12 août 2022

Compliance : sur le vif

📧Quels sont les points de contact entre la Raison d'ĂȘtre des entreprises et le Droit de la Compliance ?

par Marie-Anne Frison-Roche

 

🔮Dans l'ouvrage disponible au 1ier septembre 2022 sur 📕𝑳𝒆𝒔 đ‘©đ’–đ’•đ’” 𝑮𝒐𝒏𝒖𝒎𝒆𝒏𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒅𝒆 𝒍𝒂 đ‘Ș𝒐𝒎𝒑𝒍𝒊𝒂𝒏𝒄𝒆, paraissant dans la collection RĂ©gulations & Compliance coĂ©ditĂ©e par le Journal of Regulation & Compliance et Dalloz, qu'en est-il des points de contacts avec la raison d'ĂȘtre des entreprises ?

Et s'il y a de tels points de contacts, ce dont on pourrait se réjouir, que reste-t-il alors du Droit classique des sociétés, qui semble construit sur de tout autres bases ?

Le Droit de la Compliance, comme le fßt le Droit financier, renouvelant alors complétement le Droit des sociétés, parce qu'il y intÚgre les Buts Monumentaux par lesquels il se définit.

🔮𝒎𝒂𝒇𝒓, 📝 Les Buts Monumentaux, cƓur battant du Droit de la Compliance, 2022

C'est Ă  ce triangle de questions, Bermudes pour lequel il faut du courage, que s'est attaquĂ©e Anne-valĂ©rie Le Fur dans sa remarquable contribution Ă  l'ouvrage : 📝 IntĂ©rĂȘt et raison d’ĂȘtre de l’entreprise : quelle articulation avec les buts monumentaux de la compliance ?

Elle y analyse la façon dont le Droit de la Compliance renouvelle le Droit des sociĂ©tĂ©s en lui donnant une cohĂ©rence nouvelle, notamment par rapport Ă  l'impĂ©ratif de "gouvernance", notion relativement peu juridique, et Ă  la notion de "raison d'ĂȘtre" que la loi dite Pacte a fait plus nettement entrer dans l'Ordre juridique.

Comme le rĂ©sume l'auteur, la question ouverte est celle de savoir si "les sociĂ©tĂ©s auraient une Ăąme...", le lĂ©gislateur le pensant puisque la loi dite Pacte du 22 mai 2019 oblige les dirigeants Ă  agir dans un intĂ©rĂȘt social, englobant autrui et permet aux sociĂ©tĂ©s de se doter d'une raison d'ĂȘtre. Quant au droit de la compliance, il compte sur les entreprises pour sauver le monde de la corruption, de l’esclavage, du terrorisme, du rĂ©chauffement climatique
, pour atteindre ainsi des buts monumentaux.

L'auteur montre que de prime abord, les contours de l’intĂ©rĂȘt social et de la raison d’ĂȘtre ne sont guĂšre Ă©loignĂ©s des đ‘©đ’–đ’•đ’” 𝑮𝒐𝒏𝒖𝒎𝒆𝒏𝒕𝒂𝒖𝒙 𝒅𝒆 𝒍𝒂 đ‘Ș𝒐𝒎𝒑𝒍𝒊𝒂𝒏𝒄𝒆. GuĂšre surprenant, puisque l’objectif qui a prĂ©sidĂ© Ă  leur introduction dans le Code civil est le mĂȘme que celui sous-jacent au droit de la compliance : repenser la place de l’entreprise dans la sociĂ©tĂ©, en affirmant des valeurs ou des prĂ©occupations de long terme. VoilĂ  donc une raison de faire appel Ă  ces notions du droit des sociĂ©tĂ©s dans le cadre d’une radioscopie de la notion mĂȘme de buts monumentaux.

 

Or, une premiĂšre approche, comparative, s’avĂšre dĂ©cevante. Les divergences entre les notions sociĂ©taires et la compliance conduisent Ă  considĂ©rer que le droit des sociĂ©tĂ©s n’a pas vocation Ă  imposer autre chose qu’un ordre public sociĂ©taire. Notions plus philosophiques que juridiques, intĂ©rĂȘt social et raison d’ĂȘtre se voient attribuer des fonctions qui limitent leur portĂ©e. L’impĂ©rativitĂ© des rĂšgles sociĂ©taires, et c’est une consĂ©quence de ce qui prĂ©cĂšde, n’est pas comparable avec celle de la compliance : incertaine, elle est Ă©galement relative lorsque qu’on la compare avec la « violence Â» des rĂšgles de compliance. L’impact des notions d’intĂ©rĂȘt social et de raison d’ĂȘtre reste donc principalement interne Ă  la sociĂ©tĂ©.

 

Mais l'autre montre que selon une seconde approche, il n’est pas exclu qu’intĂ©rĂȘt social et raison d’ĂȘtre- autorisent une meilleure apprĂ©hension de valeurs supĂ©rieures et universelles par le droit des sociĂ©tĂ©s. L’intĂ©rĂȘt social peut intĂ©grer les buts monumentaux de la compliance tandis que la raison d’ĂȘtre peut constituer une perspective de rĂ©alisation de ces buts.

L’enjeu n’est pas des moindres : lorsque l’intĂ©rĂȘt de la sociĂ©tĂ©, en tant que personne morale et agent Ă©conomique autonome, rejoint les buts monumentaux, on dĂ©multiplie les moyens d’atteindre ceux-ci en les internalisant dans toutes les sociĂ©tĂ©s, et pas seulement celles de grande taille. Reste qu’en dĂ©pit de toutes les bonnes intentions, une sociĂ©tĂ© n'est gouvernable que si la boussole ne devient pas une girouette insaisissable et indĂ©cise ; en d’autres termes, si la sĂ©curitĂ© juridique est respectĂ©e. C’est pourquoi, un ordonnancement juridique des notions en prĂ©sence s’impose, ce qui conduit in fine Ă  suggĂ©rer leur domaine, leur contenu et leur portĂ©e.  

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Cet article pose une question générale à propos du Droit de la Compliance : celui-ci a un effet indéniablement perturbant, éventuellement destructeur. L'auteur le montre parfaitement pour le Droit des sociétés. Comme elle le conclut, si on ne connait pas d'une façon nette et claire le but d'une telle perturbation, alors cela justifie une critique, parce que la force apportée ne sera pas "créatrice", pour reprendre ce concept et l'image utilisée de la "girouette" plutÎt que de la "boussole" est pleinement justifiée.

Ce qui est ici démontré pour le Droit des sociétés s'applique aussi pour le Droit pénal ou pour le Droit international public (branches du Droit également examinées dans l'ouvrage).

L'enjeu pratique est donc bien celui de fixer clairement et simplement une telle boussole, avant tout constituĂ©e par une dĂ©finition simple et substantielle du Droit de la Compliance : 🔮𝒎𝒂𝒇𝒓, 📝Le Droit de la Compliance, 2016.

 

 

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