26 février 2018

Blog

Les cryptomonnaies semblent être admises, délivrées de l’État. Et beaucoup s'en sont réjouis.

Reprenons la question du côté du Droit.

On se souvient de l'article de Carbonnier : L'imagerie des monnaies (1968), voyant dans le visage de César gravé sur la pièce l'image de l’État lui-même, garant de tout le système monétaire et cambiaire.

On se souvient des discussions sur l'image de l'Euro, comment chaque État de la zone pouvait exprimer son existence alors que la garantie était commune et concentrée dans une même Banque centrale, préférant un bâtiment public à un personnage.

Aujourd'hui les monnaies pour être virtuelles n'en ont pas moins une "image".

L'on pourrait même dire qu'elles n'ont que cela, puisque ce n'est plus l’État qui, par le visage de César y est inséré.

Mais d'autres visages peuvent s'y imprégner. Le Droit pourrait-il y trouver à redire, car certaines figures seraient-elles "reprochables" car seul César serait au-delà de tout reproche ? Le Droit pourrait-il en tirer des conséquences, car certaines figures seraient-elles "engageantes", moins que celle de César mais tout de même un peu ?

Certes, pas des visages que le Droit pénal récuse, pas celui de Landru, pas celui d'Hitler. Mais d'autres personnages historiques moins nettement bannis, dans cette période où l'on soutient aisément que tout serait "discutable" et de ce fait admissible et que d'ailleurs tout serait "à discuter", la monnaie exprimant ainsi ce flot de discussion, discours qui passe de main en main, de post en post sur les réseaux virtuels ?

Toujours est-il que des figures font bloc autour d'elles. Cela est particulièrement vrai dans des communautés qui peuvent ainsi les élire pour se faire confiance entre membres: exactement comme leur "César à eux", et se connaissant ainsi entre eux, se prêter plus aisément en toute confiance, se payer entre eux, tandis qu'ils ne prêteraient plus aux autres, n'achèteraient plus aux autres.

Pourquoi non. Puisqu'on accepte le principe de cette monnaie-là, assise sur la seule sécurité technique (du double cryptage) et sur la confiance entre les personnes (intersubjectivité d'un cercle qui s'est choisi), sans surtout évoquer la question du débiteur en dernier ressort, afin de pouvoir récuser César et les finances publiques.

Mais prenons l'hypothèse où la figure incrustée dans la monnaie virtuelle est celle de Jésus. Et l'hypothèse n'est pas d'école.

En effet les "monnaies religieuses" se multiplient.

Et les plateformes qui les proposent insistent sur le fait que ces jetons qui s'échangent entre les personnes qui croient en Jésus accordent une grande confiance dans le "fils de Dieu" et se font donc tout particulièrement confiance les unes aux autres, par exemple dans leur capacité respective à tenir leur engagement. En dehors du Droit. Sur leur capacité respective à s'aider les uns les autres. En dehors du Droit.

Faut-il donc oublier l'affirmation comme quoi il fallait "rendre à César ce qui était à César" ?

Posons-nous quelques questions en Droit.

- Les réflexions sur ce qui pourrait ou devrait être la "régulation" des monnaies non-étatiques, qu'on les nomme virtuelles ou non (en quoi cela change-t-il la nature de la monnaie ?), qu'on les sécurise par la technologie du cryptage ou/et par la décentralisation de l'information, doivent-elles aussi porter sur les images ?

- Les monnaies non-étatiques le sont-elles à un tel point que l'image religieuse, dès l'instant qu'elle n'est pas contraire à l'ordre public, est-elle admissible, le principe constitutionnel de laïcité ayant pour objet et pour effet non seulement de neutraliser la portée religieuse des objets religieux mais encore de protéger la liberté religieuse ?

- Les "monnaies religieuses" peuvent-elles être protégées et avoir une portée économique et financière spécifique, comme l'admit la Cour suprême des États-Unis, dans l'arrêt Hobby Lobby du 30 juin 2014 ? L'Europe n'est pas les États-Unis.

- Si l'image de Jésus est incrustée sur la monnaie, peut-on considérer que le corpus y est aussi inséré de sorte que la plateforme qui attire ainsi une clientèle particulièrement intéressante (solvable, "responsable", tenant ses engagements, etc.) ? Cette insertion du corpus religieux, comme l'était l’État à travers le visage de César s'opérerait non de jure mais de facto, de sorte que l'entreprise qui tient la plateforme devrait en répondre à l'égard des tiers par la croyance de fait que cela a pu engendrer chez les tiers.

- En outre, ces "monnaies religieuses" ne produisent-elles pas un risque systémique spécifique ? Non pas que telle ou telle religion pourrait collapser, ou telle ou telle effigie religieuse subir une décote avec un effet domino sur tous les saints, vagues de doute provoquant une défiance de tous les fidèles car les diverses religions se portent bien, mais justement parce que la marque de ces communautés religieuses auxquelles ces plateformes en appellent spécifiquement est de faire prévaloir "leur Loi" par rapport à la loi de l’État, jugée inférieure puisqu'elle ne vient que des hommes et non de Dieu.

Paul Veyne a montré comment l’État et le Droit se sont séparés de l’Église.

Et voilà que les Églises se mettent à battre monnaie.

A tout le moins, il conviendra en Ex Post que les fidèles ne viennent pas chercher l’État en garant s'il y a faillite, car César ne se mêle pas des affaires de Jésus. A chacun sa monnaie et chacun à relire Carbonnier, l'un des plus fins lecteurs de la Bible.

 

31 octobre 2017

Publications

► Référence complète : D. d' Ambra et M.-A. Frison-Roche, "La résolution bancaire entre droit commun des procédures collectives et droit commun de la régulation", in Mélanges en l'honneur de Jean-Luc Vallens. Liber amicorum, Joly éditions - Lextenso, oct. 2017, p.293 à 303.

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► Résumé de l'article : En organisant la "résolution bancaire" et en présentant celle-ci comme une "procédure collective spéciale", le Droit a-t-il le front de poser la question : l' État   est-il mortel ? Par nature, le droit des successions suppose la mortalité des êtres humains. Par nature, le droit des procédures collectives suppose la mortalité des entreprises. La résolution bancaire a été inventée récemment parce que pourraient mourir des opérateurs économiques peu ordinaires et intimes de l’ État , les banques qui s'adossent à celui-ci et lui empruntent sa puissance de création monétaire. Mais à l'inverse de la représentation que le Droit se fait des êtres humains et des entreprises, le Droit comme la politique supposait l'immortalité de l’ État . Les marchés en évoquant sans cesse la "faillite des États" sont-ils en train de remettre en cause cela ?

La Résolution bancaire, si elle ne devait être qu'un espace de procédure collective, en ce qu'elle serait rattachée à des États eux-mêmes "en difficulté" ouvre cette question-là.

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📗Consulter une présentation générale de l'ouvrage.

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🚧Lire le working paper bilingue ayant servi de base à l'article, s'appuyant sur le Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance, comprenant des références, des notes de bas de page développant certains points et des liens menant vers des documents.

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Mise à jour : 25 octobre 2017 (Rédaction initiale : 27 mai 2016 )

Publications

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., La Mondialisation vue par le Droit, document de travail, mai 2017.

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🎤 ce document de travail  a dans un premier temps servi de base à un rapport de synthèse proposé dans le colloque organisé par l'Association Henri Capitant, dans les Journées internationale Allemandes sur La Mondialisation.

📝 Il sert dans un second temps de base à l'article paru dans l'ouvrage La Mondialisation.

📝 Dans sa version anglaise, il sert de base à l'article écrit en anglais (avec un résumé en espagnol) à paraître au Brésil dans la Rarb - Revista de Arbitragem e Mediação  (Revue d`Arbitrage et Médiation).

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Dans ce Working Paper, sont insérées des notes, comprenant des développements, des références et des liens vers des travaux et réflexions menés sur le thème de la mondialisation. 

Il utilise par insertion le Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance.

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► Résumé du document de travail : La mondialisation est un phénomène déroutant pour le juriste. La première chose à faire est d'en prendre la mesure. Une fois celle-ci prise, il est essentiel que l'on s'autorise à en penser quelque chose, voire que l'on s'impose d'en penser quelque chose. Par exemple sur le caractère nouveau ou non du phénomène, ce qui permet dans un second temps de porter une appréciation sur ce qui est en train de se mettre en place. Si en tant que le Droit peut et doit "prétendre" défendre chaque être humain, prétention universelle ayant vocation à faire face au champ mondial des forces, la question suivante - mais secondaire - se formule alors : quid facere ? Rien ? Moins que rien ? ou bien réguler ? Ou bien prétendre encore que le Droit remplisse son office premier qui est de protéger la personne faible, y compris dans le jeu de forces qu'est la mondialisation ?

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► Lire le document de travail complet⤵️

4 octobre 2017

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Migaud, D., Le nouveau rapport entre l’État et les normes impliquées dans la compliance, in Frison-Roche, M.-A. (dir.), Régulation, Supervision, Compliance, Série Régulations, Dalloz, 2017.

 

Lire la présentation générale de l'ouvrage dans lequel l'article est publié.

 

Consulter les autres ouvrages de la Série dans laquelle l'ouvrage est publié.

 

Les étudiants de Sciences-Po peuvent consulter l'article via le Drive, dossier "MAFR-Régulation"

21 septembre 2016

Publications

Ce working paper sert de base à une conférence qui a lieu à Bordeaux le 23 septembre 2016.

Dans sa recommandation n°11, le rapport Lévy-Jouyet recommande la mise en ligne des données publiques pour améliorer le service public (open data), son financement se faisant au besoin par la publicité. C’est à un autre titre que par sa recommandation n°12, le rapport préconise d’aider la diffuser de la création française à l’étranger.

Dans une économie de l’immatériel devenue une « économie de l’accès », ces deux recommandations pourraient se rapprochent, se fondre peut-être. En effet, si l’on relit par exemple les « lieux de mémoires » de Pierre Nora, on observe que les personnes publiques portent le patrimoine immatériel de la France. Il est d’une grande valeur. Il a été créé notamment par l’Histoire. L’État en organise l’accès, par l’open data. En cela, il organise l’accès à une création collective. En cela, il remplit sa fonction de satisfaire le bien commun d’ouverture.

Mais l'on bute rapidement sur une difficulté, voire une aporie : comme l'exprime le rapport Lévy-Jouyet pour les données publiques l’accès à celles-ci doit être financé. De la même façon, l’accès aux "lieux de mémoires doit être financé". Et l'on voit à travers cette question financière la contradiction de l'open data : L’enrichissement par les opérateurs de l’accès sans aucune contrepartie est incompréhensible. Seule une licence de droit commun peut rétablir le caractère commutatif entre le dépositaire de la création immatérielle collectif qui est la personne publique qui perdure dans le temps (l’État) et celui qui tire profit de l’accès.  Puisque chacun sait que la gratuité n’est pas un système sain, tandis que chacun dit que les licences open data ne sont pas effectives.

C'est pourquoi il convient d'examiner les règles juridiques qui gouvernent aujourd'hui ce que l'on appelle "l'open data" comme l'expression d'un droit d'accès à ce qui est à tout le monde mais qui est pourtant intouchable (I), le régime juridique montrant les contradictions de l'open data, ce à quoi le droit plus classique auquel le rapport renvoie par ailleurs pourrait répondre (II)

30 décembre 2015

Publications

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Notariat et Régulation font bon ménage, Defrénois, n° 24 du 30 décembre 2015, p. 1334.

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► Résumé de l'article : On a parfois l'impression qu'après s'être ignorés le ministère de l'Économie et le notariat en viendraient aujourd'hui à s'affronter, "Loi Macron" interposée. Cela relèverait d'un malentendu. S'il est vrai que par la nouvelle méthode de tarification la loi du 6 août 2015 change la logique du tarif et par laquelle la conception même de ce qu'est un notaire, cela ne signifie en rien que la loi précipite la profession dans la concurrence pure et simple : elle met en place une Régulation. Très classiquement, les tarifications y sont élaborées par rapport aux coûts, méthode française admise l'Union européenne. En cela, la loi nouvelle protège la profession notariale du Droit communautaire. Plus encore, elle offre à celle-ci un nouveau rôle, plus actif que précédemment.  Pour organiser une régulation, laquelle est l'opposé de la concurrence, l’État doit toujours s'allier avec les professionnels. Ils ne doivent pas manquer ce rendez-vous.

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📝Lire l'article.

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18 septembre 2015

Base Documentaire : Soft Law

Référence complète : Conseil d’État, L'action économique des personnes publiques, Étude annuelle 2015 - coll." Les rapports du Conseil d’État", 2015, La documentation française, 259 p.

 

Consulter la table des matières

Lire la quatrième de couverture.

 

10 août 2015

Blog

Les deux arrêts que l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendus le 3 juillet 2015 à propos de la transcription sur l'état civil français des filiations des enfants issus de convention de gestation pour autrui réalisées à l'étranger sont laconiques.

Pour les comprendre, on peut recourir à la technique traditionnelle consistant à en rechercher le sens, la valeur et la portée.

Pour les apprécier, on peut les lire d'une façon politique, consistant à se demander si la Haute Juridiction n'a pas pris la place du Législateur, jeu de pouvoirs.

Mais si la voie pour lire sous les quelques lignes qui composent ces deux arrêts n'était pas plus simplement encore de se reporter à l'audience qui s'est tenue le 19 juin 2015 ?

D'une façon plus générale, même devant la Cour de cassation les audiences sont instructives.

Celle du 19 juin 2015!footnote-207 le fût d'une façon exemplaire.

Il convient d'y prendre au passage une leçon de rhétorique. Rhétorique où l'habilité fût si grande dans ce qui était dit, autour de la proposition du Procureur général de vérifier la réalité biologique du lien entre l'homme et l'enfant qu'il déclenche comme son fils et sa fille. Rhétorique  qui attend son apogée en ce que jamais ne fût discutée la solution européenne de donner effet aux convention de GPA, qui ne fût contestée ni par le Procureur général ni par l’État français qui choisit de se taire.

Sous couvert d'opposition, voire d'éclats, ce fût en réalité une unisson qui marqua une audience où aucune voix n'a soutenu le principe d'indisponibilité des corps, le fait que les femmes ne sont pas à vendre et les enfants ne peuvent être cédés. En sortant de l'audience, le sort des femmes et des enfants était scellé.

9 juin 2015

Interviews

La marche de l'Histoire est une émission de Jean Lebrun, qui se déroule sur France Inter.

Celle-ci a eu lieu le mardi 9 juin, de 13h30 à 14h sur le thème La faillite des États.

Emaillée d'extraits sonores, à la fois de discours de personnalités politiques mais aussi d'extraits de films ou de chansons,  l'émission a permis d'évoquer non seulement la crise grecque ou argentine, mais encore la saga des emprunts russes ou la distinction entre l'insolvabilité des personnes physiques, des entreprises et des États à travers l'histoire, les chansons et le cinéma.

Écouter l'émission (sur le site de France Inter) ; la retrouver sur Internet.

11 mai 2015

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Chevallier, J., Régulation et service public, in Boccon-Gibod, Th. et Gabrielli, C. (dir.), Normes, institutions & régulations publiques, éd. Hermann, 2015, p.157-166.

Lire une présentation générale de l'ouvrage dans lequel l'article a été publié.

L'article peut être lu par les étudiants de Sciences po ayant accès via le drive au dossier MAFR - Régulation.

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L'auteur pose que la promotion de la régulation a un effet sur la conception du service public.

En effet, l'Etat lui-même est pensé comme une "instance de régulation". L'Etat vise au maintien des grands équilibres économiques et sociaux, et cela d'une façon plus modeste que jadis. Dans l'Etat-providence, l'Etat plus intrusif prenait la forme de services publics structurant  l'économie. La logique d'action était celle d'une "providence" ayant souci de chacun, tandis que l'entreprise n'a souci que d'elle-même. Cette finalité particulière justifiait des modes particuliers de gestion, soustraits au principe de concurrence.

L'auteur rattache à la crise de l'Etat-providence la promotion de la notion de régulation qui redéfinit le périmètre des services publics. L'Etat n'est plus acteur économique, il devient arbitre des équilibres. Il n'intervient plus que d'une façon subsidiaire, s'il y a défaillance du marché. La régulation renvoie à une conception libérale. L'auteur montre que le service public se réduit alors aux biens et activités "essentiels" : reste à savoir ce qui est essentiel ou non. Tandis que le pluralisme des modes de gestion se développe.

L'auteur poursuit en montrant que l'activité de service public est transformée par la régulation, le service public étant dans un contexte concurrentiel. L'Europe impose de partir du principe d'égalité de concurrence entre opérateurs publics et opérateurs privés, la mission de service public pouvant seule justifiant une exception au principe de concurrence au bénéfice des opérateurs en charge d'un service public d'intérêt économique général.

Les équilibres sont surveillés par des autorités de régulation, transformant l'Etat qui devient "pluriel".

Jacques Chevallier conclut son article en observant que la Régulation a procéder à une "démythification du service public".

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15 novembre 2014

Blog

La question a été posée dans un cas d'école au Conseil constitutionnel, qui a nettement répondu dans sa décision du 14 novembre 2014, QPC, M. Alain L.

Même si le dispositif est aujourd'hui abrogé, son appréciation par les juges suprêmes vaut le détour.

Une loi du 23 juin 1941 a eu pour objectif de préserver l'art et l'histoire français. Le nationalisme se portait particulièrement bien à l'époque. Le dispositif était en deux temps. Dans un premier temps (article 1ier de la loi), l'État pouvait refuser l'autorisation de sortie du territoire de l'oeuvre, présentant un intérêt national d'histoire ou d'art. Puis, dans un second temps (article 2 de la loi), il pouvait retenir l'oeuvre pour lui-même, transférant la propriété de celle-ci à une personne publique, ayant six mois pour le faire après un refus d'exportation qu'il aurait prononcé, le propriétaire ne pouvant pendant ce délai céder le bien.

La QPC a porté sur cette seconde disposition en tant qu'elle porte atteinte au droit de propriété privée sans nécessité publique, violant ainsi l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, partie intégrante du bloc de constitutionnalité.

Le Conseil répond qu'effectivement si le refus d'exportation poursuit un objectif d'intérêt général, en revanche le droit de "retenir" ainsi le bien pendant six mois sans que le propriétaire ne puisse rien faire de son bien, puis l'appropriation forcée par une personne publique, alors que la décision d'empêcher l'exportation a déjà été prise ne correspond pas aux critères établissant une "nécessité publique".

On ne peut qu'approuver une telle décision. Tout d'abord, parce que sans doute le Législateur de 1941 avait quelques arrières-pensées en s'appropriant des oeuvres d'art que certains propriétaires à l'époque voulaient sauver de quelques griffes dans cette sombre époque. Le Conseil d'État qui a transmis la QPC et le Conseil constitutionnel ne peuvent pas ne pas y penser. Ensuite, l'art est aussi un marché. On peut porter atteinte à celui-ci et restreindre la circulation. Oui, mais le refus d'exportation suffit. Pourquoi restreindre les acheteurs ? La "nécessité publique" ne justifie pas l'expropriation.

Surtout pas en 1941, quand on songe aux personnes qui voulaient vendre leurs tableaux pour fuir. Préserver l'Histoire, c'est peut-être pour l'État français de l'époque les exproprier, c'est surtout pour les juges de 2014 de songer à cette réalité de l'époque.

 

14 novembre 2014

Base Documentaire : 01. Conseil constitutionnel

La loi du 23 juin 1941 a restreint l'exportation des oeuvres d'art jusqu'à  la loi du 31 décembre 1992. Pendant cette période, celles-ci n'ont donc pas relevé e pas de la seule liberté du commerce mais ont fait l'objet de restriction de circulation.

En effet, l'article 1ier de la loi obligeait à solliciter une autorisation de sortie du territoire de l'oeuvre d'article. Si celle-ci était refusée,  l'article 2 donné à l'État français le pouvoir de "retenir" des oeuvres d'art au profit de collectivités publiques.

Cette disposition législative a été contestée par une QPC, la partie la prétendant contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen qui protège le droit de propriété privée.

Le Conseil d'État a rendu un arrêt le 8 septembre 2014 de transmission de cette QPC au Conseil constitutionnel.

Par la décision du 14 novembre 2014, QPC, M. Alain L., le Conseil constitutionnel considère en premier lieu que "la possibilité de refuser l'autorisation d'exportation assure la réalisation de l'objectif d'intérêt général de maintien sur le territoire national des objets présentant un intérêt national d'histoire ou d'art". Mais il ajoute immédiatement en second lieu que la privation de propriété "n'est pas nécessairement pour atteindre un tel objectif".

Le système consistant à imposer une acquisition forcée par une personne publique, alors que le dispositif pour empêcher l'oeuvre de sortir du territoire avait déjà fonctionné, instaure "une privation de propriété sans fixer les critères établissant une nécessité publique".

La disposition législative est donc contraire à la Constitution.

13 novembre 2014

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Rouyère, A., Le concept de régulation en droit, in Vila, J.-B., (dir.), Régulation et jeux d'argent et de hasard, coll. " Droit et Économie", LGDJ - Lextenso éditions, 2018, p. 21-38.

 

 

 

Les étudiants de Sciences-Po peuvent consulter l'article via le Drive, dossier "MAFR - Regulation & Compliance"

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15 octobre 2014

Publications

Référence complète FRISON-ROCHE, M.-A., La concurrence, objectif adjacent dans la régulation de l'énergie, in BEHAR-TOUCHARS, Martine, CHARBIT, Nicolas et AMARO, Rafael (dir.), À quoi sert la concurrence ?, Paris, oct. 2014, p.423-428.

 

Le droit économique se concevant d'une façon instrumentale, il se dessine et s'apprécie à partir des buts qu'il sert et poursuit.

L'instrument juridique est utilisé pour sa puissance normative dans le secteur de l'énergie. Il l'est parfois dans l'objectif de la concurrence, mais celui-ci est difficile à atteindre, comme le montre la force d'inertie des systèmes nationaux.

Cela peut paraître contrariant mais fondamentalement la concurrence n'est pas l'objectif principal du secteur de l'énergie. La concurrence n'en est pas exclue : elle est son objectif adjacent.

Ainsi, lorsque la concurrence permet au consommateur de plus aisément bénéficier du bien commun, elle est bienvenue. Lorsque la concurrence fait s'articuler à la fois la protection de l'environnement, le souci de l'eau, la construction du lien social, l'autonomie à long terme, la sécurité, elle est de droit. Mais lorsqu'elle ne concrétise pas spontanément ces objectifs, elle n'est pas première.

La concurrence ne peut alors que venir en soutènement du droit de la régulation, y compris dans la dimension politique de celui-ci. C'est alors aux États ou aux politiques de l'Union européenne de prendre le pas sur une application mécanique et neutre de l'ajustement des offres et des demandes.

Lire l'article.

Lire le working paper sur lequel l'article s'appuie et dans lequel les références techniques sont disponibles.

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16 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le droit n'est pas une technique neutre. Sa valeur tient dans ce qu'il n'est pas disponible à la force, quelle que forme que prenne cette forme, physique, politique ou économique. Mais la première valeur du droit est d'affirmer sa neutralité par rapport à des valeurs qu'il considère comme du cercle des individus, comme l'est aujourd'hui la religion. Ainsi, à la fois l'Etat est laïc, mais il protège dans le même les libertés religieuses.

Dans le même esprit, le droit tout à la fois ne s'immisce pas dans les choix individuels et n'impose pas des convictions aux individus, tandis qu'il assure l'effectivité de la vie privée ou la liberté d'expression, les libertés étant premières par rapport aux droits fondamentaux, mais à un moment cette valeur de neutralité et de tolérance s'arrête devant l'ordre public.

Pourtant, le droit est imprégné de valeurs. Tout d'abord, intrinsèquement, le droit a de la "valeur", non seulement économiquement parlant s'il est "performant", mais également parce qu'il est construit sur des valeurs qui lui sont propres, comme les droits de la défense, le droit au juge, ou d'une façon tautologique, le "droit au droit". Il est aussi perméable à des valeurs extrinsèques, comme des valeurs morales, des valeurs sociales, des valeurs économiques.

L'évolution de notre société fait que l'on semble prôner le relativisme des premières, la considération des deuxièmes et la suprématie des troisièmes.

Pour accéder aux slides.

Pour lire le plan.

 

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- Un algorithme peut-il être "loyal" ?

8 septembre 2014

Publications

Le 26 août 2014, la commission d'instruction de la Cour de justice de la République a mis en examen Madame Christine Lagarde. Le texte utilisé pour y procéder est l'article 432-16 du Code pénal qui permet de reprocher, au titre de faute pénale, la "négligence" d'un dépositaire de l'autorité publique qui a permis à un tiers de détourner des fonds publics.

Le comportement de Madame Christine Lagarde est celui qu'elle a eu lorsqu'elle était alors Ministre des Finances et de l'Économie, en décidant de recourir à l'arbitrage pour trouver une issue aux multiples contentieux opposant indirectement l'État et le groupe Bernard Tapie, puis en décidant de ne pas former un appel-nullité contre la sentence arbitrale de 2008.

Cette mise en examen est une atteinte à la séparation des pouvoirs, qui est un principe constitutionnel majeur, visé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui rappelle que sans ce principe "il n'y a point de Constitution".

Il s'agit d'une mise sous tutelle du Politique par les magistrats. En effet , un ministre, parce qu’il est ministre et non pas administrateur, doit pouvoir décider. Doit pouvoir ne pas suivre l’opinion de son administration.

Ne pas l'admettre, c'est de la part des magistrats non seulement ne pas suivre toute la jurisprudence mais encore violer le coeur de la Constitution française.

[23 juillet 2014]

Blog

Le New-York Department of Financial Services a proposé au Gouverneur de l'Etat de New-York le 23 juillet 2014 un "plan de régulation" comprenant différents textes visant toute entreprise utilisant de la monnaie virtuelle (bitcoin) sur l'Etat de New-York.

Désormais, une telle entreprise ne pourrait y avoir recours qu'après avoir obtenu de ce Régulateur bancaire étatique une licence ad hoc (bitlicense).

Ici, d'une part le régulateur bancaire prend le pas sur le régulateur des jeux, tant il est vrai que la monnaie est utilisée à d'autres activités et d'autre part la régulation s'établit ex ante au niveau étatique et non pas au niveau fédéral

24 juillet 2014

Publications

Référence complète : Frison-Roche, Marie-Anne, Réguler les entreprises cruciales, D., Chron.,2014, p. 1556-1563.

Cet article a été republié dans la Revue brésilienne Revista de Direito mercantil industrial, econônico e financeiro.

Cet article s'appuie sur un Working Paper sur "L'entreprise régulée", qui lui-même a été conçu pour une intervention sur le colloque qui s'est tenu au Collège de France sous la direction d'Alain Supiot sur Actualité de l''entreprise

A première vue, on ne régule que les espaces et l’État n’a pas à pénétrer les entreprises.

Mais l’impératif s’inverse lorsqu’une entreprise absorbe l’espace tout entier, ou lorsqu’elle en a le projet, comme dans le cas

Google. L’entreprise cruciale est négativement celle dont la défaillance entraîne l’effondrement du système; l’entreprise est positivement cruciale si à travers elle le secteur est orienté vers des finalités au service de l’avenir du groupe social.

L’État est alors légitime à pénétrer l’entreprise, pour y faire entendre sa voix, parfois pour y exercer un pouvoir de décision car le dynamisme concurrentiel et le pouvoir de la propriété n’excluent pas la superposition du souci de l’avenir commun, que certains appellent l’intérêt général.

 

Accéder à l'article.

2 juin 2014

Publications

L’expression même d’« entreprise régulée » peut apparaître comme un contresens : on ne régule qu’un espace qui le requiert en raison de ses défaillances structurelles et non pas une entreprise qui développe ses activités sur celui-ci.

Mais à la réflexion, il faut parfois « réguler l’entreprise », nécessité qui s’imposera de plus en plus. Cela est impératif lorsqu’une entreprise absorbe l’espace tout entier, parce qu’elle est monopolistique ou parce qu’elle a pour projet de devenir le cœur d’un espace crucial, comme l’affirme Google, se présentant comme le futur cerveau mondial. D’une façon plus générale, il faut repérer les entreprises « cruciales », dont les banques ne sont qu’un exemple, et organiser, au-delà de la supervision, la régulation directe de telles entreprises.

Cette régulation des entreprises cruciales doit alors prendre la forme d’une présence de la puissance publique et du Politique à l’intérieur de l’entreprise elle-même, afin que l’État interfère dans les décisions dont le groupe social subit les conséquences.

La régulation peut aller au-delà de la « présence publique », pour prendre la forme du « pouvoir public », l’État décidant comme opérateur. Dans de telles conditions de crucialité, la neutralisation de « l’entreprise publique » par le droit de la concurrence doit cesser, l’entreprise publique devant être reconnue comme un instrument de régulation, en distance de la simplicité concurrentielle.

Accéder à l'article  publié par la suite en mars 2015.

21 octobre 2013

Conférences

A première vue, parce que l’Ordre est une structure qui existe pour concevoir et faire vivre une déontologie dont le socle est moral, alors que le droit de la concurrence, dont le principal gardien est la Commission européenne, est le gardien du marché concurrentiel, lieu d’ajustement des désirs des demandeurs, satisfaits par des offreurs qui recherchent leur profit, les Ordres sont du côté de l’État et s’opposent à l’Europe et au droit de la concurrence.

Mais c’est avoir courte vue.

Au contraire, les marchés ont besoin de confiance, surtout quand l’activité est risquée (risque sanitaire) et que le demandeur est en asymétrie d’information (patient). Dès lors, celui-ci doit pouvoir s’en remettre à celui qui lui offre une prestation. Il ne le peut qu’en tant que celui-ci est un "professionnel", garanti par l’Ordre, qui est source de confiance pour un marché, devenu plus puissant de ce fait. L’Ordre est en cela l’avenir des marchés de confiance.

Lire le programme.

Lire une synthèse opérée par les organisateurs et publiée dans la Revue de l'Ordre des chirurgiens-dentistes.

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 20 septembre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 4 octobre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

La première partie de la question des "espaces du droit" sera consacrée à leur perception à travers la géographie. Au-delà de l’espace français, sont examinés l’espace européen et l’espace mondial. L’espace virtuel semble une aporie en ce qu’il est un espace sans géographie pour le droit.

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 8 novembre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

Le système probatoire est construit sur la détermination de qui prouve, quoi prouver, comment prouver et quelle recevabilité s’impose aux moyens de preuve. Une fois exposé le système probatoire, peut être étudiée la quatrième question du droit : la personne. Est ici analysée son aptitude à être responsable, la responsabilité ayant pu être analysée comme ce par quoi l’être humain est hissé au niveau de la personnalité. L’on distingue la responsabilité pour faute et la responsabilité pour la garde d’une chose ou d’une personne. Jadis centré sur la personne du responsable, le droit se soucie désormais davantage des victimes.

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 25 octobre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

13 juin 2013

Interviews

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, L'État ne peut démettre seul le président d'Orange, Les Échos, p. 5, 13 juin 2013.

 

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