15 août 2025

Publications

document de travail servant de base à un article dans des Mélanges pour une amie

🚧La part du gracieux dans le traitement juridictionnel de la compliance

par Marie-Anne Frison-Roche

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 Référence complète : M.-A. Frison-RocheLa part du gracieux dans le traitement juridictionnel de la compliance, document de travail, août 2025.

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📗Ce document de travail a été élaboré pour constituer une contribution aux Mélanges offerts à Dominique d'Ambra remis et publiés en octobre 2026.

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 Résumé du document de travail : Partant de la définition de l'office juridictionnel, des principes procéduraux qui en découlent et des pouvoirs que le juge exerce en conséquence, l'objet de cette étude est de mesurer la part de gracieux qui existe dans le traitement juridictionnel de la compliance. Elle est quasiment ignorée, alors qu'on devrait lui donner la première place. En effet, parce que des systèmes sont impliqués dans les cas de compliance portés devant le juge civil ou commercial, on assiste à un développement de cette part gracieuse. En effet, la matière gracieuse se distingue des procédures gracieuses unilatérales et cette part gracieuse tient à ce qu'examine le juge, éventuellement à l'occasion d'un litige.

La première partie de la contribution vise donc à décrire le développement naturel de la part gracieuse de l'office du juge pour appréhender les cas de compliance qui lui sont soumis. Cette part résulte du fait que, même déclenchés par un litige, ce qui est soumis au juge est une situation composée par un système, lequel ne peut pas défendre devant le juge civil ou commercial ses intérêts dans ce contentieux systémique issu de la nature même du Droit de la compliance et des obligations de compliance qu'il engendre. Plus encore, c'est le futur dont les intérêts doivent être considérés et protégés, ce que le juge doit faire directement.

Il en découle la seconde partie de la contribution, invitant à repenser la procédure et l'office du juge de la compliance, pour que la matière gracieuse y trouve sa part. Le juge doit ainsi vérifier qu'il n'y a pas de conflits d'intérêts dans la personne des litigants, y compris dissimulés et doit apprendre à connaître les systèmes impliqués. Le principe inquisitoire doit donc s'accroître. Mais en même temps, comme il s'agit avant tout non pas de trancher un litige mais de régler une situation systémique, le juge doit faciliter les mouvements des parties, le principe accusatoire doit lui-aussi monter en puissance. Cette activation d'une démarche gracieuse puissance, non pas comme une exception mais comme un principe plein en articulation avec un principe contentieux, le litige n'étant qu'un accès manié par des parties nécessaires pour permettre à des situations systémiques de compliance d'être réglées, doit être favorisée.

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🔓lire le document de travail ci-dessous⤵️

1. Le gout pour la procédure🙏🏻Le goût pour la procédure nous est commun. Il est profond et ancien, puisque Dominique d'Ambra et moi-même avons appris la procédure civile avec  le professeur Jean Foyer, comme nous avons appris la même année le Droit processuel grâce à l'enseignement dispensé par Pierre Raynaud📎!footnote-4632, dont c'était le dernier cours. Nous avons gardé en tête les cours de l'un et de l'autre. Celui que Jean Foyer offrit cette année-là portait sur La juridiction gracieuse. Il expliqua si bien à partir du Droit romain l'office gracieux du juge. Il montra qu'on le retrouve intact lorsque, ce n'est qu'un exemple, des adultes viennent solliciter l'imperium du juge afin qu'il prononce l'adoption par eux de l'enfant. Le juge  exerçe ainsi le pouvoir que lui a conféré l'État par la loi, créant entre l'enfant et ceux qui deviennent ses parents par la puissance institutionnelle du Droit ce lien de filiation que le désir et le projet d'enfant, la volonté individuelle et le marché ne peuvent pas créer📎!footnote-4727. Le Juge est ainsi gardien des institutions et de la légalité📎!footnote-4668. Est-ce pourtant la mission du juge ? Dominique d'Ambra consacra plusieurs années à élaborer une thèse dont le titre est L'objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges📎!footnote-4705.

Le titre même semble exclure ce gracieux par lequel le juge contrôle, institue, remet, reporte, donne, apaise, élabore une solution, ôte le venin d'une non-conformité à une norme juridique, tout cela sans trancher de dispute ni parfois même dire le droit. Avions-nous donc mal écouté notre maitre qui exposa le principe même de la juridiction gracieuse ? Heureusement, Dominiquee conserva place dans sa thèse qui fait aujourd'hui référence pour que la notion et la nature de juridiction gracieuse s'y épanouissent📎!footnote-4706. En effet, le juge, parfois dans la même journée, parfois pour mieux traiter la même situation, exerce un office contentieux et un office gracieux. Lorsque plus tard nous écrivâmes un article confrontant le Droit des procédures collectives et la technique du Droit de la régulation bancaire par laquelle les autorités résolvent les difficultés d'une banque afin de préserver la solidité du système bancaire, nous avons mesuré à quel point le Droit de la régulation pouvait changer les procédures📎!footnote-4709. Or, l'office du juge sur la situation d'une entreprise en difficulté relève en grande partie de la matière gracieuse.

En mêlant ces deux souvenirs-là, il apparaît que ce que les procédures classiques, le plus souvent en matière civile, recèle de matière gracieuse, peuvent aussi techniquement trouver à s'appliquer dans leur logique et leur adéquation à cette branche du Droit nouvelle qui prolonge aujourd'hui le Droit de la régulation📎!footnote-4708, à savoir le Droit de la compliance📎!footnote-4707. Cela est en train de se traduire dans le contentieux d'un type nouveau, de nature systémique, auquel l'obligation de compliance donne lieu et dont la part du gracieux doit être reconnue. 

 

2. Trancher, forcément trancher.... 🙏🏻Pourtant la justice n'est pas racontée ainsi. Le Glaive, sans lui que deviendrait la Balance... La vertu de Justice tiendrait donc dans leur association📎!footnote-4630. L'office gracieux n'y trouverait pas sa place ? D'ailleurs, pourquoi aller voir un juge s'il n'y a pas litige ?📎!footnote-4662. L'on associe souvent le progrès du gracieux et la déjuridictionnalisation!footnote-4722. L'on sait le contresens si fréquent sur "la justice de Salomon", présenté comme choisisant de ne pas trancher, alors que le Roi-Juge, s'il ne veut certes pas trancher cet enfant qui ne parle pas et ne pourrait donc dire qui est sa mère,  veut assurément trancher la dispute entre les deux femmes et savoir qui est la vraie mère, le glaive servant ici comme instrument probatoire dans une mesure d'instruction afin que la vérité par la puissance de l'amour maternel apparaisse et que le Juge en majesté puisse dans un second temps trancher la dispute sans méconnaitre la vérite et sans faillir📎!footnote-4627. Rien de gracieux dans la démarche de Salomon.

 

3. En  principe le litige comme objet et la loi comme outil : la matière gracieuse dés lors présentée comme exception, légalement cernée 🙏🏻Dans notre système juridique, il serait donc posé que par une sorte d'effet de nature, le juge aurait pour office de se saisir d'une dispute, qui devient entre ses mains un litige📎!footnote-4628, et que face à celà il dispose d'un outil, la règle de droit, dont il fait usage afin d'exercer cet office : trancher le litige, c'est-à-dire dire entre les parties qui a raison et qui a tort. Le litige est immédiatement explicite lorsque les deux parties sont là. S'il n'y en a qu'une, l'office peut encore être contentieux, le juge disant alors dans la procédure unilatérale, la requête par exemple, que le requérant a raison ou tort. Le contentieux est simplement différé. L'article 12 du Code de procédure civile n'est pas contredit en ce qu'il exprime dans son alinéa premier ce retour au litige, ce sur quoi le juge est saisi.

Chemin faisant, le juge peut certes ne pas trancher et ne plus manier le droit, en conciliant les parties, mais cet alinéa 5 de l'article 12 est comme un chemin d'écolier📎!footnote-4629. Ce n'est d'ailleurs plus l'absence de litige qui marque la situation mais une autre façon de clôre la dispute. Toute la "politique de l'amiable" est dans cette stratégie qui plonge au contraire dans la réalité factuelle de la dispute : plus il y a de conflit et plus l'on cherchera qu'il ne prenne pas la forme procédurale du litige afin qu'un remède plus efficace soit trouvé et que la plaie du conflit, que l'on ouvrira dans un premier temps se referme dans un second. Conflit, dispute, litige : à ces situations de fait et de droit qui varient, les solutions procédurales sont différentes.

En droit, il n'y aurait donc quasiment pas de "matière gracieuse", c'est-à-dire des situations sur lesquelles le juge exerce un pouvoir juridictionnel en l'absence de litige que si la loi le prévoit expressément et dans les conditions prévues par celle-ci📎!footnote-4633.  La lettre de l'article 25 du Code de procédure civile le pose ainsi. On en conclut souvent que l'office gracieux du  juge devrait être conçu comme une "anormalité"📎!footnote-4631 par rapport à ce qui serait par principe la fonction juridictionnelle contentieuse, ou comme une "altération"📎!footnote-4634 face à ce que serait en quelque sorte un juge "en majesté", Salomon📎!footnote-4724, Saint-Òlaf📎!footnote-4669, Saint-Louis📎!footnote-4725, etc., c'est-à-dire tranchant un litige. C'est sans doute aussi cette idée d'amputation que l'on retrouve dans les qualifications classiques en contentieux administratif de "pleine juridiction" pour désigner les procédures visant à trancher un litige afin de reconnaître des droits et obligations et les recours objectifs de contrôle des actes📎!footnote-4665.

Les termes de l'article 25 du Code de procédure civile reprennent bien ces éléments📎!footnote-4635, mais cette nature exceptionnelle découle plutôt la lecture qu'on en a fait, la représentation du gracieux qui l'y a glissée. Or, les lectures que l'on fait de ces différents textes sont si variées que Cécile Chainais,Xavier Lagarde et Agnès Martinel ont pu à juste titre prendre comme unité d'un ensemble de réflexion : L'énigme du gracieux...📎!footnote-4670.

 

4. Pourquoi pas un office juridictionnel gracieux plein ? Ou à tout le moins la reconnaissance de la part de gracieux dans l'office juridictionnel requis par la matière systémique de la compliance ? 🙏🏻L'on pourrait en effet admettre qu'au-delà de la lettre de cet article 25 CPC, le juge exerce un office juridictionnel qui a une unité📎!footnote-4660 ou à tout le moins qu'il convient de favoriser cette unité entre le contentieux et le gracieux📎!footnote-4667. Il est vrai que la difficulté depuis toujours pour donner une définition de ce pour quoi est fait un juge rend l'exercice difficile📎!footnote-4664 Mais concrètement face à une situation qu'une ou des parties porte à sa connaissance, l'on s'accordera à admettre que sa mission est d'apporter une solution permettant de résoudre la ou les difficultés que présente cette situation, que la matière soit litigieuse (emplie par la dispute des parties) ou qu'elle soit gracieuse (emplie par une demande d'un autre genre ou par une situation excédant cette dispute).

L'on observe ainsi que la matière gracieuse "excède" toujours le litige, soit par l'ordre de la loi, soit par la dimension de la situation dont l'examen est soumis au juge. Ces deux façons d'"excèder" le litige se cumulent souvent parce que c'est bien parce que la situation est plus importante qu'un simple litige qu'une loi intervient pour exiger du juge qu'il vienne la contrôler alors même que personne n'articule de prétention particulière, par exemple en matière d'adoption, de procédures collectives📎!footnote-4723, etc. Le gracieux pourrait renvoyer à plus important que le contentieux et que cette présentation d'exception lui convient par nature mal.

En effet, si l'on adopte une définition à la fois plus large et plus objective de l'office du juge, davantage liée à la notion de "situation" qu'à la notion de "litige", définition familière des contentieux répressifs et administratifs📎!footnote-4666 mais qui peut pareillement s'appliquer au contentieux objectif systèmique qui peut être porté devant des juridictions civiles et commerciales, la perspective change.

En outre il faut admettre que la juridiction contentieuse et la juridiction gracieuse ne se font pas face à face, ne s'opposent pas nécessairement mais, de la même façon que beaucoup de procédures unilatérales, dite alors "gracieuses", ne sont que du contentieux différé la matière étant depuis dès le départ contentieuse📎!footnote-4711, il y a à l'intérieur des affrontements des espaces pour le gracieux. Comme le souligne Emmanuel Jeuland, "le contentieux s'est fait de plus en plus gracieux"📎!footnote-4671. De fait, les interrogations et réflexions ont plutôt porté sur le Droit de la famille et le Droit civil, sur la part d'indisponible que ceux-ci comportent, justifiant alors que le juge contrôle l'activation des lois à la demande des personnes, le juge protégeant à la fois ces requérants et d'autres personnes concernées (que l'on appellerait volontiers des parties prenantes) et peu sur le Droit économique. On souigne pourtant que le Droit des procédures collectives relève en grande partie de la matière gracieuse📎!footnote-4673, de la même façon que Jean-Baptiste Barbieri a montré les points de contact entre le Droit de la compliance et l'office du juge des procédures collectives📎!!footnote-4719.

 

5. Plan de l'étude 🙏🏻En effet, le contentieux de la Compliance naît de la façon dont les entreprises exécutent leur "obligation de compliance"📎!footnote-4636. Or, cette obligation si particulière permet au Droit de la compliance, branche d'action qui  prétend à la réalisation des buts visés par les corpus de compliance, peut justifier l'intervention du juge qui va alors exercer son office sur une situation qui relève en partie de la matière gracieuse. Il y a certes des personnes qui peuvent prétendre que leurs intérêts particuliers ont été atteints et saisir le juge dans une démarche contentieuse. Mais du fait de la situation que les parties exposent à ce juge, le cas dont il doit prendre connaissance est également constituée de "matière gracieuse", notamment parce que l'intérêt systémique "en cause" dépasse l'intérêt des parties et parce que le futur est présent dans le cas qu'il devra juger. (I).  En raison de la matière gracieuse que le Droit de la compliance, à travers notamment l'obligation de compliance, amène au juge, il est dès lors essentiel de renouveller l'office du juge pour y intégrer cette part de gracieux qu'emporte le contentieux systémique de la compliance et d'adapter la procédure en conséquence, en activant la démarche gracieuse afin que le juge de la compliance réponde aux cas de compliance qui sont portés devant lui (II).

 

I. LE DÉVELOPPEMENT NATUREL DE LA PART GRACIEUSE DE L'OFFICE DU JUGE POUR APPREHENDER DES CAS DE COMPLIANCE 

6. Des intérêts en cause et du contrôle requis en matière d'obligations structurelles et comportementales de compliance façonnées par le futur 🙏🏻La "loi", telle que la désigne littéralement l'article 25 CPC, ne peut pas être prise dans son sens formel, elle doit être dans son sens matériel, c'est-à-dire l'ensemble des textes, traités, directives, lois, réglements, arrêtés, etc.📎!footnote-4663 qui forment un corpus régissant une situation. Lorsque les entreprises assujetties à une "obligation de compliance", obligation structurelle et comportementale📎!footnote-4637, l'exécutent, ce n'est pas "pour se conformer à la réglementation". Cette confusion, encore si fréquente, entre la "conformité" et le Droit de la compliance📎!footnote-4638, conduit à penser que si l'entreprise "se conforme à la réglementation", alors le juge ne devrait pas même être saisi📎!footnote-4639. À l'inverse, parce que le Droit de la Compliance, et l'obligation de compliance corrélativement exécutée par les entreprises, vise à participer à la durabilité des systèmes afin que les êtres humains qui y sont impliqués de gré ou de force n'en soient pas broyés, voire en bénéficient📎!footnote-4640, le juge est naturellement présent. La "juridictionnalisation de la compliance" n'est donc ni étonnante, ni le signe d'un échec📎!footnote-4641.

Mais l'office juridictionnel est, et par principe, non seulement contentieux mais encore de nature gracieuse, en ce que c'est par principe que ces "causes de compliance" excèdent l'intérêt particulier et que leur objet est le système (bancaire, financier, énergétique, climatique, numérique, algorithmique, etc.) concerné (A). Plus encore, le Droit de la compliance a pour objet le futur, qu'il préserve et construit, et par transitivité📎!footnote-4642,  l'office juridictionnel sollicité, en ce qu'il porte sur le futur est en grande partie un office non pas contentieux mais gracieux (B). 

 

 

A. LA PART GRACIEUSE DANS LE CONTENTIEUX DE COMPLIANCE EN RAISON D'INTÉRETS EXCÉDANT L'AFFRONTEMENT DES LITIGANTS

 

7. L'intêret des systèmes impliqués dans les contentieux de compliance 🙏🏻Le contentieux de la compliance intervient lorsque les structures de  compliance imposées par la loi n'ont pas été mises en place par les entreprises assujetties, par exemple les structures d'alerte, les plans de vigilance, les programmes de remédiation, etc.,  ou/et lorsque les effets obtenus par l'activation de ces structures  n'ont pas été publiés ou communiqués, que des engagements juridiquement contraignants n'ont pas été tenus, etc. La saisine peut s''notamment prendre appui sur un texte précis, notamment à propos du plan de vigilance. Il n'y a pas toujours une dispute car si des personnes peuvent se plaindre d'une atteinte à leur intérêt légitime, par exemple l'intérêt des travailleurs, et à ce titre revendiquer l'existence d'un litige leur ouvrant droit de saisir le juge📎!footnote-4643, l'intérêt d'un système est aussi impliqué sans qu'il puisse dire que celui-ci est "en dispute".

L'arrêt de la Chambre commerciale du 21 septembre 2022📎!footnote-4645 qui rappelle que les mécanismes de compliance en ce qu'ils détectent et préviennent le blanchiment d'argent protègent le système bancaire et non les personnes, interdisant en conséquence à celles-ci de demander réparation, montre bien que les personnes ne portent pas l'intérêt du système, qui est autonome.  L'arrêt de la même chambre du 27 septembre 2023📎!footnote-4712 qui permet à une entreprise d'obtenir la condamnation d'une autre pour concurrence déloyale car la première supportait le coût du respect de cette obligation légale de compliance tandis que l'autre s'en dispensait illégalement ne vient pas contredire ce principe car le poids financier de l'obligation de compliance crée une situation de fait. Ainsi, l'intérêt des systèmes demeure bien à l'extérieur du litige et c'est pourtant bien la protection de cet intérêt systémique que la "loi" confie  au juge, au-delà des intérêts des litigants, voire confie en premier lieu par rapport à ceux-ci.

Plus encore, la Cour d'appel de Paris a exigé par son arrêt du 18 juin 2024, EDF, que la personne ne peut prétendre avoir un droit d'action contre l'entreprise obligée d'adopter un plan de vigilance sans avoir un intérêt légitime et personnel pour demander à l'entreprise assujettie par la loi des comptes. L'intérêt du système, notamment énergétique, social et climatique, servi par cet outil de compliance, n'est pas représenté par un tel litigant qui ne peut prétendre que porter l'intérêt particulier qu'il a, en l'espèce un membre d'un communauté autochtone affectée par la construction📎!footnote-4647.

 

8. Distinct de l'intérêt des litigants, l'intérêt des individus, "tiers éloignés" des litigants dans l'espace et dans le temps 🙏🏻L'on peut également penser, à tout le moins dans la conception que l'Europe a du Droit de la compliance📎!footnote-4646, que les systèmes soient défendus, maintenus, protégés à grand frais dans leur avenir afin que les êtres humains soient préservés. La protection des systèmes n'est donc qu'une protection médiate, c'est-à-dire une protection qui n'est recherchée que comme moyen de fournir une protection autre plus importante encore : c'est en effet la protection de l'être humain présent et futur impliqué dans le système qui est le "but monumental" du Droit de la compliance, s'il fallait n'en désigner qu'un📎!footnote-4648. C'est en tout cas la conception européenne, moins la conception américaine, et pas celle qui fonde le Droit chinois de la conformité. Ceux-là ont vocation à être protégés dans le contentieux de la compliance. Il est possible qu'ils le soient par les litigants eux-mêmes, mais il ne faut pas prendre ce postulat comme définitivement acquis. En outre, parce que l'ambition qu'expriment les buts monumentaux de la compliance fournit la normativité juridique de toutes les règles📎!footnote-4649 et imprègne par transitivité le contentieux de la compliance📎!footnote-4650, ce ne sont pas les seules personnes concernés.

Ce que l'on propose de désigner ici comme les "tiers éloignés" sont en premier lieu les tiers qui sont pourtant rattachés à l'assujetti à travers le mécanisme de la chaine de valeur. C'est même par souci de ces tiers géographiquement éloignés que la loi française dite "Vigilance" a été conçue, sur l'idée que l'entreprise maîtresse de fait des conditions de travail et de vie de ceux-ci doivent prendre en charge les risques d'atteintes grave à leurs droits. De la même façon et en second lieu, les "générations futures" sont des "tiers éloignés" non plus dans l'espace mais dans le temps. Mais ni les uns ni les autres n'ont en tant que tels accès à l'espace juridictionnel📎!footnote-4713. Il serait alors logique que cela soit plutôt des personnes qui s'expriment pour porter leurs intérêts et qui participent pour ce faire à l'instance, et non pas au litige. En effet, les litigants pour porter directement ces intérêts-là doivent alors montrer qu'ils portent non seulement leur intérêt personnel mais encore cet intérêt qui les excède. La non-coincidence d'intérêts, voire le conflit d'intérets peut poser problème. C'est d'ailleurs dans une telle hypothèse où des intérêts sont présents mais ne sont pas directement représentés par les litigants que la matière devient gracieuse et que la procédure doit changer📎!footnote-4714.

 

B. LA PART GRACIEUSE DANS LE CONTENTIEUX DE COMPLIANCE EN RAISON DE LA PRÉSENCE DU FUTUR DANS LES CAS DE COMPLIANCE 

9. Le futur, objet du contentieux de compliance 🙏🏻Cette évocation de l'intérêt à prendre en compte des "générations futures" conduit à un point essentiel : le Droit de la compliance vise à assurer en Ex Ante la durabilité des systèmes, c'est-à-dire vise leur avenir. Les rapports de durabilité n'en sont qu'une autre illustration. Il s'agit du principe majeur du Droit de la compliance, branche du Droit qui vise à ce que les systèmes ne s'effondrent pas. Son objet est donc le futur.  Le principe perdure dans le contentieux, le Haut Conseiller François Ancel ayant à juste titre posé la durabilité comme principe des procès de compliance📎!footnote-4651. Mais il est difficile de soutenir que le futur soit lui-même un litigant, même si l'on soutient que, y compris lorsqu'il s'agit d'un procès civil et comme c'est le cas dans les contentieux administratif et répressif, le contentieux est de type objectif. Même dans un contentieux objectif, les litigants défendent leurs intérêts et doivent d'ailleurs montrer à travers le préalable de leur droit d'action l'existence de leur intérêt particulier à agir📎!footnote-4652

 

10. L'impossibilité de trancher sur le futur, faute de pouvoir le connaître 🙏🏻Ce futur est précisément incarné par lesdites générations futures, et des êtres juridiques, notamment des associations, ont pour fonction de porter ses intérêts, ce que leur objet social manifeste juridiquement. Cela supposera qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêt entre l'intérêt représenté et ses représentants, dès l'instant qu'ils se présentent comme des litigants. Mais surtout parce qu'il s'agit du futur, il est en outre et de fait difficile de connaître ce que sont les intérêts du futur. Cela tient à la raison relevée par la Cour d'appel de La Haye dans son arrêt du 12 novembre 2024, dit Shell📎!footnote-4653 : on ne connait pas le futur. Les probabilités et les projections ne peuvent avoir le même statut probatoire, car il ne s'agit pas de les manier ici comme moyens de preuve mais comme objet de preuve : on reconstitue par probabilité non pas le passé ou le présent qu'il s'agit de prouver, mais l'objet même de preuve qu'est le futur. La probabilité s'inscrit alors aux deux enjeux probatoires : l'objet et le moyen📎!footnote-4715. Les juges ont refusé d'engager la responsabilité sur cette double incertitude.

 La Cour d'appel de La Haye en ont déduit que le juge peut prendre en charge ces intérêts des tiers lointains dans le temps (parce que l'entreprise s'y était elle-même engagée) mais elle ne peut pas le faire en lui prescrivant des mesures précises, notamment à travers un calendrier contraignant plutôt que par la technique préférable de la trajectoire. En l'espèce, la Cour invalide la démarche du Tribunal de La Haye qui, en se basant sur les rapports du GIEC, avait imposé des obligations précises selon un calendrier précis, la Cour posant que cela supposait une connaissance précise du futur, ce qui ne saurait être.

 

11. La loi chargeant les entreprises assujetties de veiller aux intérêts du futur confie aussi au juge la fonction gracieuse de protéger celui-ci 🙏🏻Il apparaît ainsi que le contentieux de la compliance relève souvent d'une matière gracieuse mais que celle-ci n'apparaît qu'à l'occasion de litiges. En effet, les entités assujetties à la Compliance, le plus souvent les grandes entreprises qui sont en position d'agir (les "opérateurs cruciaux"📎!footnote-4716), sont en charge d'exécuter une obligation légale visant à assurer la durabilité des systèmes,, en détectant les risques et en prévenant les atteintes graves mettant en danger cette permanence, doivent préserver le bon fonctionnement des systèmes pour qu'ils bénéficient aux êtres humains qui y sont impliqués.  Le cas de compliance qui est soumis au juge peut ainsi débuter par une dispute, par exemple être ouverte par une personne impliquée dans le système (un investisseur du système financier, un internaute impliqué dans le système numérique, un titulaire de donnée dans le système algorithmique, etc.) contre un opérateur crucial de ces systèmes, opérateur assujetti à une obligation de compliance. De la même façon que ces cas soumis au juge relèvent ainsi en partie de ces disputes particuliers entre litigants qu'il faudra trancher, ils exigent aussi du juge qu'il s'assure que les structures de compliance effectivement mises en place produisent des effets crédibles au regard du futur. Comme le juge civil le fait pour le futur des personnes à protéger en matière de tutelle ou de changement de régime matrimonial, le juge de la compliance doit pouvoir le faire concernant le futur des systèmes impliqués.

Cela relève alors de la part du gracieux dans l'office juridictionnel du juge de la compliance.

 

 

 

II. TRANSFORMATION ET ACTIVATION DE LA DÉMARCHE JUDICIAIRE GRACIEUSE POUR SE SAISIR DES SITUATIONS DE COMPLIANCE

12. Le juge dans sa "majesté gracieuse" 🙏🏻C'est donc en "majesté"📎!footnote-4657 et par principe qu'il faut repenser l'office du juge de la compliance lorsqu'il est saisi de la part gracieuse de cette nouvelle branche du Droit, et concevoir les procédures en conséquence (A). Ainsi conçue, la procédure et l'office du juge de la compliance peuvent être mieux activés pour que le gracieux y trouve sa pleine place (B).

 

A. REPENSER LA PROCÉDURE ET L’OFFICE DU JUGE DE LA COMPLIANCE POUR QUE LA MATIÈRE GRACIEUSE Y Y TROUVE SA PLEIN PLACE 

 

13. À coté de l'office contentieux, activer par principe l'office gracieux 🙏🏻Il apparaît donc que pour bien rendre compte du Droit de la compliance et des cas qui sont et seront portés devant toutes sortes de juges, notamment en matière de vigilance (à propos de laquelle la compétence du Tribunal judiciaire de Paris n'est que spéciale et non pas exclusive📎!footnote-4654) il faut admettre que le juge a sa pleine place dans le développement des système de compliance📎!footnote-4655, afin qu'au-delà des litiges singuliers ce soit l'intérêt des systèmes "en cause" qui devienne premier. A travers cette évolution, les techniques de compliance traduise une perspective d'office gracieux qui va croissant.

 

14. L'illustration possible de la matière gracieuse par la CJIP, les techniques de la validation judiciaire et des engagements 🙏🏻En effet, la CJIP, sous le vocable plus sociologique que juridique de "contractualisation" de la justice, apparaît davantage comme un office gracieux lorsque le président du tribunal judiciaire valide cette convention. Plus encore, le juge civil et commercial pour bien contrôler la bonne prise en considération des intérêts des systèmes et des tiers lointains, souvent absents des prétentions des litigants, ou revendiqués à corps et à cris par des litigants pouvant être en conflit d'intérêts, doit exercer un office gracieux. Lequel est alors en premier lieu obligatoire et en second lieu se concentre non pas sur la question de savoir qui a raison et qui a tort (car cela est l'affaire d'un litige à trancher📎!footnote-4656) mais des solutions à trouver dans l'intérêt des systèmes dans leur état futur.

De la même façon, la technique répandue et importante en Droit de la compliance des "engagements"📎!footnote-4675, peuvent renvoyer à la matière  gracieuse. Appréhendés de cette matière, on les maîtriserait sans doute mieux. En effet, les engagements n'ont pleine portée juridique que lorsqu'ils sont "actés" par le Régulateur, notamment l'Autorité de concurrence qui les reprend dans une décision juridictionnelle unilatérale qui relève de la juridiction gracieuse. Parce que l'entreprise qui s'engage, notamment dans un programme de conformité, est la partie qui propose de le faire, tandis que le juge reprend sous forme juridictionnelle cette initiative et lui donne sa portée contraignante. L'on retrouve ici la définition que le Droit romain donnait de la matière gracieuse comme donnant lieu à une "juridiction volontaire".

 

15. Apparition de l'office gracieux comme office de plein exercice dans la juridiction de compliance 🙏🏻Comme cet office-là correspond mieux à ce qu'est le Droit de la compliance que n'y correspond l'office contentieux, c'est bien lui qui devrait être le principe et l'office contentieux qui devrait en être l'exception, inversant ce qui est généralement dit dans le rapport entre la juridiction contentieuse et la juridiction gracieuse. Parce qu'il s'agit de "situation"📎!footnote-4676, le système pouvant être qualifié comme constituant une immense situation, dans lequel des personnes doivent être protégées📎!footnote-4677 (notamment dans la conception humaniste que l'Europe développe du Droit de la compliance).

 

16. Passage de l' "arrière-plan du litige" au premier plan du souci du juge 🙏🏻À propos des cas juridictionnels de compliance et à très juste titre, Nicolas Cayrol a souligné qu'il ne s'agit pas de "litige ordinaire" puisque le Droit de la compliance est "un droit de lutte" pour protéger la société contre ce qui la met le plus gravement en danger📎!footnote-4678. L'auteur souligne qu'il s'agit de s'assurer que les entreprises assujetties ont bien prévenu les catastrophes en identifiant bien les risques et qu'il s'agit d'une sorte de "contentieux  d'anticipation de  l'exante, ce qui engendre des "procès d'un second type" (à côté des procédures de sanction) puisqu'il s'agit d'obtenir des actions efficaces pour l'avenir. Cela lui paraît un contentieux si particulier qu'il finit par douter même de sa nature contentieuse📎!footnote-4679.

Effectivement ce qui est discuté dépasse d'une façon considérable la dispute entre les litigants et doit qualifier les procès qui se déroulent devant le juge, la dispute entre les parties n'y occupant qu'une part.  Thibault Goujon-Béthan insiste sur  la nécessité de "configurer" les procès en conséquence et l’importance des enjeux systémiques et des conflits de conception ou de revendications qu’ils suscitent. Il les qualifie comme constituant l’« arrière-litige » puisque c’est à travers l’affrontement singulier des deux parties singulières du litige de compliance que ces intérêts débattus apparaissent📎!footnote-4680. L'auteur rappelle que le litige n'épuise pas la saisine du juge, évoquant la matière gracieuse pour exemple de cela. Cela signifie que les litigants ne peuvent pas s'approprier la titularité de ces intérêts systémiques immenses, ils doivent demeurer dans ce qui est leur espace, à savoir le litige. C'est par d'autres voies que les intérêts du système doivent être considérés.

Cela justifie de transformer la conception processuelle générale, qui ne doit pas être laissée aux parties, puisque, comme le conçoit parfaitement François Ancel qui, logiquement, il faut que le juge puisse "sortir du strict cadre du litige"📎!footnote-4681. En effet, il est exact que le système, le futur, ne sont pas « en litige » mais s’ils sont « en arrière » dans la construction des prétentions, des moyens et des arguments des litigants, dans la "situation" qui est portée à la connaissance du juge ils sont en revanche premiers. 

C'est bien ce sur quoi doit porter "l'intelligence" du juge, pour reprendre l'expression juste de Nicolas Cayrol📎!footnote-4682, c'est-à-dire l'ensemble de ce dont il est saisi et qu'il doit appréhender pour rendre une décision adéquate. 

 

17. Traduire la part du gracieux dans une procédure conçue aussi  comme un "lien de protection" au bénéfice des systèmes 🙏🏻Parce que la matière gracieuse ne se confond pas avec les procédures gracieuses, la matière gracieuse peut aussi apparaître à l'occasion d'un contentieux, voire comme en matière de compliance, peut être activée pleinement par un litige entre deux parties et requiert alors que juge  contrôle le respect de la loi et qu'il protège activement ce dont la "loi" (au sens matériel) a visé. Dans le Droit de la compliance, il s'agira de la mise en place par l'opérateur assujetti à l'obligation de compliance des structures de place et à la contribution crédible à la réalisation des buts monumentaux visés par le législateur📎!footnote-4683.

La démonstration en a été souvent faite en Droit de la famille et des personnes, ces branches du droit illustrant bien la nécessité de la protection des individus ou de groupe de personnes, le juge ayant par son office procédural de nouer un lien de protection avec celle-ci, l'enfant par exemple. L'ouvrage de référence sur L'énigme du gracieux qualifie la traduction procédurale de la matière gracieuse non pas par le caractère unilatéral des procédures (lesquelles peuvent contenir du contentieux latent) mais par ce "rapport procédurale de protection"📎!footnote-4717. Comme le souligne d'une façon générale Emmanuel Jeuland, l'office gracieux du juge qui se développe dans ce "lien procédural de protection" n'est en rien exceptionnel et exprime l'office plein du juge📎!footnote-4720.

Le Droit de la compliance illustre pareillement ce lien, notamment de compréhension, que le juge doit avoir avec les systèmes dont la protection présente et future constitue le principal objet du cas de compliance dont il est saisi. Le "Contentieux systèmique" que constitue le contentieux de la compliance doit faciliter cela. Cet objet est difficile à appréhender car le cas est de ce fait même chargé de la technicité du système (bancaire, financier, numérique, énergétique, climatique, algorithmique, etc.) et que le juge doit comprendre les intérêts du système impliqué afin de protéger ceux-ci📎!footnote-4684

 

18. Un lien de protection revendiqué par les Régulateurs et les superviseurs dans leur fonction juridictionnelle, lien sans doute à construire dans les juridictions 🙏🏻Le lien de protection des systèmes est depuis toujours explicité par les Autorités de régulation, y compris lorsque leur commission de sanction ou de réglement des différents interviennent📎!footnote-4685. Comme nous l'avons montré avec Dominique d'Ambra, c'est encore plus net lorsqu'une Autorité de supervision bancaire se substitue au juge des procédures collectives pour régler le cas d'un établissement bancaire en difficulté car il s'agit alors à travers la solution apportée à sa situation particulière de sauvegarder la solidité du système bancaire lui-même📎!footnote-4686. La culture judiciaire est moins encline à cela, mais parce que le Droit de la compliance lui apporte un contentieux nouveau, qui est le prolongement de celui engendré par le Droit de la régulation, ce souci systémique doit apparaître, la matière gracieuse pouvant être son expression procédurale.

 

19. Traduire la part du gracieux dans une procédure  conçue dans un autre rapport au temps 🙏🏻En outre, c'est alors un autre rapport au temps qui, par cette reconnaissance de la part du gracieux dans l'office du juge, peut se mettre en place. En effet, comme cela a été montré à propos de cas de droit civil, le juge doit évaluer la situation dans son développement futur, doit l'accompagner. Le jugement n'est lui-même qu'un instant de mécanismes processuels et non pas nécessairement l'apogée de l'office du jugement, ce qu'il est certainement dans l'office contentieux. Dans l'office gracieux, y compris lorsqu'il y a aussi des litigants présents, sont essentiels la mise en état d'une part (qui permet de comprendre le système en cause) et "l'après-jugement" d'autre part, avec des moniteurs, ou des envois en concilation, ou des clauses de rendez-vous, etc. Ces mécanismes sont des moyens plus adéquats qu'un grand coup d'épé qui, dans l'instant du jugement referme le litige, sans avoir toujours porté remède à la défaillance systémique de la situation et peut laisser la situation en l'état, alors même que l'objet est le futur de celle-ci.

 

 

B. L'ACTIVATION DE LA DÉMARCHE GRACIEUSE JUDICIAIRE POUR SE SAISIR DES SITUATIONS DE COMPLIANCE

 

20. La garde des conflits d'intérêts, part entière de l'office gracieux : le contrôle des intérêts défendus par les litigants 🙏🏻Il y a pourtant des disputes en matière de compliance, elles sont même spectaculaire. Comme dans tous contentieux, les cas sont variés. L'on insiste souvent sur le fait qu'elles mettent souvent face à face de très grandes entreprises et des associations. Lorsque des parties requièrent du juge qu'il exerce son pouvoirs de protection de personnes qui doivent être protégées et ne peuvent se défendre elles-mêmes, par exemple les générations futures, elles le font au nom d'un intérêt général qui soutient de multiples prétentions. Parfois elles affirment qu'elles représenteraient la "société civile" ou le "bien commun", ce qui constitue des affirmations juridiquement plus hasardeuses. L'un des premiers offices du juge est de contrôler l'absence de conflits d'intérêts, chez la partie défenderesse et chez la partie demanderesse.

Cela suppose notamment une vérification des personnes qui contrôlent effectivement les parties litigantes. En effet, dans un procès civil ou commercial que l'on pourrait qualifier d'ordinaire pour l'opposer au procès de compliance que Nicolas Cayrol a qualifié à juste titre d'ampleur souvent  "énormissime" en raison des intérêts systémiques présents et futurs portés à la connaissance du juge 📎!footnote-4687, cette vérification ne s'impose.  Mais lorsqu'il s'agit d'enjeux systémique, enjeux qui sont au premier plan par rapport au litige📎!footnote-4688, le juge doit pouvoir vérifier qui sont les parties devant lui, surtout si l'une ou l'autre soutient qu'elle a la qualité pour représenter les intérêts du système, les intérêts de tous les internautes, les intérêts des générations futures,etc. Dans un cas ordinaire où le juge tranche un litige singulier entre deux parties, cela n'a pas lieu d'être mais dans un contentieux systémiques de compliance, le premier office du juge est de pouvoir vérifier la qualité et l'intérêt des personnes présentes devant lui. Dans les matières gracieuses civiles, par exemple dans l'office du juge des tutelles celui-ci contrôle que celui qui affirme se soucier de l'incapable agit vraiment dans l'intérêt de celui-ci. Une démarche de ce type doit se développer dans les causes de compliance.

 

21. Les "parties nécessaires" à l'instance pour activer l'office gracieux du juge de la compliance 🙏🏻Cela est d'autant plus requis que ces litigants nouveaux que sont les associations et les syndicats ont toutes leurs place. En  effet, comme l'a affirmé la Cour d'appel de La Haye dans son arrêt du 12 novembre 2024📎!footnote-4689, l'intérêt en cause, en l'espèce l'intérêt climatique, est si grand qu'il faut que le juge soit saisi, quand bien même il s'agit d'un juge civil dont l'intervention est demandée sur la base du Code civil. Parce qu'il risque de ne pas l'être, en quelque sorte faute de litige, il faut donc des "parties nécessaires", c'est-à-dire des entités qui sont peut-être animées par des intérêts autres (ce que le juge doit pouvoir vérifier) ou dont on peut questionner la légitimité (ce qui est une question politique et non plus juridique) mais qui ont le mérite processuel incontestable de saisir le juge et de permettre à celui-ci d'appréhender la situation.

Pour raison garder, il faut donc poser que ces "parties nécessaires" ont donc le mérite de dépasser le litige pour revendiquer la défense d'un intérêt collectif (et non pas général) mais qu'elles doivent en conséquence être transparentes pour que le juge puisse contrôler non seulement que l'intérêt collectif défendu correspond à leur objet social, comme l'a fait la Cour d'appel de Paris dans ses arrêts du 18 juin 2024📎!footnote-4690, mais encore correspond à un intérêt légitime défendu par ceux qui les contrôlent. 

 

22. Ministère public, autorités de régulation et de supervision, sachants  🙏🏻C'est pourquoi la "partie nécessaire" par excellence est le ministère public📎!footnote-4726, gardien de la pérennité des systèmes, par nature exprimée par le Droit pénal mais excédant cette branche du Droit, partie naturelle de la matière gracieuse📎!footnote-4721 en ce qu'il décèle les conflits d'intérêts possibles chez la partie qui exerce le pouvoir au nom d'un intérêt qui dépasse le sien📎!footnote-4691, Son place et son rôle ont vocation à s'étendre au fur et à mesure que la part du gracieux dans la juridiction civile et commerciale de la compliance sera identifiée du fait de son caractère systémique📎!footnote-4692. Les autorités de régulation, elles-aussi gardiennes de ces enjeux systémiques📎!footnote-4693, ont vocation à y participer, notamment en donnant des avis, soit parce qu'un texte le prévoit, soit en tant qu'amicus curiae. En outre, parce que les systèmes sont des faits (ce qui implique que ces contentieux accroissent la puissance du juge et la portée de son jugement sans porter atteinte à la prohibition des arrêts de réglement📎!footnote-4694),ceux qui maîtrisent techniquement ces systèmes ont vocation à intervenir dans ce "lien procédural de protection" (si l'on prend le vocabulaire processuel proposé pour traduire la matière gracieuse) ou en tant que "partie à l'instance" si l'on prend cette expression pour l'opposer à la position de la "partie au litige".

 

23. Par principe, des pouvoirs pour connaitre et comprendre les systèmes 🙏🏻Le juge quant à lui doit être ici plus encore que dans les autres procédures être le maître de l'instance, le principe dispositif valant davantage pour le traitement procédurale du litige que pour ce qui relève de la matière gracieuse. Si l'on considère que son premier objet est le système dont les intérêts sont "en cause", le juge doit avoir les moyens de connaître et de comprendre celui-ci. Il n'a pas été formé pour cela. Cela a justifié la création  des Autorités de régulation, sortes de juges spécialisés. Cela a justifié la constitution des chambres spécialisée de la Cour d'appel de Paris et du Tribunal judiciaire de Paris, constitution qui n'absorbe pas pour autant la matière📎!footnote-4695. Il convient donc de développer les pouvoirs d'instruction du juge civil et commercial📎!footnote-4696.

 

24. Par principe, des pouvoirs pour que s'élaborent des solutions pour le futur : les remédiation sous l'ombre portée du juge  🙏🏻D'une façon corrélée,  dès l'instant que le juge comprendra mieux lui-même les intérêts présents et futurs des systèmes impliqués dans la cause portée devant lui, la mise en état et la façon de tenir les audiences pouvant contribuer à celal📎!footnote-4718, il doit dans le même espri pouvoir être à même de participer à trouver les remèdes aux difficultés des systèmes, à leur défaillances, fragilités, risques, etc. Le modèle historique est celui de la régulation bancaire. Cela pourra être le renvoi en médiation, l'obtention d'engagements unilatéraux ou réciproques, la nomination d'un tiers pour évaluer ou pour monitorer. L'on peut aussi penser au-delà du "dialogue des juges" et aux techniques classiques des renvois et demandes d'avis, à des structures plus pérennes puisqu'il s'agit d'une juridiction qui intégre la durée📎!footnote-4697, mettant en cause les intérêts de systèmes permanents, structures qui pourraient réunir dans des sortes de "chambres mixtes exogènes" des magistrats de juridictions de branches différentes ou localité différentes (plutôt que de penser en terme de compétence exclusive).

 

25. Pour rendre compte de la part du gracieux dans la juridiction de la compliance, une montée de l'inquisitoire, une montée de l'accusatoire  🙏🏻Ainsi, pour que le gracieux prenne sa part dans la Juridiction de la compliance, il faudra à la fois plus d'inquisitoire, par exemple pour que le juge puisse mieux comprendre le système, et plus d'accusatoire pour que les parties puissent participer à la mise en état, davantage se concilier, trouver elles-mêmes des solutions favorables au système "en cause". 

 

 

26. Conclusion. Vers la voie d'une Juridiction systémique de la compliance mettant le gracieux en principe 🙏🏻Il ressort de ces réflexions que dans les cas de compliance qui sont portés à la connaissance des juges, ce dont ils doivent avoir souci et intelligence en premier lieu c'est des intérêts des systèmes impliqués par la situation, ressortant avec plus ou moins de fidélité des prétentions articulées devant eux. Cela relève de la matière gracieuse du cas, appelant de leur part un office protecteur des intérêts présents et futurs des sytèmes impliqués, une surveillance des possibles conflits d'intérêts et une part active dans l'élaboration de remèdes effectifs, efficaces et efficients pour l'avenir. Le développement de cet office gracieux doit donner place à la fois pour davantage d'inquisitoire et davantage d'accusatoire, organisé ou incité par le juge lui-même.

________

 

 

1

Sur la place d'Hébrau dans le Droit processuel, v. 🕴️L. Miniato et 🕴️J. Théron (dir.), 📗Pierre Hébraud, doctrine vivante ?, 2018, et plus particulièrement la première partie de l'article d'🕴️Emmanuel Jeuland confrontant la doctrine d'Hébraud et la doctrine de Motulsky, 📝Hébraud, la notion de droit processuel dans la perspective de la justice numérique.

Par ailleurs, concernant la matière gracieuse, le commentaire fait par Hébraud sur la loi du 15 juillet 1944 sur les procédures gracieuses (D. 1946, législ. p. 333) inspira le Législateur lorsqu'il rédigea les textes généraux sur ces procédures.  

Le gracieux mélant étroitement la dimension subjective (trouver une solution qui convienne aux parties impliquées dans la solution) et la dimension objective (trouver une solution à la difficulté que présente la situation elle-même), la perspective prise par Hébraud dans sa thèse était elle-même très pertinente : 

2

Cela est moins vrai dans une société où le Législateur exprime moins la souveraineté face à un individu qui prétend porter en lui-même une souveraineté opposable à tous, y compris au Législateur. De cela aussi, 🕴️Dominique d'Ambra a parlé : 📝Du déclin des codesin 📗Mélanges en l'honneur du doyen Georges Wiederkehr, De code en code, 2009, spéc. p.154 et s.

3

Il est ce par quoi notre société garde des institutions qui ne sont pas à la seule disposition des personnes puissantes. Sur cette question de la filiation, v. L. d'avout, ..., mafr, ...., P.-Y. Gautier, ....

5

chapitres sur "La notion de juridiction gracieuse", p. 261 et s., et "La nature de la juridiction gracieuse", p.279 et s.

10

V. S. Grayot, commentant une décision rendue à propos de la matière gracieuse :  "Une action en justice peut-elle naître sans litige ?", D. 2011, p.2310 s.

11

Sur l'approche nuancée qu'il convient d'avoir à ce propos, v. 🕴️V. Egéa, 📝Le gracieux et la protection à l'heure de la déjudiciairisation : les exemples du droit de la famille et des modes amiables, in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle, pp.101-112.

12

mafr, Si le stratagème probatoire de Salomon n'avait pas fonctionné, 2025

13

J. Normand, Le juge et le litige, 

14

 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Les offices du juge, in Mélanges Jean Foyer, 1997

 

15

Comme le soulignent par exemple ... (Précis Dalloz) : "La juridiction n'est gracieuse qu'à raison de la loi et de la matière à laquelle elle s'applique, caractérisée par son aspect non-litigieux." (n°1890).

16

V. par ex.  🕴️Y.Strickler, 📝Matière et procédure gracieuses, JurisClasseur Procédure civile, fasc. 500-45, 2024 : "La mission première de celui-ci (le juge) est de dire le droit en tranchant les litiges, et le cas échéant de concilier, lorsque le rapprochement des parties est possible, ceux qui s’opposent. En dehors de cela, son intervention ne peut être commandée que par la volonté de la loi. Le domaine de la matière gracieuse est donc celui voulu par le législateur. Celle-ci se manifeste dans la perspective de finalités variées, mais qui forment autant d’objectifs complémentaires : il s’agit toujours tant de contrôler l’action durequérant en donnant force à sa volonté, avec le souci de la protection de toute personne  intéressée par la décision prise par celui-ci, que de veiller au respect de l’ordre public.". (§1).

17

N°1889 du Précis Dalloz Procédure civile : "Les altérations du modèle du procès civil" 

20

🕴️M. Dejoux, 🕴️P.-A. Forcadet, 🕴️V. Martin et 🕴️L. Tuttle (dir.), 📗La justice de Saint-Louis2024.

21

V. l'étude de référence de  🕴️J. Waline,  📝Plein contentieux et excès de pouvoir. Revue du droit public, 2015, pp.1551-1566., qui conduit à promouvoir l'unicité du contentieux, notamment en ces termes, en se référant au Vice-Président  🕴️Jean-Marc Sauvé (📝Un corridor de Vasari au Palais-Royal, AJDA 2017, p.1669) : "En ce qui me concerne, je pense, à l'instar du Président Sauvé, qu'il ne faut pas faire de "fixation" sur le problème de la classification des recours - même s'il pense que c'est à la doctrine de réfléchir à cette question, car ce qui importe c'est l'office du juge. Sur tous les recours qui lui sont présentés, le juge doit tout simplement  avoir "pleine juridiction" et il doit se reconnaître tous les pouvoirs qui sont nécessaires des recours dont il est saisi et ceci, pour reprendre une expression bien connue, "avec tact et mesure". Cela implique donc un seul recours contentieux abandonnant l'ancienne distinction désormais largement dépassée du plein contentieux et de l'excès de pouvoir."   

22

"Le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle"

23

🕴️C. Chanais, 📝Le gracieux-juridiction, in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle,2025, pp.21-23.

L'auteur revient au Droit romain en posant qu'il s'agissait d'une "juridiction volontaire" (vocabulaire aujourd'hui récusé...), c'est-à-dire un cas où une ou deux personnes ne saisisse le juge qu'afin que celui-ci exerce son imperium parce qu'il n'y a pas de dispute à trancher. Mais (je cite) : "le mystère vient sans doute aussi de la manière dont le (nouveau) Code de procédure civile a lui-même mis en scène la matière gracieuse"

24

Par exemple Héron (Droit judiciaire privé) ou Cécile Chanais (Procédure civile) souligne l'unité de l'office juridictionnele.

25

🕴️X. Lagarde, 📝Les métamorphoses de la matière gracieuse, in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle,2025 (p.17) : "...il est peut-être temps de nous débarrasser de l'opposition entre le gracieux et le contentieux, en tout cas comme principe structurant de notre ordonnancement juridictionnel et juridiciaire". ... Les situations dans lesquellesle juge est appelé à intervenir perdent en homogénéité. L'accord et la contestation coexistent sans cesse. Cela s'éprouve dans les procédures spéciales, faites d'alternances entre le gracieux et le contentieux, mais de manière plus générae avec le développement des modes alternatifs.... Cela nous conduit à distinguer le juge des sanctions et le juge des mesures".

Cette alternance, voire cumul, de ces deux offices pleins exercés par un même juge s'applique particulièrement bien dans les cas de Compliance portés devant un juge.

26

Or, comme le souligne parfaitement 🕴️Hervé Croze, c'est une "éternellle question", comme celle de la réalité de la personne morale ou de la valeur normative de la jurisprudence ..., qualifiant d' "âbime" la qualification de l'actiité juridictionnelle (📝Le juge doit-il dire le droit ?, 2010, n°1).

27

V. par ex. l'analyse intéressante, embrassant le droit de la famille et évoquant le droit des procédures collectives, 🕴️Ch. Lesbats, 📝L'évolution du contrôle du juge en matière gracieuse, 2001. 

28

Dans ce sens, J. Waline,📝Plein contentieux et excès de pouvoir. Revue du droit public, 2015, pp.1551-1566

29

🕴️J.-L. Bergel, 📝Procédure gracieuse et contentieux, D.1983, chron., ....

30

 🕴️E. Jeuland, Théorisation et droit comparé de la procédure gracieuse,  in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle, pp.25-39, p.25.

31

 🕴️P. Cagnoli, Essai d'analyse processuelle du droit des entreprise en difficulté, LGDJ, coll."Bibliothèse des thèses, 2002.

32

🕴️J.-B. Barbieri, 📝Les juges du droit des entreprises en difficulté et les obligations de compliance, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕 L'obligation de compliance, 2025. Cette étude est à mettre en miroir à celle menéee par Julien Théron, 📝Le lien procédural de protection en droit des entreprises en difficulté, in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle, 2025, pp.113-125.

33

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025

34

Cela va de soi. V. par ex. à propos de l'article 25 CPC 🕴️J.-L. Bergel (📝La juridiction gracieuse en droit français) : "La « loi » s'entend ici de son acception générique, et comprend notamment les textes réglementaires" (D. 1983. Chron. 153, spéc. p. 154). 

37

 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝1ier article, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La jurdictionnalisation de la compliance2023.

38

Sur cette définition européenne du Droit de la compliance, mafr, Pour une Europe de la Compliance, 2019.

Sur les conséquences concernant l'obligation de compliance, v. 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025.

Sur plus particulièrement les conséquences sur l'office du juge, 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Le juge requis pour une obligation de compliance effective,  in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025.

39

Voir l'ensemble de l'ouvrage mafr (dir.), La jurdictionnalisation de la compliance, 2023. Cette perspective ne sera pas ici développée, puisqu'il s'agit plus particulièrement d'étudier la part du gracieux dans l'office du juge, et non pas d'une façon développée l'office global du juge dans le Droit de la compliance ni le droit processuel qui s'y applique (sur ce dernier point, mafr, ..., in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025).

40

mafr, Droit de la compliance et contentieux systémique, 2025.

41

C'est l'apport des arrêts de la Cour d'appel de Paris du 18 juin 2024 que d'avoir à juste titre décorrélé l'intérêt légitime pour saisir le juge et la présence ou pas de l'intéressé dans le processus d'élaboration du plan de vigilance (à détailler en citant l'arrêt, et en citant Th. Goujon-Bétant).

42

Com., 21 sept. 2022, n°21-12.335 : " la victime d'agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier".

43

🏛️Com., 27 septembre 2023, l'arrêt approuvant la sanction sur le fondement de  la concurrence déloyale en cas de non activation par un concurrent de son obligation légale de compliance.

Cette question est développée technique in 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Obligation de Compliance : construire une structure de compliance produisant des effets crédibles au regard des Buts Monumentaux par le Législateur, et  📝Compliance, Vigilance et Responsabilité civile : mettre en ordre et raison garder, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025.

44

Paris, 18 juin 2024, EDF, ... ; Th. Goujon-Bethan, ..., in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025.

45

mafr (dir), pour une Europe de la compliance, 2019 ; Compliance : hier, aujourd'hui, demain, in ....

46

Voir la démonstration dans ce sens, 🕴️M.-A. Frison-Roche., Les droits humains, outils naturels et premiers,..., in mafr (dir.), Les outils de la compliance, 2017.

47

mafr, Les buts monumentaux, coeur battant du Droit de la Compliance, in mafr, Les buts monumentaux de la Compliance, 2022.

48

mafr, Droit de la compliance et contentieux systèmique de la compliance, 2025.

49

Les "générations futures" plus difficilement que les tiers géographiquement éloignés du fait que, comme l'a souligné la CEDH dans sa décision du 9 avril 2024, ..., (....), la qualité de sujet de droit leur fait défaut. V. par exemple, 🕴️B. Vassallo, 📝Les générations futures et le droit de l'environnement, in 📗L'environnement, Justice et Cassation, 2024, p. 215-.... L'auteur favorable à cette notion souligne les attentes et les prises en considération mais aussi les incertitudes d'un tel concept et les réserves de la jurisprudence à son endroit.

50

Ce qui est l'objet de la seconde partie de cette étude

52

Ce qui met le Droit de la compliance dans sa dimension procédurale du côté du Droit processuel. V. 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Le droit processuel, prototype de l'obligation de compliancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025

53

Cour d'appel de La Haye, 12 novembre 2024, ....

54

Sur le "carré probatoire" fondant le système probatoire de la compliance, constitué par l'objet, la charge, les moyens et les dispenses, v. 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Le juge, l'obligation de compliance et l'entreprise. Le système probatoire de la Compliance, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la compliance, 2024 ; sur son application en matière de vigilance, v. 🕴️J.-Ch. Roda, 📝La preuve de la bonne exécution de la Vigilance au regard du système probatoire de Compliance, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025.

55

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Proposition pour une notion : l'opérateur crucial, 2006.

56

Classiquement c'est dans sa fonction contentieuse d'un juge qui tranche avec son glaive tel un Roi que le juge apparaît comme en "majesté". Dans son office gracieux, on observe qu'il quittera cette figure hiératique, notamment en se rapprochant des parties. Cela peut évoluer dès l'instant que l'on appréciera la "dignité" du juge au fait qu'il contrôle l'application de la loi, protège effectivement les intérêts en jeu (critère de la matière gracieuse) et trouve des solutions aux difficultés. Le fait que les solutions amiables trouvés sous l'ombre portée du juge et grâce à son imperium ne soient toujours comptabilisé comme une activité équivalente à un jugement est signe que nous sommes encore de cette équivalence.

57

Pour la démonstration de cela, F. Ancel, ...., in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025.

59

V. supra n°3⬆

61

C'est à ce titre que  🕴️Xavier Lagarde (📝Les métamorphoses de la matière gracieuse, in🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle ) affirme avec raison que le juge doit avec la même ampleur exerce à côté de l'office de trancher un litige (office contentieux) suivre des situations et résoudre les difficultés de celles-ci (office gracieux).

62

L'office gracieux ne se définissant plus par le fait qu'une "loi" demande au juge de l'exercer, mais par le fait qu'il s'agit de protéger une personne. C'est la démonstration faite par Cécile Chanais (📝Le gracieux-juridiction, in  🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle ) et par Emmanuel Jeuland (📝Théorisation et droit comparé de la procédure gracieuse,  ibidem, pp.25-39).

64

🕴️N. Cayrol, 📝Des principes processuels en droit de la compliance, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la compliance, 2023 : "Parce que le contentieux de la compliance (si tant est qu'il s'agisse d'un contentieux) n'est pas un contentieux ordinaire,mais un contentieux de la prévention des risques systémiques majeurs pour la société qui appelle une pédagogie de la responsabilisation (n°12, p.224).

65

Th. Goujon-Béthan, ..., in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance, 2025

66

F. Ancel, in Conseil d'Etat & Cour de cassation,..., p.111.

67

🕴️N. Cayrol, 📝La saisine du juge, in 📗Mélanges en l'honneur du doyen Georges Wiederkher. De code en code, 2009.

68

Sur la démonstration de cet office du juge impliqué par la matière gracieuse, 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle,2025.

69

V. not. 🕴️E. Jeuland, 📝Théorisation et droit comparé de la procédure gracieuse,  in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle, pp.25-39, spéc. p.31 et s. "Le rapport procédural de protection comme cadre".

70

🕴️Emmanuel Jeuland conclut son article (📝Théorisation et droit comparé de la procédure gracieuse,in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle, pp.25-39) de la façon suivante : "La procédure gracieuse mettant en place un lien procédural de protection, n'est pas exceptionnel par rapport à la procédure contentieuse et ne tombe pas hors de la mission essentielle eu juge. ... Le concept de lien procédural de protection est applicables à toutes les procédures de protection comme les procédures de tutelles, les procédures d'homologation qui se sont multipliées, les procédures collectives ... mais aussi aux procédures portant sur des voies d'exécution." (p.37).

71

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Le juge requis pour une obligation de compliance effective, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de compliance.

72

Voir en dernier lieu, Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, 🧮Quel rôle pour la sanction dans la régulation, octobre 2025.

74

Qualificatif utilisé par  🕴️Nicolas Cayrol (📝Des principes processuels en droit de la compliancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la compliance), p.221.

75

V. supra n°15

76

🏛️Cour d'appel de La Haye, 12 novembre 2024Shell Plc c/ Milieudefensie et a., réformant le jugement du Tribunal de La Haye du 26 mai 2021.

77

Notamment parmi les trois arrêts rendus par la 🏛️Cour d'appel de Paris le 18 juin 2024, voir l'arrêt dit Total Energie.

78

V. par ex. les développements d'🕴️Yves Stricker (📝Matière et procédure gracieuses
JurisClasseur Procédure civile, fasc. 500-45) sur la "présence ajoutée du ministère public" (§42).

79

C'est pourquoi 🕴️Anne Caron-Déglise (📝La protection des personnes les plus vulnérables : une procédure spécifique reposant sur le juge, garant des libertés fondamentales de fond et de procédure, in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle, rappelle qu'en matière gracieuse le "lien procédural de protection ne concerne pas que le juge : il associe le ministère public car l'ordre public est concerné..." (p.96).

80

🕴️E. Gaillard, 📗Le pouvoir en droit privé, 1985.

Sur l'articulation entre la notion de pouvoir et l'action en justice, v. par ex. 🕴️M. Bandrac, 📝L'action en justice, droit fondamental, in 📗Mélanges en l'honneur de Roger Perrot, Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ?, Dalloz, 1995, p. 1-17.

81

📝Le rôle du parquet dans le contentieux systémique émergent, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕, Le contentieux systémique émergent, 2026.

82

V. supra n°17

85

🕴️E. Verges, 📝Le juge civil, quel juge d’instruction ? », in C. Chainais, X. Lagarde, B. Pireyre (dir.), Le juge civil, un juge d’instruction ?, IRJS éditions 2023, p. 113 s., not. la dernière partie sur "le juge, 

86

Sur la façon dont les audiences peuvent être concrétement tenues dans les contentieux systèmiques, .....in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Le contentieux systémique émergent, 2026.

87

Sur la durée, v. supra n°00

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