27 décembre 2023

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : M. Fabre-Magnan, "Critique de la convergence des responsabilités contractuelle et délictuelle. L'exemple du devoir de vigilance", in Mélanges en l'honneur du Professeur Loïc Cadiet, LexisNexis, 2023, pp. 547-561

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► Résumé de l'article : Après avoir rappelé les oppositions doctrinales entre les auteurs qui considèrent que la responsabilité civile délictuelle n’existerait pas et ne serait qu’une exécution par équivalent du contrat, et ceux qui au contraire sont partisans d’une assimilation des responsabilités civiles contractuelle et délictuelle, l'auteure s'attache à démontrer que les évolutions contemporaines du droit de la responsabilité nous orientent vers une confusion des responsabilités délictuelle et contractuelle, au détriment de la première. Cette extension du modèle de la responsabilité contractuelle à la responsabilité délictuelle est porteuse de 3 risques : une relativisation de la responsabilité délictuelle, une limitation de la réparation aux dommages prévisibles et une réduction de cette responsabilité à l’exécution d’obligations déterminées. 

Pour illustrer ce phénomène, l’auteure prend l’exemple fil rouge du devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d'ordre, dont le régime de responsabilité, ou du moins les analyses qui en sont faites, sont particulièrement révélateurs de ce mouvement. 

À ce titre, l’auteure pointe le risque de confusion qui existe entre l’obligation générale de prudence et de diligence découlant des articles 1240 et 1241 du Code civil et les autres devoirs et obligations spéciaux, dont le devoir de vigilance fait partie. Elle met en avant l’importance de bien distinguer entre ce qui est spécial et ce qui est général, ce qui l’amène à réaffirmer une distinction entre des éléments souvent confondus : le devoir de vigilance, la diligence et le duty of care britannique.

Elle critique également la logique qui consisterait à limiter l’action en responsabilité civile sur le fondement du devoir de vigilance au « bénéficiaire » de cette loi. Un tel raisonnement, de recherche d’un bénéficiaire dont les intérêts seraient protégés par un texte et qui de fait aurait intérêt à agir en cas de violation de celui-ci, n’est pas d’essence délictuelle mais contractuelle et ne devrait pas s’appliquer ici. Elle estime que tout manquement à ce devoir spécial devrait permettre à toute personne qui y a intérêt d’agir sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.

L’auteure constate par ailleurs une tendance à limiter la réparation du dommage, dans le cadre de la responsabilité civile délictuelle, au dommage qui serait prévisible, comme en matière de responsabilité civile contractuelle. Elle relève également la montée en puissance contemporaine de la prévention des dommages et d’une responsabilité ex ante. Elle met en garde sur le fait que si ce mouvement est heureux, il ne doit pas conduire à limiter la responsabilité civile délictuelle classique. Par exemple, en matière de vigilance, elle estime que le respect par l’entreprise des obligations ex ante de détection et prévention des dommages qui lui incombent au titre de la loi de 2017 ne doivent pas constituer une cause d’exonération lui permettant d’échapper à une action en responsabilité civile délictuelle (fondée sur une faute autre que l’élaboration et la mise en oeuvre du plan) en cas de réalisation effective d’un dommage.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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