21 août 2020

Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation

Etre obligé de déverrouiller son téléphone n'est pas équivalent à s'auto-incriminer: Cour de Cassation, Chambre criminelle, 19 décembre 2019 (Being obliged by Law to unlock telephone is not equivalent to self-incrimination: Cour de cassation, Criminal Chamber, Dec. 19, 2019)

par Marie-Anne Frison-Roche

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Référence complète: Frison-Roche, M.-A., Etre obligé de déverrouiller son téléphone n'est pas équivalent à s'auto-incriminer: Cour de Cassation, Chambre criminelle, 19 décembre 2019, (Being obliged by Law to unlock telephone is not equivalent to self-incrimination: Cour de cassation, Criminal Chamber, Dec. 19, 2019), Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation, 21 août 2020

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Résumé de la news

La Cour de Cassation a rendu une décision le 19 décembre 2019 à propos d'une affaire concernant le refus de la part d'un citoyen de communiquer le code de déverrouillage de son téléphone portable à la police alors que celle-ci l'avait trouvé en possession d'une quantité significative de drogue et de beaucoup d'argent liquide et qu'il existait une probabilité certaine que ledit téléphone contienne des informations qui aurait pu constituer des preuves de la culpabilité de son propriétaire. L'individu en question a été inculpé non pas pour trafic de drogue mais pour avoir refusé de communiquer son code de déverrouillage et donc pour infraction à l'article 434-15-2 du code pénal, issu de la loi du 3 juin 2018 renforçant la lutte contre la criminalité organisée, et le terrorisme et leur financement.

L'accusé invoque devant la cour son droit à ne pas s'auto-incriminer. Effectivement, la configuration face aux policiers était telle que s'il refusait de communiquer son code de déverrouillage, il serait sanctionné au motif de cette obligation de communiquer son code et que s'il acceptait, il se serait également retrouvé sanctionné au vu des preuves contenues dans le téléphone portable. Une telle configuration ne lui offrait donc pas d'alternative à l'aveu, ce qui est contraire à la Convention Européenne des Droits de l'Homme et à la jurisprudence européenne et nationale.

Face à un tel cas, la Cour de Cassation a choisi de segmenter les différentes informations en présence et a donc proposé la solution suivante: si les informations recherchées ne peuvent être obtenues indépendamment de la volonté du suspect, il n'est pas possible de contraindre cette personne à communiquer la dite information sans violer ses droits procéduraux, mais si les informations peuvent être obtenues indépendamment de la volonté du suspect, alors l'individu est dans l'obligation de communiquer son code. Dans le cas présent, comme il était possible pour les forces de l'ordre d'obtenir les information contenues dans le téléphone par des moyens techniques, certes plus longs mais existants, alors le refus de communication du code de verrouillage par le suspect constitue une obstruction qu'il convient de sanctionner. 

Une telle décision est un exemple de conciliation par le juge des deux "buts monumentaux" fondamentaux mais contradictoires du Droit de la Compliance: la transparence de l'information vis-à-vis des autorités publiques et la protection des données personnelles à caractère sensible. 

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Pour aller plus loin, lire le document de travail de Marie-Anne Frison-Roche: Repenser le monde à partir de la notion de donnée

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