March 10, 2016

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GPA : Le procès entre la porteuse qui "remet le produit" et les "parents d'intention" qui ayant divorcé refusent la livraison

by Marie-Anne Frison-Roche

C'est au Royaume-Uni, pays de la "GPA éthique" et aux États-Unis, et plus particulièrement en Californie, État où la "GPA commerciale" permet l'ajustement naturel des volontés de chacun,  que les procès se multiplient dans les mécanismes de GPA.

On y observe l'usage dans les stratégies des uns et des autres, la menace de procès est utilisée pour arriver à ses fins. Avec succès. L'enfant ? Les adultes n'en pensent pas. Qu'en peuvent les juges ? Rien.

Le cas qui, en Californie, met en cause Susan Ring est particulièrement intéressant. Les faits remontent à 2001. Les enfants en cause sont aujourd'hui grands.

Le cas est intéressant tout d'abord parce qu'il montre que, l'enfant n'étant fabriqué que parce qu'il est "désiré", l'enfant étant l'objet d'un "projet", n'étant corrélativement pas le "projet d'enfant" de la part de la mère qui l'engendre, s'il s'avère qu'il n'a plus le bénéfice d'un tel "projet" lorsqu'il nait, par exemple parce que ses "parents d'intention" ne s'aiment plus, plus personne n'est là pour le recevoir ...

Il y aura procès. Question juridique, certes. Mais que l'on songe aussi à cet enfant "fabriqué sur mesure" et que personne ne veut ...

Le cas est intéressant ensuite parce que, les États-Unis étant le pays des médias, les protagonistes se sont exprimés dans les médias, chacun parlant dans le Huffington Post Video, en 2013, pour expliquer la légitimité de sa position.

Chacun s'efforce de garder un immense sourire, car tout va toujours bien dans la GPA heureuse californienne, même si l'opinion publique commence à s'inquiéter, comme le montre les commentaires postés sous la video. La mère-porteuse en est à son huitième enfant, explique le contentement qu'elle retire de cette activité, mais une difficulté apparaît lorsque les "parents d'intention" demandent une réduction embryonnaire à laquelle elle ne veut pas procédé en raison de ses convictions personnelles"!footnote-471. Le plus ennuyé est le juriste, présenté comme spécialiste du "droit de la reproduction". Il explique de tout cela va s'arranger.

Mais les choses ne s'arrangeront pas.

En mars 2016, les deux enfants sont nés. Les "parents d'intention", parce qu'ils ont divorcé et puisque les enfants qui devaient être le prolongement  de leur amour n'ont donc plus leur "fonction d'utilité" n'ont plus de raison d'être, que vont-ils devenir ?

L'agence dit simplement à la mère-porteuse qu'ils seront placés dans un service social. 

C'est là qu'entrent en jeu les transactions financières comme la mère-porteuse l'explique en détail au journal en mars 2016 :

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Sur le litige auquel peut donner lieu cette exigence formulée par les "parents d'intention", qui peuvent certes se prévaloir de ce droit que leur confère une stipulation contractuelle, voire d'une disposition légale, mais qui se heurte à la puissance de fait de la mère sur son corps pendant la grossesse, laquelle peut songer à en appeler à la Constitution, v.

Susan Ring est une mère-porteuse comme on en trouve couramment en Californie, c'est-à-dire qu'elle est célibataire, relativement âgée ( 54 ans), a une activité professionnelle modeste (dirige une garderie d'enfants) et pratique l'activité de "gestation pour autrui" régulièrement puisqu'elle a engendré 8 enfants. Elle envisage d'en faire d'autres, soit pour elle-même, soit pour d'autres, soit d'avoir recours à d'autres femmes. On se souvient que les juridictions américaines ont qualifié cette activité d'"activité professionnelle lucrative" obligeant les prestataires à payer des impôts.

Pendant la grossesse, au 4ième mois un diagnostic de triplés est fait, les "parents d'intention" demandent une "réduction embryonnaire" à deux. La mère-porteuse dit que cela est contraire à ses convictions personnelles, qu'il "ira en enfer". Les "parents d'intention" disent que si elle n'en procède pas, ils l'assigneront en juste pour faute contractuelle.  La réduction a lieu.

Puis, après le délai légal pour procéder à un IVG, la mère-porteuse n'a plus aucune nouvelle des "parents d'intention". Les deux jumeaux sont en parfaite santé, ce qui exclut tout avortement thérapeutique. Les "parents d'intention" deviennent introuvables. La "mère d'intention" finit par lui dire que son mari est bipolaire, qu'ils divorce que les bébés iront dans les services de placement et que cela n'est pas son problème.

Les deux enfants naissent le 29 novembre 2001.

La mère-porteuse voit arriver les services sociaux car les "parents d'intention" étant titulaires des droits parentaux ont abandonné les enfants à la naissance desquels ils n'ont pas assisté.

La mère-porteuse prend un avocat et indique qu'elle va les assigner en justice pour faute contractuelle.

Les "parents d'intention" répondent que si elle abandonne son action en justice contre eux, ils lui transfèreront leurs droits parentaux.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là ... car on va aller dans toujours plus de sordide.

En effet, au bout de trois mois, la mère-porteuse entend "porter d'autres enfants" pour d'autres "parents d'intention" ...

Que fait-elle ? Elle va chercher une "famille aimante" car, déclare-t-elle, "elle ne s'est jamais sentie la mère de ces jumeaux ("In my head, I knew they were never mine") .

 

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Voilà comment les enfants, qui n'ont de statut qu'en raison du "désir que l'on a d'eux" sont maltraités.

Personne ne veut d'eux et tout est "arrangement" et "contrat".

 

Tout est contrat. Le contrat est omniprésent et tous les comportements sont analysés sont l'angle de la "faute contractuelle" : faute contractuelle que constitue le refus de se soumettre à un avortement de la part de la mère-porteuse ; faute contractuelle que constitue l'abandon immédiat des nouveaux-nés par leurs "parents d'intention. Contentieux de l'exécution ou de l'inexécution du contrat.

Tout est arrangement. Les "parents d'intention" sont en Californie titulaire des droits parentaux mais les transfèrent à la mère-porteuse pour éviter le procès. La mère-porteuse veut-elle beaucoup mieux, puisque titulaire de ces "droits", elle s'empresse de les "donner" à une "famille aimante (et l'on peut se demander si cela est fait à titre tout à fait gratuit) afin de continuer à engendrer d'autres enfants pour d'autres "parents d'intention". L'industrie a ses lois de production.

Les mécanismes institutionnels comme la filiation ou l'adoption sont utilisés comme des armes de négociation, dans les contrats et dans les procès, pour mieux obtenir l'exécution des contrats et éviter les procès.

Et parce que tout est arrangement, tout est droit et procès.

Comme l'explique avec le sourire l'avocat ayant écrit un cabinet spécialisé dans le "Droit de la reproduction", tout finit par "s'arranger".

 








 

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