26 septembre 2014

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En Allemagne, le conseil d'éthique recommande le 24 septembre 2014 de lever la prohibition de l'inceste entre frère et soeur, dès l'instant qu'ils sont consentants

par Marie-Anne Frison-Roche

La filiation est un élément fondamental des sociétés.

Il a été démontré en anthropologie que certaines règles étaient fondamentales pour l'équilibre des sociétés. Ainsi en est-il de la prohibition de l'inceste, entre les parents et les enfants, entre les frères et les soeurs.

L'une des raisons pour lesquels le droit prohibe d'une façon absolue les conventions de maternité pour autrui (que certains appellent "G.P.A.") tient au fait que non seulement le bébé est vendu comme une chose, non seulement la mère de celui-ci, la mère qui le porte, est alors une esclave, mais encore tient au fait que si on le permettait, l'on pourrait arriver à valider l'inceste.

Ainsi, lorsque les arrêts du 26 juin 2014 de la CEDH condamnèrent la France pour ne pas prendre en considération le lien entre l'enfant issu d'une "GPA" faite à l'étranger, le professeur de droit Muriel Fabre-Magnan affirma que le droit fondamental de la filiation était si heurté que l'on pouvait craindre dans un choc en retour la levée de la prohibition de l'inceste.

Trois mois après, le conseil d'éthique propose en Allemagne de lever la prohibition juridique de l'inceste entre frère et soeur. Ce n'est pas la solution technique qui est bouleversante, mais la motivation. En effet, le Conseil estime qu'il ne convient pas de sanctionner ainsi deux "adultes consentants" qui s'aiment.

Le consentement serait donc seul maître à bord.

Le marché, qui ne fonctionne que sur l'ajustement des consentements et ne connaît que cela, a gagné pour être le seul modèle de référence. Le marché devient le modèle de la société même.

Qu'en aurait dit Claude Lévi-Strauss ?

Lire l'article publié dans le Huffington Post décrivant l'avis rendu par le Conseil d'Ethique allemand.

C'est terrible. Voilà où nous en sommes ... Et nous continuons à être entourés d'un silence étourdissant.


Ainsi, dans la construction d'une société, d'une famille, d'un enfant, la seule chose qui compterait, ce serait l'amour, la vie privée et le consentement.

Rien d'autre. S'il y a consentement, tout est permis, tout est de droit.

Le marché est donc partout chez lui. Lui opposer des règles anciennes comme la prohibition de l'inceste deviendrait une position réactionnaire. D'ailleurs, lorsqu'on lit les commentaires qui suivent l'article publié par le Huffington Post, l'on constate que les internautes s'étonnent du ton alarmiste de l'article car enfin, disent les commentateurs, le frère et la soeur dans le cas étudié par le Conseil d'Ethique ne se connaissaient pas avant de se rencontrer à l'âge adulte et s'aiment. Où est le problème ?

Claude Lévi-Strauss ne fait plus partie des lectures de base. "Triste Occident".

 

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C'est au nom de cela que la CEDH a recommandé que l'on rattache mieux les enfants issus de contrats de mère-porteuse aux personnes qui les ont ainsi obtenus, alors même qu'il s'agit d'enfants engendrés par mise en esclavage des femmes pauvres, enfants vendus sur catalogues pour quelques milliers d'euros et "désignés" pour être conformes au désir d'enfant de l'Occident. De l'existence des mères, de la vente du bébé, de l'eugénisme pratiqué ouvertement par les entreprises qui prospèrent grâce à ce trafic mondial, les juges dont le rôle est de protéger les droits de l'homme n'en parlent pas dans leur arrêt du 26 juin 2014 qui condamne la France.

Écrasée, la France n'a pas fait appel de cet arrêt de section devant la Grande Chambre de la Cour, craignant sans doute d'être rouée de coups encore plus fort.


C'est au nom de ce même tryptique : amour + vie privée + consentement, que le Conseil d'Ethique allemand recommande de ne plus sanctionner l'inceste entre frère et soeur.


Puisqu'ils sont consentants.


La prohibition de l'inceste n'est qu'un "tabou social", rappelle le Conseil d'Ethique, le consentement doit être plus fort et le couple ne doit plus être poursuivi pour avoir bravé le "tabou social".

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C'est terrible de penser que c'est le "conseil d'éthique" qui préconise cette solution qui met au-dessus de tout le "consentement", c'est-à-dire la mesure du marché, alors que c'est la construction des civilisations et la protection des personnes qui est en jeu ?

Ce qui est dramatique, ce n’est pas la solution technique en elle-même. En effet, en droit français, le droit pénal ne s'intéresse pas aux relations sexuelles incestueuses, n'intervenant que lorsqu'elles ont lieu entre majeurs et mineurs. Ce que propose le Conseil d'Ethique, c'est une "dépénalisation" du traitement juridique de cette relation.

Mais ce qui est très inquiétant, c'est la motivation qui est contenue dans l'avis. En effet, si l'on prend l'exemple du droit français, qui ne traite d'une façon générale l'inceste que par le droit civil, le droit utilise sa puissance normative pour "ignorer" les conséquences de la relation incestueuse si un enfant en résulte. C'est l'objet de l'article 310-2 du Code civil.

En effet, si l'enfant est incestueux, alors le droit français de la filiation n'autorisera l'établissement de sa filiation qu'à l'égard de l'un des parents et non à l'égard des deux. Le droit efface l'un des liens, pourtant "biologique" pour que, dans l'ordre juridique et institutionnel, l'inceste n'existe purement et simplement pas.

C'est donc bien l'ordre social qui est préservé, la puissance du droit étant utilisé pour que ce qui "existe" (la filiation biologique) "n'existe pas". Ainsi, la société dans une prohibition fondamentale est préservée.

Or, le Conseil d'éthique allemand raisonne ainsi : il affirme qu’il ne faut pas incriminer une relation qui exprime un amour entre deux « adultes consentants ». Ces deux adultes dans le cas étudiés étaient "innocents", puisque, séparés très jeunes, ils s'étaient rencontrés adultes sans savoir qu'ils étaient frère et soeur : ils ne faut donc pas les punir ...

Mais la prohibition de l'inceste n'a pas une base morale, elle est le socle de la société. La remettre en cause, c'est remettre en cause la société toute entière. Raisonner ainsi, c'est considérer que seule la relation de couple et l'individu - fautif ou innocent - a de la pertinence, c'est considérer que la société, la règle, le droit, tout cela n'a aucune importance.

Dès lors et dans ces conditions, l'on ne voit plus pourquoi il faudrait, l'on pourrait, maintenir  la prohibition de l'établissement de la filiation de l'enfant qui pourrait en résulter. Cela ne pourra durer longtemps.

En effet, l'enfant résulte de l'amour entre adultes consentants, si c'est désormais ce critère du consentement (qui s'ajoutera au fait de son innocence) qui devient la mesure des choses.

Les parents sont "innocents", l'enfant est "innocent". Pourquoi ne pas établir un lien, un lien qui "existe biologiquement" entre ces trois innocences ?

Triste tropiques ? Triste Occident.

A côté d'une telle révolution qui démolit la prohibition de l'inceste, il est vrai que la prohibition des contrats de mère-porteuse face à l'attaque dont elle fait l'objet "joue petit bras" ...

 

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C'est le même raisonnement qui est à l'oeuvre.

L'on pourrait dire avec tristesse qu'il est vrai qu'à l'aune de la prohibition de l'inceste, qui devient donc un "tabou social" qui serait à écarter dès l'instant qu'il y a consentement individuel, la mise en esclavage et la vente de bébé que représente la convention de maternité pour autrui (GPA) joue petit bras et que nous avions bien tort de protester si fort pour la mise en danger des femmes et des enfants par la seule considération du consentement, maintenant que c'est les règles de base des sociétés qui s'efface lorsque le consentement paraît...

 

Si l'on ne se décourage pas tout à fait, l'on peut encore dire qu'il est impératif que le gardien du pacte social se lève, que le Politique réagisse, contre ce qui est en réalité le "marché des désirs", rendant prospères toutes sortes d'agences sur l'idée que tout désir est légitime dès l'instant qu'il n'y a pas d'entrave, qu'il y a "consentement" et qu'un obstacle n'y ait admissible, ni la protection des faibles (femmes, pauvres, enfants), ni les fondamentaux sociaux (prohibition de l'inceste).

Voilà où nous tombons.

 

 

 

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