30 mars 2017

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🚧 Compliance et Confiance

par Marie-Anne Frison-Roche

The Working Paper doit ĂȘtre citĂ© avec ce lien : http://mafr.fr/fr/article/compliance

Ce working paper a servi de base Ă  un article publiĂ© ultĂ©rieurement dans les MĂ©langes en l'honneur de Jean-Jacques Daigre, Autour du droit bancaire et financier, en 2017. 

 

Compliance. Confiance. Deux mots qui reviennent de plus en plus souvent sous nos yeux de lecteurs ou Ă  nos oreilles d'auditeurs. Et pourtant ils ne semblent pas bien s'assortir. Ils paraissent mĂȘme se repousser l'un l'autre.

En effet, la compliance est ce par quoi les autoritĂ©s publiques font confiance Ă  certains opĂ©rateurs privĂ©s, non pas en eux-mĂȘmes, mais Ă  leurs capacitĂ©s structurelles Ă  capter mĂ©caniquement l'information dont ces autoritĂ©s ont besoin (I).

Cela suppose une vision du monde dans lequel les entreprises sont puissantes et sont seules puissantes mais ne sont pas vertueuses, tandis que les autoritĂ©s publiques, comme le MinistĂšre public ou les rĂ©gulateurs, sont faibles mais sont seuls vertueux. Une telle conception de la compliance transforme les entreprises en automates. Une telle vision du monde n'a pas d'avenir : on ne peut faire confiance qu'Ă  des ĂȘtres humains, dont il faut accepter le caractĂšre faillible, la compliance Ă©tant alors l'expression d'un rapport nouĂ© sur une confiance qui se donne Ă  voir entre des opĂ©rateurs non mĂ©caniques, Ă  savoir les institutions publiques et les opĂ©rateurs privĂ©s qui peuvent l'un et l'autre avoir en commun souci d'un intĂ©rĂȘt qui les dĂ©passe et que l'on appelait naguĂšre l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (II).

De cette rĂ©alitĂ© sans doute nouvelles pour des entreprises privĂ©es mais qui explique l'Ă©trange intimitĂ© entre le violent Droit de la compliance et le nouvel ordre spontanĂ© de la ResponsabilitĂ© sociĂ©tale des entreprises, c'est Ă  celles-ci  de faire la preuve de ce souci d'autrui qu'elles partage avec les AutoritĂ©s publiques, sauf Ă  retomber dans une compliance rĂ©duite Ă  des procĂ©dures coĂ»teuses, vides sans fin jalonnĂ©es de sanctions sans contrĂŽle.

C'est ainsi aux entreprises de faire que cette branche du Droit de la Compliance en train de naĂźtre devienne ce qui peut ĂȘtre le meilleur, alors qu'il est possible qu'elle devienne ce qui serait donc le pire.

 

 

Compliance. Confiance. Deux mots qui reviennent de plus en plus souvent sous nos yeux de lecteurs ou Ă  nos oreilles d'auditeurs. Mais d'un cĂŽtĂ© il y a tant de dĂ©finitions de la "compliance"!footnote-762, , dont les difficultĂ©s de traduction amplifient l'incertitude, et de l'autre cĂŽtĂ© il y a sous cette banniĂšre tant de prescriptions minutieuses Ă  suivre!footnote-763 qu'on a parfois l'impression d'ĂȘtre au pays d'Alice, menacĂ©s d'avoir la gorge tranchĂ©e pour s'ĂȘtre trompĂ© de couleur de rose alors que nul ne nous avait dit quelle graine planter. Nous ne comprenons plus mĂȘme les rĂšgles de ce nouveau jeu, souvent si surprenant, pourtant si onĂ©reux. Dans ce pays Ă©tranger!footnote-855 et comme perdus dans le labyrinthe de la compliance. DĂšs lors, comment y associer la confiance, qui relĂšve du mouvement, voire de l'Ă©lan, et de l'intuition ?

Et cela d'autant plus qu'au moment oĂč le Droit de la Compliance se constitue!footnote-754, l'on observe que le Droit ne fait guĂšre place Ă  la notion de confiance, celle-ci n'Ă©tant toujours pas une notion pleinement juridique, la confiance ne prĂ©tendant que donner du souffle au Droit!footnote-764, ou un but Ă  une loi voulant nous guider dans l'Ă©conomie numĂ©rique!footnote-859, sans qu'on puisse dire qu'elle soit elle-mĂȘme devenue une notion juridique, contrairement Ă  la loyautĂ©!footnote-856.

La confiance fait certes dĂ©sormais son apparition dans les systĂšmes juridiques. Elle le fait non pas d'une façon autonome, sauf Ă  ce que le titre de loi l'adopte comme un objectif incantatoire!footnote-857, mais comme qualitĂ© consubstantielle, prenant la forme d'un adjectif qualificatif : "fiduciaire". La relation devient fiduciaire lorsque l'un s'en remet Ă  l'autre, en prenant comme principe que celui-ci prendra soin de celui-lĂ . DĂšs le dĂ©part la confiance est une relation Ă  autrui qui ne vaut que, suivant Montaigne ou les affinitĂ©s Ă©lectives, parce que c'Ă©tait toi, parce que c'Ă©tait moi. La relation de confiance est ainsi une relation fermĂ©e sur elle-mĂȘme, Ă  l'abri des regards, la relation de famille en Ă©tant le parangon!footnote-655, ce pourquoi la "sociĂ©tĂ© de famille" devint une forme sociĂ©taire!footnote-860 Ă  part entiĂšre, ce pourquoi la "sociĂ©tĂ© patrimoniale" est analysĂ©e comme une sociĂ©tĂ© dont les stratĂ©gies dĂ©passent les instantanĂ©itĂ©s marchandes, voire les durĂ©es viagĂšres.

En cela la confiance ne pourrait s'exporter lors de ces cercles chaleureux!footnote-858 : se refroidit, se glace et s'Ă©vapore hors de cette relation si particuliĂšre, empreinte des reins et du cƓur que le Droit a la sagesse de ne pas sonder. Il faudrait donc choisir entre la chaleur de la confiance et le vent de libertĂ© du MarchĂ©, la libertĂ© entraĂźnant avec elle son lot de solitude et de risques. La confiance ne pourrait suivre les mouvements des choses marchandes qui circulent dans l'espace vide et froid du marchĂ© dans lequel seul le prix est pertinent, seuls les chiffres comptent!footnote-765, voire gouvernent!footnote-831. PlĂ©onasme de "l'ordre concurrentiel"!footnote-861. LĂ  oĂč l'affection et la confiance dans autrui disparaissent, le Droit prend le relais. Exprimant la dĂ©fiance!footnote-863, il prescrit alors l'obligation d'information prĂ©alable et surveille les uns et les autres. Le Droit ne fait pas de sentiment.

Et pourtant... Pourtant, tout le systĂšme non pas Ă©conomique mais monĂ©taire et cambiaire repose sur l'idĂ©e systĂ©mique de confiance. Confiance que chacun doit pouvoir faire Ă  des bouts de papiers. Rien de magique!footnote-832 : le systĂšme assure!footnote-864 celui qui tient entre ses mains un titre dans lequel est incorporĂ© l'engagement de payer qui sera honorĂ© par l'Ă©tablissement auquel il le prĂ©sentera!footnote-766. Tout le systĂšme monĂ©taire repose sur l'idĂ©e de confiance. Confiance que chacun peut faire Ă  des bouts de papiers en ce que l’État y est reprĂ©sentĂ©!footnote-659 et qu'il paiera, dĂ©biteur en dernier ressort, confiance faite Ă  une communautĂ© de personnes, les banquiers ou ceux qui forment "la place", confiance portĂ©e Ă  l’État, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas.

L'on semble s'ĂȘtre lassĂ© de cette modernitĂ© des titres, affirmant que les "codes" Ă©taient "cassĂ©s"!footnote-660. L'on peut vouloir souffler sur la poussiĂšre recouvrant les billets, se dĂ©tourner du folklore des paumĂ©s, entendre le bruit des technologies et le cliquetis des bitcoins : c'est dans les machines dĂ©sormais qu'il faut "avoir confiance", plus encore si les robots prennent figure humaine!footnote-833. On en revient alors Ă  la question premiĂšre :  Ă  quelle promesse se fier ?

La pensĂ©e classique a toujours proposĂ© trois rĂ©ponses Ă  la question du lieu de la confiance!footnote-834. OĂč placer celle-ci : soit dans un Dieu ; soit dans un ĂȘtre humain ; soit dans un objet. L'on ne propose pas actuellement de nouveau type de rĂ©ponse ; ce qui est prĂ©sentĂ© comme une nouveautĂ© n'est jamais qu'une nouvelle forme de rĂ©ponse traditionnelle. Ainsi, suivant les pĂ©riodes, l'on est allĂ© de l'un Ă  l'autre des trois lieux de confiance. Longtemps on a surtout eu confiance en Dieu, parfois des dieux cachĂ©s dans les choses, l'animisme se portant fort bien dans un siĂšcle qui porte tant d'amour aux robots. Puis l'homme s'est cru Dieu, auto-crĂ©ateur de lui-mĂȘme. Maintenant, l'on croit avant tout dans les machines, auto-crĂ©atrices et "intelligentes", prĂ©sentĂ©es comme "infaillibles", ce qui permettrait d'abandonner et Dieu et l'ĂȘtre humain pour un monde devenu sĂ»r parce que devenu mĂ©canisĂ©.

L'on affirmait naguĂšre que ceux qui voyaient dans des objets inanimĂ©s des sujets!footnote-661 Ă©taient des animistes d'un temps lointain. Aujourd'hui, l'on nous explique que seules les machines "apprennent" et sont dignes de "confiance", les blockchains remplaçant des tiers de confiance moins performant, les algorithmes mĂ©ritant d'ĂȘtre qualifiĂ©s d' intelligence supĂ©rieure. L'on rira de nous pour avoir affirmĂ© de tels enfantillages. Cette nouvelle passion que l'on peut observer pour ce mĂ©canisme de blockchain est la mesure du dĂ©goĂ»t que l'on observe Ă  l'Ă©gard des ĂȘtres humains qui ont par fonction prise sur les autres!footnote-662. et dont, parce que, trop humains, l'on observe les limites et les conflits d'intĂ©rĂȘts, ce qui conduit Ă  renoncer Ă  les instituer tiers de confiance.

Mais ce crĂ©dit fait Ă  la "confiance mĂ©canique", mouvement de fond de sociĂ©tĂ©s qui n'ont plus confiance en elles-mĂȘmes, est portĂ© par le mĂ©canisme de "Compliance", qui est en train de devenir majeur dans le Droit!footnote-663, voire s'ossifie dans une branche du droit.!footnote-751. Il consiste pour des AutoritĂ©s publiques Ă  internaliser dans certaines entreprises des mĂ©canismes de capture d'informations afin que celles-ci soient apportĂ©es Ă  ceux qui en feront bon usage.

A ce titre, la compliance est donc ce par quoi les autoritĂ©s publiques font confiance Ă  certains opĂ©rateurs privĂ©s, non pas en eux-mĂȘmes, mais Ă  leurs capacitĂ©s structurelles Ă  capter mĂ©caniquement l'information dont ces autoritĂ©s ont besoin (I). Cela suppose une vision du monde dans lequel les entreprises sont puissantes et sont seules puissantes mais ne sont pas vertueuses, tandis que les autoritĂ©s publiques, comme le MinistĂšre public ou les rĂ©gulateurs, sont faibles mais sont seuls vertueux. Une telle conception de la compliance transforme les entreprises en automates. Une telle vision du monde n'a pas d'avenir : on ne peut faire confiance qu'Ă  des ĂȘtres humains, dont il faut accepter le caractĂšre faillible, la compliance Ă©tant alors l'expression d'un rapport nouĂ© sur une confiance qui se donne Ă  voir entre des opĂ©rateurs non mĂ©caniques, Ă  savoir les institutions publiques et les opĂ©rateurs privĂ©s (II). De cette rĂ©alitĂ©, c'est aux entreprises de faire la preuve, sauf Ă  retomber dans une compliance rĂ©duite Ă  des procĂ©dures sans fin jalonnĂ©es de sanctions sans contrĂŽle. C'est ainsi aux entreprises de faire que cette branche du Droit en train de naĂźtre soit ce qui peut ĂȘtre le meilleur, alors qu'il est possible qu'elle devienne ce qui serait donc le pire.

 

I. LA COMPLIANCE, RÉDUCTION DU DROIT À UNE CONFIANCE DANS LA CAPACITÉ TECHNIQUE DE CERTAINS OPÉRATEURS PRIVÉS À  CAPTER MÉCANIQUEMENT L'INFORMATION PERTINENTE

La compliance renvoie en premier lieu à une exigence qui est faite aux entreprises ayant une activité avec un impact international, soit du fait de leurs activités économiques (commerce international) soit du fait de leurs activités financiÚres (titres cotés, établissements bancaires et financiers). Ainsi, l'on ne peut réduire la compliance à la "conformité", en la définissant comme l'obligation de respecter le droit, ce qui est l'obligation de tout sujet de droit, car la compliance ne s'applique non seulement qu'aux entreprises mais plus encore qu'à cette catégorie particuliÚre d'entreprises-là.

Plus encore, lorsqu'on observe les rĂšgles de compliance qui concernent les sociĂ©tĂ©s cotĂ©es (et seulement elles), on note qu’il s’agit de rĂšgles obligatoires imposĂ©es par les autoritĂ©s publiques qui exigent avant tout des informations. En cela, le Droit de la compliance est Ă  mettre en perspective de la place que le Droit fait Ă  l'information, plus particuliĂšrement Ă  travers deux branches du Droit que sont le Droit financier et le Droit pĂ©nal : cela fonde la rĂšgle constitutive selon laquelle les sujets du Droit de la compliance sont les entreprises qui centralisent l'information et elles seules, la confiance n'Ă©tant issue que de cette aptitude mĂ©canique Ă  capter et Ă  restituer l'information (A). Mais une telle conception de la confiance conduit Ă  transformer les entreprises en automates (B).

 

A. LA COMPLIANCE, COMME CONFIANCE MÉCANIQUE DANS LA PUISSANCE DE FAIT DE CERTAINS OPÉRATEURS

Dans cette perspective, le Droit de la compliance apparaĂźt comme un droit mĂ©canique qui tire les consĂ©quences de la faiblesse des États, victimes de leur asymĂ©trie d'information et de l’étroitesse de leurs frontiĂšres. Certaines entreprises Ă©tant repĂ©rĂ©es comme des centrales d'informations, le Droit de la Compliance va fondre sur elles (1). Il s'agit d'une confiance dans cette sorte de coffre-fort d'informations qu'elles constituent par nature et que le Droit va ouvrir sur ordre. De cette confiance mĂ©canique, rĂ©sultent des obligations structurelles (2).

 

1. Le choix des entreprises constitutives de centrales d'informations comme sujets du Droit de la Compliance

L’État n'a plus confiance en lui-mĂȘme. Non pas dans sa capacitĂ© Ă  poser les rĂšgles, en tant qu'il est un "État rĂ©gulateur"!footnote-865, ou en tant qu'il fixe des buts Ă  atteindre!footnote-866, mais en tant qu'il est une machine apte Ă  concrĂ©tiser ceux-ci. Car "l'intendance ne suit plus"!footnote-867. Cette aptitude demeure peut-ĂȘtre pour une rĂšgle dont la concrĂ©tisation est Ă  portĂ©e de l’État national, par exemple en droit de la famille. L’État la prĂ©sente lui-mĂȘme comme douteuse lorsque l’effet recherchĂ© par la norme s'imprĂšgne d'une dimension internationale. L’État semble s’effondrer sur lui-mĂȘme lorsque le but consiste Ă  lutter contre des mĂ©canismes Ă  la fois internationaux et cachĂ©s, comme la corruption. L’État reconnaĂźt ĂȘtre comme Ă©crasĂ©.

C'est pourquoi le blanchiment d'argent d'activitĂ©s gravement illicites et souterraines, se dĂ©veloppant par exemple dans le dark net,  est ce qui va donner lieu Ă  des mĂ©canismes de compliance, plutĂŽt qu'Ă  des procĂ©dĂ©s plus traditionnels de poursuites et de sanctions. Mais le Droit de la Compliance va en accuser les traits, et des poursuites et des sanctions!footnote-868, voire les transformer. En effet, si l'on observe les comportements Ă  propos desquels les exigences de compliance se sont dĂ©veloppĂ©es, leur creuset n’est pas le droit commun, mais le droit rĂ©pressif, c'est-Ă -dire du droit rĂ©galien. Le Droit pĂ©nal est celui par lequel l’État veut l'effectivitĂ© des normes de prohibition qu'il a posĂ©es : pas d'abus de marchĂ©, pas de pĂ©docriminalitĂ©, pas de blanchiment, pas de fraude fiscale, pas de pollution, pas de corruption, pas de commerce avec des rĂ©gimes dictatoriaux.

Ainsi, tout est affaire d'exĂ©cution, tout est affaire de vitesse. Les systĂšmes anglo-amĂ©ricains l'ont compris en Ă©tablissant en branche du droit l'enforcement, tandis que nos voies d'exĂ©cution demeurent la cousine Bette de notre droit continental. Le premier raccourci consiste Ă  supprimer le temps entre la captation de l'information et la sanction, en repĂ©rant lĂ  oĂč est l'information. C'est pourquoi les banques et les Ă©tablissements financiers sont plus que tout autre visĂ©s, dans la mesure oĂč l'argent est dĂ©posĂ© chez eux, est manipulĂ© par eux, est transfĂ©rĂ© par eux.

Le second raccourci sera plus radical encore. En incitant ces mĂȘmes entreprises Ă  prendre elles-mĂȘmes des normes de comportement, Ă  travers tout d'abord la responsabilitĂ© sociale des entreprises allant au-delĂ  de la simple conformitĂ© aux rĂšgles juridiques extĂ©rieures !footnote-753 puis par l'adoption de "Code de conduite" par lequel l'entreprise s'engage et dont le marchĂ© observe l'effectivitĂ©, l’État confie au pouvoir de contrĂŽle des marchĂ©s financiers dont la puissance est immĂ©diate le soin de concrĂ©tiser les engagements de l’opĂ©rateur.

C'est pourquoi la compliance concerne non pas tous les sujets de droit, mĂȘme si l'on s'aventure Ă  la dĂ©finir simplement comme l'obligation de respecter le droit !footnote-755, mais seulement les entreprises puissantes, internationales et observĂ©es par des investisseurs actifs.

Tout est donc information dans la compliance. Les entreprises y sont soumises en tant qu'elles sont sur le chemin de l'information sensible, qu'elles doivent la repĂ©rer, puis en disposer comme il convient y compris contre leurs propres intĂ©rĂȘts !footnote-756,. Elles sont effectivement contrĂŽlĂ©es par cette machine Ă  information qu'est le marchĂ© financier lui-mĂȘme ou le droit des sociĂ©tĂ©s tel que le mĂ©canisme d'information l'a renouvelĂ© Ă  travers la thĂ©orie de l'agence !footnote-757, centrant dĂ©sormais le fonctionnement des sociĂ©tĂ©s sur l'Ă©mission et la circulation de l'information pertinente.

Parce que la compliance est une consĂ©quence des thĂ©ories de l'information, de l'information pertinente pour le fonctionnement des systĂšmes et pour l'effectivitĂ© des droits des personnes !footnote-759, mĂȘme si elle n'a pas vocation Ă  s'Ă©tendre Ă  tout un chacun - parce qu'elle ne se dĂ©finit pas comme la simple et gĂ©nĂ©rale obligation de respecter le Droit !footnote-760, son emprise va excĂ©der les entreprises globales sur lesquelles les marchĂ©s financiers ont droit de regard.

En effet, tout agent Ă©conomique qui manipule des informations sensibles sur une personne qui s'en remet Ă  lui va ĂȘtre soumis Ă  la compliance. Cela correspond Ă  la dĂ©finition de la profession libĂ©rale !footnote-761.

 

2. Un simple crédit objectif fait par le Droit à une aptitude mécanique de certaines entreprises à remplir une fonction

Dans une telle conception, le Droit de la compliance n’exprime en rien une relation de confiance avec les opĂ©rateurs. L’on peut mĂȘme dire qu’il exprime l’inverse.

En effet et en premier lieu c’est uniquement par un « crĂ©dit objectif Â» fait Ă  ces opĂ©rateurs-lĂ  en ce qu’ils sont les mieux placĂ©s pour obtenir l’information et la transmettre – parce que la loi leur en fait ordre – que le Droit de la compliance a transformĂ© ces opĂ©rateurs Ă©conomiques globaux en sujets de droit de la compliance!footnote-869.

Le Droit fait crĂ©dit Ă  leur position dans les flux financiers internationaux et fait crĂ©dit Ă  leur capacitĂ© technique et financiĂšre Ă  s’organiser mondialement pour ĂȘtre apte Ă  obtenir et Ă  transmettre de telles informations pertinentes (sur la violation des embargos, sur la corruption, etc.). C'est pour cela que le Droit leur accorde des pouvoirs spĂ©cifiques, comme celui d’obtenir des informations auprĂšs de leurs clients, et les charge d’obligations spĂ©cifiques, comme celle de transmettre ces obligations, concrĂštement de dĂ©noncer. Il s'agit bien de "pouvoirs" au strict sens juridique, c'est-Ă -dire de puissances qui ne sont juridiquement confĂ©rĂ©es que pour satisfaire un devoir dont le titulaire est chargĂ© pour la satisfaction d'un autre que lui-mĂȘme!footnote-870.

Mais ce n’est pas ainsi que l’on dĂ©finit une relation de confiance. Comme il a Ă©tĂ© soulignĂ©!footnote-871, une relation de confiance relĂšve en grand partie du spontanĂ© et du sur-mesure. Quand on Ă©tudie la nouvelle loi dite « Sapin 2 Â», dont les termes Ă©pousent le droit amĂ©ricain, que l’on peut qualifier comme une « loi de compliance Â», il ne s’agit pas d’une confiance faite par le LĂ©gislateur Ă  ces opĂ©rateurs Ă©conomiques globaux.

Tout au contraire.

Le LĂ©gislateur postule au contraire que les entreprises vont plutĂŽt se dispenser de collaborer Ă  la « lutte pour le Droit"!footnote-872 . Et d'ailleurs, pourquoi le feraient-elles ? Comme beaucoup le relayent, leur fonction est de se dĂ©velopper et non pas d’ĂȘtre agent d’effectivitĂ© du Droit ou pour le dire d’une façon plus imagĂ©e d’ĂȘtre agent du FBI. Elles ne veulent pas le faire. Encore moins pour l’effectivitĂ© d’un ordre juridique dont elles ne sont pas sujet de droit, la question de la compliance renvoyant souvent pour les entreprises europĂ©ennes Ă  dimension mondiale Ă  la question de l’extraterritorialitĂ© du droit amĂ©ricain!footnote-875.

C’est bien parce que le LĂ©gislateur n’a pas confiance qu’il adopte le ton rĂ©pressif et prĂ©voit pour la premiĂšre fois des « peines de conformitĂ© Â» , des "programmes de conformitĂ©" et des "plans de vigilance" contraints!footnote-876, consistant Ă  exiger de l’entreprise qu’elle se structure de sorte que, Ă  l’avenir, les systĂšmes de contrĂŽle interne, de veille ou de lanceur d’alerte permette en son sein une gouvernance de l’information effectivement au bĂ©nĂ©fice du juge et du rĂ©gulateur. De cette façon, par cette sanction pĂ©nale en nature, la sanction Ex Post consiste Ă  contraindre l’entreprise Ă  s’organiser Ex Ante, la technique de l’expert insĂ©rĂ©e pendant plusieurs annĂ©es permettant un flux permanent d’informations vers l’extĂ©rieur. DĂ©jĂ  fragile, la distinction entre l’Ex Ante et l’Ex Post achĂšve d’ĂȘtre pulvĂ©risĂ©e.

C’est donc bien une double relation de dĂ©fiance qui oppose aussi bien le Droit vis-Ă -vis des opĂ©rateurs globaux que les opĂ©rateurs globaux vis-Ă -vis de cette lĂ©gislation nouvelle sur la compliance. Ces effets nĂ©gatifs sont considĂ©rables. Le principal est le fait que les entreprises sont transformĂ©es en automates.

 

B. LE DROIT DE LA COMPLIANCE, RISQUE D’UN SYSTÈME TRANSFORMANT LES ENTREPRISES CRUCIALES EN AUTOMATES

Alors mĂȘme que le monde a besoin que s’expriment des valeurs collectives, sous une telle pression les entreprises deviennent par l'exigence du Droit des sortes de machines dont seuls les rouages comptent, le respect de la compliance se traduisant par la mise en place de procĂ©dures, voire de process, suivies aveuglement et Ă  grand coĂ»t. Le Droit de la compliance devient une obligation de rĂ©sultat, ce qui est prĂ©sentĂ© comme une force alors qu’une telle nature en rĂ©vĂšle la grande faiblesse (1). Une autre dĂ©monstration en est apportĂ©e par la sanction par le RĂ©gulateur financier de l’entreprise pour manquement dĂšs l’instant qu’il y a Ă©cart, alors mĂȘme que des algorithmes sont la cause de l’irrĂ©gularitĂ© (2). L’on mesure ainsi que, dans un systĂšme automatisĂ© sur ordre du Droit, les opĂ©rateurs ne peuvent que s'appauvrir et se dĂ©shumaniser. La rĂšgle deviendrait donc Comply and never explain (3). Dans cette perspective, le Droit de la compliance contribue Ă  mettre en place un Monde sans personne.

 

1. La suprématie des obligations de résultat

Dans un systĂšme libĂ©ral, les obligations sont des "obligations de moyens" : le sujet de droit en charge d'une obligation est contraint Ă  avoir un comportement visant Ă   atteindre le rĂ©sultat visĂ© par l'engagement ; en consĂ©quence, sa responsabilitĂ© est engagĂ©e et n'est engagĂ©e que par la preuve rapportĂ©e de sa faute ou de sa nĂ©gligence dans son comportement tendant Ă  l'obtention de ce rĂ©sultat, le seul fait que ce but recherchĂ© ne soit pas advenu ne suffisant pas Ă  engager sa responsabilitĂ©.

Cela est encore plus vrai lorsque la responsabilitĂ© est pĂ©nale, si l’on accorde encore du crĂ©dit Ă  la distinction entre la responsabilitĂ© civile et la responsabilitĂ© pĂ©nale.

Il est exact que les comportements des entreprises sujets du Droit de la Compliance demeurent analysĂ©s Ă  travers la notion d’obligations de moyens. Mais le Droit de la compliance, y compris le Droit pĂ©nal de la compliance, est avant tout un droit de structure et non pas de comportement. C'est pourquoi la notion de "manquement" y est systĂ©matiquement prĂ©fĂ©rĂ©e!footnote-877.

Ainsi la premiĂšre obligation des entreprises est de construire des systĂšmes de contrĂŽle, d’éducation, de rassemblement des donnĂ©es et de protection de celles-ci, de dĂ©tection et de traçabilitĂ© des informations pertinentes au bĂ©nĂ©fice du juge et pour le rĂ©gulateur. Ces obligations de nature structurelle sont des obligations de rĂ©sultat!footnote-835.

Ces obligations lourdes et techniquement difficiles Ă  imaginer, doivent aboutir Ă  une organisation effective. Si l’entreprise tente de se justifier en raison de difficultĂ©s techniques ou en montrant qu'elle a Ă©tĂ© diligente pour le faire, le rĂ©gulateur ou le juge pĂ©nal Ă©carteront la justification, cette organisation objectivement  insuffisante de l'entreprise par rapport aux objectifs justifiant une sanction.

Plus encore, les sanctions prononcĂ©es prendront la forme d' injonctions elles-mĂȘmes de type structurel. Les "peines de conformitĂ©", dont les programmes de compliance mis en place aux États-Unis et obligeant notamment la BNP ou la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale Ă  modifier leur structure ont Ă©tĂ© le parangon.

Ce n’est pas la duretĂ© ou l’ampleur de ces programmes qui sont critiquables. C’est plutĂŽt leur caractĂšre mĂ©canique. Des investissements informatiques. Des process. Des machines. Est-ce ainsi que seront le plus efficacement combattus le terrorisme international, la corruption ou la traite des ĂȘtres humains ?

N'est-ce pas Ă  la fois un peu fou et dĂ©shumanisant que de poser qu'il y a manquement du seul fait qu'il y ait Ă©cart entre l’organisation mĂ©canique de l’opĂ©rateur et les rĂ©sultats que celle-ci produit d'une part et les buts recherchĂ©s par l'auteur du Droit de la compliance, Ă  savoir la dĂ©tection puis la transmission au bon utilisateur de l'information pertinente pour lutter contre un mal global ou contribuer Ă  l'Ă©dification d'un bien global ?

Facilitant au passage grandement toute la charge de preuve des autorités de poursuite, puisque c'est en Ex Ante que les opérateurs sujets du Droit de la compliance doivent constituer les preuves de leurs diligences, notamment par l'épuisante cartographie des risques, tout semble reposer sur les machines. La nouvelle loi sur le "devoir de vigilance" des entreprises internationales du 27 mars 2017 est exemplaire de cette charge structurelle qui pÚse désormais sur ces entreprises-là et qui allÚge d'autant la charge de preuve des autorités de poursuite.

Cette déshumanisation ne protÚge pas pour autant l'entreprise de la perspective de responsabilité car le Droit, notamment par la conception qui est en train de se développer de ce qu'il est convenu d'appeler "l'intelligence artificielle"!footnote-836, conçoit la sanction des "machines folles", pour manque de compliance.

 

2. Les peines de compliance infligées en raison des machines "folles" ou "criminelles"

L'AutoritĂ© des marchĂ©s financiers (AMF) a eu Ă  connaĂźtre un cas dans lequel l'application mĂ©canique d'algorithmes avait produit des Ă©carts dans le trading Ă  haute frĂ©quence. La question Ă©tait de savoir si l'entreprise devait ĂȘtre sanctionnĂ©e pour abus de marchĂ©. Cela suppose rĂ©solue la question de savoir si elle pouvait l'ĂȘtre, la question de l'aptitude la question Ă©tant aussi une question majeure du Droit de la RĂ©gulation.

On aurait pu considĂ©rer qu'aucune "volontĂ©" n'Ă©tait intervenue et qu'aucun "comportement" n'Ă©tait saisissable, l'engagement d'une responsabilitĂ© n'Ă©tait pas admissible et la sanction ne pouvait ĂȘtre envisagĂ©e. Par principe. Mais la prĂ©valence du souci d'efficacitĂ©, des enjeux systĂ©miques et de la thĂ©orie que l'on appelle le "pragmatisme" ont fondĂ© la solution inverse.  En effet, par sa DĂ©cision du 8 juillet 2016, Getco,la Commission des sanctions de l'AMF a retenu la responsabilitĂ© quasi-pĂ©nale de l'entreprise.

Le motif en est que pour ĂȘtre efficace le RĂ©gulateur ne pouvait pas ne pas!footnote-854 .... De la mĂȘme façon que d'une façon Ă©tonnante il a Ă©tĂ© affirmĂ© que les algorithmes devaient ĂȘtre loyaux!footnote-878, qu'on nous les prĂ©sente comme pouvant ĂȘtre affectueux - les ouvrages de GĂŒnther Anders sur les "machines dĂ©sirantes" ne semblant pas avoir laissĂ© de traces!footnote-879 -, qu'il semble acquis qu'ils soient apprenants!footnote-880, les voilĂ  criminels.

Sans faire de digression sur la folie d'une telle conception du monde oĂč les sĂ©ries de chiffres deviennent des personnes tandis que les personnes deviennent, via leur corps pulvĂ©risĂ© par les donnĂ©es, des choses!footnote-881, la situation des entreprises devient de plus en plus difficile, puisque non seulement l'Ă©cart entre le rĂ©sultat observĂ© et le but recherchĂ© suffit pour l'autoritĂ© Ă  satisfaire sa charge de preuve mais plus encore les diligences humaines et la rĂ©fĂ©rence Ă  l'ĂȘtre humain cessent d'ĂȘtre pertinentes pour permettre Ă  l'entreprise de prouver la satisfaction de son obligation.

Dans une telle lancĂ©e, la Compliance ne va-t-elle pas s'effondrer sur elle-mĂȘme ?

 

3. L'épuisement d'une définition de la compliance comme simple "procédure" : Comply and, comme une machine, Never Explain

Le Droit de la compliance traduit et se traduit par toujours plus d'informatique. Les entreprises elles-mĂȘmes ont eu tendance Ă  utiliser ce nouvel essor des algorithmes pour ne plus exercer leur mĂ©tier qu'Ă  travers les robots advisors. Au Royaume-Uni en juin 2016 un organisme d'investisseurs a demandĂ© Ă  la Financial Conduct Authority (FCA) de rappeler d'une part que les robots ne conseillent pas, mĂȘme si les documents envoyĂ©s par l'ordinateur sont des dessins animĂ©s avec jeune homme Ă  lunette et jeune fille en executive woman,  et que d'autre part la solution pour prĂ©server l'intĂ©rĂȘt des investisseurs est dans l'Ă©ducation de ceux-ci. Car les robots ne s'Ă©duquent pas tandis que ce sont les ĂȘtres humains qui doivent ĂȘtre Ă©duquĂ©es. 

L'Ă©ducation financiĂšre est aujourd'hui une mission Ă  part entiĂšre des rĂ©gulateurs publics!footnote-838. mais  les programmes de compliance qui sont en place d'une façon plus ou moins forcĂ©e dans les entreprises le sont souvent par des procĂ©dĂ©s mĂ©caniques, avec des multiples cases Ă  cocher.

Mais le Droit de la compliance va Ă©puiser les entreprises s’il est lui-mĂȘme une mĂ©canique folle qui dĂ©verse des exigences aveugles et sans fin, exprimant une confiance dĂ©risoire dans les procĂ©dures routiniĂšres que les entreprises font tourner comme d’autres le font des moulins Ă  priĂšres.

Cela tient au fait que le Droit de la compliance ne fait pas confiance aux ĂȘtres humains qui sont dans les entreprises en question. Et pourtant c’est bien une relation de confiance que les textes nouveaux ont Ă©tablie entre les autoritĂ©s publiques et ce personnage nouveau et controversĂ© : le lanceur d’alerte, personnage haut en couleurs. Pourquoi ne pas lui faire confiance ?

Le lanceur d’alerte est sans doute le signe que le Droit de la compliance, s’il est bien compris, peut ĂȘtre l’expression d’un nouveau rapport nouĂ© entre les opĂ©rateurs cruciaux et les autoritĂ©s publiques 

 

II. LA CONSTRUCTION DU DROIT DE LA COMPLIANCE, COMME EXPRESSION D'UN RAPPORT DE CONFIANCE NOUÉ ENTRE LES OPÉRATEURS CRUCIAUX ET LES AUTORITÉS PUBLIQUES

Le lanceur d'alerte!footnote-853 est le personnage emblĂ©matique du nouveau Droit de la compliance. Il est encore en devenir. Il est aussi souvent prĂ©sentĂ© par les entreprises d'une façon assez nĂ©gative parce qu'il serait "humain, trop humain". Mais ne serait-ce pas au contraire sa plus grande qualitĂ© ? (A).  Non seulement les autoritĂ©s publiques mais encore l'entreprise elle-mĂȘme doivent avoir confiance dans un tel personnage car c'est notamment Ă  travers lui que peut se construire une relation de confiance entre les entreprises et les autoritĂ©s publiques, en ce que les deux peuvent partager un souci qui dĂ©passe et l'un et l'autre : le souci d'autrui (B), lequel est le vĂ©ritable socle du Droit de la compliance.

 

A. LE DROIT EN DEVENIR DU LANCEUR D’ALERTE

Personnage apparu spontanément au départ de l'affaire Enron!footnote-839, le lanceur d'alerte est nouveau et l'on ne sait s'il apparaßtra plutÎt sous sa face heureuse ou sous sa face diabolique (1). Mais il convient de le créditer, comme le font les textes qui lui ont conféré un statut, du souci d'améliorer le sort d'autrui et de lutter pour le Droit maltraité par l'entreprise dont il dépend (2). Cette présomption simple d'une "lutte pour le Droit", expression de Jhering!footnote-840 que l'on croyait dépassée, doit se traduire sur le terrain juridique technique.

 

1. Le lanceur d’alerte, Janus du nouveau Droit de la compliance

La loi Sapin 2 a conféré un statut à celui qui dépend de l'entreprise et qui à l'occasion de ses activités en son sein, parce qu'il en est salarié par exemple, découvre une information utile pour les autorités publiques et la transmet à celles-ci car elle révÚle un manquement au regard des rÚgles majeures d'un droit global qui est d'autant plus inefficace qu'il est ample, comme celui qui court aprÚs la corruption internationale.

L'individu ne se substitue pas Ă  l'autoritĂ© publique, ne demande rien. Il "donne l'alerte". Il est le dĂ©clencheur-mĂȘme, celui sans lequel rien ne se passerait, car en tant qu'insider il est en contact avec l'information.

Il faut le considĂ©rer comme un Janus car cette prĂ©sentation abstraite, voire irĂ©nique, recouvre des situations diverses, voire opposĂ©es. Le plus souvent les personnes qui connaissent le fait rĂ©prĂ©hensible et dont la poursuite serait si importante ne le rĂ©vĂšlent pas car elles en sont elles-mĂȘmes les auteurs, comme en matiĂšre de corruption.  Plus encore, les cas montrent que les personnes qui rĂ©vĂšlent le fait rĂ©prĂ©hensible le font parce qu'elles veulent nuire Ă  l'entreprise avec laquelle un conflit s'est ouvert ou nuire Ă  un individu au sein de celle-ci dans un conflit personnel. Par la protection et l'incitation que le Droit apporte Ă  ces personnages-lĂ , c'est le fameux couple du crime qui s'appuie au bras du vice que l'on verrait s'avancer dans le couloir du Droit de la Compliance ....

Mais sous une autre face et dans bien d'autres cas, la personne brise la loi du silence ou rend public un fait soigneusement cachĂ© par quelques uns par souci d'autrui si le fait nuit Ă  des personnes pour lesquelles elle a de la considĂ©ration. Cela peut ĂȘtre le cas lorsque la sociĂ©tĂ© a des activitĂ©s dans des pays Ă©trangers dont le Droit national est peu efficace pour protĂ©ger les personnes faibles, comme les enfants. D'une façon plus gĂ©nĂ©rale, cela peut ĂȘtre un souci plus gĂ©nĂ©ral d'effectivitĂ© du droit exprimĂ© ainsi par un individu contre la sociĂ©tĂ© Ă  laquelle il appartient.

 

2. La prĂ©somption simple du souci d’autrui et de la lutte pour le Droit  

Le Droit est avant tout affaire de preuves. L'affaire du Droit de la Compliance repose sur une organisation précise des charges d'allégations, des charges de preuve, des présomptions et des moyens de preuve recevables, ainsi que des portées accordées à ceux-ci.;

Ainsi et en premiĂšre lieu, il convient de poser que la face heureuse du lanceur d'alerte doit ĂȘtre, d'une façon littĂ©rale prĂ©fĂ©rĂ©e prima facie, Ă  sa face sombre. En effet et en premier lieu, parce que l'effectivitĂ© du Droit semble  ĂȘtre aujourd'hui le maĂźtre-mot du Droit de la RĂ©gulation!footnote-841, il serait paradoxal que l'opĂ©rateur en tant que personne morale en ait la charge!footnote-842 et pas les personnes qui dĂ©pendent de lui et qui sont concrĂštement plus proches encore de l'information que les personnes qui siĂšgent dans les diffĂ©rents organes sociĂ©taires. 

En deuxiĂšme lieu, on souligne que les sociĂ©tĂ©s doivent ĂȘtre conçues comme des dĂ©mocraties. Dans une telle conception politique, les mandataires doivent parler avant d'ĂȘtre rĂ©voquĂ©s et les titulaires de titres de crĂ©ance associĂ©s aux dĂ©cisions sur le capital, dans un processus de dĂ©bat. Pourquoi pas. Mais alors la contestation par l'un du fonctionnement de l'ensemble, lorsque ce fonctionnement est dĂ©lictueux, s'apparente Ă  un devoir politique.

En troisiÚme lieu, si l'on présente les grandes entreprises comme le nouvel espace public, notamment à travers leur responsabilité sociétale, celui qui en leur sein agit ou prétend agir pour rétablir le Droit et protéger le faible, exprime cette conception-là.

Mais il ne peut s'agir que d'une prĂ©somption simple. Cela explique le statut Ă  la fois protecteur et mĂ©nageant les droits de l'entreprise organisĂ© par la loi Sapin 2. En effet, ce mĂ©canisme du lanceur d'alerte ne doit pas connaĂźtre les mĂȘmes dĂ©rives que celles de la class action, Ă  savoir une pression faite sur l'entreprise, Ă  seule fin d'obtenir un arrangement avant que le procureur lui-mĂȘme n'envisage un contrat judiciaire d'intĂ©rĂȘt public.

Celui-ci est lui-aussi une innovation majeure. Comme pour la précédente, elle deviendra ce que les entreprises en feront. Pareillement, elles peuvent l'utiliser dans un esprit de défiance ou choisir de le faire dans un esprit de confiance.

Pour cela, il faut avoir l'audace de dĂ©passer le simple calcul sophistiquĂ© mais nĂ©anmoins Ă©troit des intĂ©rĂȘts.

 

B. LE DROIT DE LA COMPLIANCE, RELATION DE CONFIANCE ENTRE DES PARTENAIRES POUR UN SOUCI LES DÉPASSANT

Le Droit de la compliance devrait ĂȘtre le point de rencontre entre deux volontĂ©s. C'est en cela qu'il emprunte au mĂ©canisme contractuel. L'adoption de procĂ©dĂ©s juridiques comme le settlement  ou le contrat judiciaire d'intĂ©rĂȘt public en est la marque. Il devrait s'agir de la volontĂ© des autoritĂ©s publiques d'imposer la concrĂ©tiser de buts mondiaux et la volontĂ© de grandes entreprises de concrĂ©tiser des buts Ă©thiques auxquelles elles tiennent. C'est pourquoi la Corporate Social Responsability jouxte, voire pĂ©nĂštre, le Droit de la compliance.

Mais l'on semble ne pas faire crĂ©dit Ă  cette rencontre-lĂ , qui est pourtant la clĂ© de ce qui ferait l'intimitĂ© entre la Compliance et la Confiance, car une confiance ne peut ĂȘtre simplement mĂ©canique.  Si l'on n'en fait pas crĂ©dit, c'est parce que cette relation de Compliance entre les opĂ©rateurs mondiaux et les autoritĂ©s publiques est prĂ©sentĂ©e comme une relation d'intĂ©rĂȘts bien compris. Cela est gravement et dĂ©finitivement insuffisant (1). Il n'y a et il n'y aura une relation de confiance entre les opĂ©rateurs mondiaux et les autoritĂ©s publiques, c'est-Ă -dire un droit global rĂ©ussi, que si les deux convergent vers un intĂ©rĂȘt qui les dĂ©passent, qui leur est commun et qu'il faut encore appeler par son nom : l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (2).

 

1.L’insuffisance de la « relation d’intĂ©rĂȘts bien compris »

L'on affirme souvent que la Responsabilité sociétale des entreprises est une théorie financiÚre qui voit plus loin, une conception plus maline que les autres par laquelle les entreprises acquiÚrent la confiance des investisseurs et des consommateurs sur le long terme!footnote-843.

Si cela n'est que cela, en premier lieu, le qualificatif de "marketing" vient Ă  l'esprit, sous un mode critique ou non!footnote-844. Plus encore, si l'on ne distingue pas la volontĂ© de l'intĂ©rĂȘt!footnote-845, il suffira que l'intĂ©rĂȘt de l'entreprise cesse d'ĂȘtre le respect de l'Ă©thique ou le respect de l'engagement donnĂ© au rĂ©gulateur, pour que tout se dĂ©noue. De la mĂȘme façon, il suffira que l'autoritĂ© publique qui a la charge de l'ordre public soit confrontĂ©e Ă  l'obligation de dĂ©fendre cet imperium lĂ  pour que son engagement cesse!footnote-846.

Plus encore, ceux qui regardent, non seulement les parties prenantes mais pour reprendre le vocabulaire de la Cour européennes des droits de l'homme ceux qui par leur regard confiant dans le fonctionnement des institutions fondent la démocratie!footnote-847, attendent davantage d'un échange de bons procédés.

Les populations attendent que ce qui restent de puissances lĂ©gitimes dans le monde convergent vers l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.

 

2. La convergence en cours et Ă  accroitre des autoritĂ©s publiques et des opĂ©rateurs cruciaux vers l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral

La notion d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral non seulement n'est pas morte mais elle a accru son empire, de deux façons : elle pĂ©nĂštre dĂ©sormais dans les entreprises, celles qui sont cruciales ; elle a pour objet le monde.

Elle s'est pourtant affaiblie en ce qu'on refuse dĂ©sormais d'en imputer de jure l'expression Ă  des organisations, par exemple l’État ou les entreprises publiques. Ils doivent dĂ©montrer que oui ils ont l'ambition de servir cet intĂ©rĂȘt-lĂ , qu'ils sont structurĂ©s pour le faire et qu'ils se comportent dans ce but. Cela lĂ©gitime des droits, des pouvoirs et des obligations spĂ©cifiques!footnote-848.

L'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral consiste Ă  servir un autrui abstrait. Cela pourra ĂȘtre le groupe social, la nature, l'avenir!footnote-849l . En cela, l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral correspond Ă  la troisiĂšme gĂ©nĂ©ration des droits de l'Homme, dans lesquels l'on trouve par exemple le droit d'ingĂ©rence ou le droit Ă  la paix dont est titulaire une personne vivant dans un pays qui n'est pas en guerre, ou ne l'est pas encore, mais se soucie de ceux qui y sont.

L'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ne peut ĂȘtre confondu avec le simple intĂ©rĂȘt collectif, mĂȘme abstraitement visĂ© comme l'addition de tous les intĂ©rĂȘts individuels ou toutes les fonctions d'utilitĂ© mĂȘmes morales!footnote-850

A l'inverse, l’État et les RĂ©gulateurs n'ont pas pas la titularitĂ© exclusive ; ils en ont la mission per se. Mais il est concevable qu'une autre organisation se soucie d'autrui, ce qui est la dĂ©finition de la vertu de justice!footnote-851. C'est mĂȘme la face heureuse du lanceur d'alerte que d'ĂȘtre animĂ© par ce souci.

La diffĂ©rence tient dans le fait que les autoritĂ©s publiques bĂ©nĂ©ficient d'une prĂ©somption simple de ce souci alors que les entreprises souffrent de la prĂ©somption inverse, puisqu'elles sont prĂ©sumĂ©es rechercher leur intĂ©rĂȘt social, c'est-Ă -dire leur intĂ©rĂȘt particulier, ou au mieux l'intĂ©rĂȘt collectif de leurs shareholders et stakeholders.

Si elles veulent poursuivre l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, poursuivre les buts monumentaux posĂ©s par le Droit de la compliance, non plus sous la contrainte mais parce qu'elles ont elles-mĂȘmes le mĂȘme souci de concrĂ©tiser ces buts globaux, de lutter contre la corruption ou de protĂ©ger l'environnement par exemple, il faut qu'elles donnent Ă  voir l'effectivitĂ© de ce sujet. La culture de compliance doit ĂȘtre visible par les autoritĂ©s publiques et par tous.

Si elles le font, parce qu'elles le voudraient et non pas ou pas seulement parce qu'elles y seraient contraintes, alors du fait qu'il y aurait convergences des soucis entre elles et les autorités publiques, , il y aura dans un Droit mondial cette intimité ici étudiée voire prédite entre Compliance et Confiance..

 

 

[1] Références à trouver

[2] Trouver des références.

[3] Rappeler la distinction entre un pouvoir et un droit.

[4] Intro.

[5] Jhering..

[6][6] Références.

[7] Supiot, Mondialisation versus Globalisation

1

Frison-Roche, M.-A., Le droit de la compliance, 2016.

2

Le terme de "sur-régulation" revenant en boucle dans les analyses, notamment celles faites par les opérateurs eux-mêmes. V. par ex. Perier, Y., ..., in Frison-Roche, M.-A. (dir.), Régulation, Supervision, Compliance, 2017, à paraître.

3

En cela, le Droit de la compliance est un "Droit étrange" au sens littéral du terme. Pour un développement dans ce sens, v. Frison-Roche, Le Droit de la compliance, 2016.

4

Frison-Roche, M.-A., Le Droit de la Compliance, 2016.

5

V. par ex. Benamou, V.-A. et Chagny, M.(dir.), La confiance dans le droit privé des contrats, 2008.

6

See, in France, the Loi dans la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 2004. ("Law in the Trust in the Digital Economy", adopted in June 2004).

7

V. par ex. Petit, F., Droit et loyauté (dir.), 2015.

8

Benabou, V.L., La confiance dans l'économie numérique, 2008.

9

Algan, Y. et Cahuc, P.., La société de défiance, 2016.

10

Il est remarquable que cette forme d'organisation sociétaire, qui consiste à aménager l'organisation d'une SARL dans une perspective fiscale favorable à la relation familiale qui noue étroitement les associés entre eux ait été favorisée par la Loi de modernisation de 'l'économie (LME) du 4 août 2008. Cela montre que ce type de structure est un moyen de modernisation l'économie, l'absence de liens affectifs préalable caractérisant le marché n'en étant pas la seule forme.

Sur le fait que les relations entre associés, voire les relations dites pourtant "fiduciaires" entre associés et mandataires sociaux ne sont pas de la même nature de confiance que celles qui caractérisent les relations de famille, v. Frison-Roche, M.A., Régulation et droit des sociétés. De l’article 1832 du Code civil à la protection du marché de l’investissement, 2005.

11

This is why Professor François Terré, studying "La confiance dans les mots de la loi" (2008), (Trust in the words of the Law) rightly says :  "de prime abord, l'expression surprend, car la confiance correspond à une relation entre deux ou plusieurs personnes. A la limite, elle peut se passer de mots ou tout au moins préexister à l'échange de ceux-ci" (p.7).

translation : At first glance, the expression is surprising, because Trust corresponds to a relationship between two or more persons. Ultimately, it can dispense with words or at least pre-exist the exchange of these "

12

Sur l'analyse politique de l'amitié, dans son lien avec la fraternité, v. Derrida, Politique de l'amitié ; v. aussi Supiot, A., La solidarité. Enquête sur un principe juridique, 2015.

13

Supiot, A., La gouvernance par les nombres, 2013.

14

Frison-Roche, M.-A., Valeurs marchandes et ordre concurrentiel, 2003.

16

Encore que le droit cambiaire a autant à voir avec la magie qu'avec la rationalité du commerce. V. d'une façon générale Gurvitch, G., La magie et le droit,

17

This is also why the banking system and the insurance system have to do with each other. Both set the future.

19

Carbonnier, L'imagerie des monnaies, 1968.

20

.... Droit et Patrimoine, 2016

21

Sur l'anthropomorphisme trompeur, v.  Archives de Philosophie du Droit, Vers de nouvelles humanités, 2017.

22

Il en est de la confiance comme de la mémoire. L'on pourrait refaire l'extraordinaire série dirigée par Pierre Nora, Les lieux de mémoire, et répertorier "Les lieux de confiance".

23

Carbonnier, Les non-êtres de droit,

24

Qu'ils soient gouvernants publics ou gouvernants privés. Sur l'évolution commune du statut des deux, par exemple sur la séparation des pouvoirs, V. Montalivet, P. de, ....

25

Frison-Roche, M.-A., Le droit de la compliance, 2016.

26

Même si l'on trouve encore en 2016 des affirmations comme : " Vous venez de souligner le fait qu'en matière de RSE, la principale responsabilité est d'abord et avant tout de respecter la loi, ce qui pourrait sembler être une évidence mais visiblement cela n'est pas le ressenti de tout le monde. C'est la raison pour laquelle gouvernance et RSE donnent priorité au respect de la loi. Dans cette mouvance, un nouveau concept émerge, celui de la compliance. La compliance consiste justement dans le fait de s'attacher au respect de la loi, des règlements par les sociétés, le but étant notamment d'éviter la mise en œuvre de la responsabilité civile ou pénale des dirigeants sociaux." (Martineau-Bourgninaud, V., La légalisation de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) au service du dialogue social : idéologie ou utopie ? in Gouvernance et dirigeance, Petites Affiches, 16 janvier 2016.

27

Chevallier, J., Régulation et service public,

28

Sur la notion d'État stratège, apte à fixer souverainement des buts mais développant d'une façon plus souple et pragmatique les buts de les atteindre, v. ...

29

In French : "L'intendance suivra".  Napoleon said it in the battle of Austerlitz.

A citation which one likes to lend to General de Gaulle also. Expression that he never said : expression which he asserted in 1965 that it did not reflect his thoughts (see and listen - in French)

30

This is why in the French legal system, by a decision taken on March 23rd 2017, the French Constitutional Council avoided a disposition in a new Law about a vigilance duty on the international companies which establish a too severe and too automatic sanction.

32

Ce qui est étonnant fréquent (v. par ex. Martineau-Bourgninaud, V., La légalisation de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) au service du dialogue social : idéologie ou utopie ? , in Gouvernance et dirigeance, Petites Affiches, 16 janvier 2016), mais se heurte au fait que toutes les branches du droit seraient alors concernées et tous les sujets de droit y seraient astreints, alors que seules les grandes entreprises exposées aux marchés internationaux le sont.

33

V. infra.

34

V. l'article fondamental de Paul Didier, Théorie économique et droit des sociétés, 1997.

35

Dans ce sens, Falque-Pierrotin, I, L'individu au coeur de la compliance, in Frison-Roche, M.-A. (dir.), Régulation, Supervision, Compliance, 2017, à paraître.

36

Comme pourrait l'être une résurgence de la conception de Jhering, selon lequel chacun a le devoir de rendre effective la règle de droit. Jhering, La lutte pour le droit, 1890.

37

V. par ex. Association Capitant Les professions libérales, 1998. V. aussi pour les avocats Forget, J.-L., Frison-Roche, M.-A.(dir.), Avocats et Ordres du 21ième siècle, 2014.

38

C'est l'esprit et la lettre de la loi Sapin 2.

39

C'est ainsi que les mandataires sociaux ont des "pouvoirs", c'est-à-dire des puissances dont ils ne sont dotés que pour satisfaire des intérêts qui ne sont pas les leurs, soit ceux des associés ("intérêt commun"), soit celui de la société ("intérêt social"). S'ils confondent "pouvoir" et "droit", ils se trouvent alors en conflits d'intérêts et peuvent commettre un abus de biens sociaux ou des abus de marché. Sur la notion même de "pouvoir", notamment par rapport à celle de "droit" ou d' "obligation", voir. Gaillard, E., Le pouvoir en droit privé,

40

V. supra.

41

Conception de Rudolph von Jhering, selon lequel chaque sujet de droit a le devoir de lutter pour l'effectivité du Droit. V. son ouvrage fondamental, La lutte pour le droit,

42

Rapport sur l'extraterritorialité du droit américain.

43

Loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des sociétés donneuses d'ordre. La volonté répressive a été freinée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 23 mars 2017.

44

La notion juridique de "manquement" indique le caractère objectivement reprochable du comportement, comme le montre par exemple la distinction et l'articulation entre le délit d'initié et le manquement d'initié. Ainsi, la faute n'est le plus souvent plus requise pour sanctionner un manquement alors qu'en principe elle continue de l'être pour les faits entraînant une sanction pénale.

C'est pourquoi la disposition légale par laquelle la Loi du 27 mars 2017 précisant à la fois que les faits reprochables aux opérateurs au regard de leurs obligations de "plan de vigilance" sont des "manquements" et que les conditions entraînant leur responsabilité civile seront celles de la responsabilité civile intentionnelle pour faute ou négligence (articles 1240 et 1241 du Code civil), est difficilement compréhensible.

45

Pour une articulation entre des obligations de moyens et des obligations de résultat, v. Securities Exchange Commission ....

46

Vers de nouvelles humanités, Archives de Philosophie du Droit, 2017.

47

A expliciter (note valide)

48

Rapport du Conseil d'Etat, Les droits fondamentaux dans le numérique.

49

Lire notamment L'obscolescences de l'homme, ou Et si je suis désespéré, que voulez-vous que j'y fasse ? . Pour une illustration par le cinéma, celui-ci étant toujours plus net que les longs discours, si profonds fussent-ils, voir par exemple Her.  Sur la part que pourrait prendre le Droit contre cette réification des êtres humains, frappant particulièrement les femmes et les enfants, v. Frison-Roche, M.-A., Les trois natures de l'ordre public économique, 2015 ; Philosophie du Droit des data, 2017.

50

Sur la question de savoir si , d'une part, les algorithmes apprennent, c'est-à-dire accroissent leur "savoir", et non pas augmentent le stock de données disponible, et si, d'autre part, ils enseignent, c'est-à-dire transmettent à un être humain la maîtrise d'un savoir, v.

51

Archives de Philosophie du Droit, Vers de nouvelles humanités, 2017.

52

Colloque de l'Autorité des marchés financiers sur l'éducation financière, octobre 2016.

53

A expliciter

54

Frison-Roche, M.-A., Les leçons d'Enron, 2003. 

55

Jhering, R. von, La lutte pour le droit, 1890.

56

V. supra.

58

Tirole, J., Économie du bien commun, 2016.

59

Montalivet, P. de, Le marketing du droit, in Droit et Marché, coll. "Droit et Économie" 2015.

60

Sur cette question, Frison-Roche, M.-A., Volonté et obligation, 2000.

61

Techniquement, cela pose la question de la portée contraignante d'une convention judiciaire d'intérêt public sur l'extinction ou non de poursuites ultérieures, dans un même ordre juridique et surtout dans un ordre juridique tiers.

62

CEDH, 31 mars 2005, Matheus c/ France.

63

Le système juridique opère la distinction entre droit, pouvoir, charge et obligation.

Le "droit" est une prérogative individuelle du sujet de droit, dont il peut se prévaloir pour son bénéfice. Ce "droit subjectif" correspond à un "intérêt légitime juridiquement protégé", selon la définition donnée par Savigny.

Le "pouvoir" est une puissance qui est conférée à un sujet de droit par le système juridique afin qu'il accomplisse un tâche au bénéfice d'autrui. Ainsi le mandataire social dans une structure sociétaire est doté de pouvoirs qu'il exerce pour représenter la personne morale à l'extérieur et prendre des décisions à l'intérieur dans l'intérêt d'autrui (soit celui de la personne morale, selon la théorie de l'intérêt social, soit celui des associés, selon la théorie de l'intérêt commun).

La "charge" est ce qui est confiée par l'État à un sujet de droit pour qu'il accomplisse une mission dans un intérêt qui dépasse la seule satisfaction d'une personne. Il s'agit le plus souvent de "charge publique" mais il peut arriver qu'il s'agisse de charge privé, comme celle qui incombe à un tuteur.

L'"obligation" est une contrainte qui pèse sur un sujet de droit. On la conçoit d'une façon assez restrictive, puisqu'elle est contraire au principe de liberté et seule la Loi peut nous "obliger" ou notre propre engagement, notre propre fait (par exemple notre faute) ou notre propre volonté (par exemple par le contrat) : il est remarquable que le droit du contrat comme le droit de la responsabilité contractuelle et extra-contractuelle (délictuelle) soient insérés dans le "Droit des obligations".

 

65

Contra Laffont, J.-J., Intérêt général et intérêts particuliers, 1999.

66

Baranès, W. et Frison-Roche, M.-A., De l'injuste au juste, 1997.

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