Sept. 12, 2024

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🎤participation à la table ronde "Le droit à l'enfant : réalité ou faux concept ?", in 🧮Regards croisés sur les nouvelles filiations

by Marie-Anne Frison-Roche

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 Full ReferenceM.-A. Frison-Roche, participation to the round table "Le droit à l'enfant : réalité ou faux concept ?" ("The right to a child: reality or false concept?"), in Regards croisés sur les nouvelles filiations, Cour d'appel de Paris (Paris Court of Appeal), September 12, 2024

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► Summary of the conference

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1. Le système juridique fonctionne sur des solutions données à des situations, en application de principes et de catégories définies. Il fonctionne en articulant les uns aux autres.

 

2. Un système juridique ne fonctionne pas s’il ne prend en considération que les  cas concrets (où sont les êtres humains), en allant de cas en cas ("casuistiques") ; il ne fonctionne pas davantage s'il ne prend en considération que les principes et les catégories définies qui donnent rigidité (« dogmatisme »). L'un et l'autre de cette scission donne au Droit sa nature à savoir la protection par des principes de base des êtres humains impliqués dans des solutions concrètes.

Un système juridique doit connaître ses principes et doit pouvoir y apporter des exceptions.

3. Ici, dans le « droit à l’enfant », c’est la présence des 2 que l’on doit trouver : principe, définition, considération des cas et de l’être humain qui compte : l’enfant. Son "intérêt supérieur" ne devant pas être confondu avec ses "droits". Carbonnier avait insisté sur cela.

4. Pour comprendre en Droit l’expression « Droit à l’enfant », il faut penser en Droit ce qu’est la filiation et voir où est son principe et où peut être son exception.

5. Le « droit à l’enfant » n'est pas concevable,  n’existe pas, sauf exceptions, si l’on distingue la personne et les choses (summa divisio du droit, la distinction de base inventée par le système juridique romain).  Parce qu'on ne peut pas avoir "droit à une personne".

6. Le "droit à l'enfant" est pas concevable si la filiation est une notion juridique adossée à la biologie. L'exception en est la l'adoption, par laquelle l’Etat construit pour un enfant qui est là un lien de filiation à l’égard de parent, le juge faisant acte de juridiction gracieuse.

7. Mais le le "droit à l'enfant" peut être conçue tout d'abord si, reprenant la distinction entre la personne et les choses, l'on dissocie la personne (qui est une invention juridique) et son corps qui est une chose. Il devient alors concevable que, par petit bout (Affaire de la main volée de Jean-Pierre Baud), l'on puisse user de la chose corporelle des uns et des autres. L'enjeu devient alors simplement que la personne, qui dispose de son corps, soit d'accord pour qu'il en soit ainsi.

8. Le "droit à l'enfant" est également concevable, et donc donner une cohérence à toutes sortes de pratiques et donner une grande prévisibilité à tout ce qui va se passer, si l'on change la "source" de la filiation et qu'on pose que ce qui fait naître l''enfant, c'est la volonté que l'on a de le faire naître. Non pas que la volonté concourt au processus biologique (ce qui est acquis), mais que l'enfant naît parce qu'on l'a désiré et que la source de sa naissance et du lien de filiation avec tel ou tel individu, c'est la volonté de celui-ci qu'il vienne au monde: la volonté est la source, et c'est la seule source.

9. La volonté, notion juridique, traduit ainsi, le "désir" que  tel ou tel a de l'enfant présent mais aussi de l'enfant à venir, éventuellement d'un enfant ayant telle ou telle caractéristique ou n'ayant pas telle ou telle caractéristique.

10. En ayant conçu la filiation différemment, la personne qui fournit la gamète et l'ovocyte peuvent n'être rien (puisqu'ils n'ont pas de désir, n'ont pas de volonté d'avoir l'enfant), et c'est celui qui a le désir, qui a la volonté qui est le parent.

11. La rencontre des volontés s'opère alors, et l'enfant naît si l'on trouve les apporteurs du matériel biologique requis. C'est un projet privé. L'instrument juridique sera le contrat. L'enjeu est dans le consentement que chacun donne. Parce qu'il y a plus de demande pour concrétiser le désir que d'offreur de matériaux génétique, et qu'il s'agit d'un marché qui est à la fois global et bi-face (la rencontre est difficile), il s'agit d'un marché intermédié : ce sont les agences qui prennent en charge de faire rencontrer l'offre et la demande et de répartir l'argent que représente la prestation dans la chaîne d'activité que constitue la concrétisation du droit à l'enfant. 

12. Cela est concevable. Cette conception fonde le Droit applicable notamment en Californie. 

13. Cela correspond à la culture juridique profonde du Droit américain, à tout le moins de cet Etat, qui pose que le contrat est l'instrument juridique, que l'office du juge est de sécuriser les contrats. L'on comprend que le juge intervienne pour sécuriser l'accord des parties avant la naissance. Ainsi pour la fluidité de la chaîne d'activité, il suffira de demander une exequatur. Y compris au bénéfice des demandeurs sujets d'un système juridique dans lequel le droit à l'enfant est inconcevable.

14. L'on aura ainsi , de cas en cas, conçu l'inconcevable sans s'en rendre compte car l'on est présenté comme une résolution d'un cas, puis d'un autre cas, puis d'un autre cas.

15. Il est préférable de dire : voulez-vous une société qui protège les femmes et les enfants contre le désir que l'on a d'eux ? ou voulez-vous une société qui pose que chacun dispose de soi-même, qui peut proposer et/ou obtenir ce qu'il veut si l'autre consent ?

16. On peut dire Oui

17. Mais l'on ne peut pas dire par principe Non sur le papier du Code civil et donner une efficacité de principe à tous les contrats de maternité de substitution qui, par milliers, se pratiquent sur le marché global où les riches achètent les femmes et les enfants, c'est-à-dire en réalité dire par principe Oui.

18. Nous aimerions bien oublier les concepts et dire à la fois Non et Oui, pour ne pas avoir mauvaise conscience : cela nous permettrait de ne pas voir le gigantesque marché des femmes et des enfants à naître en prétendant que le Droit français continue de protéger les femmes et les enfants.

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