Feb. 22, 2017

Thesaurus : Doctrine

Référence complète : Girard, Ch., Vérité et égalité : le paradoxe démocratique, in Thiercelin, Cl., Connaissance, vérité et démocratie, 22 février 2017. 
 
 
Lire l'ouvrage de Charles Girard, Délibérer entre égaux. Enquête sur l'idéal démocratique (Vrin),  qui a été publié en 2019, développant ses idées.
 
 
 
 
Résumé de la conférence.
 
La démocratie doit-elle renoncer à la vérité, et si elle le fait ne se perd-t-elle pas elle-même ?
Les décisions sont légitimes si elles résultent de "procédures" qui produisent de "bonnes" décisions (procéduralisme épistémique et égalitaire).
Cela renvoie aux compétences épistiques des individus, alors qu'ils sont à ce titre inégaux ("critique réaliste", qui transforme la démocratie en régime "paradoxal", puisque la démocratie ne peut concilier le souci de la vérité et le souci de l'égalité, alors qu'elle ne peut renoncer ni à l'un ni l'autre.
Il faut selon l'orateur partir du "souci de la vérité" et part pour cela de Kelsen. Si l'on pose qu'il existe des vérités dont le Politique doit se soucier, et que la population n'a pas toujours l'aptitude de discerner. Pour Hans Kelsen, la démocratie implique donc un relativisme, renonçant à rechercher la vérité (qui n'a aucune autorité particulière), faisant prévaloir la loi du nombre. Et pour sacrifier la démocratie, il faudrait savoir absolument où est la vérité : ainsi pour renoncer au scepticisme, il faudrait adhérer au fanatisme du dogmatique.
L'orateur critique cette position kelsénienne.
 
Il veut défendre la démocratie et récuser le gouvernement des experts, sans pour autant tomber dans le relativisme. 
 
Pourtant il est difficile de trouver les critères permettant un compromis entre vérité et égalité (puisque l'opinion de l'un doit être égale à l'opinion de l'autre). Ainsi Mill propose le vote plural, dans la démocratie représentative, en ce qu'elle favorise la compétence de certains, dont l'influence est ainsi accrue, sans que personne ne soit exclue dans la représentation. Mais la difficulté est de trouver qui sont les plus compétents.... Cet auteur ne vise pas le critère de la propriété, mais davantage le niveau d'éducation. Mais cela est arbitraire, puisque l'universalité du vote est niée par l'inégalité de l'influence. 
 
La question à se poser est donc de savoir si le Politique doit ou non prendre en compte des "vérités", alors qu'il s'exprime par une volonté qui décide. Mais comme il y a des options, entre lesquelles il faut choisir, des assertions sont susceptibles de vérité et de fausseté. Ainsi toute interprétation de l'idée démocratique suppose que les assertions entre lesquelles un choix va être fait se réfèrent à de vérités (par exemple les avantages et les inconvénients de la sortie du nucléaire), même s'il ne s'agit pas de vérités factuelles, pouvant être établies d'une façon définitive, la "vérité politique" ne relevant pas de la preuve mais la délibération pratique aboutit à ce que toutes les assertions ne se valent pas. 
Cela est plus délicat lorsqu'il s'agit de réalités normatives, où le jugement de valeur s'accroît, pour apprécier non pas ce qui est mais ce qui est meilleur. La vérité normative est supérieure à d'autres si elle produit un effet conforme au but de la démocratie, soit le but commun soit, plus modestement, l'absence de guerre. 
Il s'avère que toutes les démocraties visent dans leur système délibératif non pas l'équité mais bien des vérités, car la délibération ne fait pas sortir la justice mais permet par l'échange d'arguments d'approcher des vérités politiques. Il y a un lien maintenu entre la vérité et le processus démocratique. La vérité y survit donc.
 
La deuxième question est celle de la compétence du peuple. La thèse de l'infériorité épistémique du peuple par rapport au sous-groupe des experts n'est pas convaincante car Aristote montre bien que dans la juste répartition du pouvoir (qui devrait être aux compétents) et la stabilité de la cité (qui conduit à le donner à tous), la masse peut être plus compétente que les experts et en tout cas "pour certaines formes de masses".
La compétence supérieure du peuple vient de l'émergence d'une compétence collective, par agrégation et par délibération. L'agrégation des jugements individuels du plus grand nombre peut produire un jugement plus exact que l'agrégation d'un nombre plus restreint de personnes moins nombreuses (théorème de Condorcet). Mais l'orateur récuse cette loi des grands nombres qui repose sur l'hypothèse de la compétence individuelle moyenne, dont on ne voit pas elle existerait. Il faut donc un contexte décisionnel propice : ce sont les vertus épistémiques de la délibération du grand nombre. C'est, selon l'orateur, le sens du texte d'Aristote ("éloge de la dilution", le peuple -élément impur- faisant produire par sa présence dans la délibération à la compétence du sous-groupe -élément pur- un effet que l'élément pur ne peut produire seul). Aristote évoque également une division du travail. 
De fait, les échanges informationnels accroît la rationalité collective, en dégageant des éléments qui n'auraient pas été identifiés par les agents isolés. Il s'agit d'une conception "héroïque" de la délibération (cf. jury des 12 hommes en colère, cité par l'orateur...). Mais l'orateur relève que l'on peut trouver autant de vices, par exemple la circulation d'informations fausses, des raisons hors de propos ou invalides, la sélection des raisons pouvant se faire au détriment des bonnes. La dilution peut donc être aussi nocive que bénéfique. 
Certes, la "diversité cognitive" peut renforcer ce qui serait la force de la délibération du peuple. Mais en accroissant le groupe, l'on n'accroit pas forcément la diversité, l'on peut par exemple aboutir à une majorité qui va écraser les opinions minoritaires. Ainsi de fait la composition idéologique de départ du groupe (cf pilorisation du groupe) influe sur le résultat et peut aboutir à des "radicalisation" des opinions. La délibération collective est donc facteur de radicalisation.
 
Faut-il en conclure qu'il faut condamner la démocratie ?
 
Faut-il confier le pouvoir de gouverner aux plus compétents, en érigeant le plus compétent en chef ? 
 
On peut le refuser pour une raison morale, car nul n'a d'autorité sur l'autre sans une justification acceptable par tous les points de vue (moralement acceptables - conception contractualiste de la démocratie). Or, tout le peuple ne peut pas accepter le gouvernement des experts. Mais comme on ne sait pas qui intervient dans le test d'acceptabilté de l'épistocratie, on ne sait pas.... 
Car par exemple qu'en est-il du fanatique et du dogmatique, qui ne sont ni fous, ni vicieux (et ne sont donc pas immoraux) ? Ils récusent le gouvernement par les experts.
Mais c'est faire prévaloir l'égalité sur la vérité. Sur la base d'un test qui n'est pas clair. 
 
Mais l'on ne peut pas le faire tout simplement parce qu'on ne sait pas qui sont les experts. En effet les savoirs requis sont très divers et donc on ne maîtrise pas les critères pour désigner les techniques et le groupe des experts correspondant aux vérités politiques : le groupe des experts serait trop variable au regard de la variété des vérités politiques à établir. 
Or, il est impossible pour un groupe d'acquérir les compétences, et encore plus d'en avoir le monopole.
En outre, parce qu'ils sont tous semblables, ils sont tous ignorants de certaines choses (de certaines choses de la vie, les hommes pour ce qui concerne les femmes, etc.). 
 
Pour l'orateur, il faut refuser de confier le pouvoir politique aux experts, parce qu'ils sont faillibles.
Reconnaître la faillibilité du jugement politique, qui n'est pas atteint d'un relativisme total, qui a un degré de certitude variable mais ne peut pas atteindre une certitude absolue (ce que requiert Kelsen et ce que le jugement politique ne peut pas satisfaire).  Ainsi les experts n'ont pas l'autorité suffisante pour gouverner autrui parce que leur opinion n'est pas assez certaine. 
Mill raisonne ainsi pour la liberté d'expression. 
L'orateur généralise le raisonnement pour toute opinion dans la délibération collective. Délibération dans laquelle nul ne peut se présenter comme infaillible. 
Certes le vote ne peut garantir qu'il corrigerait une opinion qui s'avère inadéquate. 
 
L'orateur souligne que la démocratie suppose toujours un choix : choix de changer l'opinion, choix de proposer une opinion contraire sur un nouvel argument. Le fanatique prend la position contraire et fera le choix de ne pas changer d'opinion. Mais ce ne sont pas des choix égaux car le pari démocratique s'enracine dans la confiance dans la raison individuelle et l'ouverture des autres à juger, ce qui est différent de l'égalité des compétences.
 
Certes ce pari démocratique perd tout sens si l'on peut tout espoir de progresser vers plus de vérité.
 
La démocratie n'est donc pas un idéal paradoxal puisqu'elle n'exclut pas la vérité et ne renonce pas à considérer des opinions minoritaires. Mais c'est un idéal particulièrement exigeant puisqu'elle requiert que chacun doit considérer l'opinion contraire d'autrui et que nul ne peut se prévaloir de son opinion pour trancher pour les autres.  
 
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Updated: July 31, 2013 (Initial publication: Dec. 6, 2011)

Teachings : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

La personnalité est certes abstraitement l’aptitude à être titulaire de droits et d’obligations, mais elle est aussi intime de l’être humain. Un système juridique de plus en plus soucieux de la vie, des corps et des être humains, concrétise la notion juridique de personne. Entre en balance la naturalité et l’artificialité de cette notion complexe de personne, à travers notamment le droit du corps humain, par exemple par la question de la maternité de substitution ou celle de l’identité sexuelle. Les personnes concrètes, analysées juridiquement en situation se voient reconnaitre des droits fondamentaux qui s’étendent et se multiplient et dont le cœur du système est « le droit au droit ». Mais les droits fondamentaux changent aussi de nature, en ce qu’ils se reconceptualisent à travers la catégorie des droits de l’homme altruistes.

Jan. 9, 1997

Teachings : Participation à des jurys de thèses

► Référence : Frison-Roche, M.-A., membre du jury de la thèse de Caroline Ruellan, La loi de la majorité dans les sociétés commercialesUniversité de Toulouse I ,  9 janvier 1997. 

 

► Autres membres du jury :  

  • Michel Germain, professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II) ; 
  • Paul Le Cannu, professeur à l'Université Panthéon-Sorbonne (Paris I) ;
  • François Terré, professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II) 
  • Dominique Schmidt, professeur l'Université de Strasbourg III ;

 

► Lire le résumé et le sommaire de la thèse