Feb. 15, 2000

Thesaurus : 02. Cour de cassation

Cour de cassation, chambre commerciale

Arrêt du 15 février 2000

Dans cette affaire, un entrepreneur avait proposé à des pharmaciens de louer à des crédits-bailleurs des télévisions, sur lesquelles passaient des publicités, pour le passage desquelles des annonceurs payaient l’entrepreneur. Chacun y trouvait son compte, puisque les clients qui attendaient d’être servis regardaient les publicités, les annonceurs payaient donc pour être ainsi promus, les pharmaciens étaient rémunérés pour cela par le promoteur du système ingénieur, les pharmaciens se contentant de louer la télévision à une entreprise de crédit-bail.

Le crédit-bail est un contrat spécial et complexe, durant lequel le bien est mis à disposition de celui qui en fait usage à titre de locataire, mais au terme du contrat (à sa fin), il en devient le propriétaire, les loyers étant ainsi servi à financer un achat. Bien que signés le même jour, il s’agissait bien de contrats distincts, entre des contractants différents, le pharmaciens et l’entrepreneur d’une part, l’entrepreneur et l’annonceur en deuxième part, le pharmacien et le crédit-bailleur fournisseur de la télévision en troisième part.

Mais l’idée commerciale ne prospéra pas et l’entrepreneur fît faillite. Les pharmaciens, confrontés à l’inutilité d’un écran noir, refusèrent de continuer à payer les loyers réclamés par le crédit-bailleur, puisqu’ils ne recevaient plus de rémunérations et que la télévision ne servait plus à rien. Mais le crédit-bailleur se prévalait de l’autonomie de leur rapport contractuel par rapport aux autres contrats et de la force obligatoire, les obligeant à payer le loyer puisque le bien (la télévision) restait à leur disposition, le contrat prévoyant le transfert de propriété de la télévision au pharmacien au terme du contrat.

Les juges de première instance, puis de seconde instance (arrêt de la Cour d’appel d’Angers en date du 27 mai 1997), donnèrent raison au pharmacien, alors même que le crédit-bailleur s’appuyait sur les principes classiques du droit des contrats. En effet, ils estiment que le crédit-bailleur était parfaitement informé de l’opération d’ensemble et savait que ce crédit-bail était un élément d’une opération dont la finalité était l’exploitation des télévisions situés dans les pharmacies par la société de publicité. La cause du crédit-bail était donc le contrat de promotion publicitaire. Les deux contrats étaient interdépendants.

La faillite de la société de promotion publicitaire étant rendu la satisfaction de cette finalité impossible, les juges du fond pouvaient légalement résilier le contrat de crédit-bail, la clause prévoyant le transfert de propriété étant « contraire à l’économie du contrat ».

Cette dernière mention a fait couler beaucoup d’encre. En effet, considérer que l’on peut résilier un contrat par ce qu’une clause est « contraire à l’économie du contrat » montre que le contrat est désormais poreux à son contexte économique.

Cela correspond en outre à la prise en considération par la jurisprudence du phénomène des groupes de contrats, dont les réseau économiques de distributions plus ou moins intégrés, construits juridiquement sur des contrats-cadres, des contrats d’exécution de vente, mais aussi souvent de prête, de caution, etc., finissent par constituer une organisation complète.

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