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July 16, 2018

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La Chambre sociale de la Cour de cassation a rendu le 4 juillet 2018 une décision à propos de l'entreprise SNCF Mobilités.

Le système de gouvernance de cette grande entreprise comprend notamment une "direction éthique".

C'est sans doute celle-ci qui alerte l'entreprise du comportement d'un employé, monsieur P.A., car c'est sur son rapport que l'entreprise a tout d'abord suspendu celui-ci, puis l'a convoqué devant un "conseil de discipline" interne pour finir par procéder à son licenciement.

Celui-ci conteste son licenciement mais tant le Conseil des prud'hommes que la Cour d'appel de Rennes estime que celui-ci a une cause réelle et sérieuse.

La cassation sera pourtant prononcée.

Tout d'abord, en raison de la procédure elle-même car le rapport sur lequel a été basé le licenciement, élaboré par la "direction éthique" n'était constitué que de témoignages anonymes". C'est en application de l'article 6 CEDH que la Cour de cassation pose que l'on ne peut sanctionner sur la base exclusive de témoignages anonymes. 

Pour sauver une telle façon de faire, l'entreprise avait souligné que l'employé avait ultérieurement eu l'occasion de contester ces éléments, le contradictoire compensant l'anonymat de ces sources. Mais l'argument qui avait porté devant les juges du fond n'a pas suffi devant la Cour de cassation, parce que les juges s'étaient fondé "d'une façon déterminante" sur le rapport de la "direction éthique".

Ensuite parce que la procédure devant le Conseil de discipline, qui juridictionnalise plus encore le processus interne de licenciement, notamment par des "référentiels", ici le " référentiel RH00144i" (il n'est plus temps de se plaindre de la disparition de l'art législatif....). Il en résultait qu'au regard de "l'avis" de ce "conseil de discipline" l'entreprise était également privée par sa propre procédure du pouvoir de prononcer le licenciement.

Ainsi, par le bas (un référentiel sur le caractère liant de l'avis du "conseil" de discipline en fonction du nombre de voix exprimées dans un sens ou dans un autre) et par le haut (la Convention européenne des droits de l'homme), l'entreprise ne pouvait pas licencier son employé.

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Que les sanctions prononcées par les entreprises se soient juridictionnées, c'est un mouvement juridictionnel ancien.

Que les pouvoirs discrétionnaires ne le soient plus, c'est le mouvement même de la "gouvernance".

L'aspect le plus intéressant de cet arrêt, arrêt de cassation qui prend le contrepied de la Cour d'appel, est celui de l'éthique du "bon comportement" et l'éthique des "droits de la défense".

 Pour la Cour de cassation, la question n'est pas de savoir si la personne a fait ou non le comportement justifiant un licenciement, la décision ayant soin de n'en donner aucun indication. C'est plutôt d'essayer de garder une certaine mesure, surtout lorsque c'est la "direction éthique" de l'entreprise qui est déterminante dans la décision finale.

Il convient alors de reprendre le récit à rebours.

  • Les juges ont fondé leur approbation du licenciement en se fondant d'une "façon déterminante" sur le rapport de la "direction éthique" ;
  • La direction éthique n'a tiré ses conclusions "que" de témoignages anonymes ;
  • Cela neutralise la jurisprudence classique (et appliquée par la Cour d'appel) selon laquelle s'il y a des témoignages anonymes, cela ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès l'instant qu'il y a d'autres éléments et que l'ensemble a été débattu par la suite.

 

Mais s'il n'y a que des témoignages anonymes et que cela est "déterminant" et pour l'entreprise et pour le juge du contrôle, alors cela n'est pas admissible.

 

Et qui devrait le savoir, mieux que la direction en charge de l'éthique ? 

July 8, 2018

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Dans son édition du 4 juillet 2018, le Wall Street Journal reproche à Google et à Facebook de "monopoliser le marché des idées.!footnote-1273 

L'article la façon dont ces entreprises utilisent leur puissance pour y parvenir. 

Dans cet article, Greg Ip raconte How Google and Facebook Are Monopolizing Ideas. 

L'on peut argumenter pour savoir si cela est vrai ou ne l'est pas, s'il y a des compensations, si d'autres entreprises pouvaient venir "contester" un tel marché sur lequel se déploient de telles puissances.

L'article part en réalité sur le marché de la publicité et la façon dont les entreprises en question dans l'article, Google et Facebook peut utiliser leur puissance de marché pour bloquer l'accès les entreprises qui demandent à acquérir les prestations. On sait qu'en France l'Autorité de la concurrence a condamné Google en l'astreignant à des obligations comportementales.

Ensuite il vient au fait que ces entreprises concentrent de nombreuses informations numériques, dites "data". 

Désormais les économistes et les juristes se soucient de cette économie des informations numériques, se demandant notamment s'il faut changer le Droit de la concurrence en conséquence ou bien s'il faut inventer un Droit ad hoc.

Il est certain que les industries numériques ont pour outils les informations numériques, voire pour objet celles-ci. 

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Mais rappelons un principe simple, élémentaire et essentielle.

Les "informations" ne sont pas les "idées".

Ce n'est pas parce que les "informations" sont le socle de "l'économie de l'information" que nous sommes dans "l'économie des idées". Non.

Ce n'est pas parce que des entreprises obtiendraient des puissances de marché sur les canaux par lesquels les informations s'écoulent, qu'elles ont les moyens technologiques de construire des méta-données, etc., qu'elles pourraient éventuellement obtenir un "monopole sur les informations" qu'elles auraient un "monopole sur les idées".

 

Ne pas confondre une "information" et une "idée" 

 

Une idée est une information particulière, que la propriété littéraire et artistique avait bien saisi.

C'est ce qui sort d'un être humain, ce que celui-ci concrétisera par un travail, ce par quoi l'être humain se distingue notamment du robot. Cela est expliqué par Alain Supiot dans ses réflexions sur ce qu'est un "travail réellement humain" et par Pierre-Michel Menger sur la notion de "travail créateur".

Or, ces idées qui sont le propre de l'eau, ce "monde des idées", ne constituent pas un marché. Si le Droit protège une personne dont les idées sont exploitées par d'autres d'une façon déloyale c'est parce que le Droit à travers la responsabilité se charge d'éthique et non pas d'un marché.

Les idées que nous avons, nous pourrons toujours les exprimer : cela renvoie à la liberté d'expression et non pas à la liberté d'entreprendre (on sait l'art casuistique et la difficulté avec lesquelles la Cour suprême des Etats-Unis manie les deux, notamment dans le domaine de la publicité, domaine par lequel l'article sur Google et Facebook débute). 

 

Le marché des idées n'existe pas

Le marché des idées n'existe pas. Parce que nous avons la chance de vivre dans des systèmes de liberté politique, les idées que nous avons, ce ne sont ni Google ni Facebook ne peuvent nous les prendre. Il n'est pas pertinent de nous demander s'ils le veulent. 

Parce que tant que nous ne pensons pas le monde réduit à être un marché, que nous ne pensons que nous pensons pas que nos idées n'ont d' "intérêt" à être produites qu'en raison d'une "demande" à les recevoir, qui est la définition du marché" (production d'une offre parce qu'il y a une demande), alors nous aurons des idées libres.

La liberté a une définition tautologique : pourquoi sommes-nous libres ? : pour être libre.

Pourquoi avons-nous des idées ? : pour avoir des idées.

Nous n'avons pas des idées pour avoir des likes et des coeurs.  Nous n'avons pas besoin de réseaux sociaux et de moteurs de recherche pour avoir des idées. 

Il n'est pas besoin d'avoir de "demandes d'idées" pour qu'il y a des "offres d'idées". Il n'y a pas de "marché des idées".

Pourtant on le prend comme principe de base désormais dans tous les articles.

 

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L'article est accessible pour les abonnés au Wall Street Journal. 

On peut en retrouver aussi la description  sur un site public 

July 2, 2018

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Dans un excellent article publié le 28 juin 2018 dans le New York Times, intitulé The Coming Tech Battle, l'auteur qui est banquier observe les stratégies de guerre entre la Chine et les Etats-Unis.

Il souligne que la guerre n'est pas tant celle des tarifs et des importations, mais celle de la technologie. 

Il observe que la Chine a depuis longtemps entamé une stratégie non seulement de capacité mais encore d'indépendance technologique, notamment numérique, dont l'Occident ne semble pas avoir idée et dont il faut se soucier. Car ce ne sont pas les tarifs ou les interdictions sur les flux marchands qui vont l'entraver.

Il conclut : Globalization's champions predicted that borders would continue to fall in at least on area - digital techn and the internet - but China has shown that a determined government can build walls in the virtual sphere, too. 

Et cela renvoie au début de son article où il  décrit une arrivée d'un étranger en Chine où chacun est à la fois parfaitement connecté, ce qui le rend indifférent à l'absence par exemple de Google  et parfaitement surveillé par le pouvoir politique central, ce à quoi il est également indifférent.

A la lecture de cet article, je me suis demandée : Dans cet affrontement technologique où la Chine a les moyens de s'isoler, le Droit peut-il et doit-il faire quelque chose ?

 

Lire ci-dessous

 

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June 27, 2018

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Muriel Fabre-Magnan vient de publier un Que Sais-Je sur Le Droit des contrats

Il s'agit de rendre intelligible ce sujet où se sont accumulés tant de détails et tant de pages. Et cela est fait. 

Par 5 mots qui forment les titres des 5 chapitres de l'ouvrage.

Et le lecteur relève l'absence d'un mot dont pourtant l'on souligne l'importance dans tant d'écrits et de discours : le "consentement". Comme Muriel Fabre-Magnan a raison.

 

I. LES 5 MOTS PAR LESQUELS MURIEL FABRE-MAGNAN RENDE COMPTE DU DROIT DES CONTRATS

La liberté. C'est le principe premier. L'auteur le rappelle. 

La volonté.

L'obligation.

La loi.

La justice.

II. LE MOT QUE MURIEL FABRE-MAGNAN PREND SOIN DE TAIRE : LE "CONSENTEMENT

 

June 27, 2018

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Dans la Collection Cours (Série Droit Privé), je demande le Droit des obligations !

Aussitôt demandé, aussitôt servi !

En effet, la 13ième édition de ce manuel est disponible

En 500 pages aérées et peu alourdies des seules notes de bas de pages nécessaires, c'est classiquement que le Droit des obligations est exposé.

En effet la réforme de cette branche du droit opérée en 2016 et validée en 2018 est avant tout cela : classique.

C'est pourquoi il convient d'exposer tout d'abord les sources et ensuite le régime.

Dans les sources, le lecteur doit passer successivement des actes juridiques, aux quasi-contrats (qui prennent de plus en plus d'importance) pour finir vers la responsabilité civile extra-contractuelle.

Les obligations ne vivant que par leur exécution, la compréhension du "régime" conduit le lecteur des modalités des obligations, à la circulation de celles-ci, pour finir vers leur extension. 

Car qui ne rêve en matière d'obligations que celles-ci finissent par s'éteindre ....

Ainsi, en peu de pages, classiquement - et donc sobrement - écrites, l'on peut s'y retrouver dans un Droit qui a le grand mérite de prétendre garder ses lignes.

 

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June 21, 2018

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Dans sa série d'émissions consacrée à L'Histoire de la Justice, France Culture a consacré le 19 juin 2018 une émission à l'Épuration, à travers celle qui suivit la fin de la Seconde Guerre Mondiale , cette "épuration" débutant dès avant et suivant des procédures juridictionnelles qui se mettent en place en 1944 (après de terribles expériences  "tribunaux populaires") , procédures qui marquent souvent la fin des "Empires". 
 
On y entend les deux auteur François Rouquet et Fabrice Virgili, de l'ouvrage qui vient de paraître sous forme ramassée : Les Françaises, les Français et l'épurations : 1940 à nos jours
 
Pour illustrer leurs propos, l'émission donne à entendre un éditorial de 1944 qui met en garde contre ce qui serait pour lui une sorte de perversion de la justice, si les juges en venaient à prendre en considération ce que diraient les "collaborateurs" qui vont se prévaloir de faits de "résistance" pour contrebalancer des faits de "collaboration", l'orateur  avertissant que les juges ne doivent pas être "dupés" par un tel jeu qui consiste à engranger par avance des faits pour mieux atténuer une peine, alors que la peine doit être implacable.
 
Les intervenants reprennent plus tard dans l'émission le propos sous l'angle de "l'indulgence" : savoir si l'on doit être ou non l'indulgence. 
Mais quand on est juriste et qu'on a au fond de son coeur le principe du contradictoire qui conduit à donner à priori pertinence à tout fait que la personne que l'on juge, qu'elle soit innocente ou coupable, met dans le débat, l'on ne peut être que glacé d'un tel discours.  Car ce discours ne demande pas un procès, il demande des condamnations. Et cela n'est pas la même chose. Ce n'est que pour les procès que le Droit est requis, pas pour le prononcé de condamnations. 
 
Mais l'audition de cet extrait ne sembla pas glacer la discussion. Sans doute parce que dans leur discussion si intéressante (par exemple dans la "qualification" du fait de collaborer), les intervenants ne semblent pas donner une pertinence propre à  la perspective juridique ou plus spécifiquement  juridictionnelle. 
 
Or, un juge qui ôte toute pertinence à un fait parce qu'il est mandaté pour ne demander des comptes que sur un autre "type" de faits - ici les faits de "collaboration" et non pas les faits de "résistance" est un juge structurellement partial.
 
Dans l'émission le parallèle a été fait avec le procès de Nuremberg. Mais dans le Procès de Nuremberg, procès fondateur de la justice internationale, alors même que la "cause était entendue", les faits évoqués par les uns et les autres ont été mis dans le débat. 
 
Comme l'ont souligné les intervenants dans cette émission et comme ils le développent dans leur ouvrage, dans les 350.000 procès de l'épuration, les juges et les jugés se connaissaient. La froideur de la Justice n'a donc pu jouer comme elle a joué à Nuremberg. Ils ont utilisé le bon terme technique : c'était une justice de "proximité"...  Il est d'ailleurs remarquable que la paisible "justice de proximité", renaissance de la "justice de paix", a été contestée devant le Conseil constitutionnel puis l'expérience délaissée, car cette proximité n'est pas forcément un gage de justice. 
 
L'essence du débat se retrouve  dans le dernier extrait sonore de cette émission : dans un débat qui se déroule en 1946 de 4 minutes qui porte sur la possibilité de rendre justice lorsqu'il ne s'agit que de satisfaire la haine. Et l'un dit qu'il "faut bien en passer par là puisqu'il faut parfois faire de la "chirurgie sociale" (ce qui rappelle la théorie de la défense sociale), tandis que l'autre répond que jamais une balle dans la tête ne peut être de la Justice. Et qu'il suffit bien de 4 minutes pour le dire. 
 
Oui, parce que la Justice n'est justement pas une machine chirurgicale, telle que Kafka la décrite dans La colonie pénitentiaire, elle est aveugle. Ce n'est pas un reproche à lui faire, c'est sa définition même.  Et parce qu'elle est aveugle, elle prend en considération les faits avancés par celui qui comparaît devant elle. Même s'il s'agit d'un coupable, d'un stratège, d'un épouvantable personnage ayant commis des faits abominables : la procédure n'est pas un dispositif qui ne protège que les innocents. 
 
Si la justice cesse d'être "aveuglée", elle devient alors au mieux un mode d'exécution.
 
Mais la justice n'est pas divine, elle n'est qu'humaine. Les juges ont donc des corps, des histoires personnelles, des âmes et des sentiments, des voisins et des comptes personnels à régler. La statue qui représente la Justice a donc des yeux, elle n'est en rien naturellement aveugle. Pour que la justice soit "aveugle" au sens de l'impartialité, ce qui est la base de la Démocratie et de l'Etat de Droit gardée par la Constitution, elle doit bien être "aveuglée" : par le bandeau dont la procédure lui recouvre les yeux. Ce n'est pas un effet de nature, mais un effet de procédure qui concrétise la définition même de la procédure et le droit de chacun à un "tribunal impartial", dont la Constitution est garante. 
 
Comment faire alors pour qu'étant ainsi "aveuglée", la Justice n'en devienne pas mécanique par la distance que lui imposent les règles de tous sentiments ? 
C'est précisément que tout sentiment n'en est pas exclu : le "sentiment de justice" demeure au coeur du procès. C'est lui qui fonde tout procès et exclut que celui soit rendu par des machines. Car le sentiment de justice, contrairement à la haine ou à l'amour, n'est pas une passion : c'est lui-même une méthode dont le cas du "bon juge magnaud" fût exemplaire, puisqu'il ne peut s'exprimer que par des procédures et des motivations expresses (ce qui fût le cas à Nuremberg).
 
 
 
L'Histoire nous le rappelle, deux extraits sonores nous le disent en quelques minutes. 
 
Merci.
 
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June 12, 2018

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Comme un professeur faisant une synthèse d'un colloque, le Comité d'Ethique a publié le 1ier juin 2018 une synthèse des débats qu'il a organisés autour de la prochaine révision des lois de bioéthiques.

Dans un rapport très bien écrit, on y trouve toute la rhétorique professionnelle. Il précise que cette synthèse ne constitue pas un avis, qu'il y est parfaitement "impartial" et "objectif".  Il donnera son avis en septembre, pour l'instant il laisse la parole aux autres. C'est ainsi qu'il peut émettre son opinion dès maintenant sans qu'on puisse en débattre puisqu'il se contente de faire un "rapport de synthèse".

La méthodologie est exposée, faisant référence à l'éthique de la discussion, des experts ayant été chargés de veiller à la "neutralité du propos" (p.7).

L'exercice de synthèse est très clairement mené, même s'il semble que la rédaction n'ait pas été menée par la même main suivant le thème, le style différant suivant les chapitres. En revanche le traitement est toujours le même. Pauvre Droit. Il est toujourst ramené à être le "cadre légal et réglementaire". Cela ne serait que cela le Droit : un ensemble de textes, et rien d'autre. Et effectivement ne sont mentionnés que les lois et les articles des différents Codes applicables. Il est certain qu'ainsi c'est plus clair. Mais c'est aussi si faux : même les non-juristes se doutent que le Droit s'exprime par des principes qui ont été le plus souvent édictés par des grandes décisions de justice. La description par exemple du Droit applicable aux données de santé est si rétrécie par cette réduction à un "cadre légal et réglementaire.

Les définitions sont d'ailleurs souvent tautologiques. Par exemple, qu'est-ce qu'un "consentement" ? Il est vrai que la question est très difficile et qu'il est difficile de définir "objectivement" le consentement. L'on comprend donc pourquoi le consentement est défini dans ele glossaire comme é ant un consentement (p.84): Consentement : dans le cadre médical, toute personne doit être présumée capable a priori de recevoir des informations et de donner un consentement "libre et éclairé" à un acte médical qu'on lui propose, à moins qu'il n’ait été établi que cette capacité lui faisait défaut. L'information doit être « loyale, claire et appropriée ». Il faut pouvoir comprendre (clarté de l'entendement ou intellect) et pouvoir se déterminer librement (autonomie de la volonté).". On ne peut pas définir une notion par ses attributs (libre et éclairé). L'on ne sait donc pas ce qu'est un "consentement". Mais l'on ne peut pas en faire reproche au CNCE, car il est vrai que c'est une notion si difficile à appréhender. 

Pour ne prendre que la fiche consacrée au thème "Procréation et société", dont le CNCE souligne dans son introduction qu'il ne relève pas de la bioéthique, affirmation que pour ma part je n'ai pas compris car la filiation me semblait au coeur même de la bioéthique.

Sur la GPA, la question est correctement retranscrite. Elle l'est dans ces termes :

" La crainte qu’une évolution législative sur l’AMP n’ouvre la voie à la gestation pour autrui en raison d’une revendication d’égalité de traitement des couples d’hommes est récurrente. Certains participants défendent le fait que des mères porteuses peuvent s’inscrire dans une démarche véritablement altruiste. Pour d’autres, c’est toujours une marchandisation, voire un esclavage et, en outre, elle induit un risque d’effets psychiques délétères sur celle qui porte l’enfant et également ultérieurement sur l’enfant lui-même quant à son origine qui a nécessité une gestation par une autre femme que sa mère d’intention. Le risque d’eugénisme et d’avoir « un enfant sur catalogue » est également mentionné. Dans certains débats, la greffe d’utérus pour les femmes qui en sont Page 110 dépourvues est jugée préférable à la GPA. Concernant les enfants nés par GPA à l’étranger, la régularisation à l’état civil français des enfants déjà nés est demandée par certains, de même qu’une sanction pénale des parents ayant eu recours à des mères porteuses est réclamée par des participants. "

De la même façon, les "pistes de discussion" (p.116-117) sont clairement restituées. La conclusion est neutre : "2. La possibilité d’autoriser le recours à une GPA est rejetée de façon massive lorsqu’il s’agit d’une demande sociétale ; la crainte répétée est qu’une ouverture de l’AMP entraîne inéluctablement l’autorisation de la GPA. La possibilité qu’une gestation pour autrui puisse offrir une réponse dans certaines indications médicales exceptionnelles a été soulevée. Le souhait qu’une réflexion collective sereine sur le sujet puisse être organisée était bien présent.(p.125).

C'est d'une façon plus étonnante que sont mentionnés comme étant  "Les points de droit" la question suivante : "Une interrogation exprimée est celle de la difficulté de légiférer sur un droit aussi intime que celui qui touche à la procréation, et le manque de critères pour le faire. Certains ont souligné que l’infertilité, quelle qu’en soit l’origine, avait un impact au-delà du couple, sur l’ensemble de la famille. ".

Réduire à cela les "points de droit", alors que l'ensemble remet en cause tout le droit : non seulement toute la filiation - qui est le socle des structures sociales - mais encore le statut de la Personne - qui est ce pourquoi le Droit a été institué, empêché qu'elle soit engendré afin d'être cédé, c'est montrer qu'il y a une incompréhension de ce qu'est le Droit. 

Or, dans ces questions où le désir, la technique et la rencontre de l'offre et de la demande fluidifiée par la capacité financière des uns et le besoin d'argent des autres sont naturellement à l'oeuvre, n'est-ce pas une bonne compréhension du Droit, et non pas du "cadre légal et réglementaire" qui est requis ? 

Updated: June 6, 2018 (Initial publication: March 2, 2018)

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Quand on lit la décision rendue aujourd'hui, 2 mars 2018, par le Conseil constitutionnel sur QPC, Ousmane K., l'on peut être étonné par la brièveté de la motivation au regard de l'ampleur de la portée de la décision.

Ampleur de la décision qui sera confirmée par l'arrêt rendu le 30 mai par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, Paul X, qui modifie en conséquence sa jurisprudence sur la non-obligation de motiver les peines contraventionnelles pour imposer le principe inverse, dans la lignée de la présente décision, en raison de son caractère très général. 

En effet, dans le principe de la non-motivation des arrêts de Cour d'assises avait déjà été remis en cause par la décision du Conseil constitutionnel rendu sur QPC le 1ier avril 2011, Mastor, qui avait posé que si la Constitution ne conférait pas à l'obligation juridictionnelle de motiver un caractère général et absolu, il fallait que cela ne confine pas à l'arbitraire.

Il en avait résulté une modification du Code de procédure pénale. Mais celles-ci ne visent que le prononcé de la culpabilité des personnes accusées et c'est en des termes très généraux que le Conseil s'exprime pour atteindre les conditions du prononcé de la peine :

"Il ressort des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qu'il appartient au législateur, dans l'exercice de sa compétence, de fixer des règles de droit pénal et de procédure pénale de nature à exclure l'arbitraire dans la recherche des auteurs d'infractions, le jugement des personnes poursuivies ainsi que dans le prononcé et l'exécution des peines. Le principe d'individualisation des peines, qui découle de l'article 8 de cette déclaration, implique qu'une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce. Ces exigences constitutionnelles imposent la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine.

En application de l'article 365-1 du code de procédure pénale, le président ou l'un des magistrats assesseurs désigné par lui doit rédiger la motivation de l'arrêt rendu par la cour d'assises. Selon le deuxième alinéa de cet article, en cas de condamnation, la motivation doit comprendre l'énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises au terme des délibérations sur la culpabilité. En revanche, il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que l'article 365-1 du code de procédure pénale interdit la motivation par la cour d'assises de la peine qu'elle prononce.

En n'imposant pas à la cour d'assises de motiver le choix de la peine, le législateur a méconnu les exigences tirées des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration de 1789. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, le deuxième alinéa de l'article 365-1 du code de procédure pénale doit être déclaré contraire à la Constitution.".

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Ce qui est remarquable, c'est le caractère elliptique de la motivation du Conseil constitutionnel, qui n'explicite pas pourquoi il est constitutionnellement nécessaire de motiver, alors qu'il explicite la source de sa contrariété, à savoir la jurisprudence de la Cour de cassation, qui se refuse à elle-même utiliser les principes généraux pour imposer une obligation de motiver dans le prononcé des peines !

En premier lieu, le Conseil constitutionnel qui depuis longtemps élabore un Droit constitutionnel répressif non seulement double le contentieux pénal mais ici le contre et écrit qu'il le fait parce qu'en quelque sorte, dans son esprit, la jurisprudence judiciaire ne fait pas son travail ....

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel aurait pu davantage expliciter pourquoi le principe de motivation est si important qu'il faut tout briser, non seulement le silence du Législateur mais encore la jurisprudence expresse de la jurisprudence, et qui plus est la jurisprudence qui est à priori la mieux placée en matière pénale, à savoir la jurisprudence pénale. C'est regrettable. Cela résulte donc tout à la fois des exigences de nature "négative" de lutte contre l'arbitraire et des exigences de nature "positive" d'individualisation des peines.

En troisième lieu, ce principe s'applique non seulement au "droit pénal" mais à toute la "matière pénale", notamment à tout le droit économique répressif. Ce qui implique de regarder dans tous les dispositif d'ordre public de direction ce qui peut heurter un tel principe.

 

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June 6, 2018

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La Chambre criminelle a rendu son arrêt Paul X le 30 mai 2018 pose que toute peine doit être motivée, même les peines contraventionnelle.

Elle pose donc un principe et s'appuie pour cela sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui avait de la même façon et avec la même fermeté posé le caractère fondamental du principe de motivation.

Avec pragmatisme, la Chambre criminelle pose qu'une telle solution, de fait nouvelle, ne s'imposera qu'à l'avenir. Le juge sait qu'il est créateur de droit : ses revirements ne valent donc que pour l'avenir et il convient de ne pas frapper l'ordre juridique avec l'inconvénient de la fiction sous laquelle nous vivons et selon laquelle le juge n'est pas créateur de Droit ..., l'article 5 du Code civil continuant d'être ménagé (surtout dans les amphithéâtres). 

L'on mesure ainsi et avec une grande satisfaction deux choses :

 

- l'heureuse articulation entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation

En effet, par une décision du 2 mars 2018, le Conseil constitutionnel a posé que "toute peine doit se justifier"

La Chambre criminelle le reprend de la décision du Conseil constitutionnel rendue en mars 2018

De la même que la théorie politique de la "souveraineté" des jurys d'assises n'avait pas alors arrêté le Conseil constitutionnel, le caractère relativement faible des contraventions, et au regard de l'acte incriminé et au regard de la peine encourue, n'a pas suffi à la Cour de cassation pour écarter le principe de motivation. 

Il est formulé par la Cour, dans des termes similaires à la façon dont l'expriment désormais toutes les hautes juridictions européennes et dans des termes très généraux : "Toute juridiction qui prononce une peine d’amende ... doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges.

Dès l'instant qu'il n'y a pas de raison d'exclure les contraventions, la Cour de cassation insère les peines contraventionnelles pour affirmer : "Toute juridiction qui prononce une peine d’amende, y compris en matière contraventionnelle,  doit motiver sa décision au regard des circonstances de l’infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges". 

 

- la montée en puissance du principe de motivation.

La question de savoir comment les pouvoirs sont légitimes est plus que jamais posée, dans des systèmes de "démocraties illibérales". 

Comme la légitimité Ex Ante est difficile, la légitimité procédurale de type Ex Post monte en puissance : la motivation étant une façon de démontrer que l'on a pris en considération la situation.

Cela montre que les faits sont de plus en plus puissants par rapport à la règle "pure".

Cela montre que le "contradictoire", c'est-à-dire la logique consistant à prendre en considération au terme d'un débat les différents éléments, notamment factuels, débats dont la motivation est la trace, est le premier principe d'un système juridique, lequel vient désormais en appui premier des systèmes politique.

 

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May 19, 2018

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Il y a quelques jours, dans une réunion j'écoutais Alain Supiot.

Et cela m'a fait penser à un article sous presse que je viens de lire d'une ancienne élève à laquelle j'avais consacré des journées entières pour la guider dans son travail.

Puis ce matin, j'ai lu un extrait d'un livre de Bernard Maris.

Et cela m'a fait penser à des pages de Nietzsche. 

Et je me suis dit : la question n'est-elle pas d'échapper non pas du tout à celle de la dette, qui est une question éthique et juridique fondamentale, une notion vaste et belle, mais à une sorte de piège, étroit et mortifère dans lequel il n'y aurait comme "place de référence" comme la place de "débiteur" ou bien la place de "créancier". A la fois en éthique, en économie et en droit.

Et si l'on a tant de mal à trouver notre place, n'est-ce pas parce qu'être "débiteur" peut renvoyer à deux positions qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre ? L'une dans laquelle nous portons une dette qui suppose l'existence d'un créancier (ce qui suppose toujours une exécution à venir, une opposition, une violence), et l'autre dans laquelle nous portons une dette qui pourrait exister sans qu'existe un créancier ? 

 

Lire ci-dessous

 

 

May 10, 2018

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Le Conseil d'Etat vient de publier son avis du 3 mai 2018 concernant le projet de  "loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace".

Cet avis sera certainement très commenté, notamment dans la présentation que le Conseil d'Etat donne de son rôle à propos d'un texte de niveau constitutionnel. 

Comme le sera un texte qui réforme la Constitution sur des questions très importantes, notamment la suppression de la Cour de justice et l'organisation procédurale et substantielle de la responsabilité pénale des ministres, le rapprochement du statut des membres du ministère public vers celui de la magistrature assise au sein du Conseil supérieur de la magistrature, la réforme du Conseil Economique, Social et Environnemental devenant "Chambre de la participation citoyenne", l'inscription de la lutte contre le changement climatique dans l'article 34. l'accroissement du pouvoir des commissions ainsi que celui du gouvernement dans la fixation de l'ordre du jour, la suppression du statut des anciens président de la République comme membres de droit du Conseil constitutionnel!footnote-1211, la démocratie locale. 

Prenons ici ce qui sera peut-être moins commenté : le titre de cette loi.

Le Conseil d'Etat n'en dit rien.

Pourtant, il marque une évolution générale : désormais l'objet d'une loi est constituée par son but (I).

Et concernant cette loi-là, le but n'est-il pas étrange, montrant à tout le moins que "l'efficacité" serait bien le but vers lequel tout doit converger (II)

 

Lire les développements ci-dessous. 

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Le dispositif mis en place préservant Valéry Giscard d'Estaing, qui pourra demeurer. 

April 28, 2018

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La presse américaine raconte l'incident. Dans l'article publié par le journal Politico, le titre est "English only ?Try Au Revoir".

Le 25 avril 2018, se tient une réunion pour organiser les discussions autour du budget de l'Union européenne, qu'il convient de réorganiser du fait du Brexit.

En outre,et précédemment  Emmanuel Macron avait souligné dans son discours devant le Parlement européen la volonté de la France d'accroître son effort budgétaire pour permettre à l'Union européenne d'exprimer sa "souveraineté".

Lors de la réunion, le secrétariat du Conseil de l'Union signale que "pour aller plus vite et pour être plus efficace", les discussions au sein du groupe qui va discussion de cela ne se dérouleront qu'en langue anglaise.

Le Représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, Philippe Léglise-Costa, a estimé que cela n'est concevable et a quitté la réunion d'organisation.

La presse reprend la dimension diplomatique de l'usage de la langue. Ainsi que sa dimension institutionnelle, car la langue française est une langue officielle de l'Union européenne. Et c'est la langue officielle de la Cour de Justice. Ainsi, lorsqu'on reprend les règles linguistiques de la Cour, on peut retrouver la règle : "La Cour a besoin d'une langue commune pour délibérer. Cette langue est traditionnellement le français. Toutes les pièces déposées par les parties dans la langue de procédure sont ainsi traduites en français pour constituer un dossier interne de travail.".

Lorsqu'il s'agit de l'élaboration des textes par lesquels l'Europe se construit, le Français est une des 24 langues officielles.

C'est une règle de Droit. Elle renvoie à une dimension politique : l'Europe est un espace dans lequel il peut y avoir une unité parce qu'il y a un respect de la culture de chacun et notamment de sa langue.

Le fait que chacun maîtrise en outre la langue anglaise est un fait. Cela n'est qu'un fait. Et Emmanuel Macron en est le meilleur exemple. En tant qu'il est le Président de la France, c'est en langue française qu'il s'exprime lorsqu'il fait un discours devant le Parlement européen.

En outre, le Droit lui-même n'est qu'un ensemble de mots, et l'obligation de suivre ce qui disent ces mots (l'obligation d'obéir aux prescriptions du Législateur, du Juge ou des contractants) n'est pas la caractéristique du Droit. Car c'est plutôt la caractéristique de l'Etat, avec lequel l'on confond trop souvent le Droit, dont le chapeau du gendarme n'est que le "signe" et non pas la définition.

En cela, le Droit exprime une culture. Ainsi le Droit français utilise la langue française et renvoie à la civilisation française. Même s'il n'y a pas une intention de le faire, par nature il le fait. L'on n'en a pas toujours conscience parce que l'on confond le Droit et ce qui ne serait qu'une "réglementation" à propos de laquelle il ne s'agirait que de faire "vite et efficacement"!footnote-1168 comme l'a proposé ici le secrétariat du Conseil.

Si l'on utilise la langue anglaise, alors même s'il n'y a pas d'intention malicieuse (et l'on va poser qu'il n'y en a pas), alors par nature c'est à la culture juridique britannique (Common Law), et à travers elle à la culture anglo-saxonne que le renvoi s'opère.

Alors même que dans le cas présent, il s'agit de se réorganiser parce que le Royaume-Uni a quitté l'Union européenne. Alors même que la France est plus que jamais impliqué dans la construction d'une "Europe souveraine".

Mais parce que la France aujourd'hui défend et l'Europe dans son lien avec la culture, et le Droit dans ce qu'il est tout autre chose de la réglementation, aujourd'hui par la personne de son ambassadeur a fait ce qu'il convient : quitter la table si la langue française n'y est plus.

 

 

 
1

 

Pour une démonstration sur le fait que cette confusion entre le Droit et la réglementation est très nuisible à ceux qui la commettent, notamment aux entreprises, v. Frison-Roche, M.-A., Le système juridique français est-il un atout ou un handicap pour nos entreprises et nos territoires ?, 2017. 

April 27, 2018

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Le Conseil d'Etat a rendu public son Avis : avis du 12 avril 2018 sur le projet de loi de programmation sur la justice.

Parmi les très nombreuses dispositions de ce projet de loi de programmation et de réforme de la Justice", aussi abondantes que variées et que disparates, figurent un pan consacré aux peines.

Puisqu'il s'agit du Droit pénal, l'exigence de précision dans les termes est plus grande encore, impliquée par les principes constitutionnels de nécessité et d'interprétation restrictive.

Le titre qui donne de la cohérence aux dispositions en la matière est de "renforcer l'efficacité et le sens de la peine".

 

Le "travail d'intérêt général" peut être notamment effectué au sein d'une personne morale de droit privé chargée d'une "mission de service public" habilitée, que son but soit lucratif ou non .

Au regard des garanties constitutionnelles et internationales concernant le travail forcé, le Conseil d'Etat estime que la notion de "personne morale de droit privé chargé d'une mission de service public" est suffisamment explicite pour que les garanties soient satisfaites, dès l'instant que les décrets en Conseil d'Etat détermineront et les conditions de l'habilitation de ces personnes morales habilitées et les conditions de l'activité à laquelle la personne est condamnée.

Mais le projet de loi avait également visé "l'entreprise engagée dans une politique de responsabilité sociale de l'entreprise".

Et cela n'a pas été agréé par le Conseil d'Etat, non pas tant qu'il récuse l'idée d'une extension entre "l'intérêt général" et "l'intérêt collectif", mais qu'à juste titre soucieux de la pulvérisation des définitions des sortes d'intérêts que toutes sortes d'entités poursuivent, il demande à ce que celle-ci s'ancre dans ce qui serait la définition de référence : la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. 

Voilà les termes exacts de l'Avis (p.30) : 

- En ce qui concerne l’identification des personnes morales pouvant proposer un travail d’intérêt général

107. Le Conseil d’Etat estime que la notion utilisée par le législateur de « personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public » est suffisamment explicite et qu’il n’est pas nécessaire d’y ajouter la mention particulière d’une catégorie de personnes comprise dans cette notion. S’il le juge utile, le Gouvernement dispose d’autres moyens pour informer les personnes en cause de la portée du dispositif prévu à l’article 131-8.

- En ce qui concerne le champ de l’expérimentation

108. Le Conseil d’Etat propose de substituer à la notion, imprécise, d’« entreprise engagée dans une politique de responsabilité sociale de l’entreprise » celle, différente, de « personne morale de droit privé remplissant les conditions définies par l’article 1er de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire et poursuivant un but d’utilité sociale au sens de l’article 2 de la même loi ». En effet, la catégorie de personnes morales de droit privé visée par cette nouvelle rédaction est à la fois mieux définie et plus adaptée à l’utilité sociale des travaux pouvant être proposés, conformément à l’objectif recherché par le Gouvernement. ......

 

Lire le commentaire ci-dessous.

1

V. par exemple le résumé fait au Dalloz du 19 avril 2018.

April 16, 2018

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It is about a particular case that one can rephrase the general questions. If the case is hot, it is even more important to return to the general questions, which are always colder (more boring, too).

Thus, Cambridge Analytica is a case of which everyone speaks a lot ... It is at the same time particular and very burning.

So we talk about it a lot, and with vehemence, and in a way often definitive, as well in attack as in defense.

For the prosecution, there are many advocacies, gathered for example in the Guardian's files.

For the defense, we find less. But one can read for example the article that has been published in early April 2018: Why (almost) everything reported about the Cambridge Analytica Facebook 'hacking' controversy is wrong.

The number of comments, and their more or less inflamed nature, in any case always definitive, does not mean anything in itself.

The regulators took the floor a little later, both in a more concrete way, the "group of 29" (bringing together all the European Regulators personal data) establishing the 11 April 2018 a working group on this subject and publishing April 10, 2018 new guidelines on the place that must be made to "consent".

But for the moment, if we loof at the media, it looks like a trial, because everyone claims to be entirely right and pretends that the other is entirely wrong. Trial to break the truth and virtue, say the accusers. Trial in witchcraft, says Facebook. And it's always up to us.

Because all this is probably due to the fact that we are no longer spectators: we are placed in the judge's position. The financial market was the first judge. It has already condemned. Without really trying to find out. This is because the public good of the financial markets is Trust, it is enough that one can even suspect the wife of Caesar, and so it is not really matter of truth of the facts and goof application of Rule of Law.

For the public opinion that we are, this is something else, because we could wait to know more. And we should, since we seek to remain a little attached to the "truth " of the facts and respect for the Rule of Law. However, this case is complex and is above all a matter of judicial analysis which will come and which we cannot lead ourselves, both in terms of the facts-which are complex-as well as the rules of law to be applied which are equally so.

What turns us into a court, an ordinary sociological phenomenon, is a new legal mechanism: the "whistleblower". By nature, it gives the bonus to the Attack

This logic of the legal mechanism of the whistleblower, a movement of fact to throw facts as one throws a buoy outside but one could also say stones on the firm that the insider denounces, logic today encouraged and protected by the Law, allows a person who knows something, most often because he participated, to let everyone know, without a filter. To denounce it. For the public good..

The successive texts on the whistleblower are nrms of a Compliance Law!footnote-1129 which seek, in particular in French Law, to ensure a balance between this "monumental goal"!footnote-1130 which is the respect of the truth, the fight against corruption, the protection of human beings, etc., and the risks to be endured by the company thus denounced.

The case is exemplary of this, since Facebook is  "denounced" only in second place, behind Cambridge Analytica, but the notoriety and power of the first makes that it is hit first. French law in the so-called "Sapin 2 Act " of 2016 has ensured to protect the company denounced, but British and American Law are more violent, probably because they encourage more the private enforcement.

Temporality is therefore favorable to the attack. The time of the defense is always slower. It is usually the people in situations of weakness who suffer it: slowness of justice, justice outside courthouses, etc. With Compliance mechanisms, it is probably the very powerful who will live this. It is not a matter of rejoicing: the misfortune of some (here the difficulty of a company hasty  "judged") does not console in any way the misfortune of others (the difficulty of ordinary beings accused or having only the right to protect themselves to reach concretely a judge and really get a judgment executed, even as they are in their right).

But if we go to general questions, since on the facts of this case we don't have the means to appreciate them, nor on the rules which apply to them, we cannot apply them in an adequate way until a court will have exercised its office?

However, the general perspectives highlighted by this singular case are two orders: Probationary order (I) and Accountability order (II).

 

 

Read below.

 

 

 

 

 

1

Frison-Roche, M.-A., Compliance Law, 2016.

2

On this notion, Frison-Roche, M.-A., From Regulation Law to Compliance Law, 2017.

April 13, 2018

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The sale of Alstom to General Electric is an economic, political and legal affair.

Intervened in 2014, in France it is today rather told "for the prosecution".

Those who participated are now on the defensive; in April 2018, it is in the field of "probity" that they defend themselves, terminology which is that of the Compliance Law, vocabulary chosen by the French legal system ("Sapin 2" Act of 9 December 2016)!footnote-1157

Compliance has therefore appeared as a kind of aggression and it is in this way that many French observers are presenting it. In the Alstom case, Compliance is at its worst : as a means of pressure used the U.S. to obtain, in the conditions most convenient for them, the sale of control of the strategic Alstom company.  

In this case where it is sometimes difficult to discern the true from the false, the fact of the advocacy, the concern for the truth of the political discourse a posteriori, it is certain that the action of the States interfered with the pretensions of the companies and that it is through a sale of a business in which it was also necessary to take into consideration interests of a different nature from economic and financial interests, not only the general interest but the particular interest which is the interest of a Nation : here the interest of France.

That the United States wanted to reach their own interest on one hand,  and on the other hand that the other State needs and wants to preserve it - through the legal mechanisms such as the merger control, this is not to blame per se. Indeed, on the one hand the activity in question, namely the manufacture and sale of turbine for nuclear power plants are crucial activities and directly concern the States and on the other hand a State, here the French State French is legitimate to worry about some companies!footnote-1152.

It can be considered that if it did not, if the French Government in 2014 did not care to defend the energy sector (general interest) and the interest of France (interest of the country) , only worrying about the economic and financial dimension of the operation, then that is to blame. This is supported by the criticisms made today. This is denied by the people who were negotiating for the company and for the French State at the time.

It is indeed this double dimension of national interest and general interest that we find in the French Decree of May 14, 2014  relating to foreign investments subject to prior authorization, the Décret du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable , called "Montebourg", text adopted then and which is legally legitimate because it gives the State the power to defend its own interests.

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But let's look at this case in the perspective of the Compliance Law, and first of all on the side of American Law.

Can we blame the Americans for using the prospect of sanctions of the French company Alstom to encourage the shareholder of the latter, namely the French State to hand over control of the company to General Electric, buyer suitable for US public authorities?

It is not legitimate to do so because the American Compliance Law gives US public authorities the legal power to prosecute and punish foreign companies when there is evidence to suggest that they are likely to be liable for corruption!footnote-1154.

One can certainly rant about the fact that this extraterritorial power of legal action is not only objectionable in itself but in fact is used more against European companies than against Chinese companies, and that in the case it was used (and strongly) against a company whose US wanted a transfer of technology and control!footnote-1155.

But the French company had given the baton to be beaten: if corruption had not been likely occurred, then the US authorities could not have deployed the force of this legal weapon.

Admittedly, everyone replies: "be realistic, everyone corrupts, it's the real norm of the world!" Well, if it is so, it is right to change this sort of law of the world. To replace it with another principle: the principle of Probity.

 

Because it allows to move to the second perspective of the Compliance Law, on the side of French and European law.

Indeed, if it went wrong, if the negotiations were unbalanced because the United States took advantage of the otherwise applicable Law and held Alstom accountable for corruption, including by imprisonment, this which has had the effect, no doubt, of weakening the interlocutor in the negotiations, is also due to the fact that Europe does not demand accountability from companies which, no doubt, commit acts of the same type. 

The solution is not in the United States' stop of their behavior, because it is not clear why they would do it and in the name of what they would be asked to no longer apply a lawful and applicable legal requirement against corruption. The extraterritorial scope of their legal system will not diminish: if the criterion of a use of their currency was losing its force, for example by the use of a currency other than the dollar, the use of a means of digital communication would suffice to produce the legal attachment giving them competence. And who does not send emails by Gmail? does not used a data by Outlook? does not transfer a photo by Apple?

A first solution could be in the cessation by the French and European companies of behaviors that make them amenable to such legal mechanisms. If that were not possible in fact, because it would be accepted that corruption is the real norm of the world (but then it would be a little less to proclaim the glory of business ethics and other Corporate Social Responsibility or to at the very least, not be surprised if one finds that some people are singing false!footnote-1156, and even if this is indeed possible and because it is necessary by the Law to tend to this, because the breaches of probity do not neither economically nor ethically desirable, Europe needs to have the same legal capacity to hold any company accountable in this Compliance area.

When the Alstom case unfolded, French Law did not allow it.

But since French Law has evolved.

By the so-called French "Sapin 2 Act" and precisely in reaction to this power that the United States derives from their legal systeme, France has adopted a legal mechanism which, thanks notably to the Agence Française Anticorruption -AFA (French Anti-Corruption Agency), is more offensive than its American model!footnote-1158

What the Alstom case showed is this: for the moment, Europe is destitute, we must de jure and de facto construct the Europe of Compliance.

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1

Frison-Roche, M.-A., From the Regulation Law to the Compliance Law, 2017. 

2

Sur cette question, Frison-Roche, M.-A., The "Crucial Companies" and their Regulation, 2014.

4

Voir à ce propos les observations pertinentes d'Antoine Garapon : Frison-Roche, M.-A., In the inaugural conference on "Europe of Compliance", Antoine Garapon highlights strengths and weaknesses of Europe , 3 mars 2018. 

5

On this core question of credibility in Compliance Law, see Frison-Roche, M.-A., Compliance and Trust, 2017. 

6

For a demonstration in this sense, v. Duchaine, Ch., Les causes et les objectifs d'une Europe de la Compliance, Pour une europe de la Compliance, Journal of Regulation & Compliance, 12 April 2018. 

April 8, 2018

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La presse générale s'en émeut grandement aux Etats-Unis. 

Par exemple le Times

En effet, la Constitution est ce qui fait l'unité du Peuple américain, alors même qu'il s'agit à la fois d'une structure politique fédérale et d'une société à la fois divisée racialement et fondée sur des communautés. Cette unité autour de la Constitution a été soulignée notamment par Hannah Arendt qui disait en 1973 qu'arrivant d'Europe, lieu des Etats-Unis, elle était avant tout frappée par cette unité autour de la Constitution, "document sacré", ce qui est difficile à comprendre pour un étranger, car c'est la Loi qui règne et non pas les hommes".

Décrivant le système politique libéral américain, John Rawls souligne de son côté que chaque communauté devait vivre selon ses propres règles (à chacun selon son petit contrat social, en quelque sorte), l'unité se faisant autour de quelques principes et droits unifiant l'ensemble : la Constitution. 

Il est donc acquis qu'aux Etats-Unis, s'il y a quelque chose qui est "pris au sérieux" pour tous, qu'il soit citoyen ou Président, c'est la Constitution. Elle est l'intangible du système.

Les amendements qui y furent apportés font partie du bloc de constitutionnalité : le second amendement confère à chacun le droit constitutionnel de porter une arme, expression de son droit fondamental de se défendre son espace de liberté.

L'État du Massachusettsa adopté une loi pour interdire le port d'armes mais a limité le champ de cette interdiction à une seule catégorie d'arme : les "armes d'assaut". 

Cette loi étatique a été attaquée en alléguant une contradiction prétendue avec la Constitution et plus particulièrement le second Amendement de celle-ci. Le 5 avril 2018 le juge fédéral saisi d'une telle prétention a rejeté celle-ci en affirmant qu'une loi interdisant le port d'armes d'assaut ne méconnaît pas le droit constitutionnel du libre port d'arme. 

Pour bien l'expliquer, l'attorney general de l'Etat du Massachusetts a donné une conférence de presse pour poser de vive voix comment le juge avait résolu cette "simple question" : 

 

https://www.facebook.com/NowThisPolitics/videos/1998062733558540/

 

Comme le dit l'Attorney General, "I dit my job", c'est-à-dire utiliser le Droit pour atteindre le but, ici protéger les personnes (les préserver de la perspective d'être abattues par une personne utilisant contre elle une arme à d'autres fins que celle de se défendre) en demandant au juge qui dit la Constitution, c'est-à-dire le juge fédéral.

La "simple question" reçoit donc une réponse en fonction de l'interprétation et de la qualification de la situation que vise le Second Amendement. 

 

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Cela montre que si l'on veut limiter les effets délétères des armes aux Etats-Unis et faire échec aux multiples lobbies de l'industrie des armes qui s'exercent aussi bien sur les tribunaux que sur le Congrès, l'on doit non seulement espérer dans un Législateur qui en ait le courage, comme le demanda le Président Obama, dans une culture de la "régulation du port d'arme venant faire l'équilibre entre les libertés des uns et la protection des autres", mais encore dans ce que le pouvoir d'interprétation de la Constitution elle-même.  

L'on retrouve ici une question très classique : comment faut-il interpréter la Constitution américaine ?

Il demeure acquis que le droit de porter une arme est un droit fondamental, que la Cour suprême protège. 

Elle le fit notamment dans un arrêt essentiel de 2010, qui a interdit non seulement au Congrès de limiter ce droit, mais encore aux autorités locales et étatiques. Cette jurisprudence pourrait être remise en cause, non pas frontalement mais par l'art qui caractérise le Common Law : l'art de la "distinction".

En effet, la question est de savoir s'il ne faut pas "distinguer" parmi les "armes".

Il faut mais il suffit de se demander quelles étaient les "armes" que les pères fondateurs de la Constitution avaient à l'esprit lorsqu'ils ont conféré ce droit, en tant qu'il exprime le droit de tout citoyen de se défendre et d'exprimer ainsi sa liberté.

Dans les disputes célèbres entre Justice Scalia et Justice Breyer, que l'on soit comme le premier un adepte de l'interprétation "originaliste" de la Constitution, ou que l'on soit comme le second un adepte de l'interprétation "progressiste" de celle-ci, l'enjeu est toujours le même : que veulent dire les mots, puisque le Droit est un art pratique dont les éléments sont le langage!footnote-1151

L'idée qui est ici retenue est que les armes qui ont été visées par les père fondateurs étaient des armes que les citoyens avaient à portée de main, qui faisaient partie de leur vie quotidienne. Pas les "armes d'assaut", qui soient des armes de guerre qui sont empruntées à un autre monde : celui de la guerre.

Dès lors, que l'on soit "progressiste", c'est-à-dire de ceux qui interprètent la Constitution en imaginant ce que les pères fondateurs auraient dit s'ils vivaient aujourd'hui, ou que l'on soit "originaliste", en se limitant à ce qu'ils ont voulu à l'époque, on en arrive à la même conclusion : les "armes d'assault" n'étaient pas dans leurs visées (conception originaliste) et ne seraient sans doute inclus dans ce qu'ils auraient conçu comme un continuum entre la liberté de l'individu et le port d'arme. Car il s'agit de se défendre et non pas d'abattre des dizaines de personnes par des armes de guerre. Il s'agit de se défendre et non pas de faire la guerre.

Dès lors, la notion juridique d' "arme" se divise par une "distinction" en deux catégorie juridique : la première qui demeurerait constitutionnellement protégée par le 2ième Amendement, intouchable par le pouvoir législatif, fédéral et local, en tant qu'elle permet à l'individu de "défendre" sa liberté, et la seconde qui, relevant de l'activité guerrière et d' "attaque", laquelle peut être limitée.

L'art de distinguer et de créer des catégories, voilà l'art pratique du Droit. 

 

 

 

 

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C'est pourquoi le choix de la langue est le choix premier et que le choix de la langue anglaise est déjà avoir choisi le système britannique. Enseigner ou se référer au Droit français en utilisant l'anglais, c'est le manier comme un droit étranger. 

April 6, 2018

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Le Protocole n°16 de la Convention européenne des Droits de l'Homme vient de bénéficier de la Loi du 3 avril 2018.

 

Par cette loi du 3 avril autorisant la ratification du protocole n°16 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Droit français va être modifié. Cela va rapprocher la procédure entre les juridictions françaises et d'une part la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) tel que le Protocole n°16 de la Convention européenne des droits de l'Homme l'organise et d'autre part la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), tel que l'article 267 du Traité de fonctionnement de l'Union l'organise!footnote-1148, même si des différences demeurent entre les deux (I).

 

Mais en cela, ce qu'il convient encore d'appeler les "deux Europes" se rapprochent et il faut grandement s'en réjouir car l'un des plus grands enjeux européens et de réunifier l'Europe des personnes et l'Europe de l'économie, de mettre la personne au cœur de l'économie. C'est ce qu'il convient de désigner comme "l'Europe de la Compliance" (II).

 

Lire ci-dessous.

 

1

v. par ex. les recommandations faire par la Cour aux juridictions nationales pour l'exercice de la procédure de question préjudicielle.

March 24, 2018

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Un décret du 6 décembre 2016 avait mis sur pied une Inspection Générale de la Justice, comme il y en a une pour les Finances ou pour les Affaires Sociales.

Mais l'idée d'un contrôle, d'une évaluation, d'une étude même ne va pas de soi parce que l'institution judiciaire est par principe indépendante du Gouvernement et que la mise en place d'une sorte de bras armé au bénéfice de celui-ci paraît contraire à ce principe politique fondamental. Cela est encore plus vrai pour la Cour de cassation, qui dispose d'une autonomie de gestion - et l'on ne comprend plus alors l'objet même des inspections - , les deux chefs que sont le Premier Président et le Procureur Général ayant des pouvoirs directs et constitutionnellement conférés contre les ministres.

On avait donc pu protester car une telle emprise du gouvernement sur la Cour de cassation est contraire à la Constitution : lire le document de travail ayant servi de base à l'article publié immédiatement dans le journal Le Monde et la présentation de l'article publié dans Le Monde du 16 décembre 2016.

Par une décision du 23 mars 2018, Syndicat Force Ouvrière Magistrats et autres, le Conseil d’État a estimé qu'il y avait effectivement une contrariété avec la Loi et la Constitution, justifiant l'annulation.

Dans cette décision, le Conseil d’État distingue l'institution judiciaire générale et la Cour de cassation. D'une façon générale, elle estime que celle-ci peut faire l'objet d'un mécanisme d'inspections. En effet, pour les cours et tribunaux, un corps d'inspecteurs qui se limite à contrôler, évaluer, étudier l'aspect de gestion et d'efficacité des organismes que sont aussi les juridictions peut se justifier. Le communiqué diffusé par le Conseil d’État sur son site insiste d'ailleurs sur cette validité du décret.

Mais ce qui retiendra sans doute l'attention est l'annulation de la partie du décret concernant la Cour de cassation.   La motivation est la suivante

d’une part, aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’organisation judiciaire : « Il y a, pour toute la République, une Cour de cassation ». Cette dernière a seule pour mission de juger les pourvois contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions judiciaires. D’autre part, l’article 65 de la Constitution confie au premier président de la Cour de cassation et au procureur général près cette cour la présidence, pour le premier, de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que de la formation de ce conseil compétente à l’égard des magistrats du siège et, pour le second, de sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet. Ce dernier exerce également, en application des dispositions combinées de l’article 68-2 de la Constitution et de l’article 8 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, le ministère public près cette cour, chargée, en vertu de l’article 68-1 de la Constitution, de juger les membres du Gouvernement pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Eu égard tant à la mission ainsi confiée par le législateur à la Cour de cassation, placée au sommet de l’ordre judiciaire, qu’aux rôles confiés par la Constitution à son premier président et à son procureur général, notamment à la tête du Conseil supérieur de la magistrature chargé par la Constitution d’assister le Président de la République dans son rôle de garant de l’autorité judiciaire, le décret attaqué ne pouvait légalement inclure la Cour de cassation dans le champ des missions de l’inspection générale de la justice sans prévoir de garanties supplémentaires relatives, notamment, aux conditions dans lesquelles sont diligentées les inspections et enquêtes portant sur cette juridiction ou l’un de ses membres. Son article 2 doit, par suite, être annulé en tant qu’il inclut la Cour de cassation dans le champ de la mission permanente d’inspection, de contrôle, d’étude, de conseil et d’évaluation exercée par l’inspection générale de la justice.

Le Conseil d’État insiste sur le fait que la Cour de cassation est une sorte de "juridiction à part" (elle a "seule pour mission" ; techniquement, nous dirions qu'elle n'est atteinte que par des voies de retours extraordinaires) et qu'elle est au sommet de la hiérarchie judiciaire, ce qui lui donne un statut particulier : la formulation utilisée nous fait penser à une évocation d'une sorte de check and balance, comme si le fait d'être tout en haut de la hiérarchie judiciaire la mettrait trop haut pour le gouvernement.

Mais l'essentiel de la motivation vise les deux personnages que sont le Premier Président et le Procureur Général, non pas tant dans leur rôle interne à la Cour de cassation, mais externe. En effet, dans leur rôle interne, l'office d'une Inspection Générale de la Justice se justifierait plutôt, puisque c'est là qu'ils opèrent des tâches de gestion, voire de management, et l'un et l'autre. Mais c'est bien en tant qu'ils ont des responsabilités extérieures de niveau législatif et constitutionnel qu'ils ne peuvent être touchés, pas même dans leur fonction interne à la Cour de cassation.

En effet, c'est bien en raison de leurs rôles respectifs au sein du Conseil supérieur de la magistrature qui "assiste le Président de la République comme garant de l'autorité judiciaire" (voilà qui fait encore penser à un jeu de check and balance) d'une part et dans les procédures devant la Cour de justice de la République d'autre part où le Procureur général joue un rôle essentiel constitutionnellement organisé.

Cette partie là du décret est donc annulée.

L'annulation n'est pas "sans appel". En effet, à lire la décision du Conseil d’État, le Gouvernement pourrait  le réécrire pour qu'y figurent des "garanties" afin que l'exercice par les personnages au sein du CSM et pour le Procureur Général ne soit pas affecté dans son indépendance objective par les contrôles exercés par ailleurs sur leurs activités internes à la Cour.

Il demeure qu'une telle rédaction, qui débute sur le fait que la Cour de cassation est au sommet de la hiérarchie judiciaire, qui fait plusieurs fois penser à un système d'équilibre du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire tranche avec le discours tenu par le Président Emmanuel Macron à l'audience de rentrée de la Cour de cassation au cours de laquelle celui-ci avait signifié que le ministère public ne devait pas rêver d'indépendance.

Si le Conseil d’État s'en mêle à son tour ....

March 13, 2018

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Le journal Libération du 13 mars 2018 reprend l'histoire ; le Huffington Post la raconte pareillement

Reprenons-là du côté du Droit.
Cette personne qui a assassiné une femme, a été condamné pour cela à 8 ans de prison,en  a exécuté 4 ans . Aujourd'hui libre, estime que l'on ne peut pas protester contre le fait qu'il fasse une tournée publique. Il l'exprime en des termes notamment juridiques : il estime qu'il a  «payé la dette à laquelle la justice (l’a) condamné», il invoque «le droit à la réinsertion. Le droit d’exercer mon métier».
Voilà son texte, publié sur Facebook :

 


1. La justice ne condamne pas à "payer une dette". C'est une qualification inexacte. La justice pénale n'est pas la justice civile. Si Bertrand Cantat avait été "débiteur d'une dette", alors son créancier l'aurait assigné en justice, devant une juridiction civile et le tribunal l'aurait condamné à exécuter son obligation juridique qui existait préalablement. Condamné civilement, l'exécution qu'il aurait faite de cette obligation civile au bénéfice de son créancier dans un rapport bilatérale aurait éteint le rapport de créance.

Mais il s'agit de la justice pénale et en rien de la justice civile. Il y a un fait, une infraction qui heurte une valeur fondamentale de la vie en société : il ne faut pas tuer les autres personnes. C'est pourquoi le Ministère public, qui représente la société, demande aux tribunaux répressifs de prononcer la culpabilité des auteurs de ces infractions et de prononcer des peines qui sanctionnent ces actes, ces personnes et pas d'autres. Il ne s'agit pas de réparer : la responsabilité pénale est distincte de la responsabilité civile. Elle est gouvernée par les principes constitutionnels majeurs : personnalité des délits et des peines, légalité des délits et des peines, non-rétroactivité, etc. Ainsi, la justice ne condamne en rien à payer une dette, elle condamne une personne qui a commis une infraction ayant atteint une valeur fondamentale de la vie en société. Et de cela une trace est conservée : le casier judiciaire. Ainsi, après l'exécution de la peine, il y a un souvenir de ce qui s'est passé. C'est pourquoi la personne peut continuer à être qualifier de "meurtrier", le "droit à l'oubli" étant un droit subjectif très particulier conféré par des dispositifs législatifs spéciaux en matière numérique!footnote-1128 et n'existant pas de manière générale.

En affirmant que "la justice l'a condamné à payer une dette", c'est une référence implicite à des théories comme quoi il y aurait comme un "contrat" entre l'individu et la justice pénale, l'auteur de l'infraction "achetant" la possibilité de commettre un acte illicite, même un meurtre, au "prix" par exemple d'une privation de liberté (8 ans de prison, ou 4 ans effectivement exécutés), et après c'est fini, se ramènent à une théorie américaine, très libérale, liées à une analyse économique du droit, notamment celle de Gary Becker (qui l'a appliqué à la matière criminelle), où tout s'achète et tout se vend. Par exemple la vie d'un être humain : ici 4 ans de prison. Et une fois que le prix est payé, tout serait dit, plus rien ne pourrait être dit, l'on pourrait acheter un autre acte illicite dès l'instant que l'on "consent" à payer le prix demandé par la société (temps passé en prison, montant d'amende, etc.).

Mais l'on peut ne pas partager cette conception comme quoi tout s'achète, ici dans le cas précis la vie d'une femme contre 4 ans d'enfermement.

Et cette conception n'est pas la base du Droit pénal et de la Procédure pénale français, selon lesquels la justice pénale prononcent des peines et non pas des prix.  Ainsi, en rien la justice n'a "condamné Bertrand Cantat à payer une dette". Cela l'aurait bien arrangé (car cela aurait été bien peu cher), mais juridiquement c'est faux. Non, cela n'est pas comme au bistro, l'ardoise ne s'efface pas, ce n'est pas ainsi que fonctionne la Justice.

 

2. La situation de fait relève ici non pas de "droits" mais des diverses libertés en cause : liberté de se réinsérer, liberté de travailler, liberté de s'exprimer dont sont titulaires également les membres de la société

Il faut distinguer les "droits" et les "libertés".

Bertrand Cantat revendique des "droits" : le "droit à la réinsertion", par exemple, le "droit d'exercer son métier".

Le "droit subjectif" se définit comme une prérogative juridique dont est titulaire une personne, qui est donc "créancière", ce qui suppose qu'existe un sujet passif : un débiteur. Or, il n'existe pas de sujet passif à un tel "droit à", sauf à supposer que l’État soit le sujet passif du "droit à la réinsertion", si l'on transforme toutes les politiques publiques qui visent à réinsérer dans la société les personnes ayant exécuté des peines.  Il s'agit plutôt de liberté et de principe de non-discrimination, c'est-à-dire de "droit d'accès", une personne ayant fait de la prison ne pouvant être privée de la liberté d'agir (la liberté ne supposant aucun débiteur) et ne pouvant pas être privée sans justification d'accès à une activité, notamment professionnelle.

C'est donc sur le terrain des libertés qu'il convient de se placer et non pas sur le terrain des droits subjectifs, car sinon il faut désigner les débiteurs dont Bertrand Cantat serait le créancier!footnote-1127. Ici, c'est le terrain non seulement de la liberté de l'activité professionnelle mais encore de la liberté d'expression, puisque le métier de Bertrand Cantat est de s'exprimer. Et il ne s'agit de le lui interdire. Il s'agit de maintenir la liberté de ceux qui estiment que son comportement est inadmissible. C'est non seulement ce qu'a dit la mère de la victime décédée, mais encore les milliers de personnes qui se sont exprimées pour dire leur indignation. Par les moyens qu'elles choisissent. En se mettant si elles le veulent en rang devant l'entrée des concerts. En montrant les photos de la victime (pour laquelle l'on ne parle pas d'obligation à être oubliée, ce qui serait pourtant la conséquence d'un "droit à l'oubli" qui n'existe pas mais qui est évoqué par Bertrand Cantat)

Et contre cette liberté d'expression dont tous et chacun nous sommes titulaire, Bertrand Cantat ne peut rien, car les personnes qui s'expriment ainsi ne sont en rien ses débiteurs.

 

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1

Pour le mesurer, il suffit de prendre un cas récent : dans un jugement du 14 février 2018, le Tribunal de Grande Instance de Paris a condamné une personne qui a méconnu le "droit à l'oubli" d'une personne qui avait été condamné pénalement et dont une personne faisait pourtant de nouveau état de ses deux condamnations. Mais en premier lieu, comme le souligne le jugement, l'auteur du site était animé d'une "intention malveillante" dont l'intéressé avait démontré l'existence, celui-ci devenait identifiable alors que dans les décisions publiées sur Légifrance il avait été anonymisé : l'atteinte à la vie privée était donc constituée et l'intention de nuire ici démontrée justifie la condamnation du tiers, malgré le caractère public des décisions de justice d'une part et le principe de liberté des débats d'autre part.

2

Mais d'une façon générale, c'est en terme de "droit", et même de "droit à", que la situation est analysée. Par exemple dans l'émission du 12 mars 2018.

March 11, 2018

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En lisant une lettre que Voltaire écrit pour convaincre de la nécessité d'agir en faveur de Sirven, accusé d'avoir assassiné sa fille et condamné à mort par contumace, Voltaire évoque l'affaire Calas.

C'est une technique rhétorique dangereuse, à double-tranchant, car il écrit par ailleurs aux avocats que le fait d'avoir fait pression à propos de Calas peut conduire à indisposer les tribunaux dans le cas Sirven, qui se déroule dans la même région et dont la situation est analogue.

Mais il le fait pourtant et en ces termes-là :

Vous voulez savoir comment cette réclamation de toute l’Europe

contre le meurtre juridique du malheureux Calas, roué à Toulouse, a pu venir d’un petit coin de terre ignoré, entre les Alpes et le Mont-Jura,

à cent lieues du théâtre où se passa cette scène épouvantable.

 

N'est-ce pas remarquable que plutôt de parler d'erreur judiciaire, ou d'utiliser des termes plus neutres, Voltaire choisit :

- d'utiliser les termes de : "meurtre juridique"

- de désigner celui qui en est victime de : "malheureux Calas", et non pas d'innocent.

 

Il souligne ainsi que c'est bien par le Droit que Callas a été tué, et il retient la qualification juste que le Droit pénal retient : celle de "meurtre". Mais comme Voltaire estime que c'est le Droit lui-même qui a conduit à la mort de Callas, par l'application qui lui a été faite de la Loi, puis l'application du procès, puis l'application de la peine (exécution par l'écartèlement), alors il qualifie cela comme un "meurtre juridique".

En technique rhétorique, c'est un "oxymore".

En théorie juridique, l'on dirait que cela fût un acte d' "anti-droit"!footnote-1126, lorsque pour tuer la justice, c'est bien l'instrument que l'on utilise.

 

Et cela, les êtres humains le font. Souvent. Sur des cas particuliers, comme ici Callas. Ou bien en masse, comme le fît le nazisme.

Car le système nazi lui aussi commit des "meurtres juridiques".

Il convient de reconnaître la normativité juridique du système nazi, étudiée notamment par Johann Chapoutot dans son ouvrage La loi du sang , mais l'expression choisie par Voltaire pour un cas particulier lui est parfaitement adéquate étendu à un système : le nazisme fût un crime juridique total.

 

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Lire la lettre en son entier.

Lire un récit complet de l'affaire Sirven.

Lire un ouvrage compilant les nombreuses correspondances écrites par Voltaire pour défendre Sirven

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Sur la notion de "anti-Droit", v. Frison-Roche, M.-A., Leçon sur Droit positif, Droit naturel, 2014.

March 10, 2018

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Sylviane Agacinski a expliqué sur France-Culture le 9 mars 2018 son livre Le tiers-corps. Réflexion sur le don d'organes.

Le livre est remarquable ; ce entretien l'est tout autant.

Sylviane Agacinski y explique pourquoi le "discours du don" et le "discours de l'éthique" conduisent via la technique juridique du "consentement" au marché, et éloignent dans le même temps du mécanisme dont nous aurions besoin : la solidarité.
Cela est vrai tout aussi bien pour la GPA que pour le prélèvement d'organes sur les cadavres

L'on peut rapprocher cette démonstration d'un autre auteur, Alain Supiot.

En effet, Sylviane Agacinski montre parfaitement que le "discours du don" qui pave à la fois les cessions de femmes et d'enfants (sous le sigle GPA) et les cessions d'organes (pour "gérer la pénurie") mène à des techniques de marché, dont il est lui-même une technique (le "contre-don").

Sylviane Agacinski montre parfaitement que sur les deux sujets le Droit est utilisé d'une façon perverse à travers une notion : le "consentement". Qu'il s'agisse de la GPA (il suffirait que la victime "consente" et ensuite on "régule") ou du prélèvement des organes sur les cadavres (on a mis en place en France la notion de "consentement présumé" qu'elle conteste radicalement et à juste titre, car si l'on doit faire un lien entre la volonté et le consentement - et comment ne pas le faire ? sauf à couper ce lien et aller directement dans des techniques de pur marché).

Sylviane Agacinski souligne encore que plus l'on va dans le discours du don et plus on va sur le chemin du pur marché. Et qu'ainsi on s'éloigne de la solidarité.

Or, comment ne pas penser à Alain Supiot ? (elle se réfère d'ailleurs pendant l'entretien au mécanisme de la sécurité sociale, auquel il a consacré une année dans ses cours au Collège de France).

En effet, Alain Supiot a publié un ouvrage sur la notion juridique de "solidarité"

Il demande à ce que le Droit français fasse davantage de place à la notion de "solidarité", que la notion de "fraternité", qui a valeur constitutionnelle (Liberté, Égalité, Fraternité) ait un sens juridique. Il constate que pour l'instant cette notion non seulement n'a que peu de place mais qu'elle régresse.

Quand on écoute Sylviane Agacinski, l'on comprend que la perversion de la notion de "don", que les industries de l'humain ne cessent de mettre en avant, de louer et de valoriser, explique pourquoi la notion de solidarité n'a pour l'instant pas d'avenir.

Il est vrai qu'il paraît contre-intuitif de dire Non au don ... C'est la base de la stratégie des entreprises de l'humain qui en même temps qu'elles diffusent des photos d'enfants souriants et innocents issus de GPA montrent des femmes souriants et "consentantes" qui disent : "je suis si heureuse d'avoir fait un don magnifique", les entreprises affirmant que la solution est donc la "GPA éthique. Et personne ne parle jamais de "solidarité", puisque l'éthique des affaire (par exemple une limitation des prix, une juste répartition du chiffre d'affaire entre l'agence et la "gestatrice", etc.) a remplacé ce souci-là. 

Le marché de l'humain est construit sur ce "discours du don" (oseriez-vous être contre le don ?), adossé à un discours de l'éthique (oseriez-vous être contre l'éthique?), alors qu'il s'agit en réalité d'une Route de la Violence, puisque la GPA est une violence faite aux femmes et que notre devoir est de la refuser. Mais dans l'enjeu financier colossal qui est la construction, toutes les forces sont mobilisées : placer l'opinion sur la formulation de question qui contiennent déjà notre perte et nous aveuglent sur la violence dont nous sommes nous-mêmes les auteurs.

 

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Lire une présentation de l'ouvrage de Sylviane Agacinski : Le tiers-corps (2018).

Écouter l'entretien de Sylviane Agacinski et lire un résumé de son entretien (2018).

Lire une présentation de l'ouvrage d'Alain Supiot : La solidarité. Enquête sur un principe juridique (2015)

Lire un article, bilingue, sur La Route de la Violence, 2018.

 

 

 

March 2, 2018

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Dans le dernier numéro de la Revue de droit d'Assas (n°15, décembre 2017), est retranscrite l'allocution d'Yves Lequette prononcée en 2016 devant des étudiants du Master 2 de "Droit privé général" de Paris 2.

Il y évoque ce qu'il est pour lui "le rôle d'un professeur".

Il estime que l'exprimer est indissociable de ce qu'a été sa vie de professeur. Et immédiatement, il évoque Henri Battifol et Henri Mazeaud.

Puis, il parle de l'écriture et de l'enseignement, estimant que c'est cela la vie de professeur, instant sur le plaisir que ceux-ci procurent.

Il explique que les cours magistrats servent à faire passer l'esprit d'une discipline, ouvrant sur le "pourquoi" des choses, et c'est pourquoi il les a préféré aux séminaires, assurant les "grands cours" pour les étudiants de premières années. Il évoque ses deux temps préférés, celui où il était professeur à Sceaux ; c'est amusant parce qu'à cette époque-là j'étais son étudiante, dans les préfabriqués qui tenaient lieu d'amphi, celui où il prît soin de semer l'inquiétude dans les étudiants plus grands du troisième cycle.

Yves Lequette évoque des "années de plénitude".

 

En lisant cela, l'on comprend bien qu'Alma Mater existe.

 

Lire l'article.

Feb. 28, 2018

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Rose MacGowan spoke not only to denounce the sexual violence against women in the Hollywood system, but to explain why women have not said anything so far, why victims smiled when they were scorned, why they expressed a satisfaction when they were used as things, and that for so many years: they were afraid and ashamed. She explained that at first they had at ceremonies organized by Hollywood to the glory of Hollywood wearing black dresses. She explained that it was not enough and that it took the explosion of this kind of rage that finally the truth comes out.

Indeed, weak signals - such as mourning one's own dignity - are not enough when what is involved in overthrowing is what has been built in the last thirty years, from the United States and whose main victims are women: what must be named expressly "The Road of Violence"..

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Women are the cobblestones. We are the consumers. We are walking on this Road of Violence, we pay considerable sums to the industrialists who built this Road of Violence and develop it every day more by new highways, by drawing from the body of women, this inexhaustible wealth. We do it happily because the human beings we walk on, instead of shouting their pain and protesting against what we are doing to them, smile, affirm their satisfaction, seem to be asking for more.

That must stop. And that can stop. Because if we stop using this Road of Violence, then the industry of human, which is motivated and guided only by the magnitude of the profitability, will stop.

If we, active or potential consumers, do not do it, then women will be released themselves by violence, exhausted that we step on them. But if of ourselves we stopped to take this Route?

Because it does not take the only form of sexual violence in the film industry. Women are used and offered for the satisfaction of all our other desires. No limit, because they are so happy. This construction of the markets by new offers passes by the erasure of our own conscience. It is above all against our blindness that we must fight.

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Indeed, the solution is not that victims wear black dresses, which paradoxically refers to what would be even more "discretion" on their part, even "distinction", a solution that erases them even better. It is certainly not that the victims are fading away, they must not fade any more than they must apologize, they must not "disappear" anymore.

However, in order for us as consumers to borrow this "Road of Violence" and pay for the industries that build it, we must not even be aware of the fact that we consume human beings, an act of consumption we are rather reluctant. By ethics or because the Law reminds that the human being is a person and not a thing.

To provoke our act of consumption, the woman is thus masked. She is masked by a smile and a "consent". The argument is often returned to the faces of victims, perpetrators or their lawyers reminding that they have good "consented" to get into the bedroom, they "knew very well" that awaited them, they had a " interest "to do so (eg a role in a film). And to show pictures where we see the victims with the perpetrator of violence, both smiling, which would be the proof that they were "agree" or even "friends" and that we should not get involved. The moral order invading private life, that would be the enemy, the State not having to slip under the veil of women.

This argument is used systematically when it comes to organizing the transfer of women and children on a large scale. The surrogacy industry encourages us to pay agencies, clinics, doctors and lawyers to get a baby. The images and testimonies of "happy GPA" invite us to participate in the showdown with the States for the easy obtaining of a link of filiation between this child of which we wanted the birth in the world and us. Since for the moment the Law protects women by the prohibition of the GPA, any debate is good to take, any evolution of the Law going towards a "liberalization" of the practice. Industry leads us on the "good road".

What becomes of the mother? She disappeared. She is nothing. We are told that she is a "third party" vis-à-vis a relationship of filiation that is derived from the desire to parent. She ? She is only the mechanical instrument from which the child comes. Why worry about her? In the photos that are poured on the networks and in the debates, the women smile. In the recordings, they say: "I am happy, my only happiness is to make the happiness of others".

Thus, as consumers of women and children, we can walk on this Road. We know that mothers are poor, that they are paid. But what if they say they are happy? This is inevitably true, since they say it.

While we know that they are the mothers, the promotion of this industrial practice by the intermediaries most often established as a non-profit association in London or the United States underlines that these women have "freely consented" and that they have an "interest" because by the money received they can take care of their family. Everybody is happy. Fear, shame and guilt are never mentioned.

And so, thanks to our blindness, built by the industry and commerce of the human, and through which they thrive, the Road of Violence is unfolding around the world as never before previously.

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No, the recognition of the practices is not the solution, it is on the contrary the cement that the industry awaits to consolidate the Road of the Violence, this infamous Road paved on the smiles of the victims, so happy to prostitute themselves and to make the "magnificent gifts" of surrogacy), paved with "consents" to fade ("I agree to be nothing, and it gives me pleasure, because my only pleasure is your pleasure" ), paved on altruism and privacy ("do not interfere with anything, do not ban anything, never mention the defense of the human being, let us stay with the administrative difficulties to be regulated, what is the use of State").

You can take a position one way or the other. But we must name the realities. Either we admit to living in a world where everything is yielding and acquiring. And we say Yes to the sale of women. Which are an abundant but valuable raw material. Either we do not admit it. By ethics, which posits that a human being can not have status of thing. And the Law must not only maintain the prohibition of surrogacy, but must achieve the international effectiveness of this prohibition. That it is difficult, yes but this is another question. Do not offer businesses Law, and not only Law but also Ethics, to pave the Road to Violence, still adding to the strength they have to do it.

 

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Feb. 26, 2018

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Cryptocurrencies seem to be admitted, delivered from the State. And many rejoiced.

Let's take the question on the side of Law.

In France, we remember an article written in 1968 by the great lawyer Carbonnier : L'imagerie des monnaies  (Imagery of Coins), seeing in Caesar's face engraved on the coin the image of the State itself, guarantor of the entire monetary and exchange system.

In Europe, we remember the discussions on the image of the euro, how each state in the zone could express its existence while the guarantee was common and concentrated in the same central bank, preferring a public building to a character.

Today the currencies to be virtual do not have less an "image".

One could even say that they have only that, since it is no longer the State which, by the face of Caesar is inserted there.

But other faces can be imbued. Could the law find fault with it, because some figures would be "reprochable" because only Caesar would be beyond reproach? Could the Law draw any consequences from it, because some figures would be "engaging", less than that of Caesar but still a little?

Certainly, not faces that the Criminal Law rejects, not that of Jack the Ripper, not that of Hitler. But other historical figures less clearly banned, in this period where it is easily argued that everything would be "questionable" and therefore admissible and that besides everything would be "to discuss", the currency thus expressing this flow of discussion , speech that goes from hand to hand, from post to post on virtual networks?

Still, figures are block around them. This is particularly true in communities that can thus elect them to trust each other: just like their "Caesar", and knowing each other well, lend themselves more easily with confidence, to pay each other, while they would not lend to others, they would not buy from others.

Why no. Since we accept the principle of this currency, based on the only technical security (double encryption) and trust between people (intersubjectivity of a circle that has been chosen), without mentioning the issue of the debtor as a last resort, in order to challenge Caesar and public finances.

But let us take the hypothesis that the figure embedded in the virtual currency is that of Jesus. And the hypothesis is not fancy.

Indeed, the "religious currencies" are multiplying.

And the platforms that offer them insist on the fact that these tokens that are exchanged between people who believe in Jesus place great trust in the "son of God" and are therefore particularly trusting each other, for example in their respective capacity to keep their commitment. Outside the Law. On their respective ability to help each other. Outside the Law.

Is it necessary to forget the affirmation that it was necessary "to render to Caesar what was Caesar's"?

Let's ask some questions in Law.

- Reflections on what could or should be the "regulation" of non-state currencies, whether we call them virtual or not (in what does this change the nature of the currency?), That we secure them by encryption technology and / or by the decentralization of information, should they also relate to images?

- Are non-state currencies so much that the religious image, as long as it is not contrary to public order, is permissible, notably in legal systems where the constitutional principle of secularism has as its object and effect not only to neutralize the religious significance of religious objects but also to protect religious freedom?

- Can "religious currencies" be protected and have specific economic and financial significance, as the United States Supreme Court admitted in the Hobby Lobby judgment of June 30, 2014? Europe is not the United States.

- If the image of Jesus is encrusted on the currency, can we consider that the corpus is also inserted so that the platform that attracts a particularly interesting clientele (solvent, "responsible", holding its commitments, etc.) ? This insertion of the religious corpus, as the state was through the face of Caesar would operate not de jure but de facto, so that the company holding the platform should respond to third parties by the factual belief that this may have generated in third parties.

- Moreover, do not these "religious currencies" produce a specific systemic risk? Not that such and such a religion could collapse, or this or that religious effigy to undergo a haircut with a domino effect on all the saints, waves of doubt provoking a mistrust of all the faithful ones because the various religions are doing well, but precisely because the mark of these religious communities to which these platforms specifically appeal is to make "their own law" prevailing over the law of the Dtate, considered inferior since it comes only from men and not from God.

And now the churches are starting to coin money...

At the very least, it will be necessary in Ex Post that the faithful do not come to seek the state by guaranteeing if there is bankruptcy, because Caesar does not meddle in the affairs of Jesus. To each his currency and each to reread Carbonnier, one of the finest readers of the Bible

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Feb. 2, 2018

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Dans la presse généraliste, à la télévision ou dans les réseaux sociaux, il est beaucoup question de Droit. Principalement sous deux formes : les procès que l'on commente, ou les prérogatives juridiques (les "droits") que l'on revendique.

Dans les commentaires que font les journalistes dans les médias professionnels ou les internautes sur les réseaux sociaux, dont la nature de "médias" n'est plus contestée, les opinions sont souvent beaucoup plus violentes que ne le sont les commentaires dans les revues juridiques. Ceux-ci, rédigés par des juristes, prennent les formes convenues du "commentaire", forme qui adoucit l'expression. En outre, la politique et l'opinion personnelle sont censées en être absentes, l'opinion est présentée comme "scientifique", ce qui diminue à tout le moins la violence du ton. Il est souvent dit qu'il n'y a pas d'empoignade, il n'y aurait que de la disputatio...N'ouvrons pas la question de la "doctrine juridique", question qui passionne avant tout les auteurs de doctrine juridique.

Dans les commentaires faits par des non-juristes, il est pourtant fait souvent référence au Droit. Il est normal que l'objet sur lequel porte le commentaire imprègne celui-ci.

Seront à ce titre souvent évoquées la condition de "l'absence de consentement" dans la qualification du viol ou la "préméditation" dans la qualification d’assassinat. Mais sont aussi repris des règles qui s'attachent au système juridique général, comme le principe d'impartialité du juge - souvent pour affirmer qu'ils ne le sont pas, ou le principe de son indépendance - souvent pour affirmer qu'ils doivent l'être davantage.

Un principe qui revient souvent est un principe de base : Nul n'est censé ignorer la loi. Il est évoqué et mal compris, ce qui est normal car c'est un principe technique. Mais depuis quelque temps, sous la plume de personnes maîtrisant bien l'orthographe et mal le Droit, je le lis orthographié ainsi : Nul n'est sensé ignorer la loi.

Pourquoi ? N'est-ce pas un sens plus profond qu'il convient de donner à la règle ?

(Lire plus bas les développements)