4 décembre 2013

Base Documentaire : 01. Conseil constitutionnel

Conseil constitutionnel

Décision du 4 décembre 2013 relative à la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière

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La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière votée par le Parlement a été déférée par 60 sénateurs avant sa promulgation.

Les requérants contestent le droit conféré par la loi à des associations agréée d'agir comme partie civile en matière d'infraction de corruption, considérant qu'il s'agit d'une "privatisation de l'action publique".  Le Conseil répond qu'un tel droit d'action ne remet pas en cause la présomption d'innocence et n'atteint pas la vie privée, qu'en outre il y a le contrôle préalable par l'agrément de l'association et que la procédure pénale est organisée pour que la partie civile ne soit pas maîtresse de la procédure, même si celle-ci a le pouvoir de mettre en mouvement l'action publique, laquelle demeure distincte.

Les requérants soutiennent que la possibilité pour une peine de varier selon le chiffre d'affaires réalisé par la personne  est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant la loi et que, la peine devenant variable, la loi cesse d'être accessible et intelligible, ce qui est un objectif à valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel reprend l'article 8 de la Déclaration de 1789 qui n'admet que des peines "strictement et évidemment nécessaires", mais souligne que le Conseil ne dispose pas de la même marge d'appréciation que le Législateur et doit se contenter de veiller à l'absence de "disproportion évidente entre l'infraction et la peine encourue".
Or, en prévoyant une peine "établie en proportion du chiffre d'affaires de la personne morale prévenue ou accusée, le législateur a retenu un critère de fixation du montant maximum de la peine encourue quine dépend pas du lien entre l'infraction à laquelle il s'applique et le chiffre 'affaires et est susceptible de revêtir un caractère manifestement hors de proportion avec la gravité de l'infraction constatée.
Dès lors, le Conseil déclare la disposition contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789.

Les requérants critiquent ensuite le système mise en place par la loi des "repentis", par lequel celui qui, ayant participé à l'infraction, la dénonce et obtient de ce fait une réduction de moitié de sa peine. Ils considèrent que la peine devient ainsi "arbitraire", puisqu'elle est réduite par les juges sans considération de la culpabilité de la personne et qu'en outre la dénonciation par un repenti ne constitue pas une preuve fiable, ce qui est contraire au principe constitutionnel du procès équitable.
Le Conseil répond en relevant que le législateur a voulu obtenir la coopération des auteurs d'infraction ou de leurs complices, prévenir les troubles à l'ordre public et accroître l'efficacité de la recherche des auteurs. Au regard de ces buts, la différence de traitement entre les délinquants "repose sur des critères objectifs et rationnels en lien direct avec les objectifs poursuivis".
Le Conseil déclare donc le dispositif conforme à la Constitution.

Parmi d'autres dispositions, les requérants critiquent celle par laquelle le Ministre peut ajouter à la liste des "États non-coopératifs" en matière de lutte contre la fraude fiscale, des  États qui n'ont pas d'accords d'échanges administratifs automatiques d'informations. Les requérants estiment qu'il s'agit d'un "critère impossible" car personne ne sait ce qu'est un "échange automatique d'information".
Le Conseil constitutionnel relève qu'à ce jour, la France n'a conclu aucune convention bilatérale stipulant une clause d'échange automatique d'informations, ce qui permet l'inscription de tout Etat dans la liste des États non-coopératifs, et rend la mesure disproportionnée.
La disposition est donc déclarée contraire à la Constitution.

Les requérants critiquent l'instauration du procureur de la République financier. Ils s'appuient sur le fait qu'il a une compétence qui se superpose aux compétences déjà conférées à d'autres, ce qui rend le système incompréhensible, et de ce fait contraire à la Constitution. En outre, deux procureurs près le Tribunal de grande instance de Paris est contraire au principe de bonne administration de la justice.
Mais le Conseil estime qu'il existe des mécanismes généraux garantissant la cohérence de l'action publique, notamment le Ministre de la justice et le procureur général, ainsi que la procédure de règlement des juges, ce qui suffit à rendre le système conforme à la bonne administration de la justice et au principe d'intelligibilité.
 
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