12 juillet 1991

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

Cour de cassation, assemblée plénière

Arrêt du 12 juillet 1991

La jurisprudence précédente, par l'arrêt d'assemblée plénière du  7 février 1986, avait donc posé que, dès l’instant qu’il y avait un transfert de propriété d’une chose, même si la chaîne de contrats était hétérogène, l’action du cocontractant finale était nécessairement contractuelle, alors même qu’elle était dirigée contre le fabricant, tiers par rapport à lui.

Dans le cas qui donna lieu à l’arrêt d’assemblée plénière du 12 juillet 1991 le cas était juridiquement plus difficile car il s’agissait d’une chaîne composée de deux contrats d’entreprise, lesquels n’engendrent que des obligations de faire et non pas d’obligation de transférer la propriété. Dès lors, le fondement juridique pour affirmer la transmission d’une action contractuelle associée à la chose avait disparue.

En l’espèce, une personne, maître d’ouvrage, a demandé à une autre (maître d’oeuvre) de surveiller et d’organiser pour elle la construction d’un édifice. L’entrepreneur principal a passé un sous-contrat non plus d’achats de matériaux mais également un contrat de construction. Les travaux de plomberie exécutés par le sous-traitant s’avèrent par la suite défectueux et le maître d’oeuvre assigne tout à la fois l’entrepreneur principal et le sous-traitant en réparation du préjudice subi, sur le terrain délictuel.

La Cour d’appel de Nancy, par un arrêt du 16 janvier 1990, déclare irrecevable l’action dirigée contre le sous-traitant, car les juges du fond estiment que le créancier ne dispose contre celui-ci que d’une action nécessairement contractuelle.

Un pourvoi est formé, et la Cour de cassation se contente alors, dans un pur syllogisme, de viser tout d’abord l’article 1165 du Code civil ; puis de rappeler par un attendu de principe que les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; qu’après avoir rappelé les cas, la Cour rappelle que le sous-traitant n’est pas contractuellement lié au maître de l’ouvrage et qu’en conséquence la Cour d’appel a violé le texte mentionné en visa.

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Sous le classicisme de la décision, c’est un point d’arrêt que la Cour de cassation met en réalité à l’innovante jurisprudence des chaînes de contrat et à la transmission des actions en justice. En effet, le juge accepte pour mieux protéger la victime que celle-ci dispose d’une action contractuelle, pour être garantie, mais encore faut-il trouver un fondement. Il était déjà audacieux en 1986 de considérer qu’une action en justice était en quelque sorte glissée de la chose dont la propriété était même une seule fois transférée dans la chaîne, mais le fondement devient indisponible si toutes les obligations de la chaîne sont des obligations de faire ou de ne pas faire, comme dans les contrats d’entreprise.

De toutes les façons, des lois spéciales sur la responsabilité automatique du fait des produits défectueux viendront relayer ces contorsions du droit commun de la responsabilité. En effet, les choses défectueuses comme les choses dangereuses ont envahi notre vie quotidienne, et le droit commun, conçu en 1804, même si la jurisprudence l’a modernisé, ne parvient pas ici à s’extirper de la règle du non-cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle.

C’est pourquoi, sous l’influence notamment des travaux de Geneviève Viney, se mettent en place des lois spéciales qui s’appliquent au bénéfice des victimes de produits défectueux, sans souci de savoir si celle-ci était dans une situation contractuelle ou dans une situation délictuelle. La première de ces lois est la loi du 19 mai 1998, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, suivi par une directive du 3 décembre 2001. L’on mesure une nouvelle fois la dialectique entre le droit commun, aménagé par le jurisprudence d’une façon précoce et le droit spécial qui vient dans un second temps.


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