30 avril 2024

Interviews

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "GPA : "Il faut cesser de passer la femme par pertes et profits"", entretien avec Olivia Dufour, Actu-Juridique, 30 avril 2024

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💬lire l'entretien

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► Présentation de l'entretien par le journal : "Le 23 avril 2024, les députés européens ont adopté une loi élargissant le champ d’application des mesures actuelles pour combattre et prévenir la traite des êtres humains et mieux soutenir ses victimes, par 563 voix pour, 7 contre et 17 abstentions. La maternité de substitution, ou GPA, entre désormais dans le champ de la traite des êtres humains. Mais depuis quelques jours, la polémique fait rage. Le nouveau texte réprime-t-il uniquement la GPA contrainte organisée par une association criminelle, ou toute forme de GPA ? Nous avons demandé au professeur Marie-Anne Frison-Roche, auteur d’un ouvrage intitulé « GPA : dire Oui ou dire Non » publié chez Dalloz en 2018, de nous éclairer sur les enjeux attachés à cette question et sur la position de l’Europe.".

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🕴️M.-A. Frison-Roche, 📕GPA : dire Oui ou dire Non, 2018

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► Questions posées, réponses apportées : 

Actu Juridique. Question : La GPA est une pratique ancienne même si elle est longtemps restée marginale, qu’est-ce qui a changé et nécessite aujourd’hui l’attention des pouvoirs publics et du législateur ?  

Marie-Anne Frison-Roche. Réponse. : deux choses ont fait changé cette pratique. La première est la possibilité d'introduire dans le corps d'une femme les gamètes d'un homme et l'ovocyte d'une femme, ce qui permet à la réduire à n'être que "porteuse" et rendre ce service-là, qui est très demande. La seconde est la transformation du désir d'enfant, désir éternel et commun à beaucoup, en "droit à l'enfant". Ce droit à l'enfant demanderait à être concrétisé par tout moyen, au bénéfice de tout titulaire entravé ou non désireux de subir les inconvénients d'une grossesse. C'est ainsi que la pratique s'est développée. Le législateur est intervenu, suite à la jurisprudence, en déclarant, comme l'avait fait la Cour de cassation, cette pratique contraire à la dignité de l'être humain, sanctionnée par le Code civil comme le Code pénal.

 

A.J. Q. : Autrement dit, les innovations techniques couplées à l’émergence d’un sentiment de droit à l’enfant ont fait exploser la demande de maternité de substitution…

MaFR. R. : Oui. Mais encore faut-il qu'à cette demande corresponde une offre. Or il y a peu de femmes fertiles prêtes à porter des enfants pour autrui. Au désir d'avoir des enfants ne correspond pas un désir d'en porter pour autrui sans contrepartie. Le peu de femmes disposées à le faire sont d'ailleurs dans des pays éloignées des demandeurs. La pratique ne s'est développée que par le fait d'agences, très prospère, sur lesquelles tout repose. Sans cette intermédiation, vers l'Ukraine par exemple, la pratique n'aurait pu se propager.

 

A.J. Q. : L’Europe avait-elle déjà pris position sur la GPA et si oui, par quels textes et dans quel sens ?

MaFR. R. : En Europe, c'est la jurisprudence de la CEDH qui en 2014 (arrêts Mennesson) est venu briser la jurisprudence française pour imposer que la filiation de l'enfant né d'une GPA réalisée à l'étranger dans un pays où la GPA est licite puisse être établie à l'égard du père dont les gamètes avaient été utilisées. Il ne restait plus alors qu'à procéder à l'adoption par le conjoint de celui-ci. La législation interne ne fût pas pour autant modifiée mais le fonctionnement de l'état-civil permet de rendre inefficace la prohibition. Mais c'était à la fois dire Non et Oui... L'enjeu fût donc de modifier les textes, soit pour exclure la GPA plus fortement, soit pour l'admettre plus ouvertement.

 

A.J. Q. : Dans ce contexte, quelle nouveauté apporte le texte adopté par le Parlement européen le 23 avril dernier ?

MaFR. R. : Cela dépend de la façon dont on l'interprète. Quand le texte de la directive était discutée, nul ne contestait que son vote entrainerait la prohibition effective de la GPA sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne et le renforcement du fondement de cette prohibition en ce que la GPA constitue la traite d'être humain, la femme qui le porte et qui juridiquement demeure la mère puisqu'elle accouche de l'enfant, et cet enfant. Mais dès voté, le texte donne lieu à une autre interprétation, soutenue par certains. Il s'agirait de soutenir que la traite d'êtres humains n'est pas la "catégorie juridique" dans laquelle s'insère la GPA mais la "condition" à laquelle la GPA est sanctionnée : ainsi si la GPA se pratique sans "commerce" (la traite est un commerce), s'il n'a pas d'argent, s'il n'y a que de l'altruisme et du souci de l'autre, alors non seulement la GPA n'est pas sanctionnée, mais plus encore cette GPA dite "altruiste" devient légitime par le fait-même de cette directive ! La portée devient donc tout simplement opposée... Cela pourrait donner lieu à contentieux.

 

A.J. Q. : Dans l’ouvrage que vous avez consacré à la GPA en 2018 chez Lefebvre-Dalloz préfacé par Éliette Abécassis, vous montrez qu’on peut dire Oui ou Non à la GPA, mais qu’il faut répondre et surtout vous mettez en lumière les implications de ces choix. Pourquoi faut-il forcément répondre à cette question ?

MaFR. R. : Il faut répondre à cette question de l'admission ou de la prohibition de la GPA (dire Oui ou dire Non) parce que c'est une question de société. Ne pas y répondre, dire ni oui ni non, dire oui et non à la fois, c'est ne pas choisir la société quand laquelle nous voulons vivre.

 

A.J. Q. : Imaginons que l’on choisisse le Oui. Qu’implique-t-il sur les valeurs de la société et l’état du droit ?

MaFR. R. : Si l'on admet la licéité de la GPA, alors c'est la volonté des personnes impliquées qui fait naître l'enfant. L'accord entre la ou les personnes qui ont le projet d'enfant et la femme qui consent à porter l'enfant, l'agent ayant été l'intermédiateur. C'est la société du contrat, car l'Etat n'est rien, il n'est que le scribe qui recopie les stipulations sur l'état-civil. La filiation cesse d'être l'institution gardé par l'Etat par laquelle l'individu est ancré dans le groupe social. La filiation devient une affaire de vie privée. Cette société du contrat est de fait une société de marché. 

 

A.J. Q. : Et si l’on dit Non à la GPA, on le fait sur quel fondement et pourquoi ?

MaFR. R. : Si l'on maintient la prohibition de la GPA et qu'on cherche son effectivité, notamment en agissant contre les agences, l'on se réfère à une société où l'Etat à travers l'ordre public veille sur les êtres humains et où le Droit contrôle les puissance et protège les femmes.

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8 mai 2019

Interviews

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Interview in Guerre larvée autour de la GPA, entretien avec Agnès Laurent in le dossier de L'Express, n° 3540, mai 2019, pp. 42-43.

 

Résumé par le Magazine :

Légaliser la gestation pour autrui n'est pas d'actualité en France. Mais partisans et opposants ferraillent pour faire pencher l'opinion publique de leur côté. Deux positions irréconciliables, où tous les coups sont permis.

Lire l'entretien.

28 novembre 2018

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-RocheGPA : dire Oui ou dire Non, avec la collaboration de Christophe Hambura et Alexandre Köhler, préface d'Éliette Abécassis, Dalloz, novembre 2018, 161 p.

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► Présentation générale de l'ouvrage : Les situations juridiques de GPA et les différents droits applicables sont souvent présentés comme « complexes ». C'est faux. Il s'agit toujours d'une femme qui « consent » à porter un enfant pour le donner à la naissance à ceux qui ont commandé sa venue au monde. Face à ce fait simple, le Droit choisit soit d'instituer un lien de filiation entre la femme et l'enfant soit de l'instituer entre l'enfant et ceux qui l'ont désiré. Dans le premier cas, c'est la maternité qui fait la filiation, dans le second cas c'est le pur désir d'enfant. Dans le premier cas, les entreprises sont exclues car on ne peut vendre le lien de maternité, dans le second cas elles sont centrales car on paye pour concrétiser son désir d'enfant. Le choix est aujourd'hui ouvert. C'est un choix de société.                                                  
Les États-Unis et l'Europe sont souvent présentés comme ayant fait les mêmes choix. C'est faux. La Californie a fait le choix du désir d'enfant, servi par le consentement, l'argent et le contrat. L'Europe s'y refuse : pour protéger les êtres humains, lois et juges ne scindent pas le corps des femmes et des enfants de la notion de « personne ».
Comment et jusqu'à quand ?

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📕consulter la table des matières 

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📝lire l'article d'introduction de Marie-Anne Frison-Roche

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🚧lire le document de travail ayant servi de base à la partie de l'ouvrage rédigée par Marie-Anne Frison-Roche, enrichie dans sa version numérique par des notes de bas de page, des références techniques et de liens hypertextes

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27 juin 2018

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : S.Renoux, Th., Mater semper certa est : brèves réfléxions sur la gestation pour autrui et le principe d'égalité, in  Mélanges en l'honneur de Frédéric Sudre, Les droits de l'homme à la croisée des droits, LexisNexis, 2018, pp. 633-643.

 

 

Lire une présentation générale de l'ouvrage.

 

 

 

Les étudiants de Sciences-Po peuvent consulter l'article via le Drive, dossier "MAFR- Régulation & Compliance".

 

16 avril 2016

Blog

Pour que le commerce des mères et des enfants devienne l'ordinaire, pour que la fabrication industrielles des enfants sur commande se mette en place,  que leurs mères les remettent à la naissance à ceux qui ont payé pour cela sans que plus personne ne disent rien, il faut imposer une chose : la disparition des mères.

C'est en marche.

Les mères sont en train de disparaître.

Cela n'est pas facile. Pour deux raisons.

En premier lieu, parce que la dégradation des femmes, la dégradation de ces êtres humains en purs et simples moyens de satisfaction du "désir d'être parent" d'êtres humains est difficile à accepter. 

En second lieu, parce que depuis toujours, les enfants ont été engendrés par leur mère. Même si elles abandonnent à leur naissance, ils ont une mère. Le Code civil organise l'accouchement sous X mais l'enfant n'est pas "sans mère". La mère peut être "inconnue", voire masquée de par sa volonté, mais l'enfant a une mère. Pour développer sans aucune entrave l'industrie des enfants, les entreprises martèlent avec douceur que les  enfants sont engendrés par des femmes "gestatrices" qui ne soient pas leurs mères. C'est une rupture anthropologique totale.

Pourquoi l'opérer ?

Pour l'argent.

La fabrication industrielle des enfants, fabriqués à la demande selon les indications précisées par celui qui en veut un, enfants délivrés dans le nombre voulu à la personne qui le requiert, quelque que soit la situation de celui qui a manifesté sa volonté d'être parenté (homme ou femme, seul ou non, jeune ou vieux, etc.), voilà l'industrie de l'avenir : l'industrie dans laquelle l'humain est la matière première. Comme celle-ci peut être produite sans fin, par l'engendrement industriel à base de collecte d'ovocytes et de ventes disponibles, l'argent va couler à flot.

Pour cela, il faut casser les "tabous". Un tabou est un Non. Et les Non, les entreprises veulent les éliminer, elles qui vendent du "toujours possibles". Mais les tabous sont gardés  par le Droit.

Le tabou premier et ultime, c'est le tabou de l'inceste.

Comment les entreprises peuvent faire tomber la prohibition de l'inceste, afin d'arriver dans un monde où "tout serait possible", contre les honoraires à la hauteur du désir de la prestation convoitée, un monde où seule règnerait la "Loi du Désir" dont le droit ne serait plus que la forme d'effectivité, c'est-à-dire un monde dont la seule substance serait la Loi du Marché !footnote-488 ?

Surtout pas en affrontant le Législateur, qui garde les règles fondamentales blocant les volontés particulières, notamment par l'ordre public!footnote-489. Pour le submerger en douceur, il est efficace de faire parler les "innocents", car l'innocence est l'arme sophistique des entreprises, l'innocence des nouveaux-nés - qui ne peuvent "mal vouloir" et désormais l'innocence de ceux qui recourent à la GPA entre frère et sœur.

Mesurez comme cela est bien fait. Pas de grands mots, pas de concepts, pas de principes, que des jolies histoires de bonheurs et de joies. Par exemple, un homme raconte donc en janvier 2016 l'extraordinaire aventure par laquelle sa sœur lui a offert son enfant.

Lire ci-dessous l'analyse de ce récit et sa confrontation à la réalité d'un enfant engendré par un frère et sa sœur,  conduisant à une revendication logique à l'effacement de la mère sauf au Droit à nier la prohibition de l'inceste.

27 octobre 2014

Publications

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Une famille à sa main, in La famille en mutation, Archives de Philosophie du droit, Tome 57, Dalloz, 2014, p.249-265.

Lire l'article.

Lire le working paper sur la base l'article a été rédigé.

La famille est construite sur une idée de base qui est si puissante que le droit s'agence autour d'elle. Mais si le paradigme change, alors toutes les règles changent, avec la force de l'évidence.

Or, dans les années 1970, nous avons changé de paradigme. Antérieurement, pendant des millénaires, l'idée de base a été que la famille est un groupe. Selon le temps ou la période, le groupe a varié dans ses contours, les places attribuées et les pouvoirs conférés aux différents membres, mais l'idée de groupe était acquise. La famille comme groupe s'insérait dans le groupe social, gardé par l'État.

A partir des années 1970, la famille devient le projet élaboré par une personne libre et autonome. Ce projet conçu par une personne désirant construire la famille qui lui convient se concrétise par la rencontre que l'individu fait d'autres individus dont le projet de famille croise le sien. En naissent des familles sur-mesure et poreuse, où chacun entre et sort, suivant les fluctuations des affections, grâce à l'instrument contractuel. Cet ajustement des désirs correspond au modèle du marché. Concrètement le marché de la famille idéale pourvoit à la satisfaction de divers projets tous légitimes puisque voulus. Le lien en est l'affection, le centre en est l'enfant. Le marché offre des prestations nouvelles, que sont le conjoint idéal et plus encore l'enfant idéal, devenu joyau.

L'idée de marché a triomphé.

20 juillet 2014

Interviews

Cet article paru dans la presse générale est rédigé par une journaliste.

Référence complète : INCHAUPSÉ, Irène, L'Europe crée une situation ubuesque pour la GPA en France, L'opinion, 20 juillet 2014.

Lire l'article.

Il manifeste l'inquiétude que l'on peut avoir face aux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'Homme le 26 juin 2014, condamnant la France en matière de contrat de mère-porteuse (dit "contrat de gestation pour autrui").

 

 

26 juin 2014

Base Documentaire : 05.1. CEDH

Le droit français a posé, d'abord par sa jurisprudence depuis 1991 et par des arrêts ultérieurs, la nullité absolue des contrats de mère-porteuse, puis par la loi, à travers l'article 16-7 du Code civil. Cette nullité absolue interdit aux français qui y ont néanmoins recours de demander à l’État français de transcrire une filiation de l'enfant par rapport à eux, que le contrat se déroule sous l'empire du droit français ou sous l'empire d'un droit étranger.

C'est pourquoi deux couples se sont butés à un tel refus, après avoir obtenu un enfant grâce à un tel contrat dit de "gestation pour autrui", le fait que ce contrat se soit déroulé à l'étranger, dans les deux espères aux États-Unis ne changeant pas le caractère frauduleux du processus et la violation à l'ordre public international qu'il constitue.

Les couples ont saisi la Cour européenne des droits de l'Homme contre la France sur le fondement de l'article 8 de la Convention, qui pose le droit pour chacun de voir respecter sa vie privée, affirmant que leur vie privée était violée, ainsi que celle de l'enfant.

Les deux arrêts de section ont condamné la France, estimant que le droit à la vie privée de l'enfant avait été méconnu, en ce qu'il comprend un "droit à l'identité", lequel implique le droit de voir retranscrit sur l'état civil français son lien de filiation à l'égard de celui-ci avec lequel il a un "lien biologique" (le père), quand bien même le droit national interdit la convention de GPA, ce qu'il est par ailleurs légitime à faire.

 

Lire l'arrêt Mennesson c/France.

Lire l'arrêt Labassée c/France.

Lire le communiqué de presse de la Cour.

27 février 2010

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Pande, A. "Commercial surrogacy in India: Manufacturing a perfect mother-worker", Signs: Journal of Women in Culture and Society, 2010, 35(4), pp. 969-992.

 

Les étudiants de Sciences-Po peuvent consulter l'article via le Drive, dossier "Bibliographie_Maternité de Substitution".