4 octobre 2014

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JUSTICE : Le tribunal, puis la Cour d'appel d'Aix ordonnent le 2 septembre 2014 à une mère divorcée de fermer le compte FaceBook de sa fille de 8 ans

par Marie-Anne Frison-Roche

Un couple divorce. L'enfant a sa résidence habituelle chez le père (ce que l'on continue le mécanisme de "garde").

La mère de l'enfant, alors âgée de 8 ans, ouvre à celle-ci un compte FaceBook.

Au bout de quelque temps, le père saisit le Juge aux Affaires Familiales (JAF) pour obtenir la fermeture de ce compte.

Le juge ne le déboute pas, en estimant que cela ne relève pas de son office.

Au contraire, il y procède, en estimant  qu'il est de l'intérêt de cette enfant qu'elle ne dispose plus d'un compte FaceBook, en ce que celui-ci a contribué à la "désocialiser".

Cela justifie donc pour les juges de première instance, comme pour les juges d'appel dans leur arrêt du 2 septembre 2014, qu'un ordre soit donné à la mère de l'enfant de fermer immédiatement le compte.

Ce cas est intéressant à plusieurs titres.

En premier lieu, il montre que FaceBook est si important dans la vie des personnes, et plus particulièrement des enfants (non pas des adolescents mais des enfants de moins de 10 ans) que l'on saisit un juge à ce seul propos.

En deuxième lieu, il est interdit, selon les conditions générales de FaceBook, qu'un enfant de moins de 13 ans dispose d'un compte FaceBook. La mère de l'enfant n'en tient aucun compte. Qui aurait du réagir ? FaceBook. Dans un système que l'on prétend "autorégulé", c'est à FaceBook de rendre effectives des conditions générales ayant vocation à "civiliser" Internet, notamment en excluant les enfants de l'espace de FaceBook.

Le "maître de l'espace" que constitue FaceBook ne jouant pas ce rôle, le juge prend le relais.

Mais, et en troisième lieu, est-ce bien au juge de s'occuper d'une telle question ?

Inscrire ou non un enfant dans un réseau social est un choix de la vie courante. C'est comme choisir de l'inscrire dans un camp de vacances ou de lui faire apprendre telle ou telle langue. Le juge doit-il se mêler de telles questions, qui relèvent de la vie des familles ?

Il est vrai que la décision avait été prise par celui des parents chez lequel l'enfant ne résidait pas (la mère en l'espèce). Mais s'il s'agissait de considérer celui des parents légitimes à prendre une telle décision, alors le juge aurait du se contenter d'affirmer que seul le père en l'espèce pouvait le faire et non pas la mère.

Le juge a préféré justifier sa décision d'intrusion dans la vie familiale, en ordonnant à la mère de fermer le compte, sur le motif que l'usage que l'enfant de 9 ans faisait de son compte FaceBook était en train de "désocialiser" celle-ci. Admettons, mais n'est-ce pas beaucoup d'ingérence pour un motif assez vague ? N'est-ce pas une intrusion trop grande dans l'éducation des enfants ?

Certes, le juge y est poussé parce que les parents le saisissent. Mais c'est parce que FaceBook n'assure pas son rôle d'autorégulateur, et sans doute parce que les parents eux-mêmes ne sont pas capables de "socialiser" leurs enfants, c'est-à-dire de les éduquer.

L'envahissement des espaces, ici l'espace familial (mais l'on pourrait dire la même chose de l'espace de l'entreprise ou de l'espace politique) par le juge est avant tout un signe du dysfonctionnement intrinsèque de ces espaces-là.

 

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