𝑫𝒓𝒐𝒊𝒕 𝒊𝒍𝒍𝒖𝒔𝒕𝒓é🎬Droit et Cinéma
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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "A côté d'𝑬𝒎𝒊𝒍𝒊𝒂 𝑷𝒆𝒓𝒆𝒛, quels principes guident l'Avocate ?", article de la Newsletter Droit & Art, août 2025.
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► Résumé de l'article : Dans le film de Jacques Audiard sorti en 2024, le personnage de l'Avocate ouvre et clôture le film.Si l'on centre son regard sur elle, l'on observera qu'elle est choisie par le client parce qu'elle a la capacité à lui procurer dans l'ombre et sans souci du Droit ce qu'il veut. La corruption étant un système qui lui est familier. Cette conception d'un office où le Droit a peu de place la conduit à s'opposer au conseil donné par le médecin. Ainsi à de nombreuses reprises elle exprime sa désapprobation, morale et sociale, pour ce qui se passe et qu'elle connait avec précision, mais cela ne modifie en rien son comportement.Plutôt que de suivre ici les décisions, les tourments, l'identité, le rapport au passé du criminel, concentrons le regard sur la professionnelle qui ouvre et clôt le film : l'avocate. Regardons plutôt les décisions successives de cette avocate, la représentation qui est donnée ce que l'avocat doit faire ou ne pas faire.
Il s'agit donc d'une avocate qui est choisie par ce client pour une qualité : sa capacité à donner dans l'ombre satisfaction à un client qui, au regard du Droit, ne le mérite pas (I). Un criminel avéré, chef d'un réseau de trafic de drogue, la choisit pour une activité où le secret doit être absolu et la dimension juridique peu présente. Dans les démarches dont elle est chargée, elle est confrontée à un médecin, qui ne développe pas la même conception qu'elle et lui conseille de conseiller à son client de ne pas persévérer (II). Dans son âme et conscience, elle désapprouve la corruption qui structure l'ensemble de la société et dont elle semble tout savoir, mais cela ne modifie pas son comportement (III). Pourtant in fine et sans qu'on l'y oblige elle prendra dans une image finale soin des enfants devenus soudainement orphelins (IV).
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Le film de Jacques Audiard sorti en 2024, Emilia Perez, fut loué, récompensé, vilipendé aussi, et commenté de toutes parts.
Plutôt que de suivre ici les décisions, les tourments, l'identité, le rapport au passé du criminel, concentrons le regard sur la professionnelle qui ouvre et clôt le film : l'avocate.
Oui, elle est magnifiquement jouée par Zoé Saldana. Mais regardons plutôt les décisions successives de cette avocate, la représentation qui est donnée ce que l'avocat doit faire ou ne pas faire.
Il s'agit d'une avocate qui est choisie par ce client pour une qualité : sa capacité à donner dans l'ombre satisfaction à un client qui, au regard du Droit, ne le mérite pas (I). Un criminel avéré, chef d'un réseau de trafic de drogue, la choisit pour une activité où le secret doit être absolu et la dimension juridique peu présente. Dans les démarches dont elle est chargée, elle est confrontée à un médecin, qui ne développe pas la même conception qu'elle et lui conseille de conseiller à son client de ne pas persévérer (II). Dans son âme et conscience, elle désapprouve la corruption qui structure l'ensemble de la société et dont elle semble tout savoir, mais cela ne modifie pas son comportement (III). Pourtant in fine et sans qu'on l'y oblige elle prendra dans une image finale soin des enfants devenus soudainement orphelins (IV).
I. UNE AVOCATE QUI EST CHOISIE POUR LA QUALITE QU'ELLE A MANIFESTEE: SON HABILETE DANS L'OMBRE A DONNER SATISFACTION A UN CLIENT QUI, AU REGARD DU DROIT, NE LE MERITE PAS
Nous sommes au Mexique, à l'époque actuelle. Rita a fait des études de Droit, couronnée par un doctorat. De ce parcours savant, souvent rappelé par elle car justifiant selon elle honneur, reconnaissance et argent, elle ne fait pas grand chose, puisqu'elle travaille comme collaboratrice pour rédiger les actes d'avocats que les associés du cabinet pour lequel elle s'active s'approprient.
Ils le font d'ailleurs très mal car, après avoir appris par coeur la plaidorie qu'elle a rédigée, tandis qu'elle écoute l'avocat en robe la déclamer, puis buter sur des phrases qu'il ne maîtrise pas, elle doit lui mettre sur le nez la feuille où elle a entièrement rédigé le morceau de bravoure ce qui permet au ténor du barreau de repartir dans son discours.
C'est pourquoi sans difficulté l'accusé du meurtre de sa femme, meurtre dont les preuves sont accablantes, sort libre du tribunal, l'avocat ayant obtenu la requalification juridique en suicide. Le fait que l'accusé soit un narcotrafiquant et que les membres du tribunal soient corrompus aura falicité la tâche.
L'avocate dit à sa mère qu'elle a un goût d'égout dans la bouche après cette journée de travail. Mais elle n'envisage pas de changer de travail, d'employeur, ou de comportement pour autant. C'est la seule mention de sa famille. Elle semble n'avoir aucune vie sentimentale, pas de vie de famille, pas de projet privé.
Puis, alors qu'elle se contemple dans la glace un inconnu l'appelle sur son portable pour la féliciter de son travail, soulignant qu'elle devrait ellle recevoir les honneurs et l'argent pour une telle prestation, et lui propose de la rencontrer.
Elle se dit qu'elle doit "saisir sa chance" et elle accepte de travailler pour un autre narcotrafiquant qui lui demande d'organiser pour lui dans un secret total son changement de sexe (comme elle travaillait en secret pour d'autres avocats au bénéfice d'autres narcotrafiquant), ce qu'elle accepte et reçoit immédiatement beaucoup d'argent sur un compte en Suisse.
On ne compte pas le nombre de règles techniques et déontologiques qui sont ici violées. Mais c'est une dimension qui n'est jamais évoquée, ni par un tiers, ni par elle-même (par exemple avec un confident -elle n'en a aucun, elle est entièrement seule - souvent devant sa glace).
On est aussi très loin du critère du choix des compétences techniques élevées, puisqu'à aucun moment du film ne se pose une difficulté juridique à résoudre, le fait qu'elle soit avocate que semble avoir aucune importante (du doctorat il n'est plus question par la suite), le fait qu'elle ne semble tenue par aucune règle en revanche semble être le critère. Cela sera confirmé quand à la fin elle rassemblera elle-même les hommes armés.
Cela fait donc penser à 🎬The devil's Advocate, film dans lequel c'est bien en observant un jeune avocat de province sauver un coupable avéré qu'une promotion et beaucoup d'argent lui sont proposés venus de nul part, lui permettant de devenir "L'Avocat du Diable", proposition qui s'avérera faite par le Diable en personne, acceptation concédée par le triple désir de la carrière, de l'argent et de ne pas rester dan l'ombre.
N'est-ce pas la même histoire ?
II. LA CONFRONTATION ENTRE L'AVOCATE ET LE MEDECIN SUR LEUR OFFICE
Après avoir été rabrouée pour avoir cherché des établissements internationaux et publics de spécialistes de la transformation physique requise, sans que l'on sache pourquoi ni comment, l'Avocate se retrouve face avec un chirurgien, qui travaille de façon isolée (comme elle).
Il est plutôt hostile à l'opération, pensant que le client en espère trop, car selon lui celui-ci attend de pouvoir ainsi renaître dans une vie nouvelle, vierge de tout passé (conservant tout de même accès aux comptes bancaires). Le médecin affirme que la chirurgie qu'il maitrise ne peut ainsi changer les âmes, purifier celles-ci et qu'il serait sage de renoncer.
L'Avocate balaie ce conseil et, tout cela se déroulant sous la forme d'un duo chanté, affirme que le client a toujours raison, que "le client est toujours innocent" (elle affirme cela comme un postulat, sachant que son client est un narcotrafiquant) et que l'avocat doit toujours le soutenir dans l'exécution de sa volonté.
L'opération se fera donc, exactement aux conditions posées par le client.
Là encore, l'on pourrait prendre cette scène-là et la soumettre à la réflexion des organes déontologiques de chacune des professions.
III. UNE AVOCATE QUI NE TIRE PAS DE CONSEQUENCE DE SA DESAPPROBATION EXPRIMEE PAR AILLEURS, MAIS EN SECRET, DES CRIMES COMMIS PAR SES SES CLIENTS
Après 4 ans de vie professionnelle à Londres, où l'Avocate évoluant désormais dans le milieu des affaires, le client, devenu Emilia Pérez reviendra la chercher pour retourner au Mexique, afin qu'elle veille sur la famille et la seconde dans sa nouvelle activité philantrophique.
La schizophrénie s'accellère puisqu'on voit l'homme devenu femme (mais qui finira par se comporter "comme un mari") et qui organise via une association philantrophique qu'il finance la recherche des disparus dont il avait éventuellement commandité l'exécution, dénonçant la corruption dont il était l'un des organisateurs.
L'Avocate est toujours à côté d'Emilia Pérez , approuvant le discours, les écrivant sans doute.
Plus encore, dans un superbe costume rouge, évoquant la robe d'un procureur, elle danse et chante pour dénoncer la corruption au cours d'un dîner de bienfaisante, les fonds récoltés allant pour lutter contre la corruption, protestant auprès d'Emilia Pérez du fait que les fonds apportés viennent principalement des narcotrafiquants. Celle-ci lui répond qu'elle ne connait pas la Cour d'Angleterre et qu'elle demande donc de l'argent à ceux qu'elle connait.
La danse et la chanson désignent un par un les corrompus et les victimes, l'Avocate connaissant les uns et les autres.
Danse de la corruption, Emilia Pérez, 2024
Mais de cette protestation, de cette connaissance précise et exhaustive des faits, il ne reste rien. L'avocate continuera de travailler pour ce système qu'elle vient de décrire.
IV. VEILLER SUR LES DEUX ORPHELINS
De ce film très sombre, où chacun tente de survivre, l'on ne peut pourtant pas dire qu'il finisse absolument mal.
En effet, contrairement au film racontant le sort d'un autre Avocat pris à parti par deux gangs de narcotrafiquants,🎬 The concellor, (2013), celui-ci se termine sur une scène par laquelle l'Avocate prend les 2 enfants de son client, enfants devenus brutalement orphelins et leur dit : "je vais désormais m'occuper de vous".
Cette dernière image montre sans doute que l'office d'un Avocat est de prendre soin des faibles. Ce que fût jamais son client, qu'il soit homme ou qu'il soit femme. Ce qui sont deux enfants orphelins, dont elle prendre soin.
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