June 3, 2021

Compliance: at the moment

Régulation des plateformes : indépendants ou salariés. L'art politique de la qualification juridique en suspens

by Marie-Anne Frison-Roche

 Régulation des plateformes: quel degré d'abstraction le Droit doit-il insérer dans les qualifications? 

La dispute fait rage devant juridictions et parlements de tous les pays pour savoir si les plateformes sont les employeurs de ceux qui répondent à l'application qu'elles ont conçue ou si ceux qui travaillent grâce à elle sont des indépendants. Les décisions varient. Dans le cas "Take it easy", la Cour de cassation le 28 novembre 2018 a vu un salarié ; mais la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 7 avril 2021 vient de voir un indépendant. A lire les commentaires, l'on est proche de la bataille d'Attali.

L'un n'a pas "raison" et l'autre n'a pas "tort" : parce que ce n'est pas une affaire technique d'application de règles, est à l'oeuvre l'art politique de la "qualification" qui abstrait plus ou moins les faits pour les classer dans la catégorie qui envoie ses faits dans le régime juridique approprié.

Ainsi un colloque vient de prendre comme thème : les "coursiers". C'est une façon politique de qualifier : au plus près des faits. Tandis que les entreprises numériques adoptent une façon politique de qualifier au plus près de l'abstraction : elles n'évoquent que la "plateforme", les "marchés bifaces", etc.

L'effet produit, parce que recherché, est opposé. Si l'on qualifie au plus près des faits, l'on voit la situation avec un coursier sur un vélo, le temps qu'il fait (il pleut, ou il fait chaud, etc.), la durée requise "faire la course", le poids de ce qu'il ou elle porte (une lettre, ou un repas complet), où il ou elle roule, etc. Et cela produira l'arrêt Take it Easy, pourtant rendu par la Cour de cassation, mais parce qu'ayant "vu" cela elle veut que celui qui ne peut travailler que par l'appli de l'entreprise technologique est à la chaine et et doit en échange de sa subordination être nourri régulièrement.

Les qualifications formées par l'entreprise sont des abstractions. Le tiers qui recourt à sa technologie pour accéder à son seul client, qui attend son repas (auquel la plateforme est étrangère), n'a pas de lien avec elle. Il est indépendant. Par Compliance éthique, elle prévoit de lui donner quelques "droits" mais pas la sécurité dans le temps qu'est la "petite loi" du contrat.

Cette qualification abstraite a l'avantage de ne pulvériser pas le Droit dans mille règles : pour montrer que le Droit économique ne doit pas prospérer, Vedel disait qu'il ne faut pas faire autant de règles qu'il y a de faits, qu'il ne faut pas de "Droit du cheval".. (cheval et coursier...).

Le Droit de la Régulation est une branche concrète et politique. Puisqu'il faut "réguler" les plateformes, quelle ampleur d'abstraction convient-il d'appliquer au réel (car il ne peut pas rester dans l'infini du concret) pour que le Droit soit juste ? La Haute Juridiction aura le dernier mot.

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