5 octobre 2022

Interviews

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, " Youporn : Le Droit doit se renouveler face à la transformation du monde par l'espace numérique", entretien avec Olivia Dufour, Actu-juridique, 5 octobre 2022.

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💬Lire l'entretien dans son intégralité

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Lire l'entretien précédent : 💬L'efficacité de la Compliance illustrée par l'affaire Youporn

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 Présentation de l'entretien par le journal : "Comment parvenir à bloquer efficacement l’accès des mineurs aux contenus pornographiques sur internet ? C’est à cette difficile question que s’est attaquée l'Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique). Avec pour l’instant un succès mitigé. Début septembre, alors que le régulateur demandait au juge de bloquer les cinq sites n’ayant pas obéi à son injonction de modifier leurs conditions d’accès, la justice a décidé de renvoyer le dossier devant un médiateur. Entre temps, un rapport sénatorial publié le 28 septembre souligne l’urgence d’agir. Nous avons demandé au professeur Marie-Anne Frison-Roche, spécialiste de droit de la compliance, comment à son avis il est possible de lutter efficacement contre les dérives de l’industrie pornographique".  

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 Questions posées :

  • Dans l'affaire Youporn, la décision du tribunal judiciaire de renvoyer le dossier vers la médiation a suscité un certain émoi. N'est-ce pas le signe d'une forme de renoncement de la justice, avec tout ce que cela implique d'un point de vue symbolique ?

 

  • En quoi le droit de la compliance serait-il plus efficace que les méthodes traditionnelles ?

 

  • Mais n’est-ce pas, d’une certaine façon leur permettre de s’autoréguler, solution que précisément le rapport sénatorial écarte radicalement, estimant qu’elle n’est pas efficace ?

 

  • Le problème, à en croire les sites concernés, c’est qu’il n’y aurait pas de solution qui soit à la fois efficace et respectueuse de la protection de la vie privée…

 

  • Pensez-vous que la compliance ait une chance de réussir là où les outils plus traditionnels connaissent un échec relatif ?

 

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30 septembre 2022

Compliance : sur le vif

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Youporn. La question est : comment appliquer les textes ? Pour arriver à quelque chose", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 30 septembre 2022.

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Dans l'actualité, l'on peut suivre deux évènements qui ont trait à l'efficacité des législations, mise en question sur un même objet industriel : la pornographie.

Le premier événement est ponctuel : l'on peut lire le rapport du Sénat sur l'industrie pornographique, publié en septembre 2022, Porno : l'enfer du décor, bon titre, moins austère que les titres des classiques rapports parlementaires, rapport très documenté et très engagé, qui dresse un constat terrifiant de l'industrie pornographique et demande une action immédiate, de tous. Notamment le rapport demande à ce que "enfin" (le "enfin" est dans le titrage du bloc de recommandations à ce propos) l'interdiction d'accès des mineurs aux prestations pornographiques soit effective.

Le second événement se déroule dans le temps : l'on peut suivre l'action des Autorités de supervision et judiciaires à l'encontre de sites pornographiques pour obtenir que ceux-ci contrôlent effectivement l'âge des internautes qui accèdent aux sites et ne contentent pas d'une déclaration de ceux-ci, cliquant sur le bouton affirmant qu'ils sont majeurs.

Il s'agit donc bien du même objet.

I. UN CONSTAT FAIT ET REFAIT : UNE DIFFICULTÉ EXTREME DE MISE EN OEUVRE

Le phénomène de la pornographie a fait l'objet de multiples études, issues de diverses disciplines.

On s'accorde à admettre que dans sa pratique les conditions de son exercice sont d'une part le plus souvent atroces pour les personnes qui y sont enrôlées, et sont d'autre part dommageables pour les spectateurs, de plus en plus souvent des enfants, pornographie et violence s'alimentant.

Contre cela, les institutions publiques peinent, le rapport rappelant les chiffres accablants de l'échec des politiques publiques au secours des personnes dites "actrices", aussi bien qu'à l'égard des spectateurs, puisque tout le monde "consent", les relais d'éducation (parents, écoles, médias) fonctionnant mal.

Le rapport du Sénat demande donc une mobilisation de l'Etat, comme dans une guerre contre un fléau, une politique d'éducation tous azimuts, des parents actifs, une politique publique d'ensemble pour veiller à ce que ces excès, qui sont en réalité l'ordinaire, soient le plus possibles détectés et prévenus.

Revenons d'une façon plus modeste à l'état du Droit positif, exposé clairement dans le rapport et qu'il ne s'agit pas de remettre en cause dans ses principes.

 

II. L'ETAT DU DROIT : LA LICÉITE ET DE PRINCIPE ET L'INTERDICTION PÉNALE DE L'ACCES AUX MINEURS : UN PROBLEME EX ANTE DE RÉGULATION DU NUMÉRIQUE

L'état du Droit est clair. La pornographie est licite. De la même façon que la prostitution est licite.

L'on peut en penser ce que l'on veut et en débattre, et de l'un et de l'autre (car la pornographie est de fait liée à la prostitution comme elle est liée à la violence) mais en l'état du Droit positif il s'agit d'une activité licite.

Le Droit pénal interdit certaines pratiques, soit d'une façon générale qui peuvent plus particulièrement se retrouver dans la pornographie, comme certains types de violences, comme la torture, soit d'une façon spécifique.

C'est à ce titre que d'une façon très précise le Code pénal, dans son article 227-24, réécrit en 2020 pour l'adopter à l'espace numérique, non seulement interdit pénalement l'accès des mineurs aux sites pornographiques mais obligent les sites à contrôler effectivement l'âge des internautes.

L'on peut en penser ce que l'on veut et en débattre mais c'est l'état du Droit positif.

Le Droit dans sa construction n'est pas remis en cause : tout est question de mise en oeuvre. Non seulement l'industrie pornographique explose, faisant désormais partie de la vie quotidienne, mais les dispositions pénales de contrôle de l'âge n'ont pas d'effectivité.

C'est donc un enjeu de compliance, à un double titre : en premier lieu, parce qu'en la matière une fois que les enfants ont consommé le mal systémique que constitue la représentation des femmes comme produits à consommer sans modération les sanctions ne sont plus guère le sujet, le sujet relevant donc avant tout de l'Ex Ante, de la prévention et de la détection, donc d'outils de Compliance ; en deuxième lieu, parce qu'il s'agit d'une industrie qui prospère désormais sur des plateformes, plateformes numériques sur lesquelles l'Autorité de régulation qu'est l'Arcom doit exercer effectivement son pouvoir de supervision, pour que l'espace numérique soit "civilisé", la question de la pornographie rejoignant alors la question de la haine ou de la désinformation dans l'espace virtuel, lesquels reposent sur l'action des opérateurs eux-mêmes, en interaction avec le Régulateur.

🔴mafrSe tenir bien dans l'espace numérique, 2020.

Ici, concernant la pornographie, le Législateur d'une part, le régulateur et le juge d'autre part, ne réagissent pas de la même façon. Mais tous se soucient de l'effectivité du texte, ce qui est effectivement le seul sujet, sauf à se détester tous les uns les autres.

III LA DEMANDE DU LÉGISLATEUR: ACCROITRE LES POUVOIRS DE SANCTION ET L'ÉDUCATION

Dans le rapport du Sénat, le bloc de recommandations sur cette question a pour titre : Appliquer enfin la loi sur interdiction d'accès des mineurs et protéger la jeunesse.

Les recommandations qui en découlent sont les suivantes :

Recommandation n° 11 : Assermenter les agents de l’Arcom afin de leur permettre de constater eux-mêmes les infractions des sites pornographiques accessibles aux mineurs. Recommandation n° 12 : Confier à l’Arcom la possibilité de prononcer des sanctions administratives, aux montants dissuasifs, à l’encontre des sites pornographiques accessibles aux mineurs. Recommandation n° 13 : Imposer aux sites pornographiques l’affichage d’un écran noir tant que l’âge de l’internaute n’a pas été vérifié. Recommandation n° 14 : Définir, dans les lignes directrices de l’Arcom, des critères exigeants d’évaluation des solutions techniques de vérification de l’âge. Recommandation n° 15 : Imposer le développement de dispositifs de vérification d’âge ayant vocation à servir d’intermédiaire entre l’internaute et les sites consultés, avec un système de double anonymat comme proposé par le PEReN et la CNIL. Recommandation n° 16 : Établir un processus de certification et d’évaluation indépendant des dispositifs de vérification d’âge. Recommandation n° 17 : Activer par défaut le contrôle parental, lorsqu’un abonnement téléphonique est souscrit pour l’usage d’un mineur. Recommandation n° 18 : Mener une campagne de communication autour des dispositifs de contrôle parental.

N'accordant pas crédit à l'autorégulation et à l'éthique des plateformes qui sont des "tubes" à contenus pornographiques qui déversent sur la population des flots d'images de ce type à partir de localisations consistant des paradis réglementaires, le Sénat propose plutôt de donner plus de force juridique au Régulateur et aux parents.

L'on retrouve tous les mécanismes déjà déployés en Régulation bancaire et financière, secteur où les outils de la Compliance sont le plus achevés et dans lequel l'on puise car il constitue le modèle pour l'instant le plus achevé.

La difficulté est sans doute que l'effet réputationnel, qui joue très fortement sur les opérateurs bancaires, a peu d'emprise sur les entreprises qui gère les sites pornographiques. C'est donc vers la contrainte que l'on se tourne : puissance des agents de l'autorité, pouvoir de sanction, écran noir. L'on sait que la faiblesse d'un législateur se mesure aussi au fait qu'il augmente les pouvoirs et la répression sur le papier. Mais la critique est aisée et il est difficile pour le Législateur d'en rester au constat et armer un Régulateur est toujours bienvenu car à l'heure où le contrôle des contenus par les opérateurs numériques, supervisés par le régulateur public, est le principe du Digital Services Act , il serait paradoxal que cette catégorie de sites, légaux mais systémiquement dommageables, ne soient pas dans cette logique générale.

Or, cette logique générale implique par ailleurs une collaboration active entre le Régulateur et le Juge.

Celle-ci permet que l'on passe d'un Droit, notamment pénal, qui soit non seulement "effectif", mais qui soit "efficace", c'est-à-dire qui soit non seulement appliqué mais encore produise les effets pour l'obtention desquels il a été adopté.

C'est ce qui est en cours.

 

IV. L'ACTION EN COURS DU REGULATEUR ET DU JUGE : TROUVER LE DISPOSITIF TECHNIQUE ADEQUAT

Il y a plusieurs mois, le président de l'Arcom a fait des injonctions, très motivées, à des sites à contenus pornographiques pour qu'ils respectent le Droit pénal et contrôlent l'âge des internautes qui accèdent à leur site, faute de quoi, en application des textes, le juge judiciaire sera saisi.

Par exemple dans sa décision du 7 avril 2022, le président a fait injonction à la société gérant le site youporn de respecter la loi, l'Autorité ayant constaté qu'il suffisait à l'internaute de cliquer sur une affirmation de non-minorité, ce qui ne suffit pas pour respecter l'article 227-24 du Code pénal précité en mettant en place des technologies efficaces. 15 jours étaient laissés pour ce faire.

🔴mafr, 💬 L'efficacité de la compliance illustrée par l'affaire Youporn, entretien avec Olivia Dufour, 21 juin 2022.

Les sociétés enjointes ont répondu qu'en fait elles ne possédaient pas la technologie pour y procéder, qu'elles ne savaient pas comment dépasser le système actuel d'autodéclaration par l'internaute de son âge et qu'en droit la loi sur la protection des données personnelles leur interdisait l'usage des technologies efficaces disponibles. Ainsi, la technologie les bloque, ce qu'elles regrettent tandis que le Droit bloque le Droit, ce dont elles ne sauraient répondre.

L'injonction de l'Arcom étant infructueuse, car si l'obligation de contrôle de l'âge est une obligation de moyens, cela ne peut justifier une fin de non-recevoir, celle-ci a indiqué par un communiqué du 7 septembre 2022 que le Président de l'Arcom avait saisi le président du Tribunal judiciaire de Paris pour que l'accès à ces sites soit fermé par les soins des fournisseurs d'accès aux internautes relevant du Droit applicable.

Le Régulateur demande donc au Juge, pour ces sites et les sites-miroirs qu'ils fabriqueraient que ceux-ci ne soient plus accessibles à partir du territoire français ou par leurs adresses situées sur le territoire, que les internautes soient automatiquement redirigés vers une page d’information expliquant la raison de ce blocage.

Le Juge judiciaire n'a pas rejeté la demande de l'Arcom, mais n'a pas non plus pour l'instant condamné les sites à subir une telle mise en place.

On peut penser qu'il l'a fait car il ne suffit pas de dire que l'on ne sait pas faire pour se soustraire au Droit pénal, mais s'il n'a pas condamné immédiatement les plateformes c'est aussi parce que l'allégation des défendeurs était "vraisemblable" : il est vrai que technologiquement le contrôle de l'âge pose difficulté, le Droit de la Compliance pouvant obliger des opérateurs cruciaux à inventer des technologies adéquates mais cela est sans doute difficile à mettre en place, demande peut-être du temps, tandis que le droit des données à caractère personnel est lui-aussi protégé par le Droit de la Compliance.

Le Juge judiciaire n'a pas pour autant rien fait, renvoyant tout le monde car quand il est saisi, il doit trouver une solution, surtout s'il partage le souci de l'effectivité des textes.

Par une décision du 6 septembre 2022, le Juge judiciaire a ordonné une rencontre de tous dans la perspective de médiation. Ce n'est pas donner tort au Régulateur, ce n'est pas donner tort aux sites.

En effet, lorsqu'il est possible que tous aient raison en ce qui les concerne : lorsque la question est une question de fait, parce que l'enjeu est avant l'application en fait des textes pour l'instant peu appliqués, qui pourraient l'être si l'on trouve de fait des technologies qui n'entravent pas une activité licite mais qui rendent effectifs et efficaces des textes qui ne doivent pas rester lettre morte, dans un monde ici entièrement numérique, la solution d'une discussion est une voie qui peut être fructueuse.

Compliance et Médiation, en raison de la technicité et de l'ampleur systémique des cas, est une perspective heureuse, car le Droit est un art pratique et que, tout particulièrement en Droit de la Compliance, l'efficacité des textes par des mesures Ex Ante, ici les technologies, est un souci premier, l'ensemble devant toujours se dérouler non seulement en conformité mais dans le respect au sens le plus fort du terme de l'Autorité de Régulation, du Juge et de la Loi pénale.

 

27 septembre 2022

Auditions Publiques

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, audition par la Commission des Lois du Sénat sur la Proposition de Loi constitutionnelle relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, 27 septembre 2022.

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► Lire le dossier législatif, notamment l'exposé des motifs de la proposition de loi. 

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Résumé de la présentation avant la discussion : ma contribution à la discussion nourrie et très large établie entre les représentants du Sénat et les administratrices et mes collègues, Elisabeth Zoller, Stéphane Mouton et Sophie Paricard, a plutôt consisté à développer la dimension concrète et pratique du sujet et la considération que celle-ci a sur la rédaction d'un texte, s'il venait à l'idée du Législateur de s'en saisir.

En effet, il s'agit non pas tant d'établir un droit subjectif, dont la dimension constitutionnelle en tant que telle peut poser techniquement problème, mais d'assurer son effectivité. Ce terme-même d'effectivité est utilisé par la proposition de loi. Or, la notion d'effectivité est utilisée dans le Droit économique, qui vise les buts, le Droit de la Régulation et de la Compliance visant à obtenir dans une sorte de réussite croissante l'effectivité, l'efficacité et l'efficience des mécanismes juridiques. Mais ce souci de politique publique est difficile à intégrer dans le système juridique, et ce que fait le Droit de la Régulation et de la Compliance est difficile à concevoir au niveau constitutionnel, la notion d' "accès à un droit" étant sans doute un pléonasme par rapport à la notion de "droit à l'effectivité", lequel vise sans doute les différents sujets de droit qui, dans la chaîne concrète qui jalonne la façon dont une femme dispose de son corps, deviendrait débiteurs d'un tel "droit d'accès à un droit".

Une telle notion peut engendrer de nombreux contentieux car les potentiels débiteurs d'un tel droit subjectif, qui aurait valeur constitutionnelle, ont aussi des droits subjectifs à opposer, et c'est une grande agressivité juridictionnelle des uns et des autres, des uns contre les autres, qui peut être ainsi engendrée.

D'ailleurs, placer dans la Constitution un tel droit subjectif sous "De l'autorité judiciaire" est inapproprié car le droit à l'avortement est protégé également par le juge administratif, non seulement à travers le contrôle objectif des textes mais encore à travers le contentieux subjectif, les établissements publics étant fortement impliqués dans sa mise en oeuvre.

En outre, de la même façon que l'arrêt Dobbs v. Jackson est un arrêt systémique, visant le fédéralisme, qui en application de la conception par la Cour de celui-ci peut et va priver d'autres droits subjectifs de leur protection constitutionnelle fédérale, le premier à tomber étant sans doute le droit des personnes de même sexe à se marier, mais d'autres peuvent venir, le Constituant français devrait d'ores et déjà (puisqu'il vise l'avenir) soit :

  • viser une catégorie plus abstraite de droits subjectifs que le droit à l'avortement, en visant une  catégorie . Mais comment délimiter cette catégorie ?  comment le dire ?
  • soit partir dans le système de liste (ce qui explique l'insertion dans l'article 16, qui met ce droit spécifique à l'avortement parmi une liste d'autres droits, et suppose donc qu'à chaque fois l'on prenne une autre loi pour mettre les autres ...

Cela suppose alors que le Législateur intervenir par à-coup, dans une liste que le juge aura bien du mal à interpréter, sans doute une "liste fermée"..., mais surtout intervienne en Ex-Post, à chaque fois qu'il pense qu'une agression est davantage probable sur un droit que sur un autre (car c'est le raisonnement ici suivi, l'arrêt Dobbs, qui ne concerne pas l'Europe, étant considéré par le Législateur français comme un "signal" de danger sur ce droit-là...) : mais le Législateur d'une part doit intervenir sur l'avenir et non pas sur le passé (les lois "en réaction" ne sont pas de bonne méthode) et doit être abstraites car c'est au juge de décliner sur des situations et droits particuliers (cf. Carbonnier et "l'effet macédonier"). Or, le Conseil constitutionnel n'est pas placé pour faire cela. Quel juge en France pourrait le faire ? 

Malgré la bonne intention du Législateur, et en retournant les techniques juridiques dans tous les sens, l'on ne voit pas "quoi faire"...

Mais, puisque l'enjeu n'est pas tant l'existence d'un droit, mais l'effectivité de celui-ci, et l'efficacité d'un système médical et social à le servir dans la "réalité" des choses, pourquoi ne pas se tourner vers le Droit économique, Droit concret et téléologique par excellence ? 

Dès lors, si le Législateur devait intervenir pour protéger davantage à l'avenir l'effectivité du droit des femmes à disposer de leur corps, c'est peut-être sous une forme plus incitative, en s'appuyant sur les entreprises qui, comme l'ont fait les entreprises américaines en aidant les femmes à voyager jusqu'aux Etats protecteurs, en ne communiquant pas des informations aux autorités publiques des Etats non-protecteurs, aident concrètement à l'effectivité des droits subjectifs qui sont concrètement menacés, maintenant aux Etats-Unis, éventuellement demain en Europe et en France. 

Cela s'appuie sur le Droit de la Compliance. 

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Voir aussi 

💬Frison-Roche, M.-A, "La Cour suprême a déclenché la bombe de la sécession. Que faire ?", 5 juillet 2022

💬Frison-Roche, M.-A, Droit à l’avortement : « Le processus de sécession est dans la décision », 27 juin 2022

📧M.-A. Frison-Roche, Seuls les droits subjectifs techniques ne sont pas touchés par l'arrêt Dobbs: c'est sur eux qu'il faut construire une nouvelle théorie de l'entreprise, 29 juin 2022

27 septembre 2022

Base Documentaire : Soft Law

► Référence complète : Conseil d'État, Les réseaux sociaux. Enjeu et opportunités pour la puissance publique, Rapport annuel, 2022.

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📗Lire le rapport.

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25 septembre 2022

Publications

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Fonder la compliance", in Revue de l'ACE, La compliance, n° spéc. n°157, septembre 2022, p.17-31.

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► Résumé de l'article : L'article traite le sujet en 20 étapes 

  1. Pourquoi fonder les pratiques de compliance ? Pour des impératif pratiques 
  2. Fonder les pratiques de compliance pour rendre supportables, car compréhensibles, les pouvoirs et les charges concentrés dans les outils de Compliance 
  3. Fonder les pratiques de compliance pour maîtriser un savoir technique exponentiel 
  4. Fonder les pratiques pour y trouver la part du Droit 
  5. Fonder la Compliance sur les process d’efficacité 
  6. Rendre supportable la Compliance fondée sur les process d’efficacité par un mix de procédure et d’éthique
  7. Les professionnels de la Compliance fondée sur des process
  8. La place particulière de l’avocat et du juge dans la Compliance fondée sur des process
  9. Fonder la Compliance sur l’obligation de donner à voir par avance que l’on se conforme à la réglementation applicable
  10. L’aporie de la Compliance fondée sur l’obligation de donner à voir par avance que l’on se conforme à la réglementation applicable 
  11. Les charges engendrées de la Compliance fondée sur l’obligation de donner à voir par avance que l’on se conforme à la réglementation applicable 
  12. L’impraticabilité de la Compliance fondée sur l’obligation de donner à voir par avance que l’on se conforme à la réglementation applicable
  13. Fonder la Compliance sur des buts substantiels ponctuels
  14. Les professionnels de la Compliance impliquées par la Compliance fondée sur des buts substantiels ponctuels 
  15. Fonder la Compliance par des buts substantiels globaux et à venir
  16. Fonder la Compliance par les Buts Monumentaux, négatifs et positifs
  17. Les professionnels de la Compliance fondée sur les Buts Monumentaux
  18. La place particulière de la population concernée et de l'Etat dans la Compliance fondée sur les Buts Monumentaux
  19. La place particulière de l’avocat et du juge dans la Compliance fondée sur les Buts Monumentaux
  20. L'avenir du Droit de l'Avenir

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue, doté de références techniques supplémentaires et de liens hypertextes, ayant servi de base à cet article

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lire la revue dans son intégralité

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23 septembre 2022

Compliance : sur le vif

 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Forêts en feu : effectivité de la sanction des auteurs, une logique de compliance environnementale à développer ?", NewsletterMAFR Law, Compliance, Regulation, 23 septembre 2022.

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 S'inscrire à la NewsletterMAFR Law, Compliance, Regulation.

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Dans un article publié le 23 septembre 2023 par le Huffington Post, Feux de forêts : près de 50 personnes interpelées, il apparaît que les feux qui ont détruit des milliers d'hectare de forêt cet été ont, pour 90%, été causés par des êtres humains, pour 30% d'une façon volontaire, que la plupart des auteurs ont déjà été retrouvés, sont déjà l'objet d'une procédure de sanctions pénales, voire ont déjà sanctionnés.

L'on peut se féliciter de l'efficacité du Droit pénal, qui interdit ce comportement, puisque les autorités publiques, gendarmerie, police et magistrature, sont intervenir vite et bien en Ex Post : les auteurs ont été retrouvés et ont été ou seront punis, en application du Droit.

Mais si l'on prend la question des incendies de forêt sous l'angle non pas de l'effectivité du Droit, qui interdit de mettre le feu volontairement, l'acte violant cette interdiction conduisant en Ex Post à la condamnation de l'auteur, mais sous l'angle de l'efficience de la règle, l'on observe que le But qu'il faudrait atteindre serait qu'il n'y ait pas, ou moins, de feu de forêts.

C'est pour cela que les feux de forêts sont sanctionnés, parce que la personne qui brûle une forêt, comme celle qui pollue une rivière, affecte durablement le système dans lequel nous vivons. Et il est encore plus dur et plus long de faire renaître une forêt que de dépolluer les rivières.

Or, dans le cas des pyromanes et des incendiaires, l'auteur cause à lui seul beaucoup de dommages, lesquels sont très difficilement réparables, et dans l'ampleur et dans la durée, la durée (la reconstitution des sols, la pousse des arbres, l'écosystème) étant le souci systémique central : l'enjeu est systémique et se situe sur l'avenir. .

La logique juridique efficace devrait être celle de l'Ex Ante, qui repose sur l'efficience de la mesure : or, celle-ci est-elle applicable, à travers l'effectivité de la sanction ? Justement, non .... Les chiffres et les informations rappelés par cet article le montrent particulièrement bien.

Si l'on prend la perspective de prévention, la meilleure pour éviter les incendies, puisqu'un seul geste cause un très grand dégât, il apparaît dans les informations disponibles, rappelées dans l'article que :

【1】Les auteurs d'infractions à l'origine de feux systémiques ont des profils très variés, à la fois socialement et psychologiquement

【2】Les capacités des auteurs d'infractions à l'origine de feux systémiques à comprendre ce qu'ils font sont très variés, un nombre important n'ayant pas compris les conséquences de ce qu'ils faisaient

Or, si l'on prend une pollution de rivière, qui est de même dimension systémique, l'infraction à l'origine étant le plus souvent commise par une entreprise, ces deux éléments sont inverses :

【1】Les auteurs d'infractions à l'origine de pollutions systémiques ont un profil homogène : le plus souvent une entreprise ayant fait le plus souvent un calcul d'intérêt

【2】Les auteurs d'infractions à l'origine de pollutions systémiques ont une capacité importante à comprendre ce qu'ils font, le caractère volontaire s'intégrant dans une causalité économique

Il en résulte que :

【1】Concernant les feux de forêts, la méthode Ex Ante de l'éducation qui fonctionne bien pour les pollutions systémiques, si l'on apprend aux entreprises qu'il est de leur intérêt à long terme de préserver la nature (la Convention judiciaire d'intérêt public ayant été étendue aux délits en matière environnementale à cette fin) va à l'inverse fonctionner très mal pour les feux de forêts, parce qu'il n'y a pas un groupe social à cibler particulièrement et parce que les personnes qui passent à l'acte ne sont pas toujours aptes à bénéficier d'une campagne éducative

【2】La méthode consistant à faire payer l'auteur pour qu'il répare lui-même le dommage, qui fonctionne sur les entreprises polluantes, condamnées à replanter massivement, à dépolluer les rivières, etc., voire à en prendre soin activement à l'avenir, ne peut pas fonctionner car la personne isolée n'est pas une structure économique, n'en a pas les moyens : on la condamne donc, et c'est normal, au plus à deux ans de prison, ce qui ne fait pas repousser les arbres.

Que faire si l'on veut qu'il y ait une corrélation entre le dommage causé dans le passé, et le souci de prévenir d'une façon systémique son renouvellement ?

Comment intégrer un souci de Compliance, qui fonctionne bien en matière de pollutions engendrées par les entreprises, dans des destructions systémiques de la nature, dont les feux de forêts sont un parfait exemple ?

 

Certes l'affectation de 3000 gendarmes, décidée par le ministre de l'Intérieur, pour accélérer l'Ex Post est une solution.

Si l'on en revient à ce souci de l'Ex Ante, sans doute une pédagogie générale est bienvenue : c'est toujours la solution proposée pour tout, de la lutte contre la désinformation, de la lutte contre la haine, de la lutte contre les incendies volontaires. C'est vrai, l'éducation de tous pour que naisse le souci d'autrui est l'Alpha et l'Omega, et les danaïdes ne doivent jamais se décourager.

Il ne faut pas se contenter de l'effectivité du Droit pénal.

Il ne faut pas seulement se reposer sur l'éducation de tous à propos des biens communs et de l'avenir du monde, dès le plus jeune âge.

Il faut aussi plus techniquement diffuser largement cette remarquable efficacité de la détection de l'information.

Le Droit de la Compliance, dont le secteur bancaire et financier a été le premier secteur à recevoir la logique et à mettre en place les "outils de la compliance" qui y correspondent, est avant tout un droit de l'information. Or, ce que montre cet article, ce n'est pas tant l'efficacité des sanctions, car elles ne le sont guère (comment punir efficacement des personnes qui ne se rendent pas forcément compte de ce qu'elles font, avec quel type de peine, au regard des dégâts systémiques causés ?).

Ici, les preuves ont été retrouvées sous la cendre, reconstituées, croisées par différents modes de preuve, notamment scientifiques, menant à la personne.

Cette efficacité de collecte d'information a été rendue possible parce que les différentes autorités publiques ont travaillé ensemble : gendarmes, policiers, magistrats, et l'on se souvient à quel point la population et les entreprises, libérant de leur travail au sein de l'entreprise des spécialistes pour que ceux-ci se portent volontaire, aillent immédiatement sur place et aident les autorités publiques.

Cette alliance entre les Autorités publiques, les entreprises en position de le faire (les "opérateurs cruciaux") et la société civile, socle du Droit de la Compliance, produit de l'information.

Cela permet ensuite des procédures rapides.

Comme dans la Compliance bancaire et financière, les systèmes bancaires et financiers étant pareillement "enflammés" par des abus de marché commis par des êtres humains, abus qui sont soit prévenus, soit immédiatement détectés et dénoncés aux autorités publiques, le Droit de la Compliance ayant pour objet de "prévenir et détecter" ces comportements pour protéger le système dans son ensemble et le préserver à l'avenir, il s'agit de perfectionner un système d'information (la loi dite "Sapin 2" n'étant qu'un exemple de cela).

C'est pourquoi dans les peines prononcées lorsqu'un "feux systémique" a été produit, même par quelqu'un qui n'a pas compris ce qu'il faisait, il ne s'agit pas tant de le punir mais peut-être de concevoir, à titre complémentaire une "peine de conformité", telle qu'elle existe en Droit de la Compliance, non pas à travers une Convention judiciaire d'intérêt public puisque l'auteur n'a pas les moyens de cela, mais peut-être à travers un travail d'intérêt général.

Parce que les forêts sont tout autant systémiques que les rivières mais que ceux qui les détruisent les unes ne sont pas du tout ceux qui détruisent les autres, il faut réfléchir à importer les solutions efficientes de la compliance environnementale fonctionnant pour les seconds aux premiers, puisque les punir n'est pas très efficient et les surveiller est impossible.

21 septembre 2022

Publications

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Compliance, the new legal way for human values: towards an Ex Ante Responsibility", in Evolução do Direito no século XXI. Seus princípios e valores: ESG, Liberdade, Regulação, Igualdade e Segurança Jurídica. Homenagem ao Professor Arnoldo Wald, vol. 2, Direito Privado, São Paulo, Editora IASP, 2022, pp. 977-983

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 Résumé de l'article :  For the first time, the future is the first question for the Humanity. The classical legal conception of Tort Law concerns the Past, the philosophical conception of Hans Jonas, a Responsability for the Future, an Ex-Ante Responsability must become a legal notion. 

Traditionally, the Legislator takes decision for the Future and the Judges takes ones for the Past, but now in front of the possible disparition of human beings on this planet, global and catastrophic perspective, all legal perspectives need to be used, breaking the classical repartition, in the priority of the future.  To do something, the Responsability must be put on everyone in a legal force, not only on the classical subject of Law and because of past behaviors, but because the operators, States, firms, or individuals, are "in position" to do so. 

This new "Ex-Ante Responsibility" is an essential part of the Compliance Law, very new branche of Law, with an extraterritorial effect, to find immediate and active solutions for the future. Because the issue is global, international Arbitration is in position to apply the conception, because international arbitrators are the global judges.

This new conception of legal Ex-Ante Responsibility, declared by courts, expressed human values, such as the concerns for the others, in concordance withe the humanist tradition of European and American Law, Compliance being not at all to obey regulations but to concretise an alliance a Monumental Goal, here for the preservation of human beings in the future, and the powers and the legal duties of corporate and people to do so. 

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📝lire l'article (en anglais)

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20 septembre 2022

Interviews

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "La raison d'être est avant tout une notion juridique", entretien in Notariat, La journée de la Raison d'Etre, 

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📝Lire l'entretien 

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📚Lire le numéro complet dans lequel s'insère l'entretien.

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🎥Regarder l'intervention en vidéo de Marie-Anne Frison-Roche à la journée du Conseil Supérieur du Notariat sur la Raison d'être

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15 septembre 2022

Conférences

 

► Référence complète : Frison-Roche, M.A., Régulation et Compliance, expression des missions d'un Ordre, in Ordre des Géomètres-experts, Une profession face aux défis de la société, Le Havre, 15 septembre 2022. 

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🧮 Lire le programme général de la manifestation de trois jours

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🎥regarder la video d'une minute résumant l'intervention d'une vingtaine de minutes

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🚧 lire le document de travail servant de base à cette conférence

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► Résumé de l'intervention : Les ordres professionnels ne doivent pas se penser comme des exceptions, si légitimes soient-elles, par rapport à un principe, qui serait le jeu concurrentiel, mais comme l'expression d'un principe. Ce principe est exprimé par deux branches du Droit dont l'importance ne cesse de croître dans le Droit européen, branches libérales qui se fondent sur une conception de la vie économique et de l'entreprise tournée avant tout vers le futur : le Droit de la Régulation et le Droit de la Compliance, deux branches du Droit à la fois liées et distinctes.

En effet et c'est l'objet de la première partie, il est vrai que le Droit de la Concurrence conçoit les ordres professionnels comme des exceptions puisque ces "corporations" constituent des ententes structurelles. Le Droit interne français à la fois consolide les ordres en les adossant à l'Etat qui leur subdéléguerait ses pouvoirs mais les embarque dans la remise en cause par l'Union européenne des Etats et leurs outils. Le plus souvent la tentation est alors de rappeler avec une sorte de nostalgie les temps où les ordres étaient le principe mais, sauf à demander comme une restauration, le temps ne serait plus. 

Une approche plus dynamique est possible, en accord avec l'évolution plus générale du Droit économique. En effet l'Ordre professionnel est l'expression d'une profession, notion relativement peu exploitée, sur laquelle il exerce la fonction de "Régulateur de second niveau", les Autorités publiques exerçant la fonction de "Régulateur de premier niveau". Le Droit de la Régulation bancaire et financière est construit ainsi et fonctionne de cette façon, au niveau national, européen et mondial. C'est de cela qu'il convient de se réclamer. 

Les Ordres professionnels ont alors pour fonction primordiale de diffuser une "culture de Compliance" dans les professionnels qu'ils supervisent et au-delà de ceux-ci (clients et parties prenantes). Cette culture de Compliance s'élabore au regard des mission qui sont concrétisés par les professionnels eux-mêmes. 

C'est pourquoi la seconde partie du document de travail porte sur l'évolution juridique de la notion de "mission" qui est devenue centrale en Droit, notamment à travers la technique de l'entreprise à mission. Or les points de contact sont multiples entre la raison d'être, l'entreprise à mission et le Droit de la Compliance, dès l'instant que l'on définit celui-ci par les buts concrets et très ambitieux que celui-ci poursuit : les Buts Monumentaux. 

Chaque structure, par exemple l'Ordre des Géomètres-Experts, est légitime à fixer le But Monumental qu'il poursuit et qu'il inculque, notamment le territoire et le cadre de vie, rejoignant ce qui unit tous les Buts Monumentaux de la Compliance : le souci d'autrui. L'Ordre des Géomètres-Experts est adéquat parce qu'il est dans un rapport plus flexible, à la fois plus resserré et plus ample, avec le territoire que l'Etat lui-même. 

En inculquant cela aux professionnels, l'Ordre professionnel développe chez le praticien une "responsabilité ex ante", qui est un pilier du Droit de la Compliance, constituant à la fois une charge et un pouvoir que le professionnel exerce et dont l'Ordre professionnel doit être le superviseur.

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► pour aller plus loin ⤵️ 

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6 septembre 2022

Auditions Publiques

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Europe, Compliance et Professions", intervention devant le bureau du Comité de Liaison des Institutions ordinaires (CLIO), 6 septembre 2022.

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Cette présentation d'une quinzaine de minutes a ensuite donné lieu à un échange avec les membres du Bureau du CLIO. 

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► Résumé de la présentation : La perspective ici proposée est de partir non pas du schéma du marché concurrentiel, repris par le Droit de la concurrence, par rapport auxquels les professions et les ordres ont toujours dès le départ et définitivement statut d'exceptions, mais de partir - dans une vision paradoxalement moins juridique et plus concrète - de l'Europe telle qu'elle s'était construite à la fin de la Seconde Guerre mondiale et qu'elle se construit de nouveau.

 

I. LE PROJET POLITIQUE DE L'EUROPE : À COTE DE L'EUROPE DE LA CONCURRENCE, L'EUROPE DE LA RÉGULATION

La Régulation n'est en rien l'exception (qui serait en outre logée au niveau des Etats-membre) du Droit de la concurrence (qui serait en outre logée au niveau du Droit de l'Union), la concurrence écrasant doublement la Régulation, en ce qu'elle serait le seul principe (le principe prévalant sur l'exception) et qu'elle serait au-dessus dans la hiérarchie des normes.

Cela n'est pas vrai. 

Il faut donc partir de l'Europe. 

L’Europe est une idée politique, construite avec des moyens juridiques. C'est ainsi que Monnet l'avait conçu et c'est de nouveau que la Commission européenne la conçoit (voir par exemple ce qu'en dit Thierry Breton). 

Au sortir d'une catastrophe, il s'est agi de construire l'Europe, conçue comme  une communauté d’êtres humains (valeurs communes, groupe social fluide).

Pour cela, il fallait trouver les bons instruments juridiques, pour (re)créer ces valeurs communes : faire que les échanges se réalisent avec des règles juridiques "positives" (CECA, collaborations pour faire des rails) et des règles juridiques « négatif » (abattre les frontières ; prohibition des comportements anticoncurrentiels et prohibition des aides d’Etat, prohibition qui n’existe nulle pas ailleurs).

Puis en premier lier la Commission européenne, la Cour de justice, voire les Etats-membres ont « oublié » la construction positive et on n’a gardé que la construction négative : le vide concurrentiel (qui a des mérites, notamment en ce qu'il exprime la liberté), dont tout devait sortir ; en second lieu, on a pris l’instrument pour le but.

C'est ainsi que le Droit de la concurrence, en tant qu'il est une branche du Droit économique, est entièrement guidé par sa finalité, mais il a pour objet la concurrence : la téléologie a pour objet une fin qui ne lui est pas extérieure, c’est une « tautologie ».

L’Europe a changé, par le choc des crises successives depuis 2008, avec la crise financière et bancaire ; depuis 2020 avec la crise sanitaire ; depuis 2022 avec la crise climatique qui s’annonce.

C'est une opportunité (la crise est aussi une opportunité, parce qu'elle prise les idées de départ, fait de la place pour d'autres). 

La téléologie européenne n’est plus tautologie ; la concurrence y retrouve sa place. Le système demeure celui d'une économie libérale mais la DG Concurrence ne résume plus la Commission européenne : l’Europe – y compris la Commission européenne – n’a plus pour seule fin la concurrence. La crise étant un souci majeur, car l'Europe a compris qu'elle était mortelle, le Droit a pour finalité de permettre à l'Europe de survivre (notamment face à la Chine :  elle a pour fin d’être « durable » : de ne pas disparaître.

Cela a pris notamment forme dans l'Union bancaire, qui a pour but simple d'exclure la disparition de l'Europe.

Mais cela vaut aussi pour l'Europe de la communication des personnes et des biens. Voir par exemple la proposition le 7 juillet 2022 d’aides d’Etat sur les transports pour faire une Europe des transports avec des infrastructures publiques.

Voir aussi la naissance de la « gouvernance-énergie », signant la fin de la suprématie l’esprit de la directive de 2016 sur « l’ouverture à la concurrence » comme seul principe, nouant l'énergie et l'environnement, prolongeant la Régulation par la Supervision, c'est-à-dire avant tout l'Industrie. Or, dans une perspective à ce point concrète, là où il y a de l'industrie il y a des personnes ayant des savoirs-faire : des professionnels

La crise de 2020 accélère la naissance de l’Europe de la Santé ; à partir du vaccin.

La DG Connect exprime volonté de construire un écosystème numérique européen : Europe des données, à la fois marchand, industriel et protecteur des personnes (Digital Markets Act ; Digital Services Act ; Governance Data Act ; Chip Act), initialement construit par le Juge européen (jugement de la CJUE Google Spain 2014).

Dans chaque perspective, il y a la fixation par les Autorités politiques européenne d'un « but monumental », à la fois propre à un secteur mais aussi commun à tous, et tous se regroupent autour d’une volonté proprement européenne : la protection des êtres humains.

 

L'Avenir de l'Europe est ainsi dans l'émergence de l'Europe de la Régulation. 

La question qui se pose alors est : comment atteindre ces Buts ainsi politiquement posés ? 

Car la distance est grande entre la volonté exprimée et la concrétisation de ces buts (affaire de "plan" et de "transition").

 

II. POUR CONSTRUIRE L'EUROPE SOUVERAINE : l'ACTION DES PROFESSIONS, ENTITÉS EN POSITION D'ATTEINDRE LES BUTS MONUMENTAUX 

 

L’Europe de la Régulation, ainsi constituée, est, surtout avec l'enjeu des données (économie de l'information, industrie des données, souveraineté européenne), entre les mains des entreprises et de l'industrie, laquelle ne se pense pas en-dehors des professionnels.

La CJUE appuie le mouvement.

Mais comment la mettre en œuvre :

Le politique (la Commission européenne, les gouvernements nationaux, etc.) va rechercher des alliances, le Droit de la Compliance prolongeant le Droit de la Régulation et mettant en alliance les Autorités publiques (dont l'État n'est qu'un exemple) et les "entités en position de le faire".

Pour les institutions européennes, ces "entités en position d'agir" sont :

  • :
    • Les Etats membres
    • Les entreprises cruciales, les entreprises publiques,
    • Les ordres correspondent à cette définition

 

L'Europe se construit ainsi actuellement et à l’avenir sur deux piliers :  Concurrence d’une part et Régulation et Compliance d’autre part. 

 

  • Ne pas se penser comme une exception (même légitime) au principe de concurrence
  • Se penser comme un opérateur crucial contribuant à l'expression du second pilier de la construction européenne
  • Donner à voir sa contribution structurelle à la construction de l’Europe, telle qu’elle se dessine
  • Proposer son aide dans ce sens

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► pour aller plus loin ⤵️ 

5 septembre 2022

Publications

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, Contrat de compliance, clauses de compliance, document de travail, septembre 2022.

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📝Ce document de travail sert de base à un article, publié dans le cadre de la 📚chronique de Droit de la Compliance tenue au Recueil Dalloz.

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📚Lire les autres articles parus par cette Chronique Droit de la Compliance. ouverte depuis 2018.

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Résumé du document de travail : Le Droit de la compliance a multiplié les obligations. Mais si l’on voit apparaître le droit de la responsabilité et si la pratique multiplie les contrats, pour l’instant les rapports entre Droit de la compliance et Droit des contrats sont peu visible (I). Pourtant, il existe des contrats dont le seul objet est de concrétiser la compliance, ce qui en fait un contrat spécifique et doit influencer sa mise en œuvre (II). En outre, l’on a beaucoup à apprendre de la diversité des clauses de compliance disséminées dans de multiples de contrats (III).  

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🔓Lire ci-dessous les développements⤵️

1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : M.-E. Boursier, "Les buts monumentaux de la compliance : mode d'expression des États", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 467-474.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Les "buts monumentaux" sont la raison d’être de la Compliance et lui donnent un sens : ils s’enrichissent d’un objectif politique la faisant advenir au statut de véritable normes juridiques. Le Droit de la Compliance est apparu par la confrontation des États avec la globalisation, conduisant à une éviction des notions juridictionnelles traditionnelles. Les buts monumentaux sont l’expression des politiques publiques qui peuvent se déployer dans un tel contexte, grâce à l'articulation que la Compliance construit avec les parties prenantes privées, contribution spontanée ou contrainte.  

Par ce nouveau Droit, les États retrouvent leur agilité face aux marchés. En effet, ces buts monumentaux justifient cette nouvelle responsabilité pesant sur les entreprises et les nouvelles puissances que les États expriment au-delà de leurs frontières traditionnelles. 

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1 septembre 2022

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 21-44.

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article :  Le droit de la compliance peut être défini comme l'ensemble des procédés obligeant les entreprises à donner à voir qu'elles respectent l'ensemble des réglementations qui s'appliquent à elles. L'on peut aussi définir cette branche par un cœur normatif : les "buts monumentaux". Ceux-ci permettent de rendre compte du droit positif nouveau, rendu ainsi plus clair, accessible et anticipable. Ils reposent sur un pari, celui du souci de l'autre que les êtres humains peuvent avoir en commun, forme d'universalité. 

Par les Buts Monumentaux, apparaît une définition du Droit de la Compliance qui est nouvelle, originale et spécifique.  Ce terme nouveau de "Compliance" désigne en effet une ambition nouvelle : que ne se renouvelle pas à l'avenir une catastrophe systémique. Cet But Monumental a été dessiné par l'Histoire, ce qui lui donne une dimension différente aux Etats-Unis et en Europe. Mais le cœur est commun en Occident, car il s'agit toujours de détecter et de prévenir ce qui pourrait produire une catastrophe systémique future, ce qui relève de "buts monumentaux négatifs", voire d'agir pour que l'avenir soit différent positivement ("buts monumentaux positifs"), l'ensemble s'articulant dans la notion de "souci d'autrui", les Buts Monumentaux unifiant ainsi le Droit de la Compliance. 

En cela, ils révèlent et renforcent la nature toujours systémique du Droit de la compliance, comme gestion des risques systémiques et prolongement du Droit de la Régulation, en dehors de tout secteur, ce qui rend disponibles des solutions pour les espaces non-sectoriels, notamment l'espace numérique. Parce que vouloir empêcher le futur (faire qu'un mal n'advienne pas ; faire qu'un bien advienne) est par nature politique, le Droit de la Compliance concrétise par nature des ambitions de nature politique, notamment dans ses buts monumentaux positifs, notamment l'égalité effectif entre les êtres humains, y compris les êtres humains géographiquement lointains ou futurs. 

Les conséquences pratiques de cette définition du Droit de la Compliance par les Buts Monumentaux sont immenses. A contrario, cela permet d'éviter les excès d'un "droit de la conformité" visant à l'effectivité de toutes les réglementations applicables, perspective très dangereuse. Cela permet de sélectionner les outils efficaces au regard de ces buts, de saisir l'esprit de la matière sans être enfermé dans son flot de lettres. Cela conduit à ne pas dissocier la puissance requise des entreprises et la supervision permanente que les autorités publiques doivent exercer sur celles-ci. 

L'on peut donc attendre beaucoup d'une telle définition du Droit de la Compliance par ses Buts Monumentaux. Elle engendre une alliance entre le Politique, légitime à édicter les Buts Monumentaux, et les opérateurs cruciaux, en position de les concrétiser et désignés parce qu'aptes à le faire. Elle permet de dégager des solutions juridiques globales pour de difficultés systémiques globales a priori insurmontables, notamment en matière climatique et pour la protection effective des personnes dans le monde désormais numérique où nous vivons. Elle exprime des valeurs pouvant réunir les êtres humains.

En cela, le Droit de la Compliance construit sur les Buts Monumentaux constitue aussi un pari. Même si l'exigence de "conformité" s'articule avec cette conception d'avance de ce qu'est le Droit de la Compliance, celui-ci repose sur l'aptitude humaine à être libre, alors que la conformité suppose davantage l'aptitude humaine à obéir. 

C'est pourquoi le Droit de la Compliance, défini par les Buts Monumentaux, est essentiel pour notre avenir, alors que le droit de la conformité ne l'est pas.

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : Ch. André, "Souveraineté étatique, souveraineté populaire : quel contrat social pour la compliance ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 483-500.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : Les « buts monumentaux de la compliance » servent de vecteurs à des valeurs sociales « communes » : la proposition est simple, mais elle apparaît à la fois familière et étrange aux yeux d’un pénaliste.

Familière, car même si la compliance transcende les frontières des disciplines académiques, elle partage avec le droit pénal une logique sanctionnatrice des atteintes portées à des intérêts sociaux. Etrange, car les buts monumentaux véhiculent des valeurs sociales en balayant toutes les savantes discussions qui ont cours depuis Beccaria sur les fondements et les fonctions axiologiques de la peine. En effet, les valeurs sociales promues par les buts monumentaux sont « communes » au triple sens du terme.

En premier lieu, elles sont partagées par les plus grandes entités économiques du monde occidental, internalisées, et cela sans qu’il y ait eu besoin d’un traité international sur les valeurs protégées. La question de la souveraineté est éclipsée.

En deuxième lieu, elles sont communes en ce sens qu’elles sont banales, ordinaires, recevant l’assentiment de la plupart des citoyens-consommateurs occidentaux : probité, égalité, respect de l’environnement, qui n’opinerait pas en faveur de leur respect ?  De là l’intérêt pour les entreprises de communiquer, de faire savoir, urbi et orbi, à quel point elles respectent ces buts monumentaux. La question du consensus citoyen sur les valeurs est éludée, car elles sont censées relever de l’évidence (quand bien même les buts pourraient être atteints par des voies différentes, voire se contredire : comment, par exemple, concilier dans la tarification accès de tous aux transports et respect de l’environnement ?).

En troisième lieu, ces valeurs sont communes car elles enrôlent désormais une foule de communiants (les « compliance officers », entre autres) qui, de plus ou moins bonne grâce - la liturgie tatillonne de la compliance peut rebuter certains officiants et susciter des Tartuffe - cherchent à diffuser le culte de ces valeurs à tous les échelons de l’entreprise. Respectées, ces valeurs sont forcément respectables : il s’agit d’une sorte de moralisation des entreprises par la foule des firmes qui les respectent. L’existence précède l’essence, et les valeurs véhiculées contribuent à la raison d’être de l’entreprise, par-delà la recherche du profit. La question de l’effectivité s’estompe, puisque ces valeurs sont déjà là, contrôlées régulièrement, tant en interne que par des autorités publiques. Souveraineté, citoyenneté, effectivité : la logique de la compliance supplante les débats académiques des pénalistes, leur substituant des solutions pratiques. Sans doute est-ce en cela que les buts sont « monumentaux » : vastes, globaux, écrasants. La compliance n’est peut-être pas le meilleur des mondes, mais c’est très certainement un autre monde.

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : J.-F. Vaquieri, "Les "Buts Monumentaux" perçus par l'entreprise. L'exemple d'Enedis", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 77-84.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : L'article vise à montrer comment une entreprise particulière en ce qu'elle est chargée par la puissance publique de distribuer à chacun effectivement en France l'électricité participe aux Buts Monumentaux, les concrétise et les intègre dans son fonctionnement même. Enedis, entreprise publique monopolistique, gestionnaire du réseau de distribution participe directement à ceux-ci en application expresse du Code de l'énergie. 

Sous le contrôle du Régulateur, l'entreprise est investie de la charge de la continuité de l'alimentation électrique et répondant aux enjeux de transition énergétique, Enedis veille à l'égalité de traitement à l'échelle nationale et locale, la Compliance prolongeant ainsi la Régulation à laquelle elle répond et qu'elle internalise. La gestion des données personnelles, l'énergie étant au cœur de la révolution numérique, implique une armature interne particulièrement forte de Compliance. Cette articulation entre la Compliance nouvelle en matière d'informations personnelles et cette Compliance comme continuation de la Régulation pour servir le citoyen, les deux convergeant au bénéfice des personnes, explique qu'Enedis a mis la conformité au cœur de ses engagements, notamment exprimés dans son code de conduite, son Projet industriel et humain (PIH) et ses actions environnementales. 

La Compliance qui lui est spécifique est diffusée par ses soins aux diverses entités, notamment via les contrats de concession, donnant à ceux un cadre original. Cette importance de la Compliance pour Enedis conduit l'entreprise à travers les "Buts Monumentaux" qui la fédèrent à concevoir et maintenir des équilibres entre la diversité de ceux-ci pour que les valeurs portées par l'entreprises continuent de se décliner, notamment localement. 

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1 septembre 2022

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Définition du principe de proportionnalité et définition du Droit de la Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 245-271.

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : L'usage de la Proportionnalité pour toujours limiter les pouvoirs n'est justifié que lorsqu'il s'agit de sanction. Mais dès lors qu'il ne s'agit pas de sanctions, et les sanctions ne sont qu'un outil parmi d'autres, destinées d'ailleurs à avoir peu de place dans ce Droit Ex Ante, et que l'on en revient à la nature même du Droit de la Compliance, qui s'appuie sur des opérateurs, privés ou publics, parce qu'ils sont puissants, alors utiliser la proportionnalité pour limiter les pouvoirs est dommageable au Droit de la Compliance.

Mais rien ne requiert cela. Le Droit de la Compliance n'est pas une exception qu'il faudrait limiter. C'est au contraire une branche du Droit qui porte les plus grands principes, visant à protéger les êtres humains et dont la normativité réside dans les "Buts Monumentaux" : détecter et prévenir les crises systémiques majeurs futures (financières, sanitaires, climatiques).
Or, le principe de Proportionnalité n'est "pas plus de pouvoirs qu'il n'est nécessaire, autant de pouvoirs qu'il est nécessaire". La seconde partie de la phrase est autonome de la première : il faut la saisir. Le Politique ayant fixé ses Buts Monumentaux, l'entité, notamment l'entreprise doit avoir, même tacitement, "tous les pouvoirs nécessaires" pour les atteindre. Par exemple le pouvoir de vigilance, le pouvoir d'audit, le pouvoir sur les tiers. Parce qu'ils sont nécessaires pour remplir les obligations que ces "opérateurs cruciaux" doivent exécuter car ils sont "en position" de le faire.
Ainsi au lieu de limiter les pouvoirs, la proportionnalité vient supporter (au sens anglais) les pouvoirs, les légitimer et les accroître, pour que nous ayons une chance que notre avenir ne soit pas catastrophique, peut-être meilleur. En cela, le Droit de la Compliance, dans sa définition riche, aura lui-même enrichi le principe de proportionnalité.

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1 septembre 2022

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, 520 p.

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📘Parallèlement, un ouvrage en anglais, Compliance Monumental Goals, est publié dans la collection éditée par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et les Editions Bruylant. 

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📅Cet ouvrage vient à la suite d'un cycle de colloques 2021 organisés par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et des Universités qui lui sont partenaires.

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📚Ce volume s'insère dans la ligne des ouvrages qui dans cette collection sont consacrés à la Compliance : Consulter les autres titres de la collection.

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Présentation générale de l'ouvrage : Saisir la Compliance par son esprit : ses Buts Monumentaux. La notion de "buts monumentaux" de la Compliance a été proposée en 2016 par Marie-Anne Frison-Roche. Elle est devenue explicite dans les textes et la résolution des cas, par exemple pour lutter contre le changement climatique, rendre effectivement égaux les êtres humains, obliger à être extraterritorialement vigilant chez les fournisseurs.

Le Buts Monumentaux de la Compliance sont visés en Ex Ante par des régulations, les contrats, la RSE, et des accords internationaux. Créant une alliance entre les entreprises et les autorités politiques, visant une nouvelle forme de souveraineté. La présence dans les contentieux de ces Buts Monumentaux de dimension mondiale renouvelle les responsabilités et l’office du Juge. Décrire et concevoir ces Buts Monumentaux permet d’anticiper un Droit de la Compliance, chaque jour plus puissant.

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🏗️Construction générale de l'ouvrage : L'ouvrage s'ouvre sur une double introduction. La première résume l'ouvrage. La seconde, de nature substantielle et de conception générale, propose une définition du Droit de la Compliance mettant en son "cœur battant" les Buts Monumentaux, qui confère à cette branche du droit nouvelle son originalité et sa spécificité, expliquant ce qui, dans l'Histoire des États-Unis et de l'Europe, a fait naître ce corpus si singulier et justifie une définition substantielle du Droit de la Compliance. Le concept de Buts Monumentaux est explicité et explique la nature à la fois systémique et politique de ce Droit, dont les conséquences pratiques sont ainsi mieux cernées et limitées, puisque le Droit de la Compliance n'aboutisse pas à la toute-obéissance. L'on peut alors énoncer ce que l'on peut attendre de ce Droit de l'Avenir qu'est le Droit de la Compliance.

A partir de là, l'ouvrage se déploie en 5 titres. 

Un premier Titre est consacré à la "radioscopie" de cette notion, en elle-même et branche du Droit par branche du Droit. 

Un deuxième Titre a pour objet de mesurer comme les Buts Monumentaux sont remis en cause par une situation de crise, par exemple sanitaire mais pas seulement, s'ils l'aggravent et doivent être écartés, ou si au contraire ils sont exactement conçus par cette hypothèse de crise, de risques, de catastrophes et qu'il convient de les exploiter, notamment pour, dans cette "épreuve", tirer profit de l'alliance entre les Autorités politiques, pouvoirs publics et Opérateurs cruciaux.

Une fois acquis et éprouvés, les Buts Monumentaux doivent trouver une façon sûre d'être pris en considération. C'est pourquoi un troisième Titre a pour objet de mesurer en principe et en pratique comme la méthode de la proportionnalité peut aider à l'insertion de la Compliance, donnant ainsi une nouvelle dimension au Droit sans l'entraîner dans l'insécurité et l'accaparement illégitime des pouvoirs. 

Mais parce que l'ancrage normatif des Buts Monumentaux dans le Droit de la Compliance exprime une très grande ambition, la question d'un rapport supportable, voire bénéfique, avec la compétitivité internationale des entreprises, des normes et des systèmes doit être ouverte. C'est l'objet du quatrième Titre.  

Enfin, parce que les Buts Monumentaux expriment par nature une nouvelle ambition du Droit dans un monde qui ne doit pas renoncer à ce qui pourrait être la perspective de sa perte, le cinquième Titre a pour objet le rapport entre les Buts Monumentaux de la Compliance et la Souveraineté.

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 Appréhender l'ouvrage à travers la table des matières ci-dessous et les résumés de chacun des articles : 

 

DOUBLE INTRODUCTION

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Résumé de l'ouvrage Les buts monumentaux du droit de la compliance (accès libre : cliquer ICI pour lire cet article

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance

 

I. LA NOTION DE BUTS MONUMENTAUX DE LA COMPLIANCE

🕴️R.-O. Maistre, 📝Quels buts fondamentaux pour le régulateur dans un paysage audiovisuel et numérique en pleine mutation ?

🕴️A.V. Le Fur, 📝Intérêt et raison d’être de l’entreprise : quelle articulation avec les Buts Monumentaux de la Compliance ?  

🕴️A. Le Goff, 📝La part des banques dans la concrétisation des Buts Monumentaux de la Compliance

🕴️J.-F. Vaquieri,📝Les "Buts Monumentaux" perçus par l'entreprise. L'exemple d'Enedis

🕴️M. Malaurie-Vignal, 📝Les Buts Monumentaux du droit du marché. Réflexion sur la méthode

🕴️D. de La Garanderie, 📝Sur les Buts Monumentaux de la Compliance sociale

 🕴️C. Peicuti & 🕴️J. Beyssade, 📝La féminisation des postes à responsabilité dans les entreprises comme But de la Compliance. Exemple du secteur bancaire

🕴️I. Gavanon, 📝Le droit des données personnelles dans l’économie numérique à l’épreuve des Buts Monumentaux

🕴️B. Petit, 📝Les Buts Monumentaux du droit (européen) des relations de travail : un système mouvant aux équilibres à consolider   

🕴️G. Beaussonie, 📝Droit pénal et Compliance font-ils système ?

🕴️Ch. Huglo, 📝À quelles conditions le Droit climatique pourrait-il constituer un But Monumental prioritaire ?

 

II. MISE EN OEUVRE DES BUTS MONUMENTAUX DE LA COMPLIANCE EN ARTICULATION DU PRINCIPE MAJEUR DE LA PROPORTIONNALITÉ 

🕴️L. Rapp, 📝Conformité, proportionnalité et normativité  

🕴️B. Bär-Bouyssière, 📝Les obstacles pratiques à la place effective de la proportionnalité dans la Compliance

🕴️A. Mendoza-Caminade, 📝Compliance, proportionnalité et évaluation

🕴️L. Meziani, 📝Proportionnalité en Compliance, garant de l’ordre public en entreprise

🕴️M. Segonds, 📝Compliance, proportionnalité et sanction 

 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Définition du principe de proportionnalité et définition du Droit de la Compliance 

 

 III. LES BUTS MONUMENTAUX DE LA COMPLIANCE ÉPROUVÉS PAR LES SITUATIONS DE CRISES 

🕴️A. Oumedjkane, A. Tehrani et P. Idoux, 📝Normes publiques et Compliance en temps de crise : les Buts Monumentaux à l'épreuve. Éléments pour une problématique

🕴️J. Bonnet, 📝La crise, occasion de saisir la Compliance comme mode de communication des autorités publiques  

🕴️N. Sudres, 📝Gel hydroalcoolique, Covid-19 et Compliance. Des insuffisances de la démarche de conformité à l'émergence d'îlots de Compliance

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Place et rôle des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise 

 

IV. EFFECTIVITÉ DES BUTS MONUMENTAUX DE LA COMPLIANCE ET COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE 

🕴️B. Deffains, 📝L’enjeu économique de compétitivité internationale de la Compliance

🕴️J.-Ch. Roda, 📝Compliance, enquêtes internes et compétitivité internationale : quels risques pour les entreprises françaises (à la lumière du droit antitrust) ?

🕴️F. Marty, 📝L'apport des programmes de conformité à la compétitivité internationale : une perspective concurrentielle

🕴️S. Lochmann, 📝Les agences de notation ESG et l'effectivité de la Compliance face à la compétitivité internationale

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale  

 

V. LA COMPLIANCE PORTÉE PAR LES BUTS MONUMENTAUX, NOUVELLE VOIE DE SOUVERAINETÉ 

🕴️R. Bismuth, 📝Compliance et souveraineté : relations ambigües

🕴️L. Benzoni, 📝Commerce international, compétitivité des entreprises et souveraineté : vers une économie politique de la Compliance

🕴️M.-A. Boursier, 📝Les Buts Monumentaux de la Compliance : mode d'expression des États

🕴️S. Pottier, 📝Pour une Compliance européenne, vecteur d'affirmation économique et politique

🕴️Ch. André, 📝Souveraineté étatique, souveraineté populaire : quel contrat social pour la Compliance ?

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Le principe de proximité systémique active, corollaire du renouvellement du principe de souveraineté par le Droit de la Compliance

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : M. Malaurie-Vignal, "Les buts monumentaux du droit du marché. Réflexion sur la méthode", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 85-100.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance):  L'article porte sur le Droit de la concurrence, en ce que celui-ci par méthode doit déterminer ce pour quoi il est constitué afin de fonctionner techniquement. Reprenant les diverses théories économiques et juridiques à ce propos, qui se sont succédées et se sont affrontées l'auteur estime que le but monumental du droit du marché est de développer un environnement économique favorable aux entreprises et aux consommateurs, puis pose la question de savoir s'il pourrait intégrer une dimension éthique et plus largement des considérations non économiques, notamment humanistes. 

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Mise à jour : 1 septembre 2022 (Rédaction initiale : 13 avril 2022 )

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : N. Sudres, "Gel hydroalcoolique, Covid-19 et compliance. Des insuffisances de la démarche de conformité à l’émergence d’îlots de compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 307-337.

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  Le résumé ci-dessous décrit un article qui fait suite à une intervention dans le colloque Normes publiques et Compliance en temps de crise : les Buts Monumentaux à l'épreuve, coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et la Faculté de Droit de Montpellier. Ce colloque a été conçu par Marie-Anne Frison-Roche, Pascale Idoux, Antoine Oumedjkane et Adrien Tehrani, codirecteurs scientifiques, et s'est déroulé numériquement le 17 mai 2021.

📕Cet article figure dans le titre II de l'ouvrage, consacré à Normes publiques et Compliance en temps de crise : les Buts Monumentaux à l'épreuve.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur): Pendant la crise ouverte par la Covid-19, la gestion de la fabrication, du prix et de la disponibilité du gel hydroalcoolique, produit essentiel dans la lutte contre la transmission de la Covid-19, offre la possibilité de mesurer tout à la fois les limites et les ressources de la compliance.

Alors que la culture de conformité au droit des pratiques anticoncurrentielles était insuffisante à contrer la flambée des prix des gels hydroalcooliques et masques, impliquant le recours à des outils à l’opposé de la compliance (règlementation des prix et réquisition), des mécanismes s’en inspirant ont été mis en place pour traiter d’autres problématiques liées à la disponibilité des biens de première nécessité en période de crise sanitaire.

Reste à savoir si ces dispositifs doivent, pour l’avenir, inspirer la rédaction de véritables normes de compliance.

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : J.-Ch. Roda, "Compliance, enquêtes internes et compétitivité internationale : quels risques pour les entreprises françaises (à la lumière du droit antitrust) ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 367-380.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : L'auteur puise dans le Droit américain et européen de la concurrence pour mesurer si effectivement les enquêtes internes, en tant qu'elles fournissent des éléments factuels, peuvent fournir à des Autorités étrangères et des concurrents, ici américains, des "informations sensibles" (notamment via les programmes de clémences), et à ce titre constituent un handicap concurrentiel. Mais cela s'avère assez difficile alors que des audits de compliance, par exemple au titre du devoir de vigilance, peuvent fournir aux plaideurs américains des informations utiles, puisées dans des pièces internes, notamment les rapports de compliance officers , captables par les procédures de discovery. 

Le Droit français demeure faible face à ces dangers, en raison de son refus de reconnaître un legal privilege concernant ces documents internes, contrairement au Droit américain et l'efficacité conséquente de la discovery dans les procédures internationales, concernant les documents internes, notamment résultant d'enquêtes internes. Des solutions ont été proposées, l'activation d'une nouvelle conception des lois de blocage étant complexe, la perspective d'adopter un legal privilege étant plus efficace, mais il demeurerait l'hypothèse de conflit international de privilege, le Droit américain ayant une conception stricte du legal advice justifiant celui-ci et les juges contrôlant que les entreprises ne le manient pas artificiellement.

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1 septembre 2022

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Le principe de proximité systémique active, corolaire du renouvellement du principe de souveraineté par le Droit de la Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 501-520. 

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : D'une façon étonnante, c'est souvent sur un ton querelleur, courroucé, mécontent, que l'on parle de prime abord de la Compliance, surtout lorsque celle-ci prend une forme juridique, car il s'agit alors de parler de sanctions qui viennent de loin et frapperait à la fois très fort et d'une façon illégitime, le Droit semblant donc ne prendre sa part dans la Compliance que pour accroître sa brutalité : le Droit c'est ce qui prolongerait la guerre entre les Etats pour mieux frapper cette sorte de population civile que serait les entreprises..., dans une nouvelle sorte de "guerre totale planétaire"...

Pourquoi tant de détestation, qui ne peut qu'être engendrée par une telle présentation ? 

Parce que, grâce à la puissance du Droit, la Compliance serait donc le moyen pour un Etat, enfin trouvé, de se mêler des affaires des autres afin de servir ses intérêts propres, englobant ceux de ses entreprises, d'aller faire la guerre aux autres Etats et aux entreprises dont ceux-ci se soucient sans avoir même à la leur déclarer dans les formes. Le Droit de la Compliance permettrait enfin à un Etat pas même stratège, juste plus malin, de sortir de son territoire pour aller régenter les autres. Il est vrai que cela parait d'autant plus exaspérant que cela serait en outre sous couvert de vertu et de bons sentiments. Ainsi on ne compte plus dans les écrits qui décrivent et commentent les occurrences de l'expression "cheval de Troie", "guerre économique", etc. L'on compte ainsi plus d'articles sur ce sujet du Droit de la Compliance comme moyen d'aller dicter à des sujets de droit qui relèvent pourtant d'autres systèmes juridiques leurs comportements et de les sanctionner pour y avoir manqué, que sur tous les autres sujets techniques de Compliance.

Dès l'instant que le terme d' "extraterritorialité" est lâché, les couteaux sont tirés. L'abattement de la défaite, car qui peut lutter contre la puissance américaine, le Droit américain séduisant tous ? L'appel à la résistance, ou à tout le moins à la "réaction". En tout cas, il faudrait remettre l'analyse sur son vrai terrain : la politique, la conquête, la guerre donc laisser là la technique juridique, qui serait bonne pour les naïfs et avant tout compter les divisions amassées de chaque côté des frontières, puis constater que seuls les Etats-Unis auraient eu l'ingéniosité d'en compter beaucoup, avec leur armada de juges, de procureurs et d'avocats, avec un Droit de la Compliance amassé comme autant de pièces d'or depuis les années 30, les entreprises américaines relayant l'assaut en internalisant le Droit de la Compliance par des codes, du droit qui n'a de "souple" que le nom et des standards de communauté gouvernant la planète selon des principes américains, la solution consistant alors d'en aligner le plus possible en réaction, puis de tenter de "bloquer" l'assaut. Car s'il n'existe pas de Droit global, le Droit de la Compliance aurait parvenu à globaliser le Droit américain. 

La technique des lois de blocage serait donc l'issue heureuse sur laquelle les forces devraient se concentrer pour restaurer la "souveraineté", puisque l'Europe avait été envahie, par surprise par quelques textes célèbres (FCPA) et quelques cas dont l'évocation (BNP) pour l'oreille française sonne comme un Waterloo. Le Droit de la Compliance ne serait donc qu'une morne plaine...

Mais est-ce ainsi que l'on doit appréhender la notion de souveraineté ? La question dite de "l'extraterritorialité du Droit de la Compliance" n'a-t-elle pas été totalement biaisée par la question, certes importante mais aux contours à la fois très précis et très spécifiques, des embargos qui n'a quasiment pas de rapport avec le Droit de la Compliance ?

La première chose à faire est donc d'y voir plus clair dans cette sorte de pugilat de l'extraterritorialité, en isolant la question des embargos des autres objets qui ne doivent pas appréciés de la même façon (I).

Cela fait, il apparaît que là où le Droit de la Compliance est requis, il faut que celui-ci soit effectivement indifférent au territoire : parce qu'il intervient là où le territoire, au sens très concret de la terre dans laquelle on s'ancre n'est pas présente dans la situation à régir, situation à laquelle nos esprits ont tant de mal à s'adapter et qui pourtant désormais est la situation la plus commune : finance, spatial, numérique. Si nous voulons que l'idée de civilisation y demeure, c'est-à-dire que la notion de "limite" y soit centrale. Or, la souveraineté est liée non pas à la toute-puissance, ce sont les petits-enfants qui croient cela, elle est au contraire liée à la notion de limites (II).

Or si la limite avait été naturellement donnée aux êtres humains par le territoire, le sol sur lequel nous marchons et la frontière sur laquelle nous butons et qui nous protège de l'agression, si la limite avait été naturellement donnée aux êtres humains par la mort et l'oubli dans lequel finit par tomber notre corps et notre imagination. En effet, la technologie efface l'une et l'autre de ces limites naturelles. Le Droit était le reflet même de ces limites, puisqu'il  était construit sur l'idée de vie et de mort, avec cette idée comme quoi par exemple l'on ne pouvait plus continuer à vivre après notre mort. La technologie numérique pourrait remettre en cause cela. De la même façon, notre Droit avait de la même façon "naturelle" reflété les frontières terrestres, puisque, le Droit international public étant du droit public interne, veillait à ce que chaque sujet souverain reste dans ses frontières terrestres et n'aille au-delà qu'avec l'accord des autres, le Droit international public organisant à la fois l'accueil amical de l'autre, par les traités et la diplomatie, comme l'entrée inamicale, par le Droit de la guerre, tandis que le Droit international privé accueille les Droits étrangers si un élément de rattachement est déjà présent dans la situation.

La complexité des règles et la subtilité des solutions ne modifient la solidité de cette base-là, rattachant toujours le Droit à la réalité matérielle des choses de ce monde qui sont nos corps, qui apparaissent et disparaissent et notre "être" avec eux, et la terre quadrillée par des frontières. Les frontières ont toujours été franchies, le Droit du commerce international n'étant qu'une traduction économique et financière de ce goût naturel des voyages qui ne remet pas en cause le territoire, les êtres humains passant de l'un à l'autre.

Mais le global est arrivé, non pas seulement dans ses opportunités, car l'on peut toujours renoncer au mieux, mais dans des risques globaux dont la naissance, le développement et le résultat ne sont pas maîtrisés et dont il n'est pas pertinent de ne songer qu'à réparer les dégâts car c'est éviter que les risques ne dégénèrent en catastrophe systémique qui est aujourd'hui l'enjeu. Que faire si le territoire se dérobe et si l'hubris saisit les êtres humains qui prétendraient que la technologie pourrait être les nouvelles ailes conduisant quelques fortunés vers le soleil de l'immortalité ? Nous pourrions aller vers un monde à la fois catastrophique et sans limite, deux qualificatifs que les penseurs classiques estimaient identiques.

Le Droit étant ce qui apporte de la mesure, c'est-à-dire des limites dans un monde qui par la technologie promet à quelques-uns la délivrance de toutes ces limites "naturelles", pourrait, par la nouvelle branche du Droit de la Compliance, insérer de nouveau des limites à un monde qui, sans cet apport, deviendrait démesuré, les uns pouvant disposer des autres sans aucune limite : ce faisant le Droits de la Compliance deviendrait alors un instrument de Souveraineté, en ce qu'il pourrait imposer des limites, non pas par impuissance mais au contraire par la force du Droit. C'est pourquoi il est si expressément lié au projet politique de "souveraineté numérique". 

Pour renouveler ce rapport entre le Droit et la Souveraineté, où l'Etat prend une nouvelle place, il faut penser de nouveaux principes. Il est ici proposé un nouveau principe : celui de la "proximité", qui doit être insérée dans le Droit Ex Ante et systémique qu'est le Droit de la Compliance. Ainsi inséré, le Principe de Proximité peut être défini d'une façon négative c'est-à-dire sans recourir à la notion de territoire et d'une façon positive c'est-à-dire poser comme étant "proche" ce qui est proche systémiquement, dans le présent et dans le futur, le Droit de la Compliance étant une branche du Droit systémique ayant pour objet l'Avenir. 

Ainsi, penser en termes de proximité consiste à concevoir cette notion comme principe systémique, qui renouvelle alors la notion de Souveraineté et fonde l'action des entités en position d'agir, c'est-à-dire les entreprises (III).

Si l'on pense la proximité non pas d'une façon territoriale, le territoire ayant une dimension politique forte mais pas une dimension systémique, mais que l'on pense la proximité systémique d'une façon concrète à travers les effets directs d'un objet dont la situation impacte immédiatement la nôtre (comme dans l'espace climatique, ou dans l'espace numérique), alors la notion de territoire n'est plus première et l'on peut s'en passer. 

Si l'idée d'humanisme devait enfin avoir quelque réalité, de la même façon qu'une entreprise "donneuse d'ordre" a un devoir de Compliance à l'égard de qui travaille pour elle, cela rejoint là encore la définition du Droit de la Compliance comme protecteur des êtres humains qui sont proches parce qu'internalisés dans l'objet que nous consommons. C'est bien cette technique juridique-là qui permet la transmission du droit d'action en responsabilité contractuelle avec la chose vendue. 

Dès lors, un Principe de Proximité active justifie l'action des entreprises pour intervenir, de la même façon que les Autorités publiques sont alors légitimes à les superviser dans l'indifférence du rattachement juridique formel, ce que l'on voit déjà dans l'espace numérique et dans la vigilance environnementale et humaniste.

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : G. Beaussonie, "Droit pénal et Compliance font-ils système ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 157-166.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Par nature, le Droit pénal est un système qui n’a pas vocation à se développer, les principes qui le limitent lui étant internes. Néanmoins si la proportionnalité est respectée, son extension peut être légitime pour préserver les « valeurs sociales fondamentales » car il est le Droit de la gravité, celle des conséquences comme celle des causes.

N’étant pas toujours le Droit de l’efficacité, la tentation est grande de compléter le Droit pénal par d’autres règles répressives, non seulement la répression administrative mais aujourd’hui la Compliance qui poursuit des objectifs concordants et vise par les « Buts Monumentaux » à ce qui serait le plus important et donc pour lesquels l’efficacité serait requise, notamment parce que la victoire (par exemple contre la corruption) devrait être mondiale.

L’efficacité est obtenue par l’internalisation dans les entreprises puissantes mais cette efficacité a un prix et le Droit pénal ne doit pas imposer trop d’obligations de faire et n’entretenant qu’un lien potentiel avec la commission d’une « véritable infraction ». Son association avec la compliance ne peut donc, elle aussi, qu’être exceptionnelle et ne doit pas conduire à perdre de vue que toujours la liberté doit demeurer le principe.

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : R.-O. Maistre, "Quels buts fondamentaux pour le régulateur dans un paysage audiovisuel et numérique en pleine mutation ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p.47-54.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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🎥lire la présentation de l'entretien mené entre Marie-Anne Frison-Roche et Roch-Olivier Maistre à partir de cet article en décembre 2023 

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) :  Depuis la loi de 1982 qui a mis fin au monopole d'État sur l'audiovisuel, le paysage a profondément évolué et s'est diversifié. Au regard de la multitude d'acteurs qui y sont désormais implantés, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) doit veiller à l'équilibre économique du secteur et au respect du pluralisme, dans l’intérêt des publics. Les responsabilités sociétales croissantes des médias audiovisuels et des nouveaux acteurs numériques ont multiplié les "Buts monumentaux" sur lesquels l'Arcom  veille.

Ses compétences se sont progressivement étendues à la sphère numérique et les lois successives concernant ses missions visent de nouveaux objectifs, notamment en matière de protection des mineurs, de lutte contre la haine en ligne ou contre la désinformation. L'émergence d'un nouveau modèle européen de régulation permet de donner corps à ces buts supplémentaires, le régulateur adoptant une perspective systémique et faisant appel à des outils de droit souple pour remplir ses nouvelles missions.  

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : A. Le Goff, "La part des banques dans la concrétisation des buts monumentaux de la compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 69-75.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : En tant que dirigeant d'un groupe bancaire, la question est de savoir si les exigences et techniques de compliance mettent les entreprises « sous pression » ou si ces obligations représentent une opportunité pour celles-ci, la première hypothèse n’excluant d’ailleurs pas la seconde. L'auteur montre que l'ensemble du secteur bancaire est sous la pression d'une réglementation qui exprime la visée de Buts Monumentaux, la complexité venant du fait que ceux-ci évoluant dans le temps, rendant parfois difficile l'obligation de s'y conformer. Dans ce cadre général, l'auteur montre qu'un acteur bancaire mutualiste comme Crédit Mutuel Arkéa en tire de grandes opportunités, puisque ces Buts Monumentaux entrent en résonnance non seulement avec sa responsabilité sociétale, notamment dans un contexte de crise, mais avec ce qui est, pour Arkéa, sa raison d'être. La régulation vient alors à l'appui du fonctionnement du groupe et de son identité. 

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : Ch. Huglo, "À quelles conditions le droit climatique pourrait-il constituer un but monumental prioritaire ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p.169-174.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) :  L'auteur considère que  le service que la compliance  rend à la Société peut effectivement être considéré comme monumental et, confrontant la compliance à la question du climat, estime que le Droit climatique doit devenir non seulement un "But Monumental", mais encore être le premier. Il souligne les obstacles profonds pour poser même cette idée, de deux ordres, le premier étant le fait que le Droit s'est plutôt centré sur les pollutions passées, alors que l'enjeu est aussi la mesure de l'impact futur et la prévention. Le second tient à ce que les multiples textes et engagements n'ont pas de force obligatoire directe. Ce sont donc les tribunaux qui aujourd'hui, en raison de leur indépendance et la place que prend la science dans le débat contradictoire qui se déroule devant eux, la Société civile leur apportant la question du climat à laquelle ils sont de droit obligés de répondre, prennent les décisions à partir desquelles l'on peut penser que la "justice climatique" se constitue. 

En cela, le Droit climatique investi par les juridictions rejoint le Droit de la Compliance dans les objectifs poursuivis, en mettant en premier lieu la connaissance, la prévention et l'action pour préserver ce que le climat met aujourd'hui en jeu : la dignité humaine. 

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