22 février 1978

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

Cour de cassation, première chambre civile

Arrêt du 22 février 1978, affaire dite du Poussin

La célèbre affaire Poussin est tout d’abord originale, en ce que le demandeur à l’annulation de la vente pour erreur n’est pas l’acheteur mais le vendeur.

En effet, un particulier retrouve par hasard un tableau ; qu’il fait expertise, m’expert affirmant que le tableau ne peut pas être de Poussin. La vente s’opère donc pour un prix peu élever. Immédiatement après la vente, la Réunion des Musées Nationaux exerce le droit de préemption qu’elle tient de la loi, se substituant ainsi à l’acquéreur et versant simplement 10% de plus du montant initialement conclu. Mais le tableau est attribué à Poussin et est exposé au Louvre. L’affaire fait grand bruit, car le vendeur estime au minimum avoir fait une erreur, voire avoir été trompé par l’Etat qui savait dès le départ que le tableau était authentique et l’a laissé persister dans son erreur sur l’authenticité du tableau pour l’acquérir à vil prix.

Les juges du fond par un arrêt de la Cour d’appel de Paris rejettent la demande d’annulation de la vente que forment les vendeurs, qui prétendent avoir commis une erreur sur les qualités substantielles de l’authenticité du tableau. En effet, les juges soulignent qu’on ne sait pas si le tableau litigieux est ou n’est pas un Poussin, cette attribution ainsi formulée : « à l'Ecole des Carraches », à laquelle procèdent les conservateurs du Louvre, étant le signe de cette incertitude. Ainsi, comme l’on ne sait pas si le tableau est authentique, la partie ne peut pas se prévaloir d’une erreur sur l’authenticité.

L’arrêt est frappé d’un pourvoi et la Cour de cassation raisonne différemment, ce qui justifie la cassation.

En effet, la première chambre civile reproche à la Cour de Paris un manque de base légale dans son arrêt, c'est-à-dire un défaut de raisonnement probatoire. En effet, les juges auraient du tirer conséquence du fait qu’au moment de la vente, les vendeurs excluaient toute authenticité du tableau. Du fait que cette authenticité soit devenue douteuse, qu’il soit possible que le tableau soit de Poussin, même si cela n’est pas certain, alors qu’ils pensaient, s’appuyant sur un expert, Maurice Rheims, que le tableau ne pouvait pas être une oeuvre de Nicolas Poussin, il y a donc bien une marge entre la réalité et la représentation que s’en faisaient les vendeurs. En ne recherchant pas si cette fausse représentation avait vicié le consentement des vendeurs, la Cour de cassation pose que la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

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Cet arrêt très célèbre est remarquable par la nuance de sa solution. Non seulement il affirme le principe selon lequel l’authenticité dans une oeuvre d’art est sa qualité substantielle. Mais il sous-entend que la réalité d’une authenticité n’est seulement duale : vrai ou fausse. Elle est triple : vraie, fausse ou douteuse. Cette trilogie se traduit dans les prix. Si un tableau n’est pas authentifié, son prix sera faible, si un tableau est authentique son prix sera très élevé. Si le tableau est « attribué à », c'est-à-dire d’authenticité douteuse, son prix sera médian. Donc croire qu’il n’est pas authentique, alors qu’il est possible qu’il le soit, c’est commettre une erreur.

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Lire l'arrêt.

 

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