L'accès à la justice et l'accès au droit ont partie liée en ce qu'il faut parfois saisir un juge pour que son droit subjectif soit effectif et parce qu'il faut d'abord connaître le droit pour s'en prévaloir en justice. Mais il faut aussi parfois écarter les procédures, et son droit au juge, pour trouver directement satisfaction, par les règlements alternatifs des différents. Le droit positif a posé le droit d'accès au juge, allant jusqu'à l'exécution, mais non d'une façon aussi forte le droit de former recours. Plus encore, l'accès au droit demeure le plus souvent de l'ordre de la politique publique plutôt que de la prérogative effective.
Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Le droit d'accès à la justice et au droit, in , CABRILLAC, Rémy, FRISON-ROCHE, Marie-Anne et REVET, Thierry (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 18ième éd, Dalloz, 2012, Paris, p. 535-555.
Lire le résumé de l'article ci-dessous.
Les pays occidentaux se caractérisent en ce qu'ils sont des Etats de droit, c'est-à-dire que les Etats acceptent d'utilisent leur puissance pour entraver leur puissance, ce qui explique que le monopole de la violence qu'ils détaillent soit par ailleurs acceptable. Mais le droit doit être effectif. Cette effectivité, qui rend seul le droit "positif", a plus encore de sens lorsqu'elle concerne les prérogatives des personnes, c'est-à-dire les droits subjectifs, et au coeur de ceux-ci, les droits subjectifs considérés comme de seconde nature, à savoir les droits de l'homme.
C'est pourquoi depuis quelques décennies, ce qui est relativement récent, le système juridique développe un droit d'accès à la justice et un droit d'accès au droit. Le premier, sous la pression européenne et constitutionnelle, tend à devenir effectif. Le second demeure de l'ordre des politiques publiques.
Le droit d'accès au juge, que l'on désigne souvent désormais comme "le droit au juge", est requis parce que si une personne est titulaire d'un droit subjectif, que celui-ci soit considéré comme préalable à la loi (droit de l'homme) ou conféré par la loi (légicentrisme), il n'est effectif qui si, en cas de contestation ou de non-application spontané, le titulaire peut atteindre un juge qui, faisant application des règles de droit, reconnaîtra sa prérogative et la rendra effective, la force publique intervenant dans un second temps.
Ainsi, l'accès au droit passe par l'accès à la justice. C'est pourquoi en 1996 le Conseil constitutionnel a posé que sans organisation par la loi d'un recours au juge, "il n'y a pas de Constitution", signifiant par là que tout le système juridique repose sur ce point. Cela explique aussi que l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, confére à chacun un "droit au juge" ait pris une telle importance en droit européen et dans tous les droits nationaux des Etats signataires.
Mais il y a loin de l'affirmation à la réalité. En effet, le coût et la lenteur des procédures rend le droit à un jugement exécuté peu effectif. Rapport après rapport, on cherche des solutions. L'aide juridictionnelle accrue, procédure réformée, organisation professionnelle remaniée, pour l'instant n'y ont rien fait. Le problème demeure.
La solution parfois est alors d'écarter le recours au juge et au droit pour permettre, par arrangement, transaction, etc., d'obtenir satisfaction. Les modes de réglement alternatif des litiges prennent place, en dehors ou à l'intérieur même des juridictions.
Quant à l'accès au droit, on en est encore plus loin. Le droit est le plus souvent incompréhensible et impréhensible.
Pour y parer, le système juridique, à travers la jurisprudence, fait monter en puissance ces nouveaux principes que seraient la sécurité juridique ou la croyance légitime, dont par exemple la non-rétroactivité de la loi n'auraient été qu'un exemple.
D'une façon plus générale, cet engouement pour le droit et pour le juge n'a pas que des effets heureux, écartant d'autres mécanismes sociaux et rendant en cela la paix sociale et celle des famille plus fragiles.
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