachée ou non à la religion protestante, mais seulement si elle croyait un Dieu rémunérateur de la vertu et vengeur des crimes. Je lui fis demander si elle signerait au nom de ce Dieu que son mari était mort innocent ; elle n’hésita pas. Je n’hésitai pas non plus. Je priai M. Mariette de prendre au conseil du roi sa défense. Il fallait tirer madame Calas de sa retraite, et lui faire entreprendre le voyage de Paris.

On vit alors que s’il y a de grands crimes sur la terre, il y a autant de vertus ; et que si la superstition produit d’horribles malheurs, la philosophie les répare.

Une dame dont la générosité égale la haute naissance, qui était alors à Genève pour faire inoculer ses filles, fut la première qui secourut cette famille infortunée. Des Français retirés en ce pays la secondèrent ; des Anglais qui voyageaient se signalèrent ; et, comme dit M. de Beaumont, il y eut un combat de générosité entre ces deux nations, à qui secourrait le mieux la vertu si cruellement opprimée.

Le reste, qui le sait mieux que vous ? Qui a servi l’innocence avec un zèle plus constant et plus intrépide ? Combien n’avez-vous pas encouragé la voix des orateurs, qui a été entendue de toute la France et de l’Europe attentive ? Nous avons vu renouveler les temps où Cicéron justifiait, devant une assemblée de législateurs, Amerinus accusé de parricide. Quelques personnes, qu’on appelle dévotes, se sont élevées contre les Calas ; mais, pour la première fois depuis l’établissement du fanatisme, la voix des sages les a fait taire.

La raison remporte donc de grandes victoires parmi nous ! Mais croiriez-vous, mon cher ami que la famille des Calas, si bien secourue, si bien vengée, n’était pas la seule alors que la religion accusât d’un parricide, n’était pas la seule immolée aux fureurs du préjugé ? Il y en a une plus malheureuse encore, parce qu’éprouvant les mêmes horreurs, elle n’a pas eu les mêmes consolations ; elle n’a point trouvé des Mariette, des Beaumont, et des Loiseau.

Il semble qu’il y ait dans le Languedoc une furie infernale amenée autrefois par les inquisiteurs à la suite de Simon de Montfort, et que depuis ce temps elle secoue quelquefois son flambeau.

Un feudiste de Castres, nommé Sirven, avait trois filles. Comme la religion de cette famille est la prétendue réformée, on enlève, entre les bras de sa femme, la plus jeune de leurs filles. On la met dans un couvent, on la fouette pour lui mieux apprendre son catéchisme ; elle devient folle, elle va se jeter dans un puits, à une lieue de la maison de son père. Aussitôt les zélés ne doutent pas que le père, la mère et les sœurs n’aient noyé cette enfant. Il passait pour constant, chez les catholiques de la province, qu’un des points capitaux de la religion protestante est que les pères et mères sont tenus de pendre, d’égorger ou de noyer tous leurs enfants qu’ils soupçonneront avoir quelque penchant pour la religion romaine. C’était précisément le temps où les Calas étaient aux fers, et où l’on dressait leur échafaud.

L’aventure de la fille noyée parvient incontinent à Toulouse. Voilà un nouvel exemple, s’écrie-t-on, d’un père et d’une mère parricides. La fureur publique s’en augmente ; on roue Calas, et on décrète Sirven, sa femme et ses filles. Sirven épouvanté n’a que le temps de fuir avec toute sa famille malade. Ils marchent à pied, dénués de tout secours, à travers des montagnes escarpées, alors couvertes de neige. Une de ses filles accouche parmi les glaçons ; et, mourante, elle emporte son enfant mourant dans ses bras : ils prennent enfin leur chemin vers la Suisse.

Le même hasard qui m’amena les enfants de Calas veut encore que les Sirven s’adressent à moi. Figurez-vous, mon ami, quatre moutons que des bouchers accusent d’avoir mangé un agneau ; voilà ce que je vis. Il m’est impossible de vous peindre tant d’innocence et tant de malheurs. Que devais-je faire, et qu’eussiez-vous fait à ma place ? Faut-il s’en tenir à gémir sur la nature humaine ? Je prends la liberté d’écrire à monsieur le premier président de Languedoc, homme vertueux et sage ; mais il n’était point à Toulouse. Je fais présenter par un de vos amis un placet à monsieur le vice-chancelier. Pendant ce temps-là, on exécute vers Castres, en effigie, le père, la mère, les deux filles ; leur bien est confisqué, dévasté, il n’en reste plus rien.

Voilà toute une famille honnête, innocente, vertueuse, livrée à l’opprobre et à la mendicité chez les étrangers : ils trouvent de la pitié, sans doute ; mais qu’il est dur d’être jusqu’au tombeau un objet de pitié ! On me répond enfin qu’on pourra leur obtenir des lettres de grâce. Je crus d’abord que c’était de leurs juges qu’on me parlait, et que ces lettres étaient pour eux. Vous croyez bien que la famille aimerait mieux mendier son pain de porte en porte, et expirer de misère, que de demander une grâce qui supposerait un crime trop horrible pour être graciable ; mais aussi comment obtenir justice ? Comment s’aller remettre en prison dans sa patrie où la moitié du peuple dit encore que le meurtre de Calas était juste ? Ira-t-on une seconde fois demander une évocation au conseil ? Tentera-t-on d’émouvoir la pitié publique, que l’infortune des Calas a peut-être épuisée, et qui se lassera d’avoir des accusations de parricide à réfuter, des condamnés à réhabiliter, et à des juges à confondre ?

Ces deux évènements tragiques, arrivés coup sur coup, ne sont-ils pas, mon ami, des preuves de cette fatalité inévitable à laquelle notre misérable espèce est soumise ? Vérité terrible, tant enseignée dans Homère et dans Sophocle ; mais vérité utile, puisqu’elle nous apprend à nous résigner et à savoir souffrir.

Vous dirai-je que, tandis que le désastre étonnant des Calas et des Sirven affligeait ma sensibilité, un homme, dont vous devinerez l’état à ses discours, me reprocha l’intérêt que je prenais à deux familles qui m’étaient étrangères ? De quoi vous mêlez-vous ? me dit-il ; laissez les morts ensevelir leurs morts. Je lui répondis : J’ai trouvé dans mes déserts l’Israélite baigné dans son sang, souffrez que je répande un peu d’huile et de vin sur ses blessures : vous êtes lévite, laissez-moi être Samaritain.

Il est vrai que pour prix de mes peines on m’a bien traité en Samaritain ; on a fait un libelle diffamatoire sous le nom d’Instruction pastorale et de Mandement ; mais il faut l’oublier, c’est un jésuite qui l’a composé. Le malheureux ne savait pas alors que je donnais un asile à un jésuite. Pouvais-je mieux prouver que nous devons regarder nos ennemis comme nos frères.

Vos passions sont l’amour de la vérité, l’humanité, la haine de la calomnie. La conformité de nos caractères a produit notre amitié. J’ai passé ma vie à chercher, à publier cette vérité que j’aime. Quel autre des historiens modernes a défendu la mémoire d’un grand prince contre les impostures atroces de je ne sais quel écrivain qu’on peut appeler le calomniateur des rois, des ministres, et des grands capitaines, et qui cependant aujourd’hui ne peut trouver un lecteur ?

Je n’ai donc fait, dans les horribles désastres des Calas et des Sirven, que ce que font tous les hommes ; j’ai suivi mon penchant. Celui d’un philosophe n’est pas de plaindre les malheureux, c’est de les servir.

Je sais avec quelle fureur le fanatisme s’élève contre la philosophie. Elle a deux filles qu’il voudrait faire périr comme Calas, ce sont la Vérité et la Tolérance ; tandis que la philosophie ne veut que désarmer les enfants du fanatisme, le Mensonge et la Persécution.

Des gens qui ne raisonnent pas ont voulu décréditer ceux qui raisonnent : ils ont confondu le philosophe avec le sophiste ; ils se sont bien trompés. Le vrai philosophe peut quelquefois s’irriter contre la calomnie, qui le poursuit lui-même ; il peut couvrir d’un éternel mépris le vil mercenaire qui outrage deux fois par mois la raison, le bon goût, et la vertu : il peut même livrer, en passant, au ridicule ceux qui insultent à la littérature dans le sanctuaire où ils auraient dû l’honorer : mais il ne connaît ni les cabales, ni les sourdes pratiques, ni la vengeance. Il sait, comme le sage de Montbar, comme celui de Vore rendre la terre plus fertile, et ses habitants plus heureux. Le vrai philosophe défriche les champs incultes, augmente le nombre des charrues, et par conséquent des habitants ; occupe le pauvre et l’enrichit ; encourage les mariages, établit l’orphelin ; ne murmure point contre des impôts nécessaires, et met le cultivateur en état de les payer avec allégresse. Il n’attend rien des hommes, et il leur fait tout le bien dont il est capable. Il a l’hypocrite en horreur, mais il plaint le superstitieux ; enfin il sait être ami.

Je m’aperçois que je fais votre portrait, et qu’il n’y manquerait rien si vous étiez assez heureux pour habiter la campagne.

5 novembre 2024

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Naissance d'une branche du Droit : le Droit de la Compliance", in Mélanges offerts à Louis Vogel. La vie du droit, LexisNexis - Dalloz - LawLex - LGDJ, 2024, pp. 

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📗Lire la présentation générale des Mélanges offerts à Louis Vogel

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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► Résumé de l'article : L’étude porte sur les différents mouvements qui ont fait naître le Droit de la Compliance, l’accent étant plus particulièrement mis sur le Droit de la Concurrence.

Après une réflexion préalable sur la construction du système juridique en branches du Droit, leur classement les unes par rapport aux autres, la difficulté rencontrée à ce propos par le Droit économique, et les différents mouvements qui en font naître une, diversité dont la branche garde par la suite la trace, l’étude est construite en 4 parties.

Pour rechercher ce qui a fait naître le Droit de la Compliance, la première partie convie à récuser la perspective étroite d’une définition qui se contente de définir celui-ci par le fait de « se conformer » aux réglementations applicables. Cela a pour effet d’accroître l’efficacité de celles-ci mais cela ne produit pas une branche du Droit, étant un outil d’efficacité comme un autre.

La deuxième partie de l’étude vise à éclaircir ce qui apparaît comme une « énigme », car l’on affirme souvent que cela viendrait d’une méthode souple, ou d’un texte américain, ou d’autant de réglementations qu’il y a d’occasions d’en prendre. Il apparaît plutôt qu’il s’est agi aux États-Unis au sortir de la crise de 1929, d’établir une autorité et des règles pour prévenir un nouvel effondrement atroce de système, tandis qu’il s’est agi en Europe, en 1978, en souvenir de l’usage des fichiers, d’établir une autorité et des règles pour prévenir une atteinte atroce aux droits humains. Un élément commun qui vise l’avenir (« plus jamais ça »), mais pas le même objet de rejet préventif. Cette différence des deux naissances explique l’unicité et la diversité des deux Droits de la compliance, les tensions qui peuvent exister entre les 2, l'impossibilité d'obtenir un Droit global.

La troisième partie analyse la façon dont le Droit de la concurrence a fait naître en son soin la conformité : une branche secondaire qui est gage de conformité à la réglementation concurrentielle. Notamment développée ainsi à travers le droit souple émis par les autorités de concurrence, il en résulte une sorte d’obéissance souple, une collaboration bien comprise de type procédurale par laquelle l’entreprise éduque, surveille, voire sanctionne, sans sortir du Droit de la Concurrence dont la conformité constitue l’annexe. L’on peut mesurer ici le chemin qui sépare une culture de conformité d’un Droit de la Compliance.

La quatrième partie vise à montrer que le Droit de la Concurrence et le Droit de la Compliance sont deux branches du Droit autonomes et articulées. Le Droit de la Compliance étant une branche du Droit construite sur des Buts Monumentaux, notamment la durabilité des systèmes et la préservation des êtres humains qui y sont impliqués pour qu’ils n’y soient pas broyés mais en bénéficient, l’enjeu actuel de la construction européenne est de construire à côté du plier concurrentiel le pilier du Droit de la Compliance. Les juridictions sont en train de le faire et de les articuler.

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9 mars 2020

droit illustré

Joachim du Bellay offre ce poème, qui est demeuré célèbre en ce qu'il exprime dans le style de la plainte l'expression de l'amour nostalgique d'un pays perdu. 

Mais si l'on s'attachait ici à la mention dans son premier vers, qui fait son titre : "France, mère ... des lois"  ?

L'on s'aperçoit alors que la mention en est faite en frontispice du poème pour ne plus jamais apparaître.

Qu'en est-ce de cet sorte d'hommage implicite, effanescent ?

 

I. LE POEME OFFERT A LA FRANCE, MERE DES LOIS

France, mère des arts, des armes et des lois

France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois.

Si tu m'as pour enfant avoué quelquefois,
Que ne me réponds-tu maintenant, ô cruelle ?
France, France, réponds à ma triste querelle.
Mais nul, sinon Écho, ne répond à ma voix.

Entre les loups cruels j'erre parmi la plaine,
Je sens venir l'hiver, de qui la froide haleine
D'une tremblante horreur fait hérisser ma peau.

Las, tes autres agneaux n'ont faute de pâture,
Ils ne craignent le loup, le vent ni la froidure :
Si ne suis-je pourtant le pire du troupeau.

 

II. UNE MENTION SUFFIT-ELLE A HONORER LE PAYS LEGISLATEUR ? 

ss

 

10 juin 2019

Blog

Le 5 juin 2019, Youtube a informé via son "blog officiel" (Official YouTube Blog) le renforcement de sa politique pour atteindre la lutte contre les contenus de haine, en raison de leur responsabilité sociale : we need "to live up to our responsability and protect the YouTube community from harmfum content".

Le slug du billet de blog "officiel" est plus clair encore : our-ongoing-work-to-tackle-hate.html.

On ne peut qu'être favorable à cette politique dans son principe, et ce d'autant plus qu'en ce qui concerne l'Europe ce sont les Autorités publiques, la jurisprudence et bientôt la Loi en ce qui concerne la France, qui exigent des opérateurs numériques cruciaux l'adoption d'une telle politique!footnote-1615

Le "billet officiel" prend deux cas et deux exemples : le premier porte sur la déinformation et l'affirmation que la terre est plate, le second porte sur l'incitation à la haine et la promotion du nazisme. Sur celui-ci, le "billet officiel" le fait en ces termes :

"Today, we're taking another step in our hate speech policy by specifically prohibiting videos alleging that a group is superior in order to justify discrimination, segregation or exclusion based on qualities like age, gender, race, caste, religion, sexual orientation or veteran status. This would include, for example, videos that promote or glorify Nazi ideology, which is inherently discriminatory. Finally, we will remove content denying that well-documented violent events, like the Holocaust or the shooting at Sandy Hook Elementary, took place.

We recognize some of this content has value to researchers and NGOs looking to understand hate in order to combat it, and we are exploring options to make it available to them in the future. And as always, context matters, so some videos could remain up because they discuss topics like pending legislation, aim to condemn or expose hate, or provide analysis of current events. We will begin enforcing this updated policy today; however, it will take time for our systems to fully ramp up and we’ll be gradually expanding coverage over the next several months.

 

Le 6 juin, un journaliste s'en inquiète en affirmant qu'avec une telle politique le film Le triomphe de la volonté, en ce qu'elle met en scène le nazisme et constitue un film de propagande de ce mouvement est donc condamné à disparaître de l'espace numérique

Il titre son article : "YouTube Pulls ‘Triumph of the Will’ For Violating New Hate Speech Policy".

Il proteste en disant que dans toutes les universités le film a été montré pour souligner à quel point le cinéma peut être un médium en politique : "Riefensahl's harrowing depiction of the Nuremberg Rallies remains an essential loof at the ideological power of the moving image, and how it can be co-opted on a mass scale" ; "the movie also illuminates how a nation can filter its own realities through recorded media". 

Il soutient qu'à ce compte les films d'Eistenstein, Potemkin, devrait être retiré, ce qu'il n'est pas, et soutient que cela devrait aussi le cas pour Naissance d'une Nation de Griffith, qui ne l'est pas davantage. 

Découvrant dans une chaine que Youtube diffuse au titre des "archives historiques", une prise de position est prise sur le caractère inadmissible du "Triomphe de volonté", il estime que le retrait de ce film-là est donc le reflet d'une prise de position qui n'est pas neutre.

Il conclut son article de la façon suivante : "It raises major issues surrounding the platform's capacity as a historical archive, and how much viewers can be trusted to do some of the legwork on their own. These are the challenges that no algorithmes can solve.".

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Pourtant effectivement, le film est désormais indisponible sur Youtube, l'internaute ne trouvant que le message suivant (dans la langue que son adresse IP suppose être la suivante : "Cette vidéo a été supprimée, car elle ne respectait pas le règlement de YouTube concernant les contenus incitant à la haine. Découvrez comment lutter contre l'incitation à la haine dans votre pays.". Il est possible en cliquant sur "En savoir plus".

En cliquant, l'on arrive à un document de "Règles concernant l'incitation à la haine".  Il s'adresse aux personnes qui mettent des contenus, les prévient de ce qui sera supprimé par Youtube et pourquoi, donne des exemple. Signale que cela résulte des mesures supplémentaires adoptées par YouTube le 5 juin. Renvoie par click  à ce document. L'internaute arrive au document précité en anglais du "blog officiel".

 

Qu'en penser en Droit ?

Lire ci-dessous.

1

Frison-Roche, M.-A.,  L'apport du Droit de la Compliance à la Gouvernance d'Internet, rapport remis au Gouvernement, 2019. 

1 juin 2019

Blog

L'organisateur a agi sous pseudonyme : João B..
 
D'après l'article, l'organisateur ne se considère pas comme un "nazi" mais une un "révisionniste".
 
Il estime que la manifestation qu'il organise est un "concours de beauté".
 
Il en promeut l'organisation et diffuse la possibilité pour des jeunes filles de présenter leur candidature, en choisissant à leur tour un pseudo, en envoyant de un à trois photos d'elles-mêmes et en se décrivant.
 
A côté de cette proposition, figure en premier lieu un drapeau portuguais,  en deuxième lieu deux jeunes filles à la peau blanche, aux cheveux blonds, aux yeux clairs, à l'allure sportive, en troisième lieu un croix gammée.
 
Celle qui gagnera le "concours de beauté" aura le titre de "Miss Hitler". 
 
 
 
II. QUE PEUT ET DOIT FAIRE LE DROIT ? (QUI ET COMMENT)
 
En premier lieu, il faut qualifier la situation. Puis si elle justifie une réaction en droit, désigner qui peut agir.
 
A. QUALIFICATION DE LA SITUATION
 
Plutôt que de faire des rassemblements de nostalgiques du IIIième Reich et de son chef, Adolf Hitler, des fêtes entre nazis, ce qui est interdits, soit expressément (loi Gayssot en France) soit au titre de l'interdiction pénale de l'incitation à la haine raciale et à l'antisémitisme, des plus malins par exemple organisent des "week-ends d'intégration" dans les universités où certains étudiants sont les allemands, d'autre sont les juifs, les premiers doivent pourchasser les seconds. Histoire de rire. D'autres proposent des jeux vidéos qui reconstruisent dans le monde virtuel des camps de concentration dans lesquels le joueur est un personnage.

Cela peut fonctionner en Droit. Puisque si le Président de l'Université a interdit le projet de week-end d'intégration et a saisi le parquet, en revanche sous prétexte que le joueur ne pouvait choisir que d'être le résistant au nazisme et non pas être le nazi, le jeu vidéo dans lequel Hitler et tout son entourage évolue a été admis en août 2018 à la vente par l'Autorité allemande de régulation des jeux.
 
Alors, autant pousser un peu plus loin .... Il n'y a pas toujours un cinéaste américain pour payer un "procès du siècle" pour lutter contre le "négationatisime"....
 
Quel mal y-a-t-il à élire une belle jeune femme blonde, aux yeux clairs, à la peau blonde et au corps parfait ?
N'est-ce pas ce qu'en permanence le monde des médias, de la mode, ... et des concours de beauté, font ?
 
Le "média" de la Haine a donc été choisi : être l'alignement de mannequins suédois, de jeunes filles splendides innocentes, qui aura l'esprit à ce point étroit et hostile à la liberté et à la beauté pour s'y opposer ? 
 
 
Mais le Droit est un vieux mécanisme dont le coeur est l'exercice de la qualification.
 
La qualification, dont le juge a l'apanage, est l'exercice intellectuel rappelé par l'article 12 du Code de procédure civile, qui consiste pour celui-ci à donner à une situation son exacte qualité, c'est-à-dire à faire entrer les faits dans les catégories juridiques pertinentes, afin d'attacher aux faits et actes le régime juridiques qui leur sont adéquats.
 
Ici, deux faits simples sont à retenir :
  • le trophée que la gagnante consiste à être dénommée "Miss Hitler", ce qui renvoie directement au nazisme (voire à ce que parfois certains appellent l'Hitlérisme) ;
  • la croix gammée qui fait partie des trois illustrations du concours de beauté, et dont on ne comprend pas la présence dans un concours de beauté, sauf à comprendre que ce concours n'a pas pour objet seulement la beauté féminime mais encore la fête du nazisme. Cela montre alors que cet objet n'est pas un moyen pour le concours : c'est la beauté féminime qui est un moyen pour atteindre le véritable objet du concours, à savoir la mise en valeur du nazisme, à travers ses deux principes signes distinctifs : sa croix et son chef.

Et fêter le nazisme à travers la beauté féminime, le Droit l'interdit. 

 

Le Droit doit donc réagir.
 
B. REATION DU DROIT FACE A UN CONCOURS DONT L'OBJET EFFECTIF EST LA CELEBRATION DU NAZISME, LA BEAUTE N'ETANT QU'UN MOYEN POUR LE FAIRE
 
1. La réaction de l'Etat
 
L'Etat portuguais doit immédiatement réagir, le Ministère public poursuivre, le préfet intervenir. 
Sa compétence ne doit pas poser problème car il doit y avoir des éléments de rattachement.
 
2. La réaction du juge
 
Le juge doit être saisi immédiatement en référé. 
Cela ne concerne pas seulement le juge portuguais, puisqu'il semble que ce concours non seulement est ouvert à toute personne, et pas seulement portuguaise mais encore et par exemple française.
 
En outre, dès l'instant que l'objet du comportement est non pas l'organisation d'un concours de beauté, mais l'organisation d'une manifestation à la gloire d'Hitler et à la gloire du nazisme, cette sélection entre des jeunes filles n'étant qu'un moyen, voire un prétexte ou un renforcement (en raison de l'importance de la sélection des beaux spécimens humains dans la doctrine nazie) de l'objet véritable de cette manifestation, le juge doit être saisi sans considération de l'endroit où ce "concours" se déroule.
 
Le fait qu'il se propage dans les réseaux sociaux donne compétence par exemple au juge présent.
 
La demande d'interdiction et de retrait immédiate de toute communication à ce propos, que pourrait formuler toute association de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, peut être fondée sur tous les textes de nature pénale qui interdisent l'incitation à la haine raciale et à l'antisémitisme.
 
 
3. La réaction immédiate des entreprises numériques cruciales
 
En outre, dans le même temps, les "opérateurs cruciaux numériques" sont légitimes à retirer d'office la propagation de ce message qui est une incitation à la haine raciale.
 
En effet, les entreprises peuvent et doivent considére qu'il s'agit d'une incitation à la haine raciale, via l'apologie du nazisme et de son chef, ce qui justifie le retrait immédiat, le déréfencement de son promoteur, traçable par son adresse.
 
Cet exercice Ex Ante est légitime, et constitue pour ces opérateurs la façon dont ils doivent assurer l'effectivement du Droit dans le contenu des messages qui sont diffusés sur l'espace digital dont ils assurent la maîtrise!footnote-1601.
 

Le 31 mai 2019, un réseau social russe a supprimé l'information de son support.  

Il convient que tous les opérateurs numériques cruciaux numériques le fassent également.

A travers cet exemple particulier, simple et net, donc "exemplaire", l'on mesure que ces "entreprises numériques cruciales" (ici les entreprises qui tiennent les réseaux sociaux) sont à même de rendre effective les lois, ici l'interdiction de l'incitation à la haine raciale.

Plus techniquement, cela s'appelle : le Droit de la Compliance.

1

Sur ce point et d'une façon très développée, v. Frison-Roche, M.-A., L'apport du Droit de la Compliance à la gouvernance d'Internet, rapport remis au Gouvernement, 2019. 

28 novembre 2018

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Bailly, M.-A., Juger les crimes énormes, in Journal Spécial des Sociétés, n°85, 28 novembre 2018, pp. 18-19.

 

Les Archives de Paris organisent, en partenariat avec le Comité d'histoire de la ville de Paris, un cycle de conférences sur l'histoire de la justice à Paris, jusqu'en janvier 2019. Le 18 octobre dernier, la séance a été consacrée au «jugement des crimes énormes». Celle-ci a été assurée par Julie Doyon, professeure à l'université Paris 13, actuellement détachée à l'université de Fribourg. L'experte a centré ses propos sur «L'atrocité du parricide dans la jurisprudence du Palais aux 18ème-19ème siècle». Quelles sont les caractéristiques de ce crime ? Comment était-il jugé à cette époque ? Pourquoi était-il considéré comme le crime le plus atroce qui soit ?

 

 

21 juin 2018

Blog

Dans sa série d'émissions consacrée à L'Histoire de la Justice, France Culture a consacré le 19 juin 2018 une émission à l'Épuration, à travers celle qui suivit la fin de la Seconde Guerre Mondiale , cette "épuration" débutant dès avant et suivant des procédures juridictionnelles qui se mettent en place en 1944 (après de terribles expériences  "tribunaux populaires") , procédures qui marquent souvent la fin des "Empires". 
 
On y entend les deux auteur François Rouquet et Fabrice Virgili, de l'ouvrage qui vient de paraître sous forme ramassée : Les Françaises, les Français et l'épurations : 1940 à nos jours
 
Pour illustrer leurs propos, l'émission donne à entendre un éditorial de 1944 qui met en garde contre ce qui serait pour lui une sorte de perversion de la justice, si les juges en venaient à prendre en considération ce que diraient les "collaborateurs" qui vont se prévaloir de faits de "résistance" pour contrebalancer des faits de "collaboration", l'orateur  avertissant que les juges ne doivent pas être "dupés" par un tel jeu qui consiste à engranger par avance des faits pour mieux atténuer une peine, alors que la peine doit être implacable.
 
Les intervenants reprennent plus tard dans l'émission le propos sous l'angle de "l'indulgence" : savoir si l'on doit être ou non l'indulgence. 
Mais quand on est juriste et qu'on a au fond de son coeur le principe du contradictoire qui conduit à donner à priori pertinence à tout fait que la personne que l'on juge, qu'elle soit innocente ou coupable, met dans le débat, l'on ne peut être que glacé d'un tel discours.  Car ce discours ne demande pas un procès, il demande des condamnations. Et cela n'est pas la même chose. Ce n'est que pour les procès que le Droit est requis, pas pour le prononcé de condamnations. 
 
Mais l'audition de cet extrait ne sembla pas glacer la discussion. Sans doute parce que dans leur discussion si intéressante (par exemple dans la "qualification" du fait de collaborer), les intervenants ne semblent pas donner une pertinence propre à  la perspective juridique ou plus spécifiquement  juridictionnelle. 
 
Or, un juge qui ôte toute pertinence à un fait parce qu'il est mandaté pour ne demander des comptes que sur un autre "type" de faits - ici les faits de "collaboration" et non pas les faits de "résistance" est un juge structurellement partial.
 
Dans l'émission le parallèle a été fait avec le procès de Nuremberg. Mais dans le Procès de Nuremberg, procès fondateur de la justice internationale, alors même que la "cause était entendue", les faits évoqués par les uns et les autres ont été mis dans le débat. 
 
Comme l'ont souligné les intervenants dans cette émission et comme ils le développent dans leur ouvrage, dans les 350.000 procès de l'épuration, les juges et les jugés se connaissaient. La froideur de la Justice n'a donc pu jouer comme elle a joué à Nuremberg. Ils ont utilisé le bon terme technique : c'était une justice de "proximité"...  Il est d'ailleurs remarquable que la paisible "justice de proximité", renaissance de la "justice de paix", a été contestée devant le Conseil constitutionnel puis l'expérience délaissée, car cette proximité n'est pas forcément un gage de justice. 
 
L'essence du débat se retrouve  dans le dernier extrait sonore de cette émission : dans un débat qui se déroule en 1946 de 4 minutes qui porte sur la possibilité de rendre justice lorsqu'il ne s'agit que de satisfaire la haine. Et l'un dit qu'il "faut bien en passer par là puisqu'il faut parfois faire de la "chirurgie sociale" (ce qui rappelle la théorie de la défense sociale), tandis que l'autre répond que jamais une balle dans la tête ne peut être de la Justice. Et qu'il suffit bien de 4 minutes pour le dire. 
 
Oui, parce que la Justice n'est justement pas une machine chirurgicale, telle que Kafka la décrite dans La colonie pénitentiaire, elle est aveugle. Ce n'est pas un reproche à lui faire, c'est sa définition même.  Et parce qu'elle est aveugle, elle prend en considération les faits avancés par celui qui comparaît devant elle. Même s'il s'agit d'un coupable, d'un stratège, d'un épouvantable personnage ayant commis des faits abominables : la procédure n'est pas un dispositif qui ne protège que les innocents. 
 
Si la justice cesse d'être "aveuglée", elle devient alors au mieux un mode d'exécution.
 
Mais la justice n'est pas divine, elle n'est qu'humaine. Les juges ont donc des corps, des histoires personnelles, des âmes et des sentiments, des voisins et des comptes personnels à régler. La statue qui représente la Justice a donc des yeux, elle n'est en rien naturellement aveugle. Pour que la justice soit "aveugle" au sens de l'impartialité, ce qui est la base de la Démocratie et de l'Etat de Droit gardée par la Constitution, elle doit bien être "aveuglée" : par le bandeau dont la procédure lui recouvre les yeux. Ce n'est pas un effet de nature, mais un effet de procédure qui concrétise la définition même de la procédure et le droit de chacun à un "tribunal impartial", dont la Constitution est garante. 
 
Comment faire alors pour qu'étant ainsi "aveuglée", la Justice n'en devienne pas mécanique par la distance que lui imposent les règles de tous sentiments ? 
C'est précisément que tout sentiment n'en est pas exclu : le "sentiment de justice" demeure au coeur du procès. C'est lui qui fonde tout procès et exclut que celui soit rendu par des machines. Car le sentiment de justice, contrairement à la haine ou à l'amour, n'est pas une passion : c'est lui-même une méthode dont le cas du "bon juge magnaud" fût exemplaire, puisqu'il ne peut s'exprimer que par des procédures et des motivations expresses (ce qui fût le cas à Nuremberg).
 
 
 
L'Histoire nous le rappelle, deux extraits sonores nous le disent en quelques minutes. 
 
Merci.
 
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22 mai 2018

Publications

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Compliance : avant, maintenant, après", in N. Borga, J. -Cl. Marin et J.-Ch. Roda, J.-Cl. (dir.), Compliance : l'entreprise, le régulateur et le juge, Série Régulations & Compliance, Dalloz, 2018, p. 23-36. 

 

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📝 Lire l'article 

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🚧 Lire le document de travail sur la base duquel s'appuie l'article 

🚧 Read the working paper on which the article is based : Compliance : Before, Now, After

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📝Lire l'autre article publié par Marie-Anne Frison-Roche dans cet ouvrage : Entreprise, Régulateur, Juge : penser la compliance par ces trois personnages

 

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► Résumé de l'article : Autant l'admettre. Parce que devant des règles de "Compliance si nombreuses et si disparates l'on a tant de mal à s'y retrouver, l'on est contraint à partir dans des directions si changeantes, que nous nous consolons de leur poids, de leur coût et de l'incompréhension que nous en avons en disant que la "Compliance" est "complexe" et "transdisciplinaire", comme si les mots compliqués pouvaient masquer notre désarroi. Mais la "Compliance" n'est pas un cataclysme, une bombe envoyée par les américains pour anéantir l'Europe, la nouvelle forme d'une Guerre froide en habits juridiques ; c'est une façon de voir des choses qui vient de loin, avec une cohérence qui lui est propre et qu'il faut avant tout comprendre. Pour mieux s'y déployer.

Si l'on comprend d'où vient ce nouveau corpus qui contraint aujourd'hui les entreprises à prouver qu'elles prennent effectivement en charge la concrétisation de certains buts qui les dépassent, notamment la lutte contre le blanchiment d'argent, la fraude fiscale, mais aussi la lutte contre la vente des êtres humains ou la lutte pour la préservation de la nature et de la planète, alors l'on peut continuer l'histoire, dans une nouvelle alliance entre certaines entreprises et les autorités publiques.

En effet, toutes les entreprises ne sont pas visées par une telle internalisation de "buts monumentaux" en leur sein. Une entreprise ordinaire a quant à elle vocation à se développer pour réaliser un but qui est le sien. Le système de Compliance ne peut concerner que des "entreprises cruciales". S'il doit y avoir changement de projet poursuivi par l'entreprise, cela ne peut tenir qu'à sa "position" dans un système. Cette position peut avoir une source objective (entreprise systémique) ou une source subjective, parce que l'entreprise veut concrétiser ces buts globaux car elle veut être "responsable". Dans ce cas, l'entreprise supporte alors la charge de preuve qu'un tel discours de responsabilité nouvelle correspond à un comportement et à une culture effective. Le poids des règles existe déjà aujourd'hui. Et c'est encore comme cela qu'aujourd'hui d'une façon négative et passive que la Compliance est perçue, par ceux qui la "subissent" (entreprises), voire par ceux qui l'appliquent (autorités publiques).

La transformation vers une "culture de confiance, c'est l'enjeu d'un passage entre aujourd'hui et demain. En effet demain, c'est une relation de confiance qui pourrait se construire entre ces entreprises-là et les autorités publiques, parce qu'elles partageaient les informations (enjeu systémique), parce qu'elles seraient d'accord sur les buts monumentaux (tous centrés sur la protection des êtres humains, que le seul fonctionnement marchand ne peut produire, que les seuls États ne peuvent assurer).

En cela, la "Compliance" est avant tout un pari, celui de la place des êtres humains sur des marchés mondialisés.

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English Summary of the article. We have to admit, because we find it difficult to find ourselves in front of so numerous and disparate rules, going in all directions and constantly changing, we console ourselves with their weight, their cost and our misunderstanding by affirming that Compliance is "complex" and "transdisciplinary", as if complicated words could mask our disarray. But "Compliance" is not a cataclysm, a bomb sent by the Americans to annihilate Europe, the new form of a Cold War in legal dress, it is a way of seeing things that comes from afar, with a coherence of its own and which must first be understood.

If one understands where this new corpus comes from, which now obliges companies to prove that they effectively take on the fulfillment of certain goals that go beyond them, notably the fight against money laundering, tax evasion , but also the fight against the sale of human beings or the struggle for the preservation of nature and the Earth, then we can continue the story.

Indeed, not all companies are targeted by such internalization of "monumental goals" within them." An ordinary enterprise is destined to develop itself in order to achieve a goal which is its own. The concern of these goals can only be for the "crucial enterprises. "If there is to be a change in the corporate project, then it can only depend on its" position "in a system, a financial, economic, social, global system, or because it has itself decided that it would be so. The company then bears the burden of proof that such a discourse of new responsibility corresponds to a behavior and an effective culture. The weight of the rules already exists today. And it is for the moment that now, in a negative and passive way, Compliance is perceived, by those who "undergo" it (companies), even by those who apply it (public authorities).

The transformation towards a "culture of trust" is the issue between today and tomorrow, because tomorrow, it is a relationship of trust that could be built between these companies and the public authorities, because they would share information (systemic issue), because they would agree on the less technical monumental goals (protection of human beings issue).

In this, "Compliance" is above all a bet, that of the place of human beings in globalized markets.

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📕Lire une présentation générale du livre, Compliance : l'entreprise, le régulateur et le juge, dans lequel cet article est publié.

Consulter les autres titres de la Série dans laquelle est publié l'ouvrage.

1 mars 2018

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Agacinski, S., Le Tiers-corps. Réflexions sur le don-d'organes, coll. "La librairie du XXIe siècle", Seuil, 2018, 240 p.

 

Consulter la table des matières.

Lire la quatrième de couverture.

 

Écouter son entretien sur France-Culture.

15 novembre 2017

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : ETNER François, SILVANT Claire, Histoire de la pensée économique en France. Depuis 1789, ed. Economica, 2017, 496 p.

 

Lire la 4ième de couverture.

Lire la table des matières.

 

 

11 août 2017

Blog

Le 6 août 2017, un article de Sidonie Hadoux publié par National Geography rend compte des informations nouvelles résultant des fouilles menée par une équipe du CNRS dont elle a interrogée un membre, Cécile Michel.

Ces fouilles, menées en Turquie ont permis l'étude de plus de 20.000 tablettes de la cité-État d'Assour (aujourd'hui en Irak), établie il y a 4.000 ans.

Il s'avère que dans le fonctionnement économique les femmes avaient l'autonomie juridique : elles pouvaient vendre seules les tissus qu'elles fabriquaient et passaient pour ce faire des contrats.

On relève que des contrats de mariage organisaient la vie patrimoniale des époux, le contrat prévoyant la séparation des biens, chacun gérant les siens.

Les femmes pouvaient donc développer leurs activités économiques.

Le divorce était possible d'une façon symétrique, avec obligation de verser une compensation financière.

Mais à partir du IIième siècle avant J.-C., le statut juridique de la femme est devenue nettement inférieur à celui de l'homme (qui a toujours exercé seul les fonctions politiques).

 

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24 avril 2017

Base Documentaire

Référence complète, Chaffee, E.C., The origins of Corporate Social Responsibility, University of Cincinnati Law Review, vol.85, 2017, p.385 s.

Lire l'article.

17 février 2017

Blog

Johann Chapoutot prend le système nazi au sérieux. Non seulement comme machine de destruction des êtres humains, comme machine administrative, comme machine de fascination des êtres humains, amenés à servir ladite machine, mais comme machine intellectuelle à prendre au sérieux.

Prendre au sérieux un système, c'est le comprendre. Ce n’est pas admettre.  C’est en souligner l’ossature pour mieux l’identifier, y attacher des marqueurs, pour en reconnaître des traces ici et maintenant.

Oui, il faut s'intéresser au système de pensée nazi (I), continuer de chercher à comprendre le droit nazi (II), admettre la part que les intellectuels ont pris dans la construction d’un système qui a révolutionné la vision intellectuelle du monde en faisant prédominer une nature imaginaire, construction intellectuelle dans laquelle le Droit et les professeurs de droit ont une grande place (III). Ce qui nous permet de se demander, non sans effroi, si nous ne sommes pas aujourd’hui confrontés à une semblable « révolution culturelle », dont nous ne mesurons pas l’ampleur, dont nous ne voulons pas voir l’ossature, et à laquelle éventuellement nous collaborer (IV).

 

Lire ci-dessous les développements.

2 novembre 2016

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Koenig, G., Le marché des idéesRevue Concurrences, n°4-2016, pp.1-3.

 

Les étudiants Sciences Po peuvent consulter l'article via le drive, dossier "MAFR - Régulation & Compliance"

 

 

31 mars 2016

Conférences

David Alexandre, Philippe Coen et  Jean-Marc Dreyfus ont publié Pour en finir avec Mein Kampf et combattre la haine sur Internet.

Un débat est organisé à la Librairie Lamartine autour de l'ouvrage.

A l'ère numérique, un combat contre ce livre fait sourire certains. D'autres se mobilisent, notamment les éditeurs, parce qu'ils savent que le monde virtuel n'a pas fait disparaître les personnes et les livres. Pourtant, la haine dont ce livre ruisselle coule à flot grâce à la capillarité numérique et ce livre retrouve une nouvelle jeunesse, pour laquelle la tombée dans le domaine public n'est accessoire.

Faut-il ne rien faire, sous prétexte qu'on ne peut pas beaucoup ?

L'engagement dans une lutte doit-elle ses mesurer à l'aune de sa probabilité de succès et de l'ampleur de ses moyens par rapport aux moyens de l'objet combattu ?

Si l'on pense ainsi, alors il n'y aurait jamais dû avoir de Droit. Celui-ci a toujours perdu d'avance, face au crime, au désir, à la lâcheté et à l'indifférence. Situation de fait qui désespéra tant Sade.

Si l'on reprend la situation nouvelle constituée par le numérique, il y a tout d'abord ce qu'il est usuel d'appeler les "géants du numérique" sur lesquels Philippe Coen semble beaucoup compter.

Il y a aussi les personnes elles-mêmes. Dans lesquelles il ne faut pas tant désespérer. La haine n'est pas la choses la mieux partagée du monde. Non.

C'est la peur et la fatigue qui peuvent l'être, ce qui est différent. Ainsi, l'initiative "Respect zone" qui fait que chacun est maître chez soi, conception si classique et si française du Droit, est adéquate pour, non certes "en finir", mais mettre des bornes. Pour reprendre le vocabulaire du Droit romain.

 

9 mars 2016

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : Schmid, J., Après la dénazification, la "renazification ? La réintégration des magistrats en Allemagne d'après la guerre (1945-1968), Droit et société, vol. 92, n°1, 2016, p.159-1979.   

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 Résumé de l'article (par l'auteur) : L’article propose une synthèse critique de travaux publiés sur l’épuration et la réintégration des magistrats allemands ayant exercé leurs fonctions sous le régime nazi. Il traite de la période entre le début de la dénazification en 1945 jusqu’en 1968, date à laquelle la plupart des magistrats actifs sous le nazisme prennent leur retraite. À travers les différentes étapes d’une dénazification administrative et juridique, l’article cherche à saisir la nature d’une « renazification » dénoncée par les institutions judiciaires ouest-allemandes. Contrairement à l’Allemagne de l’Est où la magistrature est purgée minutieusement sans réintégration de ceux qui en ont été écartés, l’Allemagne occidentale connaît un retour massif des magistrats compromis. Si ces derniers ne s’opposent pas au développement d’un système judiciaire démocratique, on constate un manque de prise de conscience de leur responsabilité sous le régime nazi.

18 septembre 2015

Conférences

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Le juge est-il un pouvoir ou une autorité vis-à-vis du Politique ?, in Juge et Démocratie, Les Entretiens de Montesquieu, La Brède, 18 septembre 2015.

 

Dans une table-ronde modérée par Dominique Richard et qui réunissait également et notamment Maîtres Jean-Marie Burguburu et Patrice Spinosi, le thème du rapport de pouvoir entre la magistrature et le Politique, la discussion entre les intervenants et avec la salle a pris appui sur la distinction faite par la Constitution française entre "autorité" et "pouvoir".

Pour ma part, j'ai soutenu que les magistrats ont toujours été un pouvoir, mais que le Politique a rêvé qu'ils ne le soient pas et ont tant cru à leur capacité à les réduire qu'ils ont effacé le mot, choisissant celui d' "autorité" qu'ils ont pensé que la parole constituante suffira à engendrer ce résultat.

Mais, si l'on met de côté la question différente des magistrats qui composent le Parquet, les juges ne peuvent pas ne pas avoir de pouvoirs, puisqu'ils sont obligés de répondre aux questions que leur posent les justiciables, à travers les demandes qu'ils formulent. C'est l'article 4 du Code civil qui oblige le juge à y répondre, tout juge doit répondre par un jugement. Celui qui ne le ferait pas, sous prétexte d'une insuffisance de la Loi, commettrait un déni de justice. Ainsi, lorsque le juge des référé qu'est le Conseil d’État intervient pour soutenir l'interdiction du spectacle de Dieudonné, il aurait subi les mêmes reproches de "faire de la politique" s'il avait choisi d'annuler l'interdiction préfectorale du spectacle. Le juge doit trancher. Ainsi, étant obligé d'avoir du pouvoir, il ne peut que constituer un Pouvoir, qui s'applique au Politique, comme à toute chose.

Ce qui n'est pourtant jamais admissible, c'est un pouvoir qui affirme n'être pas un pouvoir. C'est alors un pouvoir sans limite.

Cela-même que Montesquieu dénonçait dans L'esprit des Lois : tout pouvoir a tendance à en abuser, c'est pourquoi il faut institutionnellement lui mettre en face des contre-pouvoirs. Lorsque les magistrats affirment qu'ils ne sont rien, qu'ils ne sont en France que des petits fonctionnaires, qu'ils ne font qu'appliquer la loi, c'est faux. Mais en disant cela, alors même qu'ils exercent un grand pouvoir, ils ne rendent pas de compte de celui-ci.

Alors que le Politique rend des comptes, le Judiciaire n'en rend pas. Parce qu'il n'admet pas être un pouvoir. Ce qu'il est pourtant.

Non seulement, il ne peut pas n'être pas un pouvoir, mais il est sans doute bon qu'il en soit un. Il ne convient pas de le critiquer d'être un Pouvoir. Mais il convient de le critiquer s'il feint de n'être pas un. Habilité que le Politique n'a pas.

Dès lors, la balance est inversée, puisque c'est le Politique qui devient de fait le contre-pouvoir du Pouvoir judiciaire.

 

9 septembre 2015

Blog

Dans son réquisitoire devant le Tribunal de Nuremberg, le procureur 'Auguste Champetier de Ribes, procureur près le Tribunal de Nuremberg s'exprime ainsi :

....La mystique à laquelle pensait Bergson, nous savons ce qu'elle est. C'est celle qu'à l'apogée de la civilisation gréco-latine, alors que Caton, l'Ancien, le sage des sages, écrivait dans son Traité d'économie politique : "il faut savoir vendre à temps ses vieux bœufs et ses vieux esclaves", a introduit dans le monde ces deux notions, qui ont suffit à le bouleverser, la notion de la personne et celle de la fraternité humaine.

La personne, c'est-à-dire l'individu spiritualisé, non plus l'homme isolé, le numéro dans l'ordre politique, le rouage dans l'ordre économique, mais l'homme tout entier corps et esprit, esprit incarné sans doute, mais avant esprit, pour l'épanouissement duquel est faite la société, l'homme social, qui ne trouve son plein développement que dans la communauté fraternelle de son prochain, l'homme, auquel sa vocation confère une dignité qui le fait échapper de droit à toute entreprise d'asservissement et d'accaparement.

 

Ces paroles sont essentielles, en ce qu'elles ont été prononcées à cet instant si particulier de l'Histoire qu'est le procès de Nuremberg.  Elles sont prononcées par un procureur, c'est-à-dire celui qui a en charge de faire au nom du Droit reproche à ceux qui sont accusés. Il va leur reprocher non pas seulement les atrocités concrètes et le nombre inouïs de victimes. En cela, d'autres génocides pourront s'y comparer sans doute. Il va leur reprocher autre chose, différent et incommensurable. Il va reprocher à la pensée nazie, car il y a une pensée nazie!footnote-228, d'avoir tué la "personne". De cela, les êtres humains ne peuvent pas se relever, les victimes atrocement mortes, mais les autres non plus, et comme le montrera Gunter Anders!footnote-229, les nazis non plus. C'est l'humanité qui a été tuée par le nazisme.

Par une démonstration fulgurante, Champetier de Ribes montre que la pensée gréco-romaine à inventer la notion de "personne. Il s'agit d'une notion "mystique", en ce qu'un être humain cesse d'être un être isolé et dépendant

1

Shapiro, La loi du sang, trad. franç., Gallimard, 2014.

2

Anders, G., Nous, fils d'Eichmann, trad. franç. ....

1 avril 2015

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, Semestre de printemps 2015

L'on apprend le droit, on le définit même, à travers la notion d' "ordre". Mais lorsqu'on le rencontre dans la réalité de la Régulation bancaire et financière, tout à la fois on le rencontre à chaque pas et cela s'opère dans un vaste désordre. Cela est sans doute le reflet du vaste et peut-être définitif "désordre mondial" dans lequel nous vivons.

"L'affaire BNP" est un cas d'école. Ce qui a coûté à l'entreprise, les tensions qu'il engendre entre les États, les interrogations qu'il ouvre viennent aussi du fait qu'il n'y a pas d'autres entre des zones géographiques qui ne sont pas articulés par le droit, alors que l'activité des entreprises est mondiale.

L'Europe est une zone qui est en train de se construire mais, même en se limitant à la perspective juridique, les deux Europes - celle des marchés bancaires et financiers - et celle des droits de l'Homme s'articulent mal, les États-membres s'exprimant désormais à travers leurs Cours constitutionnelles.

Plus encore, la géographie rejoignant ici l'Histoire, l'Europe contient à la fois du Civil Law et du Common Law, le droit du Royaume-Uni demeurant fidèle à son Histoire. De la même façon, l'Europe des droits de l'Homme n'a pas la même histoire que l'Europe de l'Union européenne. Dès lors, comment faire l'Europe par le droit ?

Accéder au plan de la leçon : Géographie et histoire dans le droit de la régulation bancaire et financière

Voir les slides de la leçon sur la Géographie et l'Histoire dans le droit de la régulation bancaire et financière.

Consulter la bibliographie de base et d'approfondissement afférente à la leçon sur la Géographie et l'histoire dans le droit et la régulation bancaire et financière, ci-dessous.

15 novembre 2014

Blog

La question a été posée dans un cas d'école au Conseil constitutionnel, qui a nettement répondu dans sa décision du 14 novembre 2014, QPC, M. Alain L.

Même si le dispositif est aujourd'hui abrogé, son appréciation par les juges suprêmes vaut le détour.

Une loi du 23 juin 1941 a eu pour objectif de préserver l'art et l'histoire français. Le nationalisme se portait particulièrement bien à l'époque. Le dispositif était en deux temps. Dans un premier temps (article 1ier de la loi), l'État pouvait refuser l'autorisation de sortie du territoire de l'oeuvre, présentant un intérêt national d'histoire ou d'art. Puis, dans un second temps (article 2 de la loi), il pouvait retenir l'oeuvre pour lui-même, transférant la propriété de celle-ci à une personne publique, ayant six mois pour le faire après un refus d'exportation qu'il aurait prononcé, le propriétaire ne pouvant pendant ce délai céder le bien.

La QPC a porté sur cette seconde disposition en tant qu'elle porte atteinte au droit de propriété privée sans nécessité publique, violant ainsi l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, partie intégrante du bloc de constitutionnalité.

Le Conseil répond qu'effectivement si le refus d'exportation poursuit un objectif d'intérêt général, en revanche le droit de "retenir" ainsi le bien pendant six mois sans que le propriétaire ne puisse rien faire de son bien, puis l'appropriation forcée par une personne publique, alors que la décision d'empêcher l'exportation a déjà été prise ne correspond pas aux critères établissant une "nécessité publique".

On ne peut qu'approuver une telle décision. Tout d'abord, parce que sans doute le Législateur de 1941 avait quelques arrières-pensées en s'appropriant des oeuvres d'art que certains propriétaires à l'époque voulaient sauver de quelques griffes dans cette sombre époque. Le Conseil d'État qui a transmis la QPC et le Conseil constitutionnel ne peuvent pas ne pas y penser. Ensuite, l'art est aussi un marché. On peut porter atteinte à celui-ci et restreindre la circulation. Oui, mais le refus d'exportation suffit. Pourquoi restreindre les acheteurs ? La "nécessité publique" ne justifie pas l'expropriation.

Surtout pas en 1941, quand on songe aux personnes qui voulaient vendre leurs tableaux pour fuir. Préserver l'Histoire, c'est peut-être pour l'État français de l'époque les exproprier, c'est surtout pour les juges de 2014 de songer à cette réalité de l'époque.

 

14 novembre 2014

Base Documentaire : 01. Conseil constitutionnel

La loi du 23 juin 1941 a restreint l'exportation des oeuvres d'art jusqu'à  la loi du 31 décembre 1992. Pendant cette période, celles-ci n'ont donc pas relevé e pas de la seule liberté du commerce mais ont fait l'objet de restriction de circulation.

En effet, l'article 1ier de la loi obligeait à solliciter une autorisation de sortie du territoire de l'oeuvre d'article. Si celle-ci était refusée,  l'article 2 donné à l'État français le pouvoir de "retenir" des oeuvres d'art au profit de collectivités publiques.

Cette disposition législative a été contestée par une QPC, la partie la prétendant contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen qui protège le droit de propriété privée.

Le Conseil d'État a rendu un arrêt le 8 septembre 2014 de transmission de cette QPC au Conseil constitutionnel.

Par la décision du 14 novembre 2014, QPC, M. Alain L., le Conseil constitutionnel considère en premier lieu que "la possibilité de refuser l'autorisation d'exportation assure la réalisation de l'objectif d'intérêt général de maintien sur le territoire national des objets présentant un intérêt national d'histoire ou d'art". Mais il ajoute immédiatement en second lieu que la privation de propriété "n'est pas nécessairement pour atteindre un tel objectif".

Le système consistant à imposer une acquisition forcée par une personne publique, alors que le dispositif pour empêcher l'oeuvre de sortir du territoire avait déjà fonctionné, instaure "une privation de propriété sans fixer les critères établissant une nécessité publique".

La disposition législative est donc contraire à la Constitution.

1 novembre 2014

Blog

Le nazisme reste un mystère. Les ouvrages se déversent pour essayer de comprendre.

Notamment de comprendre la part que tant de phénomènes y prirent, par exemple le capitalisme, la culture occidentale elle-même, le nationalisme, la misère, l'humiliation, le Traité de Versailles, le charisme d'Hitler, etc.

Le droit y a aussi sa part.

Carl Schmidt n'a pas compté pour peu dans l'élaboration de la doctrine nazie, pensant le droit comme expression de la pensée, ce contre quoi Kelsen bâtit la théorie du "droit pur", qui met le droit en autonomie du politique et n'en est pas la forme.

Cette dimension juridique du nazisme, dans sa conception tout d'abord, dans sa mise en oeuvre ensuite, est essentielle. En effet, le système nazi était un système légaliste, l'efficacité passe par une multitude de textes et par des méthodes dont la juridicité ne fait pas de doute.

Cela peut paraître paradoxal, voire contrariant, puisque le nazisme est souvent présenté comme l'horreur et la brutalité absolues, c'est-à-dire ce à quoi le droit s'oppose "par nature". En effet, il est courant de définir le droit comme ce qui est doté d'une "force" qui s'oppose à la "force" : la force qui arrête la force. Ils sont en opposition absolue.

Pourtant, non seulement ils ont historiquement fait fort "bon ménage", législateur, juges et professeurs de droit offrant massivement leur service technique. Mais le lien entre nazisme et droit est plus intime encore et instruit sur les risque que le goût pour le droit comprend.

C'est notamment en cela le livre qui vient de sortir, La loi du sang. Penser et agir en nazi, mérite d'être lu.

Ecouter la présentation qui en a été faite sur France Culture le 20 octobre 2014.

19 octobre 2014

Blog

Le droit est construit par l'Histoire, qu'on l'admette, qu'on le théorise (Savigny et l'École historique du droit) ou qu'on ait l'illusion du droit écrit sur page blanche, comme le voulurent les Révolutionnaires français.

Les systèmes de Civil Law vivent plutôt dans l'illusion d'un Législateur tout puissant, souverain qui déchire les lois d'hier et en écrit de toutes neuves sur le papier frais du Journal Officiel. Le système de Common Law repose plus franchement sur la mémoire, donc sur l'Histoire, conservant toutes les règles, ensevelies dans l'humus des cas, dormantes, toujours prêtes à être réveillées au besoin, si un "cas nouveau" le requiert. C'est pourquoi un juriste de Common Law est moins "pris au dépourvu" qu'un juriste de Civil Law, lequel est surtout prompt à crier au "vide juridique" et se lancer dans un "appel au législateur" pour le combler.

Il ne faut donc pas s'étonner que face à ce qui désarçonne les États, à savoir le mouvement terroriste que certains appellent "État islamique" richissime, agissant par capillarité et sans pitié, le Royaume-Uni va puiser dans les règles juridiques de son droit médiéval, puisque celui-ci demeure vivant.

Le 16 octobre 2014, le Gouvernement britannique s'est prévalu d'une règle du XIVième siècle, construite dans le contexte de la Guerre de 100 ans, pour appliquer la qualification de crime de haute trahison afin de poursuivre les Britanniques qui rejoignent l'État islamique : on ne peut "prêter allégeance" à celui-ci, et respecter deux maîtres : l'"État islamique" et sa Majesté.

 

2 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

On a parfois du droit une vision à deux dimension, comme s'il n'existait que dans sa forme présente, le droit nouvellement revêtu de la force obligatoire par le pouvoir de l'Etat le "droit positif".

C'est faux. En effet, le droit actuel est le résultat de l'Histoire de France (I). Cela est particulièrement vrai de l'organisation institutionnelle de la France (II).

I. Le droit actuel est le résultat de toute une histoire. Ainsi, le droit français qui nous régit est le résultat de l'histoire du droit français, qui lui-même a été "poli" par l'Histoire de France. On ne peut le comprendre si l'on ignore tout ce qui s'est passé avant, car l'histoire demeure vivante. Aussi bien le droit romain, que le droit médiéval, que le droit de l'Ancien Régime, que le droit intermédiaire de la Révolution Française. Dès lors, les influences fortes du droit nord-américain après la seconde Guerre Mondiale ainsi que la construction européenne ne peuvent que poser problème. En outre, le droit en tant qu'il est un système normatif autonome a posé sa neutralité par rapport aux faits historiques, mais cela n'est pas si aisé.

II. Cette imprégnation du droit par son Histoire explique que toute l'organisation institutionnelle française est marquée par son histoire, notamment politique, dans le rôle premier de l'exécutif, la place faite au Parlement, le peu de considération pour la Constitution, et l'ignorance agressive dont on voile le juge. L'organisation juridictionnelle française elle-même est le résultat de l'histoire de France, par la dualité des ordres de juridictions, et au sein des juridictions judiciaires les rapports entre le siège et le parquet.

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