Nov. 30, 2023

Organization of scientific events

🧱Co-organisation du Colloque 🧮Compliance, Vigilance, Médiation

by Marie-Anne Frison-Roche

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 Référence complète : M. Boissavy, H. Dehghani-Azar et M.-A. Frison-Roche (dir.), Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Conseil national des barreaux (CNB), Compliance, Vigilance et Médiation, Auditorium de la Maison du Barreau, 30 novembre 2023

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► Présentation générale du colloque : Pour accroître le respect des droits humains et de l’environnement dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises et de la compliance, les pouvoirs publics et les entreprises mettent en œuvre depuis plusieurs années des instruments et processus de dialogue entre l’entreprise d’une part et les parties prenantes internes et externes à l’entreprise d’autre part. Parmi eux la médiation est régulièrement mise en avant comme étant un processus nécessaire et fécond pour trouver des accords bénéfiques tant pour les salariés et les acteurs de la société civile que pour l’environnement et la société globale.

John Ruggie, Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’Homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, dans son rapport du 21 mars 2011, Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, recommande la médiation comme mécanisme de réclamation non judiciaire efficace et approprié. La norme ISO 26000 sur la responsabilité sociétale vise aussi explicitement le recours à la médiation au point « Actions et attentes associées » (6.3.2.6) en ces termes : « il convient qu’une organisation établisse des mécanismes de recours pour son propre usage et pour celui des parties prenantes, ou qu’elle en assure la disponibilité. Pour que ces mécanismes soient efficaces, il convient qu’ils soient […] fondés sur le dialogue et la médiation : il convient que le processus vise à remédier aux atteintes à l’aide de solutions mutuellement acceptées, obtenues par un dialogue entre les parties. Lorsqu’un jugement est souhaitable, il convient que les parties conservent le droit d’y parvenir au moyen de mécanismes distincts, indépendants ».

De la même façon, la loi n°2017-399 du 21 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre suscite des contentieux relatifs à la conception et à l’application de plans de vigilances de certaines entreprises assujetties. Le recours à la médiation a été proposé par le juge, parfois accepté et l’on sait que certaines ont réussi.

Parallèlement, le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (dite CS3D pour Corporate Sustainability Due Diligence Directive) est de nature, à faire peser ou à étendre pour un grand nombre d’entreprises de l’Union Européenne des obligations au titre du devoir de vigilance pour le respect des droits de l’homme et l’environnement par les entreprises dans les chaînes de valeur mondiales.

Il résulte de tout cela que lee respect des droits de l’Homme au sein des organisations et entreprises repose le recours aux juridictions, sur des processus de coopération comme peut l’être la médiation, tant celle de projet que celle spécifique à la résolution des différends, dans le même temps que le recours juridictionnel ne suffira pas à rendre rapidement efficace le respect de ces obligations.

Le législateur et les parties concernées en sont conscientes et elles évoquent le recours à la médiation comme nécessaire pour aider tant les acteurs de la société civile engagés pour le respect des droits humains et de l’environnement que les entreprises à trouver des accords pour le respect de ces obligations.

Les avocats, médiateurs, personnes assistant les parties prenantes et les entreprises, ont un rôle important à jouer pour le succès de ces médiations.

Le Conseil national des barreaux organise, en collaboration avec le Journal of Regulation and Compliance (JoRC), un colloque d’une demi-journée « Compliance, vigilance et médiation » pour former les avocats à cette activité qui va se développer soit en prolongement d’une activité soit en activité propre et qui a des implications importantes tant pour les droits de chacun, la société que pour l’environnement.

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► Interviennent : 

🎤Matthieu Boissavy, avocat au Barreau de Paris, vice-président de la Commission Liberté et droits de l'homme du CNB

🎤Matthieu Brochier, avocat au Barreau de Paris

🎤Stéphanie Brunengo, avocate au Barreau d'Aix-en-Provence, médiatrice

🎤Malik Chapuis, juge à la 3ième chambre civile du Tribunal judiciaire de Paris

🎤Lucie Chatelain, responsable contentieux et plaidoyer SHERPA

🎤Bruno Deffains, professeur à l'Université Paris Panthéon-Assas 

🎤Hirbod Dehghani-Azar, avocat au Barreau de Paris, président de la Commission Modes alternatifs de règlements des Règlements (MARD) du CNB

🎤Marie-Anne Frison-Roche, professeure de Droit de la Régulation et de la Compliance, directrice du Journal of Regulation & Compliance (JoRC)

🎤Jérôme Gavaudan, président du CNB

🎤Thibault Goujon-Bethan, professeur à l'Université Jean Moulin Lyon 3

🎤Céline Haye Kioussis, directrice juridique du Groupe BPCE

🎤Laurence Joly, avocate au Barreau de Thonon-les-Bains

🎤Stéphane de Navacelle, avocat au Barreau de Paris 

🎤Lori Roussey, Data Protection Officer, fondatrice et Directrice de Data Rights

🎤Stephanie Smatt Pinelli, directrice juridique Contentieux, groupe Orano

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Lire une présentation détaillée de la manifestation ci-dessous⤵️

Compliance, Vigilance et Médiation

sous la direction scientifique de

Matthieu Boissavy, Hirbod Dehghani-Azar et Marie-Anne Frison-Roche

 

Jeudi 30 novembre 2023, Paris

Conseil national des barreaux (CNB)

Auditorium de la Maison du Barreau, 180 Boulevard Haussmann, 75008

 

INTRODUCTION 

9h-9h30. Introduction, par

  • Jérôme Gavaudan, président du CNB
    • Le président du CNB, Jérôme Gavaudan, a ouvert les travaux en soulignant que ce qui fut longtemps considéré comme "l'association avec le diable", c'est-à-dire la pratique de l'amiable par un avocat, la culture même de l'amiable était aussi devenue celle des avocats, le CNB s'étant rapprochée du Ministère de la Justice dans ce sens.
    • Les techniques de compliance et de vigilance font une grande place aux avocats et ceux-ci peuvent porter cette culture de médiation pour que dans ces sujets complexes et délicats des solutions soient toujours trouvées.

 

  • Matthieu Boissavy, avocat au Barreau de Paris, vice-président de la Commission Liberté et droits de l'homme du CNB
    • Une première partie, modérée par Hirbod, porte sur l'idée même de recourir à la médiation lorsque des enjeux de compliance, et de vigilance qui en est la pointe avancée, se présentent : cette idée ne va pas de soi, mérite d'être justifiée, illustrée, débattue.
    • Une seconde partie, modérée par Laurence Joly, développe les modalités et pratiques que l'on peut observer et que l'on peut imaginer en la matière, aussi bien médiation de projet que médiation de résolution de conflit.
    • En effet, le droit étant un art pratique, il peut toujours prendre en compte l'idée même et les pratiques, mais il ne faut jamais sous-estimer l'importance de bien et clairement penser les pratiques si l'on veut qu'elles soient prévisibles et sécurisées.

 

  • Bruno Deffains, professeur à l'Université Paris Panthéon-Assas 
    • Bruno Deffains fait ici l'introduction générale du colloque, dans une perspective à la fois juridique et économique.
    • Il montre en premier lieu la transformation profonde de l'entreprise par le droit de la compliance, en ce que celui-ci internalise dans celle-ci les buts monumentaux que le Législateur pose, ce dont la vigilance est la pointe avancée.
    • Cette transformation profonde de l'entreprise, qui gère ainsi des externalités, sur une demande extérieure et aussi par une volonté propre, car les entreprises n'ont pas attendu la loi dite "Vigilance" de 2017 pour se soucier des droits humains et de la dimension environnementale de ses activités, voire de ses sujets même s'ils ne sont pas directement liés à son activité propre, implique l'action qui est attendue de l'entreprise.
    • Cette action met au centre la médiation. En effet, il s'agit de détecter et de prévenir les atteintes. L'entreprise devant faire ses meilleurs efforts pour cela, la médiation est alors un moyen efficace dans bien des situations, qu'elle soit médiation de projet ou médiation de résolution de conflit, les pratiques très actives au canada étant très inspirantes pour cela.

 

 

Première partie - LES RAISONS D'UNE MÉDIATION DANS LE CONTEXTE DES SYSTÈMES DE COMPLIANCE ET NOTAMMENT DANS LES MÉCANISMES DE VIGILANCE

Modération : Hirbod Dehghani-Azar, avocat au Barreau de Paris, président de la Commission Modes alternatifs de règlements des Règlements (MARD) du CNB, modérateur

 

9h30-10h. L’intégration de la médiation au traitement des contentieux de compliance, par Thibault Goujon-Bethan, professeur à l'Université Jean Moulin Lyon 3

  • Thibault Goujon-Bethan débute les réflexions sur l'idée même d'intégrer le mécanisme de médiation dans les systèmes de compliance et de vigilance, en prenant cette question générale sous l'angle de la procédure, examinant comment peut s'opérer l'intégration de la médiation dans le traitement des "contentieux de compliance".
  • Il rappelle que la Compliance ne se réduit pas à la conformité, qu'il s'agit d'une dynamique dont la normativité juridique est ancrée dans les buts monumentaux qui sont internalisés dans les entreprises qu'elles le veuillent ou non, finalités qui sont reprises par le juge, comme il doit le faire pour toute branche du droit téléologique.
  • La difficulté est que le droit processuel n'est peut-être pas adapté pour que le juge puisse lui-même exercer l'office que le Droit et les sujets de droit attendent de lui, soit dans le contentieux de compliance spécifique, comme l'est celui de la vigilance, soit lorsque la compliance apparaît d'une façon accessoire, à l'occasion d'un contentieux contractuel par exemple, l'intérêt général apparaissant toujours en arrière-plan.
  • Il souligne que la médiation peut être utile dans ce type de contentieux de compliance et présente ce qu'il appelle des vertus, "intrinsèques" en ce qu'elle crée un espace de dialogue plus large que les deux parties en dispute et intégrant l'avenir, et "extrinsèques", associant le procès médiatique et pouvant elle-même rendre le procès et la dispute plus "compliants" au regard des buts monumentaux.
  • Pour intégrer en pratique ces vertus de la médiation, il faut dépasser la question de la disponibilité des droits, mais ici il s'agit de la disponibilité des droits processuels et la difficulté sera résolue dès l'instant que les médiateurs eux-mêmes et les parties à la médiation intègrent la logique précitée de compliance, en dépassant leur litige.
  • Il faut encore que tous intègrent la dimension politique du procès, sa fonction sociétale, la confidentialité de la médiation pouvant alors poser problème, une "médiation compliante" ayant vocation à être publique, puis homologuée par le juge (et pourquoi pas un "jugement d'expédient", lequel devant assumer un rôle incitatif et notamment utiliser la césure pour que les parties co-construisent un programme de compliance après une condamnation de principe prononcée.

 

10h-10h15. Les outils de compliance au sein des entreprises et la médiation ?, par Céline Haye Kioussis, directrice juridique du Groupe BPCE

  • Dans la première partie, Céline Haye-Kiousis expose que l'idée de médiation est peu familière aux banques avant qu'un litige n'advienne mais qu'aujourd'hui son utilisation pour que celui-ci ne se forme pas est une idée qui fait son chemin, notamment en matière de vigilance, pour un dialogue efficace avec les parties prenantes dès la co-construction du plan.
  • Une médiation peut être bienvenue dès ce stade, avec une comitologie dédiée à un dialogue institutionnalisé, un médiateur étant en charge d'assurer l'impartialité du processus, notamment sa transparence.
  • L'oratrice comprend que les associations puissent être rétives à ces médiations ex ante, car elles veulent légitimement "se faire entendre" et estiment que l'espace d'un procès, souvent médiatique, est plus adéquat pour cela.
  • La maturité du mécanisme de la Vigilance pourra amener à davantage de dialogue et à cette co-construction expressément voulue par le législateur français, qui est en avance sur tous les autres systèmes juridiques.
  • Lorsque vient le temps du contentieux, d'un côté l'entreprise est confrontée à l'impact réputationnel, et de l'autre côté l'ONG est confrontée à des obstacles de procédure : la médiation de résolution de conflit est alors une voie à explorer pour résoudre les deux difficultés.

 

10h15-10h30. L'entrée des parties prenantes dans les mécanismes de médiation à l'appui des systèmes de compliance, notamment de vigilance, par Lucie Chatelain, responsable contentieux et plaidoyer Sherpa

  • Dans cette première partie, Lucie Chatelain expose l'objet social de cette association qu'est Sherpa et qui vise à "lutter contre les infractions réalisées par la mondialisation". A ce titre, l'association est active en matière de manquement au devoir de vigilance et souligne qu'il faut rappeler que dans ce contexte l'expression de "parties prenantes" peut désigner des acteurs très disparates.
  • Elle conteste l'association ainsi faite entre la compliance et la vigilance, estimant que cette dernière notion vise à lutter contre l'impunité des grandes entreprises et l'inefficacité du cadre international grâce à des mécanismes de sanctions et de responsabilité.
  • Selon elle, il ne faut pas réduire la vigilance à la prévention des atteintes, ce qui relève de la compliance : il faut y inclure toute la responsabilité ex post et l'obtention des réparations effectives pour toutes les victimes tout au long des chaines de valeur.
  • Elle souligne que les solutions négociées en matière de droits humains ne sont pas nouvelles, mais que celles-ci sont souvent la seule solution qui reste pour les victimes et que ce type de solutions sous-estiment le besoin qu'ont les victimes qu'on leur dise aussi qu'elles ont raison.
  • Elle exprime les réserves de Sherpa sur l'idée même de médiation judiciaire, car en la matière il n'y a pas d'égalité entre les parties en présence et la médiation empêche l'émergence de jugements établissant la responsabilité des entreprises, tandis que les victimes peuvent penser qu'on a acheté leur silence.

 

10h30-10h45. L'adaptation à la Compliance et à la Vigilance de la médiation établie en RSE, par Stéphanie Brunengo, avocate au Barreau d'Aix-en-Provence, médiatrice

  • Stéphanie Brunengo aborde le thème en partant de la médiation, soulignant que celle-ci est en train de devenir une "diligence naturelle", notamment dans le domaine de la RSE, parce qu'elle correspond aux valeurs même de celle-ci, le juge devant inciter à y recourir car le conflit de RSE dépasse le juridique et les intérêts des deux parties.
  • Or, c'est la même chose en matière de compliance et de vigilance.
  • C'est donc en pratique dans une sorte de prolongement que la médiation peut se développer dans cette matière-là.
  • Mais il faut sécuriser le cadre d'une telle médiation, notamment parce que les ONG expriment beaucoup de craintes sur la capture dont elles pourraient être victimes.
  • Pour cela, il faut adopter la conception systémique et complexe qui caractérise le Droit de la Compliance lui-même.
  • Les outils à développer pourraient être la pré-médiation, voire un nouveau modèle de médiation pour ce type de projet, voire ce type de conflit, dont la dimension médiatique est souvent importante, dans une temporalité nouvelle qui lui est propre..

 

10h45-11h. Échanges avec la salle

 

 

Seconde partie - LA CONDUITE D'UNE MÉDIATION DE PROJET OU DE RÉSOLUTION DE DIFFEREND ENTRE LES PARTIES PRENANTES POUR L'EFFECTIVITÉ DE LA VIGILANCE

Modération : Laurence Joly, avocate au Barreau de Thonon-les-Bains

 

11h-11h15. Les personnes impliquées dans l'entreprise par une médiation et leurs actions, par Stéphanie Smatt-Pinelli, directrice juridique Contentieux, groupe Orano

  • Dans cette seconde partie, Stephanie Smatt Pinelli expose la façon dont les entreprises s'organisent et impliquent leurs collaborateurs pour assumer leurs responsabilités de compliance et de vigilance, éventuellement par la médiation.
  • Elle considère que l'organisation interne de l'entreprise dépend en grande partie de la façon dont elle a eu historiquement à faire avec le sujet. Ainsi, pour prendre l'exemple de son entreprise, parce que le premier contact fut celui du contentieux, c'est le service juridique qui assure la coordination de l'ensemble des services mobilisés ; dans d'autres entreprises, il peut s'agir du service de l'audit ou de la RSE.
  • Il y a un continuum entre la rédaction du plan de vigilance et le possible contentieux, l'absence de principes juridiques clairs et fermes ayant conduit les entreprises à toujours s'adapter sur le terrain, en partageant les ressources (humaines et informationnelles, notamment), beaucoup de mesures étant prises en application d'autres impératifs que la loi Vigilance, par souci de bonne gestion par exemple.
  • L'acculturation de pratiques peut conduire à la constitution d'un comité ad hoc "Vigilance", pour transformer l'obligation légale en culture commune créatrice de valeurs.
  • Mais il demeure que le plan de vigilance est élaboré par l'entreprise, à l'écoute des parties prenantes qui s'expriment elles-aussi dans un comité (le "comité des parties prenantes"), l'expression de "co-construction" du plan étant pourtant inadaptée : pour qu'il y ait juridiquement co-construction du plan, il faudrait qu'il y ait une "co-responsabilité" de celui-ci, or c'est l'entreprise seule qui porte le plan, son exécution et sa responsabilité, y compris devant le juge. Il s'agit donc de cercles de concertation et de dialogue, ce qui n'est pas la même chose, et c'est notamment dans ce cadre que des médiations peuvent intervenir.

 

11h15-11h30. Les apports possibles des pratiques dans des différents systèmes de droit, par Matthieu Brochier, avocat au Barreau de Paris

  • Dans cette seconde partie, Matthieu Brochier rapporte les pratiques de médiation dans les autres systèmes juridiques connaissant les mécanismes de compliance et de vigilance.
  • Il souligne qu'elles sont toutes marquées par le souci de dialogue entre les entreprises et les "parties prenantes", lesquelles dans leurs grandes diversités, allant des investisseurs aux ONG les plus diverses, demandent à avoir la parole.
  • Le droit international est d'ailleurs déjà très présent à travers le droit souple, les principes directeurs de l'ONU visant la médiation. Il souligne que d'une façon remarquable le projet de la CS3D fait lui-aussi expressément place au mécanisme de médiation.
  • La loi allemande de 2021 qui établit un dispositif de Vigilance est moins accueillante dans cette perspective, mais en Norvège la loi se réfère en la matière au devoir de diligences raisonnables, lequel inclut de la coopération, ce qui ramène à un esprit de médiation.
  • De la même façon, un dispositif innovant au Québec prévoit, pour les grands projets d'infrastructure, que toutes les parties intéressées en opposition sur les sujets de vigilance puissent venir s'expliquer devant un "bureau", qui n'est pas un juge, et qui va plutôt jouer un rôle de médiateur ou suggérer, voire décider, expressément une médiation en bonne et due forme juridique.
  • Il s'agit toujours d'identifier un risque, de le prévenir et/ou d'y remédier, l'un des enjeux étant la culture de responsabilisation de chacun.

 

11h30-11h45. Les contraintes de temps, de finance et d'expertise d'une médiation dans une contexte de Compliance, notamment de Vigilance, par Lori Roussey, Data Protection Officer, fondatrice et Directrice de Data Rights

  • Dans cette seconde partie, Lori Roussey raconte la façon dont la médiation s'est concrètement déroulée dans le cas, beaucoup commenté, Idemia.
  • Après avoir décrit la jeune ONG qu'elle a cofondée, Datarights, qui développe plutôt ses activités sur les questions du numérique et la façon dont les droits humains doivent être défendus en la matière, elle expose le cas Idemia, au cours duquel une médiation s'est déroulée et a abouti à un accord.
  • Elle insiste sur les difficultés pour une ONG qui a défendu les intérêts d'une tribu du Kenya pour participer à un processus de médiation. En effet, les contraintes de temps et les contraintes financières jouent en faveur de l'entreprise et heureusement l'ONG est là pour apporter aux victimes son expertise, notamment juridique, dans la négociation qui se déroule dans l'espace de la médiation.
  • Il ne s'agit pas d'être absolument contre ni l'innovation, ni la technologie, ni la médiation, mais les trois doivent respecter les droits humains et de fait, et c'est précisément l'enjeu majeur, cela n'est pas le cas.
  • Reprenant le cas précis de cette médiation, elle évoque le fait que le médiateur ne semblait pas préparé pour un cas comme celui-là, et ne parlait pas anglais.
  • Elle pense qu'il faudrait des innovations procédurales pour que le mécanisme soit plus favorable aux victimes qu'il n'est actuellement, par exemple le recours à la césure, l'essentiel étant la considération des parties faibles plutôt que l'optique systémique qui est avant tout un souci des entreprises.

 

11h45-12h. Différences de conduite de médiation aux États-Unis et en Europe et conséquence sur les systèmes de Compliance et de Vigilance, par Stéphane de Navacelle, avocat au Barreau de Paris  

  • Dans cette seconde partie, Stéphane de Navacelle cerne plus précisément le rôle de l'avocat lorsqu'une médiation devient possible dans les enjeux de compliance et de vigilance.
  • Il souligne que, parmi tous les concurrents et experts qui l'entourent, il présente avant tout la qualité d'être un auxiliaire de justice. En tant que tel, il permet que cet espace de négociation et de solution soit aussi un espace de justice restauratrice, où la vérité soit dite, ce dont ont besoin les victimes.
  • L'énoncé des faits, l'élaboration d'une réparation, l'énoncé d'un engagement à ne pas recommencer sont des points essentiels.
  • Les modalités que cela peut prendre peuvent être la nomination d'un moniteur, la médiation empruntant alors directement aux techniques de Compliance.
  • Dans le droit international, la pratique des disputes boards expérimente depuis longtemps ces méthodes qui relèvent tout autant de la médiation que de l'arbitrage et l'essentiel est que chaque partie puisse se reposer sur ce "tiers de confiance" qu'est alors l'Avocat.

 

12h-12h15. Le rôle du juge, par Malik Chapuis, juge à la 3ième chambre civile du Tribunal judiciaire de Paris

  • Dans cette seconde partie, Malik Chapuis souligne tout d'abord que les procès où apparaissent les enjeux de compliance et de vigilance dont il s'agit sont des procès à enjeux dit "systémiques". Il en résulte des enjeux spécifiques, tenant aux "buts monumentaux" qui sont en cause.
  • La difficulté vient du fait que le juge a des moyens procéduraux relativement limités face à ces enjeux. Il doit, avec les moyens qui sont les siens, à la fois chercher une décision efficace mais aussi l'équilibre du procès civil, en faisant vivre les principes posés par les lois.
  • Pour cela, il doit à la fois dire le Droit et favoriser des solutions pratiques : favoriser l'amiable est ce qui lui permet de respecter ces principes.
  • Pour favoriser l'amiable comme solution pratique sans méconnaître le Droit et en veillant à l'égalité des parties, il faut qu'il y ait une alliance entre le juge et les avocats qui doivent être les premiers à mener les deux parties vers cette solution, le juge devant avoir quant à lui un office dynamique.
  • Cet office dynamique se manifeste notamment par l'injonction et la césure, la procédure pouvant se prolonger (par exemple par la prorogation du délibéré) ou au contraire se suspendre selon les cas, le juge venant en appui, notamment par l'homologation.
  • Le choix du médiateur doit plutôt être fait par les parties, parce qu'elles doivent lui faire confiance, dans sa personne et dans ses compétences, notamment dans la matière très complexe qu'est la Compliance, mais sinon cela revient au juge, la relation de confiance devant aussi exister.

 

12h15-12h30. Échanges avec la salle

 

 

CONCLUSION

12h30-13h. Conclusion, par Marie-Anne Frison-Roche, professeure de Droit de la Régulation et de la Compliance, directrice du Journal of Regulation & Compliance (JoRC)

  • Au terme de ce colloque magnifique, que pouvais-je en conclure ? Avant tout, que l'on gagne toujours à écouter les expériences et les points de vue des autres. Et ils furent très divers, il suffit de se reporter à chaque intervention, chacune diverse par rapport aux autres. C'est pourquoi plutôt que de redire ce que j'écris ou affirme par ailleurs sur ce sujet de compliance, de vigilance et de procédure, je me suis appuyée sur ce que j'ai écouté pour en tirer directement 5 leçons.
  • La première leçon est celle de l'alliance plutôt que de l'inimitié définitive.
    • La médiation dans ces matières paraît effectivement à certains une sorte d'association avec le diable et qu'il faut une dimension diplomatique très forte pour rapprocher ceux qui structurellement semblent préférer le conflit, qui présente l'avantage d'être spectaculaire.
    • Mais l'on est toujours le diable de quelqu'un et ce jeu n'est pas souvent gagnant. L'office du juge doit s'adapter pour amener à plus de raison et de calme. Le génie de Motulsky offre à travers les principes directeurs du Code de procédure civile des outils pour cela. Sans doute une culture de l'amiable qui progresse peut-elle y aider, pour que nous ne soyons pas tous définitivement ennemis, au regard des Buts Monumentaux qui sont devant nous en Compliance et en Vigilance.
  • La deuxième leçon est celle du temps pertinent.
    • L'on peut se disputer sur le passé, mais si l'on se soucie des risques qui pèsent sur les êtres humains, il faut à la fois dire le mal qui fut causé et ouvrir l'avenir pour qu'il ne soit pas ce qu'il sera si l'on ne fait rien. Une médiation pour construire un programme de compliance suppose que le "temps pertinent" soit avant tout le futur, par exemple les générations futures. On est si faible les concernant que l'outil de la médiation ne devrait pas être écarté d'un revers, dès l'instant que le juge et un tiers de confiance veillent à l'égalité des personnes impliquées dans le processus.
  • La troisième leçon est celle des acteurs pertinents et des attitudes attendues.
    • Plutôt que de demeurer chacun dans son isolement, il faut se forcer à sortir de sa certitude d'avoir raison. L'entreprise doit sortir d'elle-même, aller tout au long de la chaine de valeur, modifier sa gouvernance, laisser les parties prenantes s'asseoir à sa table. La médiation n'est pas étrangère à la Compliance : elle est au contraire le reflet même de l'exacte définition de ce qu'est le Droit de la Compliance, branche humaniste du Droit qui régule les entreprises. Les ONG aussi doivent sortir d'une attitude de conflit et renoncer à un soupçon définitif de mensonge. C'est difficile pour tout le monde et c'est pourquoi le "tiers de confiance", que l'avocat peut être, est central dans la médiation. Le juge doit aussi changer son office, doit se penser non seulement dans une culture de l'amiable mais plus encore dans un office ex ante.
    • La doctrine aussi doit changer, qui pense avant tout à travers la distinction entre le Droit public et le Droit privé, alors qu'ici la médiation, que l'on associe au second, est ce qui va concrétiser des intérêts que l'on associe au premier.
  • La quatrième leçon est celle de l'espace à créer.
    • La médiation est à favoriser parce qu'elle crée un espace nouveau, elle a cette "vertu"-là. Elle a peut-être bien des défauts, bien des insuffisances, mais elle a cette vertu. Dans une société qui se meurt des oppositions, la médiation crée un espace. Tout ce qui peut le créer doit être favorisé, sous le contrôle du juge, pour que cela ne soit pas un faux-semblant. Cet espace doit être un espace de vérité et de confiance. Il est donc extrêmement difficile d'ouvrir un tel espace. Mais cela vaut la peine d'essayer. Un tel espace doit être possible dès le départ, pour que le projet fasse place aux divers intérêts impliqués jusqu'aux conflits, toujours possibles.
  • La cinquième leçon est celle de l'entrée dans un monde nouveau. 
    • Nous sommes en train d'entrer dans le "nouveau Droit" qu'est le Droit de la Compliance, dont la Vigilance est la pointe avancée. Chacun l'a dit et ce fut un point d'accord : le monde change, le Droit doit changer. Pour l'instant, les contentieux sont plutôt déceptifs, les uns se méfient des autres, nous avons peur de l'avenir. Chacun a l'espoir qu'une nouvelle culture, celle d'un Droit nouveau, nous aide, nous, nos enfants et les enfants d'autrui.
    • Nous n'avons guère ni de culture de Compliance ni de culture de l'Amiable. Mais le Droit de la Compliance, dont la normativité est dans les buts monumentaux et dont la portée est naturellement indifférente aux territoires (numérique, extraterritorialité) peut être ce Droit nouveau, dont le cœur est occupé par le juge et dont le souci premier sont les êtres humains.

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