15 mai 2021

Publications

🚧 Place et rôle des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise

par Marie-Anne Frison-Roche

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 Référence générale : Frison-Roche, M.-A. Place et rôle des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise, Document de travail, mai 2021. 

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Ce document de travail a été élaboré pour servir tout d'abord de base à une conférence dans le colloque du 17 mai 2021 : Normes publiques et Compliance en temps de crise : les buts monumentaux à l'épreuve.

Il sera également la base à un article dans l'ouvrage Les Buts Monumentaux de la Compliance, dont la version française est coéditée par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz. 

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 Résumé du document de travail : Cette réflexion a un objet très précis : la place des entreprises privées, au regard du thème général qui unit les contributions : "l'épreuve que constitue une crise". La crise constitue une "épreuve", c'est-à-dire qu'elle apporte des preuves. Prenons-là comme telle.

En effet, lors de la crise sanitaire, il apparait que les entreprises ont aidé les Autorités publiques à résister au choc, à endurer et à sortir de la crise. Elles l'ont fait de force mais elles ont aussi pris des initiatives dans ce sens. De cela aussi, il faut tirer des leçons pour la prochaine crise qui viendra. Il est possible que celle-ci soit déjà commencé sous la forme d'une autre crise global et systémique : la crise environnementale. Au regard de ce qu'on a pu observer et de l'évolution du Droit, des normes prises par les Autorités mais aussi par les nouvelles jurisprudences, que pourra-t-on attendre des entreprises face à celle-ci, de gré et de force ? 

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Lire ci-dessous les développements⤵️.

PRÉALABLE : LA CRISE, SITUATION PASSAGERE, SOUMIS UN TEMPS A DES MÉCANISMES EXCEPTIONNELS DE COMPLIANCE, OU SITUATION ACCÉLÉRANT UNE NOUVELLE CONCEPTION DU MONDE, OU LE DROIT DE LA COMPLIANCE A SA PART DÉFINITIVE ?

Cette réflexion a un objet précis : la place et le rôle des entreprises privées qui, lorsque la crise advient, sont de force ou de gré amenées à prendre en charge la sauvegarde de "Buts Monumentaux", par exemple nourrir, transporter, soigner, rassurer ou éduquer la population, voire les empêcher de circuler ou permettre à ses morts d'être enterrés. Comme pour tous, la crise constitue pour les entreprises une "épreuve" 📎'!footnote-2087, dans le sens où celle-ci apporte des preuves de mécanismes naguère peu visibles mais qui étant activés se révèlent ainsi activables pour l'avenir, soit quand le temps sera redevenu calme et que l'office de l'entreprise demeurera car l'opportunité en fut démontrée par la crise, soit qu'une autre crise s'abatte, que celle-ci ressemble à celle endurée ou non.

En outre si l'on définit, comme le fait le Droit américain, le Droit de la Compliance comme ce qui prévient la crise systémique📎!footnote-2071, la survenance même de celle-ci "prouve" alors la défaillance du Droit de la Compliance. Étudier les mécanismes de Compliance dans une crise ouverte, cela serait donc observer le pompier défaillant auquel l'on s'adresse pourtant, voire le pompier pyromane vers lequel l'on se tourne, celui qui n'aura pu éviter la crise et qui doit pourtant remédier à la crise ouverte ... 

La crise, comme preuve de la défaillance de la Compliance, parce que les entreprises n'avaient pas suivi les prescriptions juridiques imposées, c'est d'ailleurs souvent ainsi que la crise financière de 2008 fut analysée : défaillance de la surveillance des opérateurs,  défaillance de leur propre aptitude à détecter à temps l'information pertinente sur les risques (défaillance notamment de l'audit), défaillance à apporter cette information pertinente à ceux qui en avaient besoin (les investisseurs et les Autorités publiques).

C'est donc avant tout un échec d'effectivité que la crise exprime, puisqu'elle ne serait pas advenue si les opérateurs privés avaient joué leur rôle, à la place où ils étaient. Ce constat, très critique sur les entreprises, qui n'avaient pas joué leur rôle mis aussi très critique sur les autorités publiques incapables de le voir et de les rappeler à l'ordre à temps, fût dressé dans ce que par exemple appelé par la Commission européenne "la leçon de la crise financière". Dans la situation sanitaire mondiale, c'est peut-être aussi une leçon sur l'inaptitude à obtenir une information à temps utile sur les possibles manipulations de virus qui est à retenir et l'efficience d'institutions internationales comme l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à les obtenir, et en Ex Ante et en Ex Post, ce qui conduirait à conclure que d'autres institutions pourraient être mieux placées, même en ces matières de santé, pour avoir à temps des informations pertinentes📎!footnote-2372. 

En conséquence de cette "leçon", pour que la prochaine crise nous surprenne moins, nous avons donc mis ceintures et bretelles : les entreprises ont été plus que jamais surveillées, supervisées, chargées en Ex Ante de prescriptions de ne pas faire et de faire, entourées de normes publiques. Ainsi le principe de transparence (qui est une norme propre à la supervision) est devenu la règle au-delà des secteurs régulés dès l'instant qu'il y a un risque de crises systémiques, perspective qui excède les secteurs régulés 📎!footnote-2072

Mais, comme ce qui arrive est toujours inattendu par rapport à ce qui a précédé, c'est une autre crise dont l'année 2020 frappa les trois coups. Non plus un effet domino financier que l'on présentait pourtant souvent "comme" une contamination par un virus, celui-ci n'est plus une image pour expliquer les mécanismes financiers : c'est un "vrai" virus qui a fondu sur le monde et nous voilà tout étonnés, comme démunis puisqu'il n'y avait pas de plans.

Or, si  en Droit de la Compliance bancaire, droit spécial où la Compliance est la plus mature, l'on avait redécouvert la technique du "plan" 📎!footnote-2073 à travers l'élaboration obligatoire de "plans" que les établissements bancaires et financiers doivent faire de ce qu'il adviendra d'elles en cas de situation critique, à travers la technique des "testaments bancaires", parce que le Droit de la Compliance prétend atteindre son but, à savoir la non-advenance de crise, l'arrivée d'une crise est par nature une crise de la Compliance elle-même. 

Changeant alors son fusil d'épaule, l'on affirme alors radicalement assumer qu'à la certitude du "plan" où l'on n'a pas à connaître l'avenir puisqu'on le construit par avance, il faudrait avoir le courage inouï de vivre dans "l'incertitude" du présent et de demain. Dans ce règne de l'incertitude, qui serait donc la situation nouvelle du monde et de ces habitants, l'État serait le moins adéquat pour agir car il se situe plutôt dans la permanence tandis que l'entreprise privée serait au contraire dans son élément naturel de la mobilité, dans cette distribution des rôles que reprend par exemple le Droit de la concurrence. 

Si l'incertitude devient le principe le plus adéquat pour être le plus à même d'endurer la crise prochaine, cela contrarierait la permanence de l'Etat mais conforterait la règle de l'entreprise privée : le risque et la perspective de faillite est sa loi, celle sur laquelle repose le Droit de la concurrence et la science du management , qui insère dans le vocabulaire juridique le vocable flatteur de "l'agilité" pour vanter ce changement permanent dans une adaptation de chaque instant, ce qui dispense d'anticiper demain.

Mais ce qui vaut pour une conception de l'entrepreneur, qui ne met en risque que lui-même et survit en s'adaptant toujours au nouveau, vaut moins pour l'entreprise📎!footnote-2373, si on la définit comme un groupe de personnes, où certains décident pour d'autres et encore moins si on replace l'entreprise dans la société où l'entreprise est adossée à l'État 📎!footnote-2074

La crise permet alors, et c'est une de ses vertus probatoires, d'apporter la preuve que les entreprises sont composées non pas seulement d'actifs (assets) mais d'êtres humains, de la même façon que les techniques de Compliance ne sont pas seulement des repérages de risques par des algorithmes mais encore, voire surtout des soucis d'autrui exprimés par des droits subjectifs 📎!footnote-2075

Lors d'une crise de nature sanitaire, parce que les êtres humains sont directement visées (alors qu'une crise financière ne les vise que dans ces conséquences indirectes), ce sont davantage les êtres humains dans les entreprises qui sont concernés et qui agissent, la dimension humaniste du Droit de la Compliance pouvant ici prendre tout son sens. La question essentielle qui se pose alors est de savoir si ce souci d'autrui n'est internalisé que parce qu'il y a crise, l'entreprise relayant l'État dans son expression et sa prise en charge de l'intérêt général, ou si ce souci d'autrui est fondamentalement partagée entre les opérateurs cruciaux privées et les Autorités publiques, les mécanismes mis en place pendant la crise devant perdurer au-delà d'elle.  Cela sera d'autant plus requis que la crise est toujours une situation qui avant tout aiguise l'imagination, ce dont le Droit s'abreuve plus qu'il ne se nourrit de textes et de cas passés 📎!footnote-2376.

Cette alliance serait d'autant plus requise, pérenne et possible que, revenant à la notion d'entrepreneur, comme Alain Supiot le demande📎!footnote-2374, l'on pose que les entreprises sont composées d'êtres humains. La crise n'aurait alors joué que comme révélateur de ce qui doit être l'ordinaire de notre société, et non pas du tout comme une situation exceptionnelle qu'il convient de refermer une fois l'alarme passée, notamment "l'État d'exception". 

Si l'on met en parallèle l'épreuve de la crise sanitaire en observant la part très active qu'y prennent les entreprises et l'évolution de la notion d'entreprises (l'apparition de l'"entreprise à mission", la nouvelle définition du contrat de société, la responsabilité sociétale), l'on serait tenté de dire que la crise sanitaire n'aurait pas fait ""sortir les entreprises d'elles-mêmes" (sorties de leur objet qui est de faire de l'argent) le temps de la crise, mais qu'elles auraient "fait quelque chose qui ne les dépassent pas" et que la crise sanitaire a cristallisé plus vite et plus forte que l'encre de la loi Pacte ne pouvait le faire, parce que les êtres humains qui composent l'entreprise peuvent avoir comme projet de faire, quelque chose qui intègre les autres et ce qui les entoure, notamment la nature et l'avenir. 

L'on peut penser que la seconde interprétation ("l'épreuve" comme "preuve" d'une évolution profonde, que la crise à la fois fait apparaître et dont elle accélère le mouvement) est plausible, en raison de l'évolution du Droit des sociétés 📎!footnote-2375, qui n'est en rien dictée par le Ministre de la Santé et qui n'a pas de raison de se retirer une fois la sortie de la crise sanitaire opérée. 

Si l'on prend alors la crise dans sa portée probatoire et qu'on en conserve la leçon en regardant l'avenir, parce que le Droit de la Compliance est un Droit Ex Ante qui vise à détecter et à prévenir la crise prochaine, l'on peut penser que la crise systémique prochaine est celle de la nature (crise dite climatique). Est-ce aux algorithmes, qui présentent certes l'avantage de ne pas réclamer de congés payés mais qui n'ont aussi ni reins ni cœur et ne peuvent appréhender l'inconnu, ou aux êtres humains, de la "gouverner par avance" ?  

Ce qui est en jeu, c'est la définition du Droit de la Régulation et de la Compliance. Cette définition apparaît en plus gros caractère lorsqu'il y a crise, puisque celle-ci agit comme une loupe. L'on sait qu'il y a une définition mécanique, ou procédurale, ou méthodologique, selon que l'on veut présenter d'une façon plus ou moins valorisante cette définition de la Compliance, qui, indifférente à ce pour quoi cette méthode est utilisée 📎!footnote-2060 , consiste dans la méthode : internaliser dans les entreprises l'obligation de donner à voir qu'elles respectent effectivement les règles 📎!footnote-2061. Dans une conception substantielle, et plus politique donc, du Droit de la Compliance, ce pour quoi sont rassemblés en Ex Ante une telle puissance structurante, une telle supervision permanente, un tel appareil de sanction, ce qui n'est justifié et n'a de sens que parce qu'il s'agit de concrétiser des prétentions de nature politique : les "buts monumentaux", lesquels sont au cœur de cette nouvelle branche du Droit, qui ne protège les systèmes que pour protéger les êtres humains qui y vivent, en dépendent parfois, voire peuvent en être blessés, ce qui explique qu'il peut se retourner contre ces systèmes si ceux-ci les mettent en danger 📎!footnote-2062.

Or, en premier lieu les Autorités publiques peuvent avoir des difficultés à continuer à assurer l'effectivité des normes publiques du fait même de la crise,  rien ne pouvant alors se faire sans les entreprises si l'on veut que les normes publiques soient effectives alors même qu'il y a crise (I). Mais d'une façon plus dynamique, les entreprises ont pu appliquer de nouveaux mécanismes, imposés par les autorités publiques ou inventés par les opérateurs, pour atteindre des buts eux-mêmes nouveaux parce qu'issus de la crise elle-même (II). Dès lors, si l'on prend la crise non pas comme exception légitime au cours général des choses mais comme une révélation de ce qui doit être, c'est bien une alliance entre les Autorités politiques et les opérateurs cruciaux que sont certaines entreprises, alliance cristallisée par le Droit de la compliance, qui se serait mis en place. La crise aura alors été non plus une exception, mais au contraire un "coup d'essai", qu'il convient d'étudier comme tel, pour qu'à la prochaine crise, l'on puisse soit l'analyse comme "coup de maître", soit viser à celui-ci.

 

I. LA PLACE DES ENTREPRISES POUR QUE SURVIVE L'EFFECTIVITÉ DU DROIT DE LA COMPLIANCE PAR LE SOUCI DE SES BUTS, ALORS MEME QU'IL Y A CRISE

Puisque le thème étudié est celui des entreprises, et plus particulièrement des "grandes entreprises" qui sont les sujets de droits du Droit de la Compliance, celles-ci connaissant de fait mieux les normes juridiques que les autres personnes qui y sont soumises, l'on rappellera tout d'abord que les normes publiques qui sont édictées à l'occasion d'une crise sont mieux connues par celle-ci et que la crise ne dispense pas de leur respect, même si cela est coûteux pour elle, voire les désorganise (A). Mais ce qui est remarquable est plutôt que les Autorités politiques ont pris directement appui sur les entreprises pour que perdure l'effectivité de "buts monumentaux" du Droit de la Compliance, compromis par la crise sanitaire, comme la prévention et la lutte contre le blanchiment d'argent ou l'égalité entre les femmes et les hommes (B).  

 

A.  LES ENTREPRISES FACE AU RESPECT DU DROIT ORDINAIRE ET LA PERSPECTIVE DE HIÉRARCHIE ENTRE DES "BUTS MONUMENTAUX ORDINAIRES" ET DES "BUT MONUMENTAUX DE CRISE"

La règle semble d'évidence (1). Mais lorsque la crise justifie un apport public exceptionnel (notamment financier) au bénéfice de l'entreprise pour un but monumental qu'est par exemple la sortie de la crise sanitaire, il devient moins évident de continuer à mobiliser ses moyens pour l'obliger à prendre en charge ce que l'on pourrait désigner comme des "buts monumentaux ordinaires", par exemple la lutte contre la corruption ... (2).

 

1. En période de crise, la norme publique demeure obligatoire pour l'entreprise, sujet commun de droit commun

Si l'on définit le Droit de la Compliance comme le fait pour les personnes juridiques non seulement de se conformer au Droit, ce qui est commun à tous les sujets de droit 📎!footnote-2377, mais encore de le donner à voir à tous, ce qui n'est pas exigé dans un système libéral, il est difficile dans une conception aussi mécanique de voir l'impact de la crise, parce que la situation de crise, qui est une situation de fait, ne dispense ni de se conformer au Droit ni d'être éventuellement contraint de le donner à voir . 

Le Tribunal judiciaire de Paris📎!footnote-2089, puis la Cour d'appel de Paris l'ont rappelé📎!footnote-2088 lorsque les bailleurs ont prétendu se soustraire à la force obligatoire des contrats pour cesser de payer pour une disponibilité de locaux par ailleurs fermés par décret, les juges posant que la crise ne constitue pas un cas de force majeure dans le Droit des contrats📎!footnote-2378.

De la même façon, même si l'on considère que la faillite d'une entreprise est une crise pour celle-ci, le Droit de la concurrence maintient que cette situation-là ne justifie pas la mise à l'égard des règles ordinaire du Marché. Ce caractère ordinaire des difficultés des entreprises, entraînant des rapports difficiles entre le Droit de la concurrence et le Droit des procédures collectives 📎!footnote-2379, montre que cette situation de crise, même organisée par le Droit, ne justifie pas de soustraction au droit commun économique qu'est le Droit de la concurrence. Le souci systémique d'éviter l'effet d'aubaine et l'aléa moral justifie par ailleurs cette règle. Il faut précisément une crise elle-même systémique pour que les règles ordinaires du marché concurrentiel s'écartent et que les aides d'État deviennent recevables. 

 

2. Le cumul des prescriptions et la perspective de hiérarchisation entre "buts monumentaux ordinaires" et "buts monumentaux de crise"

Dans une étude de mai 2020 📎!footnote-2066, le GAFI évoque expressément "la manière dont les exigences de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme  doivent être appliquées dans le contexte des programmes de soutien économique pour les entreprises et les particuliers. Pour faciliter le traitement des demandes, certaines autorités de contrôle ont approuvé des mesures de vigilance simplifiées (y compris pour la vérification de l’identité du client) pour les opérations liées aux programmes d’aide" 📎!footnote-2067.

Cette affirmation peut paraître étrange dans la mesure où la crise est précisément une situation dans laquelle le risque de blanchiment est accru 📎!footnote-2068. Elle est pourtant justifiée par le fait que la majorité des aides, par exemple les prêts garantis par l'Etat, a été organisée de la façon la plus légère et la plus rapide possible  pour que le système économique ne s'effondre pas : ce "but monumental de crise" justifie que le but de lutter contre le blanchiment (qui est le "but monumental ordinaire") s'ajuste, s'allégeant parce qu'il ne devait pas bloquer l'effectivité du premier. 

La hiérarchisation, qui fait passer la lutte contre le financement du terrorisme en ajustement de la lutte contre les faillites des entreprises, peut surprendre, car le premier but (rattaché au Droit pénal) aurait pu prévaloir sur le premier (rattaché au Droit économique). Mais c'est parce que le Droit de la Compliance est ancré dans une gestion efficace du temps : la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme est affaire de long terme tandis que l'apport des aides financières devait être immédiat. L'enfer des maux globaux pouvait donc un peu attendre....

 

B. LES ENTREPRENEURS "EN POSITION" POUR LUTTER CONTRE L'ACCROISSEMENT DES RISQUES DU FAIT DE LA CRISE

Mais certaines entreprises vont se distinguer. Non seulement, comme tout sujet de droit, elles vont continuer à respecter le Droit mais encore elles vont le prendre en charge parce qu'elles sont en "position" de le faire (1). Ce fût par exemple le cas en matière de blanchiment d'argent (2).

 

1. Le repérage des entreprises "en position" de concrétiser les buts monumentaux imposés par l'advenance de la crise

Le Droit de la Compliance repose sur l'usage par les Autorités politiques et publiques de la puissance des entreprises, en ce qu'elles sont "placées", notamment géographiquement, là où il faut pour agir, qu'elles ont les moyens technologiques, financiers et informationnels, pour le faire. Dès lors, la crise affaiblissant les Autorités publiques, ou justifiant qu'elles utilisent leurs forces d'une façon imprévue à d'autres situations, situations dont d'autres se chargent usuellement ou situations nouvelles, elles peuvent requérir des entreprises que celles-ci interviennent, simplement parce que celles-ci sont en position de le faire.

Sont apparues les "grandes entreprises", celles par ailleurs plus particulièrement visées par les lois spéciales de Compliance, comme la loi dite "Sapin 2" de 2016 ou la loi dite "Vigilance" de 2017, qui ne visent que les sociétés de plus de 1000 personnes, et sont intervenues activement non seulement les entreprises du secteur de santé (ce qui peut paraître aller de soi dans une crise sanitaire) mais par exemple les banques, les entreprises énergétique, les entreprises de communication ou les entreprises de transport, de stockage et de grande distribution des produits.

Si l'on cherche à donner une qualification qui engloberait toutes ces entreprises, il s'est toujours agi des entreprises non pas portant sur l'objet même, à savoir les produits médicaux, mais sur tout ce qui fait le lien. Cela renvoie en Droit aux travaux notamment d'Alain Supiot sur "le lien social", qui montrent que les entreprises doivent cesser d'être pensées comme des acteurs atomisés sur des marchés et plutôt comme des groupements de personnes agissant pour maintenir dans une société ce "lien social" 📎!footnote-2380. Plus techniquement encore, cela renvoie aux "contrats de régulation" et aux contrats, par exemple passés par l'entreprise La Poste avec les Autorités locale pour que son activité économique fasse perdurer ce lien. 

La question est alors de savoir si cette implication doit être limitée à la seule hypothèse d'une crise sanitaire globale ou si cela doit continuer une fois la crise finie.

 

2. L'exemple du maintien de la lutte contre le blanchiment d'argent, mal systémique favorisé par la crise

La crise a plongé des secteurs entiers dans le désarroi, notamment des restaurants, hotels et cafés, ayant besoin de capitaux. L'apport de capitaux issus d'activités illicites à seule fin de les injecter dans des activités licites afin de les rendre disponibles par l'injection dans des activités licites, le "blanchiment d'argent" donc, a pu se déployer plus facilement, et ce d'autant plus efficacement qu'il s'agit souvent de petites structures. 

En mai 2020, le GAFI a publié une étude, Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme liés au COVID-19.Risques et réponses politiques  📎!footnote-2064pour mesurer le phénomène et décrire les mesures adoptées. L'organisme prend soin de souligner qu'aucune de ses normes n'est modifiée. Après avoir insisté sur l'accroissement des risques des diverses criminalités, contre lesquelles les outils sont en place, alors même que la pandémie affaiblit la capacité des États à utiliser ses outils de lutte (contrôle sur place) et que ces criminalités trouvent de nouvelles occasions de s'infiltrer (finance numérique) , le GAFI insiste sur la "collaboration avec le secteur privé".  Craignant que les banques, très sollicitées par ailleurs, ne puissent accroître leur contrôle le GAFI recommandent aux Autorités publiques d'aller elles-mêmes d'une "façon proactive" solliciter l'aide de celle-ci et d'encourager l'effectivité de leur devoir de vigilance 📎!footnote-2065

Ce sont donc bien les techniques spécifiques du Droit de la Compliance, comme le devoir de vigilance, les audits ou les contrôles, qui doivent être accrus, y compris pour ce qu'il convient de désigner comme les "Buts Monumentaux ordinaires" (ici la lutte contre le blanchiment d'argent). 

L'on doit considérer qu'il en est de même pour la lutte contre la corruption. En effet la masse phénoménale d'argent public injectée pour limiter les effets de la crise sanitaire et organiser la sortie de la crise a multiplié les occasions de fraude et de corruption. Cela a accéléré la mise en place du Parquet européen, lequel est en lien direct avec le Droit de la Compliance.

 

 

II. LES ENTREPRISE ACTIVES EN RAISON DE LEUR POSITION, POUR ATTEINDRE DES BUTS QUI N'ÉTAIENT PAS LES LEURS 

Les entreprises privées sont donc "activées", notamment les banques qui ont été comme "mobilisées" pour mettre en place la technique des prêts garantis par l'Etat, les banques appréciant le besoin des entreprises d'un tel prêt pour endurer la crise, ce qui excède leur fonction (A).   

 

A. LES ENTREPRISES ACTIVES POUR ATTEINDRE DES BUTS QUI N'ÉTAIENT PAS LES LEURS 

Le "prêt garanti par l'Etat" est une invention dont la nature juridique est incertaine (1). 

1. L'invention du "prêt garanti par l'État", alliance nouvelle de l'État et des banques pour la survie économique du pays

La garantie de l'État paraît à ce point déterminante dans l'octroi du prêt bancaire que l'on peut se demander si la banque n'agit pas comme en transparence de l'Etat lui-même. Certes, le Ministère de l'Économie et des Finances affirme dans une "foire aux question que "Le prêt garanti par l’État (PGE) est un prêt qu’octroie à une entreprise ou un professionnel sa banque habituelle, en dépit de la forte incertitude économique actuelle, grâce à la garantie qu’apporte l’Etat sur une partie très significative du prêt. Le PGE est un prêt d’une banque à une entreprise : ce n’est pas un prêt de l’État".

Mais le Droit souple est une source du Droit qui est utilisé pour permettre aux sujets de droit visés soit de s'en prévaloir pour en tirer des bénéfices soit de s'en prévaloir pour le contester en justice. Or, 

Il est difficile de qualifier juridiquement la technique du "prêt garanti par l'Etat", puisque c'est l'Etat qui en a fixé les conditions mais c'est bien les banques qui en sont les cocontractants, tandis que parfois l'Etat a écrit directement certaines conditions du prêt. 

Définition de ce qu'est une banque .... Définition de crise ou définition générale ? Opposition entre la définition européenne de la banque, qui centralise les risques en accompagnant des projets d'entreprise et la définition britannique et américaine de la banque comme intermédiateur financier neutre entre des préteurs et des emprunteurs. En cela, organismes de marché. 

Dès lors, c'est le modèle bancaire américain qui est favorisé, avec une conséquence juridique très forte : renforcement plus grand encore du principe de solidité et de stabilité dans le temps (principe de "soutenabilité") comme principe premier et ordinaire (et non pas de crise) contre (ou au moins en équilibre) avec le principe de concurrence (qui est le contraire même du principe d'instabilité). 

Il en résulte que tout mécanisme d'entente est bienvenu. D'ailleurs le procédé technique de "prêts garantis par l'Etat", n'est-ce pas comme une entente entre l'Etat et les banques, pour que le pays survive (version extrême du principe de soutenabilité).  

Le Droit des marchés financiers n'a pas produit une telle internalisation pour la crise sanitaire. 

Mais peut-être est-il en train de le faire en ce qui concerne la prévention de la prochaine crise systémique mondiale majeure : la crise de la Nature.

 

2. Sommes-nous déjà juridiquement obligés de bâtir la même alliance entre Autorités publiques et entreprises privées cruciales pour préserver la planète d'une plausible crise environnementale fatale ? 

Prenons comme hypothèse que la prochaine crise sera au choix énergétique ou environnementale, possiblement le croisement des deux. Il est remarquable que dans l'outil central du Droit de la Compliance qu'est la cartographie des risques 📎!footnote-2076, le risque environnemental est premier. Mais aujourd'hui, ce n'est pas un risque (fait futur qui peut advenir ou ne pas advenir, à environnement constant) : c'est une crise qui va advenir, si rien n'est fait.

C'est donc une crise entéléchiquement présente. Le Droit de la Compliance doit le prendre directement en compte, et ce comme un fait déjà présent, puisque cela n'est pas une probabilité, mais un fait acquis 📎!footnote-2085. Le Droit de la Compliance doit imposer la détection de la crise future acquise si l'on ne fait rien et imposer immédiatement le comportement actif présent pour que cette crise future certaine n'advienne pas 📎!footnote-2086

Parce que sa prévention est à la fois une question politique (les Etats doivent s'en mêler) et qu'ils ne peuvent le faire seuls (il n'y a pas d'Etat mondial 📎!footnote-2077) , les entreprises privées systémiques ayant seule la dimension globale pour prévenir et gérer un risque, puis une crise, de dimension globale, c'est bien en termes de Droit de la Compliance que la perspective doit être prises.

Mais, comme cela est souvent souligné, celui qui raccorde - et de force, au besoin - les Etats et ces opérateurs cruciaux, ce sont les juridictions 📎!footnote-2078. A ce titre, l'arrêt rendu par la Cour constitutionnelle allemande le 29 avril 2021 est le début d'un renversement de perspective, qui met les Etats en exécuteur des prérogatives des autres sujets de Droit, là où le Droit classique, y compris en cas de crise ouverte, mettait au contraire l'Etat plus encore en position d'édicter seuls les normes et les buts, soumettant tous...

Corine Lepage souligne ce changement et estime que cet arrêt est "révolutionnaire" 📎!footnote-2079, Le législateur allemand avait adopté une loi de sauvegarde de l'environnement. Une loi est par nature une norme Ex Ante. La loi prévoyait des mesures dont le déroulement futur avait vocation à prévenir la crise environnementale, précisant ces mesures jusqu'à 2030. En 2025 la suite devait faire l'objet de l'adoption d'un autre texte.  La loi est anéantie par la Cour car dans l'hypothèse où rien d'efficace n'était adopté en 2025 alors la situation environnementale serait telle que les êtres humains seraient pris de leurs libertés (qui peut encore être dit "libre" sans un environnement "vivable") et privés de leurs droits fondements. 

Ainsi, parce qu'en Ex Ante l'on sait déjà les résultats que l'Etat allemand doit au minimum obtenir en 2030 pour que les êtres humains puissent encore vivre (la notion de "vie décente" est ici sous-jacente", il est de l'obligation constitutionnelle de l'Etat de ne pas prétendre adopter une loi préservant l'avenir alors qu'elle ne le fait pas.

Cinq observations :

  • En premier lieu, la crise est ce qui guide les normes publiques (ici la loi) et non pas la crise présente, mis la crise future, parce qu'on en connait déjà la dimension ; c'est une pleine logique de "Droit de la Compliance environnementale" ! 📎!footnote-2082 .
  • En deuxième lieu, la crise future donne non seulement des pouvoirs à celui qui édicte des normes publiques, elle lui donne aussi des obligations de les édicter (ici faute de l'avoir fait, la loi est annulée, car insuffisamment forte).
  • En troisième lieu, ce n'est plus la norme étatique qui se place en superviseur de l'opérateur privé, c'est le juge qui, dans le cadre de la "justice climatique" 📎!footnote-2080, se place en "Ex Ante" de tous les autres 📎!footnote-2081
  • En quatrième lieu, pour organiser un tel "plan" (c'est bien la logique du "plan" que l'on retrouve), l'Etat devra compter sur une alliance directe avec les entreprises pour concrétise un tel but, et ce sous la supervision (inattendue) des juridictions, notamment constitutionnelles. En cela, la loi française "sur la transition énergétique" aura été précurseurs. De la même façon que les techniques incitatives comme les certificats d'économie vont se développer. 
  • En cinquième lieu, la base de cette évolution est la puissance des "libertés et droits fondamentaux des êtres humains". C'est donc pour préserver ceux-ci (et non seulement pour garantir l'efficience des systèmes) que le Droit de la Compliance va se déployer 📎!footnote-2083

A travers cet arrêt extraordinaire, qui exprime une évolution remarquable, l'on retrouve exactement la définition du Droit de la Compliance : une alliance entre les Autorités politiques et les entreprises, opérateurs cruciaux en position de concrétiser des buts monumentaux, notamment la prévention des crises systémiques futures afin de préserver les droits des êtres humains 📎!footnote-2084

 

B. LES ENTREPRISES ACTIVES POUR EXPRIMER DES BUTS QUI N'ETAIENT PAS LES LEURS : L'ALLIANCE ENTRE LES ETATS ET LES OPERATEURS CRUCIAUX POUR QUE NAISSENT DE NOUVEAUX BUTS MONUMENTAUX, REQUIS PAR LA CRISE ET CONSERVES APRES ELLE

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1. La crise comme leçon de l'alliance entre prétention politique et raison d'être des entreprises cruciales : l'exemple de la place et du role des entreprise cruciales sur l'information

Pendant la crise, et c'est le sujet juridique majeur de "l'Etat d'urgence" et du maintien des libertés publiques, les Autorités publiques peuvent davantage intervenir en matière d'information. Nous avons vu que les entreprises privées sont "en position" de diffuser l'information médicale, voire d'éduquer. 

L'enjeu majeur de dire s'il doit s'agir d'une" alliance de circonstance", qui aurait justifié qu'un temps les entreprises d'information provoquent elles-mêmes de l'information et la contrôle mais cela devrait cesser une fois la crise passée, et que cela doit surtout cesser ou bien si au contraire cela devrait perdurer.

Cette question, de nature à la fois politique (c'est la question de la liberté dans son rapport à la vérité et à l'opinion), économique (l'information est le premier des marchés) et juridique, a été posée car si nous n'avons pas encore la prochaine crise environnementale, nous avons sans doute déjà eu la première crise politique du discours de haine, à travers les événements du Capitole aux Etats-Unis.

Les "discours de haine" vont l'objet d'un système de Droit de la Compliance, puisque c'est aux opérateurs cruciaux, notamment aux entreprises qui organisent des espaces virtuels d'émission et d'échange où la haine et la désinformation peuvent circuler comme des virus mortels.

Or, Facebook, lorsque le comportement d'un citoyen américain, Donald Trump, a eu un effet causal sur ce qui est apparu comme une crise politique majeure, a considéré qu'il avait pour fonction d'empêcher la diffusion des discours de haine. Il a donc exercé un pouvoir de sanction, rendant effectif ce "but monumental" que cette entreprise, ainsi que sa filiale, Instagram, s'était fixé, en supprimant le compte. Devant la protestation de cet acte que l'on pourrait dire d' "autorité publique", puisque l'entreprise avait frappé le Président des Etats-Unis à partir d'une norme qu'elle avait elle-même élaborée au nom de valeurs qui lui sont propres, accumulation de griefs sérieux pour qui veut bien adhérer à la distinction entre l'Etat (et son monopole de la violence) et une entreprise (qui doit rechercher le profit, c'est-à-dire rester dans son coin et ne pas régenter le monde).

Facebook a donc saisi son Oversight Board , souvent qualifié de "Cour suprême" de Facebook. Ne nous arrêtons pas ici sur la question de sa qualification 📎!footnote-2069, arrêtons-nous plutôt sur la remarquable décision rendue par celui-ci le 5 mai 2021 📎!footnote-2070.

Elle est entièrement une décision non pas de "sanction" de la sanction prise par Facebook, mais de Droit de la Compliance. En effet, l' Oversight Board commence par dire que cette suspension était légitime en raison de la personnalité du titulaire du compte et de la teneur de ses messages, laquelle avait un rôle dans la réalisation d'événements politiques insurrectionnels contre le Congrès américains.  Voilà pour le passé, car il s'agit avant tout d'indiquer pour le futur. En effet, l' Oversight Board indique que l'on ne peut exclure pour toujours et que dans 6 mois, Donald Trump pourra être de retour. Mais il appartient à une catégorie particulière de personnes, dont les propos ont une grande influence sur les personnes.

Dans l'équivalent de ce qui est un "programme de Compliance", l'organisme propose (c'est-à-dire exige) que Facebook mette en place pour toute cette catégorie que l'on pourrait dire de "influenceurs politiques" un suivi, avec notamment des groupes d'experts, pays par pays, car c'est à partir des personnes susceptibles d'être impactées et  de réagir que l'entreprise doit prendre la bonne décision (par exemple exclure). Des groupes d'experts doivent donc être constitués pour superviser ces comptes, qui constituent par nature un risque systémique.

Ainsi l'entreprise privée devient un "superviseur" de second niveau non plus seulement pour gérer une crise ouverte (l'insurrection) mais pour empêcher la suivante. Voilà exactement comment prévenir une crise systémique numérique provoquée par les discours des influenceurs. 

Mais ce souci nouveau internalisé dans l'entreprise - et le pouvoir qui va avec, pouvoir lui-même immédiatement structuré par le Droit - qui dépasse donc l'entreprise privée (car Facebook n'était pas constituée pour lutter contre la haine....) justifie qu'au-delà du cas particulier et qu'au-delà de la crise particulière, l'on revoit la définition même de l'entreprise et ce qui juridiquement l'exprime : la société commerciale.

Et c'est ce que le Droit français et européen est en train de faire. 

 

2. L'évolution du Droit des sociétés

En effet, l’entreprise est en droit positif en train de réapparaitre sous la personne morale, qui ne serait plus que l’instrument juridique par lequel l’entreprise peut entrer dans le commerce juridique, c’est-à-dire s’engager, en passant des contrats, et être engagée, notamment en étant déclarée responsable. La notion d’engagement étant centrale en droit de la compliance pour que l’avenir puisse n’être pas une catastrophe, c’est à la fois la personne morale qui est au cœur de la compliance, notamment dans l’aptitude nouvelle de déclarer la transmission de la responsabilité pénale de la personne morale en cas de fusion, la règle spécifique de « l’identité réelle » et la volonté d’une culture de compliance dans l’entreprise, définie comme un groupe d’individus.

Le droit des sociétés est profondément renouvelé en intégrant dans la finalité des règles les notions d’information du marché, des investisseurs et des associés, ces points de contacts ainsi établis entre l’intérêt collectif dans l’entreprise rendant plus facile l’articulation avec l’intérêt général, qui demeure au cœur des normes publiques.

 

CONCLUSION : La preuve qu'apporte l'épreuve de la crise est l'unité substantielle du Droit public et du Droit privé dans le Droit de la Compliance. 

 

1

V. dans ce sens les travaux de l'Association Droit et Commerce : 👤Ringlé, M. (dir;), Le droit des affaires, instrument de gestion et de sortie de crise. Les entreprises à l'épreuve de la pandémie, 2021.

2

Pour la description du Droit américain, qui protège les systèmes, notamment le système financier, et qui est le berceau du Droit de la Compliance, par rapport au Droit européen, qui l'a importé beaucoup plus tard mais l'a aussi transformé en le reconstruisant autour de sa propre tradition, humaniste, nouvelle définition du Droit de la Compliance dont le Droit européen est le modèle et qui est aujourd'hui en train de se répandre dans le monde, v. not. les ouvrages Frison-Roche, M.-A. (dir.), Pour une Europe de la Compliance, 2019;  Les outils de la Compliance2021; et les articles, 📝La compliance: avant, maintenant, après, 2017 ; 📝Un Droit substantiel de la Compliance, appuyé sur la tradition européenne humaniste, 2019 ; 📝Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, 2021. 

3

Dans ce sens, 👤Frison-Roche, M.-A., Compliance Law, Health Crisis and the Future, 2021. 

4

Sur cette évolution, Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕Régulation, Supervision, Compliance, 2017. 

5

Sur la redécouverte de la technique du "plan", et dans l'Etat et dans les techniques de Régulation bancaire, v. Margerie, G. de, Le plan, in Sève, R. Le principe de précaution, Archives de philosophie du Droit, 2020. 

6

👤Frison-Roche, M.-A. et 👤Roda, J.-Ch., 📕Droit de la concurrence, 2022. 

7

D'ailleurs en France, "l'Ecole de l'entreprise", de Rennes, a toujours récusé la distinction radicale entre l'entreprise, même privée, et l'Etat, ainsi que la distinction trop mise en avant entre le Droit public et le Droit privé. Sur cette distinction, voir la conclusion du présent article. 

8

Sur cette question, v. Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕Les outils de la Compliance, 2021. 

9

C'est sans doute pour cela que 👤François Ost, constatant que, malgré la multitude des travaux déjà disponibles sur les suites de la crise sanitaire et "le monde d'après", peu d'observations en ont encore été tirées, propose de le faire par un exercice d'imagination : Le Petit Prince au pays du Covid, 2021. On n'y trouve d'ailleurs aucune proposition de solution, ni pour maintenant ni pour l'avenir, mais ce que les professeurs savent, comme Tigrou, faire le mieux : critiquer ceux qui font quelque chose. N'est-ce le bonheur d'être professeur titulaire ? 

Voir du même auteur, De quoi le Covid est-il le nom ?, 2021.

12

Cela fait penser à la "théorie pure du Droit", avec une "norme fondamentale" qui à la fois fonde le Droit et lui est extérieure.

13

Mais sans doute certaines entreprises, et pas toutes ; et sans doute certaines règles, et pas toutes. Cette conception démultiplie l'effectivité et l'efficacité sans intégrer dans le Droit ce sur quoi il porte. Il s'agit donc de voies d'exécution, appréhendées en Ex Ante. 

14

C'est toute la base du "Droit des données", Droit de la Compliance qui parfois concentre les données, leur transmission et leur utilisation et parfois les segments et interdit un tel usage. Il n'y a en rien contradiction : parfois la protection de l'être humain implique l'usage et parfois il l'interdit. C'est bien le même Droit de la Complique qui produit la permission et l'interdiction. 

15

C'est pourquoi l'on ne peut définir le Droit de la Compliance comme l'obligation de se conformer aux règles qui nous régissent, car cela s'appelle l'Etat de Droit, cette définition étant donc paradoxalement trop pauvre par son immensité (v. 👤Frison-Roche, M.-A., Le Droit de la Compliance, 2016). 

16

🏛TJ Paris, 26 octobre 2020, RJDA 2/21 n°71.

17

🏛Paris, Référé du 12 mai 2021, Société Le Relais de Clichy, (aff. n°20/14094).

18

Le Tribunal Judiciaire de Chartes avait sollicité, par une 🏛demande du  9 juillet 2021 un avis de la Troisième chambre de la Cour de cassation sur ce point, avis attendu en raison de quelques incertitudes encore parmi les juridictions du fond (👤Brault, T., 📝Loyers commerciaux et Covid. En attendant l'avis de la Cour de cassation), mais en raison de l'harmonisation progressive de celles-ci, la procédure d'avis a été abandonnée et par une 🏛décision du 6 octobre 2021, la Cour de cassation a donc estimé ne pas avoir à répondre

19

qui ne sera écarté que si l'entreprise est elle-même systémique, par exemple dans le cas d'une banque par le mécanisme de la "résolution bancaire" qui est organisé par l'Autorité bancaire elle-même et qui écarte à la fois le Droit de la concurrence et le Droit des procédures collectives. Voir à ce propos 👤Frison-Roche, M.-A. et 👤D'Ambra, D., 📝 La résolution bancaire entre droit commun des procédures collectivs et droit commun de la régulation, 2016. 

21

préc. p.20-21.

22

v. infra. 

27

La notion juridique de "faits acquis" et de "droits acquis" doit être développée non plus en Ex Post (théorie des droits acquis) mais en Ex Ante : il doit y avoir des droits acquis des générations futures, puisqu'il est d'ores et déjà acquis que des faits se passeront, les générations futures doivent être dotées des "droits acquis" futurs qui leur correspondent. 

28

C'est la logique consubstantielle du Droit de la Compliance, liée à la détection et à la prévention des crises systémiques futures, pour qu'elles n'adviennent pas. V. par ex. 👤Frison-Roche, M.-A., Le Droit de la Compliance, 2016 ; L'aventure du Droit de la Compliance, 2020. 

29

Sur l'articulation entre le Droit de la Compliance et la perspective du Droit global, V. Racine, J.-B., 📝La prégnance géographique dans le choix et l'usage des outils de la Compliance, in Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕Les outils de la Compliance, 2021. 

30

👤Borga, N, 👤Marin, J.-Cl. et 👤Roda, J.-Ch. (dir.), 📕Compliance : Entreprise, Régulateur et Juge, 2018. 

32

Dans ce sens, Frison-Roche, M.-A., Pour un Droit de la Compliance environnemental, contribution au rapport , 2020. 

33

Dans le cycle de conférences organisées par la Cour de cassation sur "Penser l'office du juge", v. la conférence sur "L'office du juge et les enjeux climatiques", février 2021. 

34

Les réflexions sur la hiérarchie des normes et autres pyramides en sont renouvelées. Pour en rester au cercle du Droit de la Régulation et de la Compliance, l'autonomie entre la conception normative développée d'une façon autonome par les Cours constitutionnelles, notamment allemande, que l'on relève non seulement en matière bancaire (sur les programmes monétaires non-conventionnels) mais aussi en matière de protection des données personnelles, et une conception qui laisserait aux Autorités normatives intégrées que sont les Institutions européennes sont plus vives que jamais. 

35

Voir dans ce sens l'article de conclusion de l'ouvrage 📕Les outils de la Compliance👤Frison-Roche, M.-A., 📝Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, 2021

37

Sur cette question, voir plus largement l'ouvrager 📕La juridictionnalisation de la Compliance, notamment son titre I, consacrée à la question  L'entreprise instituée par le Droit de la Compliance Procureur et Juge d'elle-même, 2022.

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