May 21, 2009

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Publication : participation dans une publication juridique collective

Le droit est-il un outil ou un obstacle à la régulation des infrastructures essentielles ? in Economie et droit de la régulation des infrastructures

by Marie-Anne Frison-Roche

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Le droit est-il un outil ou un obstacle à la régulation des infrastructures essentielles ? in Economie et droit de la régulation des infrastructures. Perspectives des pays en voie de développement, Banque Mondiale / Chaire régulation, coll. Droit et Economie, LGDJ, Paris, 2008, p. 37-49.

La Banque mondiale a montré que le développement économique des pays est lié à son développement juridique. Cela est aussi vrai pour les réseaux d'infrastructures, qui ne dépendent pas seulement des politiques publiques, mais encore du droit car il s'agit de biens essentiels pour lesquels il faut avoir un droit d'accès. Mais les pays en voie de développement souffrent d'une immaturité juridictionnelle car ils ne disposent pas d'une organisation juridictionnelle fiable et impartiale, alors que le droit a besoin d'un juge. On peut songer à deux pistes de solution : soit un tribunal internalisé dans le régulateur, sur le modèle de l'OMC, soit des pouvoirs et des taches de régulation confiées aux gestionnaires de réseau en ce qu'ils sont des "opérateurs cruciaux".

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Le développement économique d'un pays est lié à son évolution juridique et à la maturité de son droit. C'est une idée relativement nouvelle car on associait naguère davantage le développement économique et le développement politique à travers les politiques nationales que l'on souhaitait menées par des gouvernements non corrompus. C'est la Banque mondiale qui, par les rapports doing business, dont certes la méthodologie peut être contestée, a lié développement économique et microéconomie, faisant ainsi entrer dans la perspective de développement d'un pays le développement des règles de son droit.

Si l'on articule les deux déploiements, économique et juridique, l'Etat de droit deviendrait un passage obligé pour les pays, même ceux qui ne dépendent pas de leur commerce extérieur. En outre, le système juridique de référence qui s'imposerait serait sans doute le modèle occidental et par exemple pas le modèle africain.

Si l'on n'entre pas dans une problématique si large et si difficile et que l'on se limite à la question des infrastructures, on peut se demander si le droit est nécessaire à la régulation de tels réseaux. Dans un tel cas, l'exigence de droit peut alors constituer une difficulté lorsque les pays concernés présentent une immaturité juridique.

Sur le fonds, il existe un lien entre la régulation des réseaux d'infrastructures et le droit à travers la notion même de droit de la régulation qui fait le lien entre le marché et des organisations de type public mais impartiales et internalisées qui assurent les équilibres nécessaires. Ainsi, des Autorités de régulation, au besoin internationales, peuvent être une solution en cas de réseaux transnationaux alors qu'existent des difficultés de frontières et des Etats totalitaires ou corrompus.

En outre, le droit de la régulation est une nouvelle branche du droit, qui dépasse la distinction entre le droit public et le droit privé et prend appui directement sur les objets techniques sur lesquels il porte, notamment les réseaux (contenant) et les choses transportées (contenu), par exemple le gaz ou le fret.

En outre, la prévalence de l'objet, considéré comme un bien essentiel, et le souci primordial de l'accès, à travers notamment la théorie des facilités essentielles, montre que le droit de la régulation est l'outil parfaitement adéquat pour les réseaux d'infrastructures. 

Mais la difficulté fondamentale vient de l'immaturité juridique des pays en voie de développement dans lesquels il s'agit de construire et d'entretenir de tels réseaux. En effet, même s'il est vrai que le droit de la régulation prend souvent appui sur de la réglementation, se caractérisant par des interventions ex ante, il s'appuie aussi nécessairement sur un système juridictionnalisé, qu'il s'agisse de cours ordinaires ou de régulateurs. Or, de nombreux pays manquent de systèmes juridictionnels construits, fiables et impartiaux.

Alors que la Banque mondiale, dans ses rapports doing business, n'y accorde pas d'importance, le droit ne peut pas vivre sans tribunaux, eux-mêmes définis par leur fiabilité, leur accessibilité et leur impartialité. Si cela manque, et c'est le cas, la régulation ne peut plus être efficace.

Il faut donc ne pas en rester à cette aporie, sur laquelle nous laisse en réalité la Banque mondiale. Une piste nous est peut-être donnée par le modèle de l'Organisation mondiale du commerce, en ce que, indépendamment d'un Etat mondial celui-ci a construit en son sein un véritable tribunal (l'organe de règlement des différents) devant lequel les parties prenantes peuvent venir demander protection pour que le droit soit appliqué à leur bénéfice. Faute de système juridictionnel complet et disponible parce que faute d'un Etat impartial on pourrait construire une telle juridiction complètement internalisée dans le régulateur.

Une autre piste pourrait consister à davantage s'appuyer sur les opérateurs, en prenant un peu distance avec la distinction constituante entre régulateur et opérateur. En effet, en matière d'infrastructure, le gestionnaire du réseau a un rôle déterminant sur le secteur et de fait, ces gestionnaires se sont mis en réseau pour pouvoir intervenir en cas de difficulté, sur l'ensemble du secteur, voire sur d'autres pays. En cela, ce sont des [opérateurs cruciaux.

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