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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Le devoir de vigilance : comment progresser", in A. Bres & C. Maubernard (dir.), Le devoir de vigilance des entreprises : l'âge de la maturité ?, Bruylant, coll. "Droit & Economie", à paraître

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes.

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► Résumé de l'article : La critique est toujours facile, l'art est toujours difficile et le progrès est toujours possible. C'est ainsi qu'il est raisonnable d'appréhender ce "devoir de vigilance" que le Législateur français fît rentrer avec éclat dans l'ordre juridique, chacun se demandant s'il était tout à fait nouveau, ou non, si l'on pouvait le retrouver sous d'autres appellations, ou non. 

Comme si la Loi dite Vigilance avait réussi à attraper dans sa cage ce bel oiseau dont on attend tant de choses et dont on craint tant la puissance📎!footnote-3441 :

L'on peut songer à 8 façons d'améliorer le Droit qui exprime le devoir de vigilance, ces voies ne s'excluant en rien les unes des autres.

La première voie est la progression par l'écoulement du temps, retrouvant ce qui dans le passé était déjà de la vigilance et ce qui dans le futur sera son déploiement. Il n'y a jamais de page blanche, ce qui est vrai pour le Code civil l'est aussi pour la Vigilance qui est la pointe avancée du Droit de la Compliance, laquelle est le prolongement du Droit de la Régulation.

La deuxième voie est la progression par la fixation du vocabulaire, car nous assistons à une grande bataille des mots, ouvertement ou en sourdine, en français ou en anglais. Or, le Droit est fiable pour l'attribution de régimes juridiques à des mots ancrés, ce qui n'est pas pour l'instant le cas.

La troisième voie est la progression par l'émergence de principes, voire d'un principe, retrouvés ou inventés. Le principe est cela d'une "obligation de vigilance" qui repose sur certaines entreprises, obligation qui consiste à "détecter" et à "prévenir" afin de préserver à l'avenir des systèmes qu'elles ont contribué à structurer, les "chaines de valeur" étant un exemple de cela. Cette obligation de moyens conduit à observer les "efforts" que l'entreprise assujettie (et non pas débitrice, sauf à ce qu'elle contractualise son obligation légale) déploie pour atteindre ce but systémique monumental. 

La quatrième voie est la progression par la mise en cohérence du ou des systèmes juridiques, pour l'instant frappés de lacunes et d'incohérences, ce à quoi pourraient pallier des méthodes comme la centralisation du contentieux ou, plus radicalement, l'indifférence aux frontières. Les marges de progrès sont ici très grandes et il ne faut le reprocher ni aux juges ni en entreprises, Rome ne s'est pas faite en un jour. Cette mise en cohérence ne passe pas forcément par le Droit international privé ou public, mais par des dialogues, voie plus souple et incertaine, tout au long des processus, aussi bien dans l'élaboration des plans et programmes que dans les contentieux eux-mêmes. La médiation est ainsi une voie à privilégier.

La cinquième voie est la progression par le fait que cela marche car les techniques de vigilance étant celles de la Compliance, dont la vigilance est la pointe avancée, l'enjeu est de trouver des solutions. La notion de "remédiation", qui est assez peu mise en valeur, doit être mise au centre. Le tryptique "effectivité, efficacité, efficience", issue du Droit de la Compliance doit être repris. Les techniques d'évaluation d'une part et de supervision d'autre part en découlent.

La sixième voie est la progression est le fait d'utiliser la puissance du Droit non seulement pour construire de nouvelles pertinences, et pour commencer la notion de vigilance mais aussi celle de chaine de valeur, mais encore pour imposer de nouvelles indifférences, à savoir l'indifférences à la figure du marché (à laquelle on préfère l'entreprise et la filière) et l'indifférence aux frontières. Le premier mouvement revient à revenir à 50 ans d'excès où le principe de concurrence semblait suffire à tout faire tourner en Droit, pour une conception des espaces publics, notamment celui de l'Union européenne, où l'articulation de deux piliers complémentaires, celui de la concurrence et celui de la compliance, que la vigilance écrit en lettres plus discernables, permet de maintenir un système durable et humain.

La septième voie est la progression par le rapprochement des perspectives, afin de trouver des solutions alors même que les intérêts soient opposés. C'est pour cela que les deux techniques que sont le contrat d'une part et la médiation d'autre part sont au cœur. Les "engagements", dont on mesure assez mal la portée, certains voulant leur en donner trop peu, d'autre voulant leur en donner trop, montrent l'articulation entre la volonté et la dimension structurelle de la Vigilance.

La huitième voie est la progression par la culture, car la culture de vigilance, comme la culture de compliance, doit se développer dans les entreprises et les filières, et doit devenir commune à celles-ci et aux parties prenantes. Pour le développement de cette culture de Vigilance, le juge est au centre, cela va apparaître de plus en plus. Il s'agira des juges civils, mais aussi des juges commerciaux, des juges administratifs et des arbitres internationaux.

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L'épervier Vigilance et le pays au nom oublié, 2023, in Les Aventures de l'Ogre Compilance.

7 juillet 2022

Aventures de l'Ogre Compliance

 

20 août 2020

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : Dreyfuss, S., Remplacer la culture de la corruption par une culture de la compliance : l’Europe prend ses responsabilités pour son propre avenir, Le Grand Continent, août 2020. 

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Mise à jour : 25 juillet 2020 (Rédaction initiale : 1 juillet 2020 )

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Ce document de travail a servi de base à un article, s'insérant dans un ouvrage Les outils de la Compliance2020

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Résumé du document de travail :

La formation est tout à la fois un outil spécifique de Compliance, parfois exigé par le Droit de la Compliance, et une dimension que chaque outil de Compliance exprime.

Au premier titre, en tant que la formation est un outil spécifique de Compliance, elle est supervisée par les Régulateurs. Elle devient même obligatoire lorsqu'elle est contenue dans des programmes de Compliance. Puisque l'effectivité et l'efficacité sont des exigences juridiques, quelle est alors la marge des entreprises pour les concevoir et comment en mesure-on le résultat ? 

Au second titre, tant que chaque outil de Compliance comprend, et de plus en plus, une dimension éducative, l'on peut reprendre chacun d'entre eux pour dégager cette perspective. Ainsi même les condamnations et les prescriptions sont autant de leçons : leçons données, leçons à suivre. La question est alors de savoir qui, dans ce Droit si pédagogique, y sont les "instituteurs".

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Introduction.

La formation s'apparente à ces choses  - et des plus précieuses - que l'on fait, voire que l'on rêve de faire, mais que l'on peine à exprimer dès l'instant qu'on les prend comme objet d'écrit technique. Just do it

Il serait pourtant malheureux de publier un ouvrage sur Les outils de la Compliance sans qu'une place particulière soit faite à la formation, la pièce manquerait au puzzle.

Tant d'argent consacré par les entreprises, de gré ou de force, notamment lorsque les programmes de compliance imposés au titre de sanction comprennent de lourdes obligations de formation menant chacun à retenir mot à mot tout ce qu'il lui est interdit de faire, afin de toujours désormais s'en abstenir.  La formation est ainsi la pointe acérée d'un Droit si dur qu'elle apparaît sous l'acier de l'épée pénale dans les amphithéâtres et les e-learnings.

Mais aussi tant de discours sur la nécessité d'une "culture de compliance" qui devrait être inculquée à l'intérieur des entreprises, la Compliance se mariant alors avec joie dans une harmonie avec leur "raison d'être" et l'identité historique de ce groupe de personnes qu'est une entreprise à travers des formations qui racontent la Compliance comme un lien, une main tendue  vers ceux avec lesquels les managers veulent renouveler un contrat moral dans une éthique pour laquelle ils donnent le bon exemple. Ce n'est plus l'interdit mais la communication et la communauté qui donnent le ton d'un dialogue humain avec les salariés, les parties prenantes, l'administration et les juges.

L'on répondra que l'un n'exclut en rien l'autre, que la formation doit viser tout cela, l'apprentissage des prescriptions obligatoires à suivre sans discuter mais aussi l'adhésion à des lignes de conduite, et ce parce qu'on a compris qu'elles étaient fondées. 

Tout et son contraire, donc. " Apprendre par cœur" prend ainsi son sens entier : obtenir que chacun retienne mécaniquement pour qu'aucun faux-pas ne soit jamais fait par personne (avec toujours plus de machines qui nous apprennent en masse la masse réglementaire sur les écrans de nos téléphone) mais aussi arriver à ce que notre "cœur" soit un peu apporté dans la Compliance grâce à des méthodes particulières de formation (avec des groupes toujours plus petits, des échanges toujours moins publics dans des endroits conviviaux). Tout et son contraire donc. 

Il faudrait mais il suffirait de cumuler. Faire tout. Ceux qui proposent des logiciels de formation comme ceux qui organisent des conférences, des rencontres, des voyages y sont favorables, dans une addition du « présentiel » et du « distanciel », du mécanique et de l'humain. Mais, concrètement, à la fin les entreprises observent que puisque l'un ne remplace pas l'autre les coûts s'additionnent. Or, dans le coût de la compliance qui constitue un défaut de celle-ci, la formation prend une bonne part. Les entreprises finissent par trouver l'addition lourde, d'autant plus qu'elles pensaient que la formation des personnes relèvent de l'école publique et ne doit pas être à leur charge!footnote-1837.

Ainsi l'apprentissage du Droit des obligations par exemple ne fait pas partie du Droit des obligations. L'on peut souhaiter que chacun connaisse le droit des contrats et de la responsabilité mais cela n'est pas internalisé dans cette branche du Droit. L'on peut rappeler d'une façon générale que les sources du Droit doivent être claire afin que leurs destinataires les comprennent et ainsi "apprennent", cette dimension pédagogique étant inhérente au Droit, renforcée juridiquement par l'objectif d'accessibilité du Droit et Carbonnier affirmait que le Législateur est un pédagogue ("Toute loi nouvelle est-elle mauvaise ?), mais c'est une remarque qui vaut pour toute production juridique. D'une façon plus pertinente, l'on observe que le Droit de la consommation a intégré parmi les obligations des professionnels un obligation de former les consommateurs. Plus encore le Droit financier, notamment sous l'influence du Droit américain en ce que celui-ci repose sur l'information de l'investisseur et l'aptitude de celui-ci à la manier (par exemple dans la loi Dodd-Frank, intégre la formation de celui-ci dans la branche du Droit elle-même. Elle entre alors dans la mission de l'Autorité de Régulation et dans les obligations des opérateurs dominants. Le Droit de la Compliance étant particulièrement interactif avec le Droit financier, la formation y prend alors une place considérable, juridiquement organisée et sanctionnée.

En outre la formation à la Compliance n'est pas extérieure au Droit de la Compliance, ce qui la rend particulière!footnote-1838. En effet le Droit de la Compliance, ensemble de mécanismes Ex Ante, a pour objet de concrétiser des "buts monumentaux"!footnote-1836. Fixés par les Autorités publiques, ceux-ci sont internalisés dans les entreprises pour qu'elles mettent en place les moyens requis afin qu'ils soient à l'avenir atteints. Ces buts monumentaux peuvent être négatifs (que la corruption, le blanchiment, la violation des droits humains, la crise du système financier, etc. n'aient pas lieu), ou être positifs (que l'équilibre écologique soit restauré, l'éducation soit offerte, les soins apportés, etc.).

Le Droit de la Compliance prend comme critère l'effectivité des mécanismes mis en place, leur réalité, mais aussi leur efficacité, c'est-à-dire leur aptitude à faire en sorte que leur but soit atteint. La formation doit atteindre son but. Alors en matière de Compliance, la finalité n'est pas celui de toute formation, à savoir transmettre un savoir afin de rendre plus savant!footnote-1839, mais c'est de contribuer au "but monumental" du Droit de la Compliance lui-même, qui a un but pratique et non pas un but savant. Par exemple, la formation sur les règles applicables en matière de corruption doit avoir pour effet de réduire la corruption. Et parce que la formation est elle-même une partie du Droit de la Compliance, de la même façon que l'Autorité de Régulation peut obliger à se former et à former autrui, l'Autorité de Supervision doit contrôler non seulement la réalité mais encore l'effectivité et l'efficacité des formations.

Or, l'effectivité et l'efficacité des formations de Compliance, parce que celles-ci sont partie intégrante du Droit de la Compliance, doivent être contrôlées par l'Autorité non seulement dans leur réalité mais encore dans leur aptitude concrète à participer au but poursuivi. Ainsi pour poursuivre l'exemple de la lutte contre la corruption, la formation y joue un rôle déterminant car l'entreprise est face à une alternative : ou une solution mécanique consistant à fixer des interdictions littérales, par exemple l'interdiction de toute cession de valeur supérieure à un certain montant (selon le raisonnement des textes "anti-cadeaux") avec le risque des contournements qu'offrent toujours toutes prescriptions littérales, ou une solution par la formation consistant à faire comprendre à tous qu'il est mal de corrompre mais qu'il est admissible de donner des échantillons. La formation mise donc plutôt sur l'esprit tandis que la machine intégre la lettre. 

Mais cela renvoie la question à l'Autorité de Régulation et de Supervision qui va apprécier les diligences de l'entreprise pour atteindre les buts. L'on observe que, de plus en plus, les Autorités font comme l'économie d'une étape : plutôt que d'expliquer aux entreprises comme éduquer les personnes qui travaillent pour elles et avec elles, les régulateurs éduquent directement. Est ainsi remarquable le "guide" publié en 2012, dont la deuxième édition de 2019 a été mise à jour en 2020, conjointement par le Department of Justice américain (DoJ) et le Régulateur financier (Securities & Exchanges Commission - SEC) pour tout savoir sur le  Foreign Corruption Practices Act (FCPA). A travers les explications offertes à tous!footnote-1840 des principes, les définitions rappelées, les cas racontés, ce sont des prescriptions de comportement qui sont formulées notamment à destination des entreprises étrangères par l'autorité de poursuite et l'autorité de sanction américaines, ainsi alliées dans ce manuel dont le poids est tel qu'on peut considérer qu'il a valeur de lignes directrices, Droit souple créateur de droits.

Dans la concentration de tous les pouvoirs que l'on reproche souvent au Régulateur, il y aurait aussi le magistère de l'instituteur, celui qui éduque les parties prenantes. Après avoir affirmé, sur le même modèle américain, que le Régulateur devait être "l'avocat" (au sens large, the advocate) des règles auprès des entreprises en leur démontrant l'intérêt que celles-ci ont de les respecter, il est logique que, dans ce que certains ont appelé la "Régulation, Acte 2" cette plaidorie du Régulateur sur la bonne nouvelle que constitue la Régulation pour l'entreprise justifiant ainsi que celle-ci l'intégre en Ex Ante se prolonge en cours magistral : le "Régulateur - Instituteur" explique à chacun comment manier les règles pour un Droit toujours en progrès (Better Regulation). 

Alors que la formation n'était que périphérique, la voilà au coeur.  Si elle est si importante, comme tout autre "outils de la Compliance", elle doit prendre ce que l'on attend d'elle. Les écrits sur la formation exposent le plus souvent ce qu'elle doit être et un esprit chagrin mesure ce qui paraît parfois un gouffre entre leurs descriptifs et la réalités parfois rapportée. 

Eduquer étant sans doute une des actions les plus difficiles, sans doute ne faut-il pas ni décrire un paradis de maïeutique ni écrire un brûlot contre ce qui a déjà le mérite d'exister, mais répertorier ce que l'on peut attendre d'une formation lorsqu'elle s'applique à la Compliance, puisqu'ici plutôt encore que pour les autres outils il s'agit d'une obligation de moyens. Quel contenu doit avoir une telle formation ? (I). Mais parce que le Droit de la Compliance vise la formation comme l'un des moyens d'atteindre les "buts monumentaux" qui constituent le coeur substantiel de cette branche du Droit, la dimension de formation n'est pas limitée aux formations dûment estampillées, car l'on retrouve cette dimension pédagogique dans quasiment tous les autres outils (II). En cela, l'on peut dire que la formation est l'alpha et l'omega de la Compliance. 

 

 

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 6 septembre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

5 mars 2008

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Mackaay, E., et Rousseau, S., Analyse économique du droit, coll. "Méthodes du droit", coédition Dalloz/ Thémis, 2008, 728 p.

 

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